Artichaut (Cazin 1868)
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Nom accepté : Cynara cardunculus Groupe Artichaut
Cynara hortensis aculeata. Bauh., T. — Scolymus. Dioscor.
Synanthérées. — Cynarées. Fam. nat. — Syngénésie polyg. égale.
L’artichaut, plante vivace, cultivé dans nos jardins comme plante potagère, est originaire du midi de l'Europe ; il redoute les hivers rigoureux. Dans l’état sauvage, l’artichaut a le port de nos chardons ; c'est à la culture qu'il doit le développement considérable qu'il acquiert. On ignore l'époque où l'horticulture en a fait la conquête. D’après Athénée[1], les Grecs le mangeaient sous le nom de Kynara.
Description. — Racine grosse, longue, ferme, fusiforme. — Tige droite, épaisse, cannelée, cotonneuse, haute de 60 à 90 centimètres. — Feuilles alternes, très-grandes, armées d’épines que la culture fait disparaître, profondément découpées, d’un vert cendré en dessus, blanchâtre et tomenteuses en dessous ; involucre renflé à sa base, composé d’écailles épaisses, imbriquées, charnues ; réceptacle charnu, hérissé de soies. — Fleurs (fleurons) d’un pourpre azuré, disposées en tête volumineuse, souvent solitaire ; tube de la corolle très-long, fusiforme, à limbe divisé en cinq lanières très-étroites, dressées, conniventes ; anthères terminées supérieurement par un appendice très-obtus. — Fruits couronnés par une aigrette plumeuse, sessile.
Parties usitées. — Involucre, réceptacle, feuilles, tiges, racines. — La culture et la récotte des artichauts sont trop connues pour que nous ayons à nous en occuper.
[Culture. — On multiplie le plus souvent les artichauts par éclats de pied ; à I entrée de l’hiver on coupe les feuilles et on les recouvre, ou bien on les rentre à la cave ; on peut faire aussi des semis en février ou en mars sur couche tiède ou sous châssis ou en pots pour mettre en place en mai et juin, ou bien enfin on sème en place à la fin d’avril]
Propriétés physiques et chimiques. — L’artichaut contient beaucoup de tannin et un principe très-amer. Les fleurs caillent le lait, sans donner de mauvaise qualité au petit-lait ; aussi les Arabes s’en servent-ils pour la fabrication de leurs fromages. [On emploie le plus souvent à cet usage la chardonneret ou fleur du cynara cardunculus, dont on mange les pétioles sous le nom de cardons ; en traitant les feuilles d’artichaut par l’eau à I’ébullition et faisant évaporer, reprenant l’extrait par l’alcool à 33°C. et faisant réduire en consistance pilulaire, on obtient une masse ressemblant à l’ aloès, ayant sons gout sa cassure vitreuse et formée en grande partie d’une matière analogue à l’aloéline que Guitteau, qui l’a découverte, nomme cynarine]
Substances incompatibles. — le sulfate de fer.
A L’INTERIEUR. — Décoction des racines ou des feuilles. |
Teinture alcoolique (1 kilogr. de feuilles dans 2 kilogr. d’alcool. — 15 jours de macération), 8 à 30gr. trois fois par jour. |
La racine, la tige, les feuilles, etc., de l’artichaut, sont amères, toniques,
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- ↑ Banquet des savants.
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diurétiques. La substance charnue qui forme la base des écailles de l'involucre, et le réceptacle, sont employés comme aliment. Les artichauts jeunes et tendres ont une saveur agréable qui devient âpre à mesure que la maturité s’avance ; ils ne peuvent plus alors être mangés crus à la poivrade ; mais la cuisson leur fait perdre leur âpreté et leur consistance trop solide.
L'artichaut se digère facilement et nourrit assez bien. Loin d’engendrer des sucs bilieux et mélancoliques, comme le prétend Galien, il ramène l'appétit, convient à l'homme sédentaire, aux convalescents, aux valétudinaires.
Les racines d’artichaut ont été signalées comme diurétiques et apéritives.
