5-1 Galettes dans la préhistoire et l'antiquité (Maurizio)

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Four à pain
Maurizio, Histoire de l'alimentation végétale (1932)
Galettes chez les peuples du nord

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CINQUIÈME PARTIE
DES BOUILLIES AUX GALETTES


CHAPITRE PREMIER
LES GALETTES DANS LA PRÉHISTOIRE ET DANS L'ANTIQUITÉ


Galettes, gâteaux ou flans

Les premiers aliments de la famille du pain sont des morceaux plats de bouillie torréfiée sur des pierres chaudes (ou cuits autrement) et que l'on nomme galettes, gâteaux ou flans, (Fladen, Kuchen, Zelten).

Ces galettes dérivent donc de la bouillie et, comme la bouillie, on les mangeait chaudes, au moins primitivement. Les galettes sont la première sorte d'aliments épaissis, que les hommes aient préparée. C'est-à-dire, d'aliments desséchés, condensés, capables au hesoin de se conserver quelque temps.

Au commencement, les céréales qui servaient à faire les galettes n'étaient pas plus nettoyées ni décortiquées que celles servant à faire les décoctions (ou soupes) et les bouillies. Les enveloppes de grains et les glumes, les morceaux de paille que contiennent actuellement les galettes des populations du nord de l'Afrique, des Huzules et des Gorales, en font des aliments pareils à du bois, grossiers et chargés de sable. La mie absolument compacte de ces galettes (si on peut pour un pareil produit parler de « mie ») a pour unique agent de division ou de légèreté, dans les meilleurs cas,


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les substances indigestes, fibreuses, incapables de se gonfler dans l'eau, que renferme la pâte. Ces galettes préparées avec de la farine plus ou moins claire, ou plus ou moins grossière, ne lèvent pas, elles restent à l'état caséeux. Refroidis et desséchés, ces gâteaux sont pareils à de la corne ; translucides quand on les coupe ou les casse. Il n'est pas étonnant qu'on aime mieux manger chaudes ces galettes, car, une fois desséchées, elles coupent et rapent la bouche et le gosier. Les galettes préparées avec de la farine tout à fait fine peuvent arriver à ressembler aux autres pâtisseries de farine.


Les galettes aux époques primitives. Les « pains » des cités lacustres

LES GALETTES AUX ÉPOQUES PRIMITIVES. - Les cités lacustres suisses des âges de la pierre et du bronze nous ont livré des objets cuits qui ont leur place dans la série d'aliments commençant avec l'ébullition de l'eau à l'aide de pierres incandescentes puis arrivant aux bouillies et aux galettes. Heer, déjà, considéra ces objets comme des galettes ou flans (Zelten) et il serait inutile de les décrire à nouveau, tant la description qu'il en a donnée est parfaite, si nous n'étions pas dans l'obligation d'étudier techniquement les galettes lacustres et leur place dans la série des aliments primitifs dérivant des céréales. Pour faire cette comparaison, les matériaux conservés dans les musées suisses sont suffisants. C'est d'eux surtout qu'il s'agira dans ce qui suit.

Les flans des palaffites sont complètement carbonisés et il est assez rare d'en trouver des morceaux renfermant quelques restea qui ne le soient pas, comme certains exemplaires de Robenhausen. Il faut un heureux hasard pour que nous retrouvions non carbonisés quelques morceaux des enveloppes des grains de blé, sur la face interne des flans. Du reste il était a priori évident, pour tout chimiste, que les éléments végétaux conservés n'avaient pas pu graduellement subir une transformation en tourbe, puis en charbon. Les derniers doutes sur ce point furent levés par C. Schröter. Il arriva à la conclusion que les restes végétaux (et aussi les galettes) « sont arrivés dans la terre déjà carbonisés et doivent à cette circonstance leur bonne conservation ». Ce fait est particulièrement vrai pour les plantes tombées dans l'eau. Les débris qui remontent au moyen âge sont, eux aussi, carbonisés. S'ils ne l'étaient pas, ils n'offriraient (comme les grains du VIe au XIIe siècle que j'ai entre les mains) pas autre chose qu'une pellicule vide, renfermant un peu de poussière sans contenu. Le millet ne fait pas exception à cette règle, mais au contraire ses enveloppes (glumes) étaient bien conservées. En Egypte cependant, sous un climat sec, les débris végétaux se comportent autrement. Mais


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dans tout cela il ne s'agit pas de nos flans et cette indication peut suffire[1].