J’ai vu des paysans employer avec succès, comme recette de famille, la décoction de racine d’artichaut dans le vin blanc contre l’hydropisie, la jaunisse et les engorgements abdominaux qui accompagnent ou suivent les fièvres intermittentes. Le suc des feuilles, à la dose de 30 à 100 gram. dans un verre de vin blanc, est aussi mis en usage dans les mêmes cas. « Wilson[1] affirme avoir obtenu de bons effets du suc épaissi d’artichaut dans les hydropisies provenant d’une affection hépatique, et qui avaient résisté à beaucoup d'autres remèdes.
Montain[2] a employé l’extrait d'artichaut avec succès comme fébrifuge. Trousseau et Pidoux ont vu employer la poudre des feuilles contre, les fièvres intermittentes, par les paysans du Berry, mais ils n’en ont pas constaté eux-mêmes les propriétés. Fournier et Vaidy[3] ont obtenu des succès assez constants de la décoction de queue d’artichaut dans une épidémie de fièvres quotidiennes et tierces qui régna à Valencay et dans les campagnes environnantes. Cependant Bailly a fait un rapport peu favorable a l'Académie de médecine sur l’extrait d'artichaut que Montain avait présenté, sous le nom d'extrait cynarique, comme amer et fébrifuge. La commission ne lui a pas reconnu les vertus fébrifuges qu’on lui avait attribuées ; ce n’est qu'à la dose de plusieurs onces que l’on est parvenu, dit-elle, à supprimer les accès de fièvre ; mais son amertume est tellement insupportable, qu’à cette dose les malades ne peuvent se décider à le prendre. Cependant, la commission a pensé que si l’on ne peut l’employer comme fébrifuge, il. pouvait être utile comme amer.
Copeman[4] dit avoir employé avec succès l’artichaut contre le rhumatisme aigu et chronique. Il a donné la teinture et l’extrait des feuilles ; la première était obtenue en faisant macérer pendant quatorze jours deux livres de ces feuilles dans deux pintes d’alcool ; la dose était de 8 gram. à 30 gram. trois fois par jour. « Les faits, disent Trousseau et Pidoux, ne nous semblent nullement probants, et il est bien probable que l’artichaut n’est guère plus utile dans le rhumatisme que dans la fièvre intermittente. » Il faut tenir compte ici de la prévention de Trousseau et Pidoux contre les fébrifuges indigènes.
Levrat-Perroton a publié quelques faits qui constatent l’efficacité du suc de feuilles d'artichaut dans le traitement de l'ictère chronique. (De nouveaux faits publiés depuis[5] et les expériences de Capenas (de Norwich) semblent corroborer ces résultats.)
Otterbourg a communiqué à la Société médico-pratique de Paris trois observations qui ont donné lieu à Aubrun et Charrier de signaler une méthode de guérir la diarrhée, qui est mise souvent en usage dans toutes les affections chroniques des intestins par un médecin distingué, Moissonet. « Chez un enfant de sept ans, ayant un cours de ventre depuis six mois, il prescrivit de manger quatre artichauts crus à la poivrade. L'enfant en man-
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- ↑ Conspect des pharmaciens de Dublin, etc., p. 45.
- ↑ Bulletin de l'Académie de médecine, 1838.
- ↑ Dictionnaire des sciences médicales, t. XV, p. 324.
- ↑ The London medical Gazette, 1823.
- ↑ Abeille médicale, 1863.
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gea pendant cinq ou six jours ; la diarrhée avait disparu. Charrier a vu une diarrhée qui avait deux ans d’existence cesser sous l’influence du même moyen. L’artichaut agit-il comme astringent, ainsi que Homolle paraît le croire ? Le phosphore qu’il renferme serait-il pour quelque chose dans cette propriété curative, question soulevée par Dreyfus ? Bornons-nous à signaler le fait sans en chercher l’explication[1]. » (En Allemagne on a préconisé l’artichaut contre les névralgies, le scorbut, etc.)
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- ↑ Bulletin des travaux de la Société médico-pratique, 1852, p. 110.