J'examine depuis plusieurs années les galettes des cités lacustres dans les collections. Je ne crois pas qu'on doive nécessairement considérer comme étant un morceau de galette tout morceau de pâte de céréale présentant une surface plate que l'on juge correspondre à une surface de chauffe. A moins que des indices plus décisifs ne nous en apportent la confirmation, nous ne ferons donc pas état ici de tels fragments douteux. Insistons sur le fait que les flans ou galettes des cités lacustres suisses de l'âge de la pierre ou de l'âge du bronze sont absolument semblables à ceux que nous voyons actuellement préparer par de nombreuses populations.

Parmi les grains servant à la préparation des flans, c'est le millet, une plante à bouillies, qui a de beaucoup la prépondérance. On a trouvé d'incontestables gâteaux de millet dans la série de gisements et régions que voici : Auvernier, Bade, Buchs, Irgenhausen, Mörigen, Montelier, Nidau, Rohenhausen (Fennichbrot de Heer), Wangen, Wollishofen, et aussi, avec mélange de froment au millet, à Mörigen et Sutz. Les trouvailles de Mörigen, celles du lac de Morat, de Robenhausen et de Sutz sur le lac de Bienne, se rapportent à des galettes de froment pur, d'autres, de Robenhausen, sont d'orge et de froment. Un gâteau provenant de Storen sur le Greifensee ne renferme que de l'orge. La grande diffusion du millet est établie par beaucoup d'autres trouvailles jusque après l'âge du fer. II est bien possible que le millet ait été l'aliment des ouvriers pendant que les classes dirigeantes mangeaient des galettes d'orge ou de froment. Il est en effet une idée qui s'impose toujours davantage lorsque l'on étudie plus longuement les divers vestiges de cette antique civilisation, c'est que les hommes qui portaient les merveilleuses parures et les riches armures de l'époque de Hallstatt ne devaient pas avoir pour aliment les lourdes et grossières galettes de millet. Du gisement de Wangen, nous avons des gâteaux de millet et de pavot. On ne sait si ces gâteaux de pavot étaient une sorte de pâtisserie fine, une des plus anciennes friandises que nous connaissions. Le degré de division des grains de céréales dans les galettes est d'ailleurs tout à fait conforme à ce que Heer en a dit. On avait déjà l'habitude de séparer du grain les semences des mauvaises herbes et il semble assez certain qu'à l'âge de la pierre les grains mêmes des céréales subissaient un concassage grossier.

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  1. Heer (O.), loc. cit.; Schröter (C.), loc. cit. ; Hoops (J.), passim. Arbres cultivés et plantes agricoles in : Reallex. d. german Altertk. (au nom des diverses cêréales).


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Divers détails précis caractérisent très bien l'aspect des petites galettes dont nous parlons. On voit comme quoi ces morceaux reposaient sur des pierres pendant la cuisson et on distingue bien le dessus du dessous. Le côté de la cuisson est régulièrement ridé. Le bord, qui se détacha de la pierre quand la cuisson fut finie, est caractérisé par de bons indices, qu'on retrouve toujours. La pâte coulait en pelottes par dessus la pierre, comme le montrent les reliefs arrondis de la croûte, lorsqu'il était fait usage d'une sorte de pâte très liquide. Si on examine d'autres flancs, on reconnaît aussi, à de menus restes, les parties proéminentes qui forment, du côté supérieur, au voisinage du bord, un petit rempart annulaire. Ce petit rempart se produit aussi lorsque la cuisson est faite sur une surface plate, car on le voit se produire de même à la face supérieure des flans modernes dont il est si souvent question dans ce livre. Donnons encore quelques détails sur l'aspect et les autres particularités de ces restes de galette. Qu'ils datent de l'âge de la pierre ou de l'âge du bronze, qu'il s'agisse de simples débris ou de beaux exemplaires très bien conservés, les côtés intérieurs sont toujours, sur toute leur surface, régulièrement ratatinés et marqués de nervures puissantes. En beaucoup de places, on remarque des grains de céréales entiers ou des empreintes de grains, permettant une identification. Les faces supérieures ont un aspect tout différent : elles sont unies et, en beaucoup d'endroits, presque pareilles à la croûte de nos pains modernes, par conséquent sans détails de structure. En examinant mieux on voit des petites cavités, apparues par suite du retrait, mais aussi des grains de céréale à l'état naturel, ou à l'état décortiqué (?) [hülste : serait plutôt vêtus] se prêtant à l'étude.

Les mesures suivantes nous renseignent sur la dimension de ces galettes. Les morceaux provenant de la station de Storen sur le Greifensee et datant des époques récentes de l'âge de la pierre polie, bombés dans leur ensemble et creux du côté interne ont 7 × 5 cm. 5 sur 6 à 8 millimètres d'épaisseur, 7 × 5 centimètres et 13 millimètres, 5 × 4 centimètres et 13 à 16 millimètres. Il y a aussi des morceaux allongés et plus minces : 7 × 1,3 ou 1 centimètre et diminuant à partir du bord jusqu'à 2 à 5 millimètres d'épaisseur. Les plus grands morceaux ont donc de 6 à 13 millimètres d'épaisseur. Si on en juge par leur bombement, l'espèce de rempart circulaire et la profondeur du creux, le diamètre des flans était de 12, 13, 14, 16 centimètres. Donnons encore le relevé de quelques mensurations.

Des morceaux remontant aux époques les plus récentes de l'âge


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de la pierre (Schötz : Gätter, IV) du canton de Lucerne, voûtés, plus minces vers le bord, et nettement terminés, ont pour mesures 8 × 5 centimètres et 6 à 13 mm. 5 d'épaisseur ; 5 × 4 cm. 5 et 10 à 12 millimètres d'épaisseur ; 4 × 3 cm. 5 et 4 à 7 millimètres. Les surfaces sont unies et, comme le petit rempart au voisinage du bord est manifestement courbe, les flans mesuraient de 14 à 15 centimètres de diamètre, de 16 à 18 centimètres pour les plus gros. Il y a des fragments qui ne permettent pas aussi facilement le calcul de la dimension générale. Un flan du musée d'Yverdon, provenant de Corcelles sur Concise, canton de Vaud, nous retiendra surtout, il est d'un intérêt particulier car il est le seul flan préhistorique qui nous soit parvenu complet. Il appartient à l'âge du bronze[1]. Tandis que certains flans figurant dans les collections ne sont qu'un produit grossier de l'âge de la pierre (Robenhausen), faits de grains cuits presque à l'état naturel, et si peu cohérents que la pâte a coulé, ce flan eat un bien meilleur produit de cette boulangerie primitive. Si on retourne cette galette, pour faire arriver l'ombre dans la région du rebord, on constate facilement l'existence d'empreintes de doigts, trois côte à côte, et, à quelque distance, l'empreinte du petit doigt. En comprimant la galette sur la pierre on cherchait évidemment à augmenter la surface de chauffe. D'ailleurs il est à noter que la pâte était bien pétrie et qu'elle enserrait très solidement les nombreux grains visibles à sa surface, entiers, mais décortiqués. On croit reconnaître en certains endroits le blé à petits grains [kleinkörniger Weizen] mais d'autres montrent des grains décortiqués et même aussi probablement perlés (roulés). On les voit se détacher nettement comme des formations rondes, allongées, ou allongées et ventrues. Mais il est d'autant moins facile de les déterminer sûrement que même ceux situés au voisinage de la surface sont plus ou moins engagés dans la masse uniforme et ne laissent voir qu'un seul côté. A moins de sacrifier la galette on ne peut pas en éclaircir la constitution. Probablement elle est composée de fromeat décortiqué et plus ou moins roulé dans le mortier. Le petit pain dont il s'agit est cuit sur une pierre. Son diamètre est de 10 centimètres, avec une épaisseur au bord de 2 cm. 5. La plus grande profondeur de la cavité (qui est un peu allongée) s'élève à 1 cm. 5. On ne peut méconnaître le progrès réalisé dans la fabrication des galettes entre l'âge de la pierre et l'âge du bronze, en comparant ces flans. Mais cela n'empêche pas qu'il y eut aussi

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  1. Sur la cité lacustre (Corcelles) d'où il provient, v. Jb. d. Schweiz. Ges. f. Urgesch, 9, 1916, 45.


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à l'âge du bronze des flans très grossiers. De même que, dans une grande partie de l'Europe, le peuple de paysans qui travaille durement et la population des villes ont pour signe distinctif de manger les uns de la bouillie de millet et de sarrasin, les autres du pain blanc, de même, aux époques particulières et limitées de l'histoire de l'alimentation dont il s'agit ici, l'usage des flans grossiers ou des flans plus fins distingua non des époques successives mais des catégories sociales.


Galettes de l'époque actuelle dans l'Europe centrale

Avant de quitter la question des galettes préhistoriques, nous avons quelques remarques générales à faire sur ce produit tout à fait compact de la cuisson des céréales.

On connaît aussi des flans ou galettes dans les régions alpines de l'Autriche, mais ils s'éloignent extrêmement par leur caractère de finesse des vrais flans des Petits Russiens, des habitants des Carpathes, des Serho-Croates, des Lapons, et d'autres peuples. L'étude exacte des nombreuses galettes modernes que j'ai analysées chimiquement m'a fait apprécier clairement l'énorme progrès qui fut réalisé lorsqu'on remédia à la compacité des pâtes (en les faisant lever). Nous connaissons des pains grossiers, mais ces pains sont pourtant, même grossiers, encore poreux dans une certaine mesure. On peut avoir une idée de ce qu'est une pâte compacte (une pâte lardée) en examinant les minces couches gommeuses qui se trouvent sous la croûte molle et nullement croustillante de certains pains mal cuits. Même dans le pain blanc il peut s'en produire. Quand on met dans de la soupe brûlante des morceaux d'une croùte de pain ayant ces caractères, ils peuvent y rester cinq minutes sans se dissocier. Mis dans la bouche et mâchés, ils se comportent comme du cuir humide ou comme de la couenne de lard. Leur résistance est bien connue. Aussi un vrai mangeur de pain ne manque-t-il pas d'enlever avec son couteau ces morceaux de croûte. Mais, sur ce sujet, les recherches exactes font défaut. Les galettes fraîches, encore chaudes, opposent moins de résistance à la mastication. Beaucoup de galettes modernes étudiées par moi étaient rudes comme une brosse et n'étaient lisses qu'à la surface, tout à fait semblables en cela, du reste, aux galettes des cités lacustres et aux pains de famine des Russes. L'analogie entre les uns et les autres est aussi très grande quant à leurs dimensions et à leur épaisseur. Cependant j'ai vu des flans plus grands qui avaient jusqu'à 20 centimètres de diamètre, jusqu'à 3 centimètres d'épaisseur de couches feuilletées d'aspect indéterminé ou jusqu'à 25 centimètres de large sur 70 centimètres et plus de long. Les petits sont ronds et sont alors épais de 15 à 30 millimètres. Partout


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où, dans l'antiquité, en y comprenant les Juifs, il est question de pain, il y a aussi des galettes (ou flans) que la Bible nomme gâteaux (Kuchen).

Le flan de la préhistoire ou celui de la protohistoire ne peuvent être étudiés, ne peuvent être compris si on ne connaît pas les flans des populations actuelles, qu'il s'agisse des Indiens de l'Amérique du nord ou du sud, ou des simples sauvages ou des populations à haute civilisation de l'Asie, que ces flans viennent du nord de l'Afrique, de la Roumanie, ou des pays slaves. Je comparerai donc, dans ce qui va suivre, les galettes préhistoriques aux galettes actuelles, comme grosseur, comme diamètre, comme teneur en cendres et en sable. Si on brûle nos modernes flans sous un accès d'air suffisamment réduit, comme brûlèrent les flans des cités lacustres, on obtient un charbon qui reproduit très exactement la structure de la surface, l'épaisseur du flan et son diamètre. Si on fait brûler de cette manière des flans de maïs, de seigle, d'avoine et de millet, le poids de charbon que l'on obtient est le suivant, selon la teneur variable des flans en eau. Des flans contenant 50 % d'eau donnent 20,47 % de charbon. Ceux contenant 10 % d'eau en donnent 36,77 %. Ceux qui sont tout à fait secs en donnent 40,85 %. Nous pouvons maintenant comparer les flans préhistoriques aux flans modernes quant à leur teneur en cendres et en sable. Ceux qui nous ont servi pour cette étude viennent des localités suivantes :

1) Wollishofen (âge du bronze, millet) ; 2) Robenhausen (néolithique, froment et orge, c'est ce qu'on nomme le pain ordinaire des cités lacustres) ; 3) Wangen sur le lac de Constance (néolithique, millet) ; 4) Storen sur le Greifensee (néolithique, orge) : 5) Schötz, dans le canton de Lucerne (néolithique, froment, peut-être avec mélange d'orge). Le tableau suivant résume les valeurs trouvées pour la teneur en sable et en cendres.

Eau
%
Charbon privé d'eau Flans privés d'eau en
admettant que 100 gr. de flans
donnent 40 gr. de charbon
Cendres % Sable % Cendres % Sable %
1 2,04 9,81 6,09 3,92 2,43
2 7,43 14,42 6,59 5,76 2,63
3 5,28 17,55 12,90 7,05 5,16
4 7,60 10,61 6,00 4,24 2,50
5 11,15 8,74 1,99 3,46 0,79


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Les teneurs indiquées sont trop fortes, car il faudrait pouvoir tenir compte du taux des cendres que l'eau a déposées dans le charbon et du taux qu'elle en a extrait. On trouve aussi dans le total du sable une certaine quantitée qui y est arrivée par pénétration. L'examen à la coupe me fait estimer cette quantité à 1/3 du sable. Par suite de ces rectifications, la teneur en sable des flans secs de l'âge de pierre et de l'âge du bronze se trouve réduite comme suit :

N° 1 = 1,62 %,
N° 2 = 1,75 %,
N° 3 = 3,44 %,
N° 4 = 1,67 %,
N° 5 = 0,53 %.

Enfin, pour approcher davantage de la vérité, il faudrait encore soustraire du sable ainsi réduit des flans de millet environ 50 %, parce que les cendres naturelles des grains de millet sont formées pour moitié de silice. Tout le calcul aboutit donc à une simple approximation, mais elle suffit à établir que la teneur en sable des galettes préhistoriques n'est pas inférieure à celle de nos flans modernes. Les galettes de ces époques si reculées sont analogues aussi aux nôtres comme dimensions et comme épaisseur, ainsi que le montrent les mesures suivantes.

1° Galettes modernes (comparez avec le tableau de la p. 450, 4, 12). Diamètre : de 9 centimètres à 25 centimètres (mais il y a, comme Bibra l'a déjà signalé, comme le montre la figure 80, des flans plats, minces et très grands.) Epaisseur : de 8 à 25 millimètres et aussi de très minces, 2 à 3 millimètres et au-dessous.

2° Galettes préhistoriques[1]. Diamètre : 10, 12, 13, 14, 18 centimètres. Epaisseur : 2, 5, 6, 8, 10 millimètres jusqu'à un maximum de 25 millimètres.

Si on compare avec les « pains-flans » [Fladenbrot] encore en usage en Galicie, en Croatie et aussi en beaucoup d'autres contrées (qu'il s'agisse de pâte fermentée ou de pâte non fermentée) on constate une différence remarquable car ces « pains-flans » ont les dimensions suivantes (voyez les deux tableaux des pages 450, 530, 531).

Diamètre : 19 à 23,5 cm.
Épaisseur : 19 à 45 mm.

Dans cette comparaison, on a de bonnes raisons de considérer comme « flans » les pièces ayant moins de 25 millimètres d'épaisseur

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  1. Les galettes des lacustres du lac de Constance ont 15 à 25 mm. d'épaisseur (Cf. Hoops). Voir aussi : Maurizio : Anzeiger für schweiz. Altertumsk, loc. cit.


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et comme « pains-flans » celles qui atteignent 45 millimètres. En ce qui concerne les véritables « pains », les plus petits d'entre eux sont certainement plus épais et les grands ont de 70 à 100 millimètres d'épaisseur. Les pains de froment ont plus encore. Il sera question plus loin de la nature des céréales servant actuellement à la fabrication des flans et de leurs autres particularités, à propos des pains-flans et des véritables pains de la sorte la plus grossière.

Signalons encore une particularité, parce qu'elle est commune à toutes les galettes. Toutes les sortes de flans ont cela de commun avec les diverses sortes de bouillies que, dans la préparation des uns et des autres, on n'emploie pas seulement une ou deux sortes de céréales, mais plusieurs sortes, et même en mélange, de sorte qu'ainsi se constitua une expérimentation qui, peu à peu, par élimination des substances ne convenant pas pour la cuisson, aboutit à l'invention du pain. Bientôt apparaissent des ustensiles (fours ou grils) pour cuire le pain par le traitement sous les cendres. Dans l'antiquité comme aux époques récentes, les pays où on a connu les galettes sont extrêmement divers. En haut allemand le nom qui les désigne est Eschibrot ou « pain de dessous les cendres ». Le nom italien est fogaccia qui est analogue au nom serbe pogatscha. D'après Kolberg et Gloger, dans les années voisines de 1870 et jusqu'en 1890, les paysans des environs de Cracovie cuisaient pour leur premier déjeûner, particulièrement en été, des podplomyki, c'est-à-dire littéralement des « sous la cendre » qui étaient faits de seigle. Les colons de l'Australie nomment le même produit damper. Pendant les misères de la guerre de Trente Ans, Simplicius Simplicissimus apprit à les apprécier : notre pain, ou, pour mieux dire, nos gâteaux sont cuits dans la cendre chaude et sont faits de n'importe quel grain écrasé. Dans la basse vallée du Rhin, le souvenir de cette boulangerie primitive s'est évidemment conservé, étant donné qu'on désigne insolemment un pain mal levé du nom de Aschenplatz (gâteau de cendre). Ces dénominations donnent donc lieu à beaucoup de rapprochements intéressants[1]. Je donne dans le tableau ci-contre l'analyse des vraies galettes de la Pologne, de la Suède, de la Laponie. Mais la teneur en eau indiquée est considérablement trop faible, parce que ces galettes me sont arrivées déjà en partie desséchées. Remarquons leur poids spécifique très élevé, leur forte teneur en matières grasses, en fibres végétales brutes et en sable. Les galettes portant les numéros 4 à 8 étaient pareilles à des flans

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  1. Sur les anciens noms (germaniques ou autres) des galettes, v. Hoops (Job.), loc. cit. ; Heyne (Moriz), loc. cit. et le schweiz. Idiotikon.


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Composition des véritables flans de Pologne et de Suède.
(Analyses de l'auteur).


Flans vrais
Grain moulu ou concassé avec le pilon ou le moulin à main.
Cuisson sur le gril, sur le poêle ou dansa la cendre
I - Flans de Galicie
II - de Suède ou de Laponie
Eau
%
Teneur de la substance sèche Nature de la céréale
Variété des flans
(Poids spécifique :
de 1/0,536 à 2/0,750).
Azote
%
Graisses
%
Fibres
%
Cendres +
Sel marin
%
Sel marin
%
Sable
%
I

1. Zakopane, Carpathes
42,24 1,99 5,52 9,95 5,17 1,80 1,79 Avoine concassée.
2. Zakopane, Carpathes 40,69 2,02 1,24 4,44 3,30 0,78 0,95 Orge concassé.
3. Wola Mnichowa près Lisko 25,96 2,17 0,54 0,47 2,99 1,39 0,22 Seigle et pomme de terre.
4. Zabie (Galicie orientale) 8,34 1.14 0,86 1,96 4,12 1,15 0,77 Orge concassé.
5. Zabie (Galicie orientale) 8,69 1,92 1,08 2,36 2,88 0,98 1,03 Farine de seigle grossière.
6. Zabie (Galicie orientale) 10,10 1,63 0,96 2,75 3,68 1,21 0,94 Maïs concassé.
7. Zabie (Galicie orientale) 9,44 1,36 1,10 2,27 3,46 1,10 0,72 Farine de froment très grossière.
8. Zabie (Galicie orientale) 9,56 1,85 0,77 5,11 4,02 0,99 1,06 Avoine concassée.
II

9. Norrland
9,76 2,05 0,54 1,02 2,30 0,71 0,15 Flans vulgaires. Farine d'orge.
10. Norrland 10,09 2,02 0,69 2,15 2,35 0,67 0,18 Flans ordinaires faits à la poêle.
11. Norrland 10,51 2,02 0,67 1,56 2,37 0,57 0,17 Pain fait sur le gril.
12. Lappland 10,44 3,16 0,35 0,74 2,95 1,30 0,19 Orge et sang (palt).


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préhistoriques au point qu'on pouvait s'y méprendre. Il n'y avait de différence ni dans leur dimension, ni dans la structure de leur surface. Il y avait aussi le même bord formant bourrelet et 1a même cavité du côté inférieur. Lorsque pour la première fois j'ai vu des flans de Zabie, il m'est venu à la pensée que les populations lacustres avaient dû en manger de tout pareils.


Galettes de céréales fermentées, Babylonie, etc., moyen âge. Brasserie primitive et boulangerie primitive

La fermentation, dont nous avons vu le rôle important à propos des soupes et des bouillies continua de l'avoir à l'âge des galettes[1]. Nous devons à Hrozny une intéressante étude sur ce sujet. Dans l'ancienne Babylonie, les instructions pour la préparation de la bière datent de 2800 avant J.-C. mais sont la rédaction de pratiques bien plus anciennes. Il n'est pas de civilisation qui nous fasse pénétrer aussi loin que celle de Babylone dans le passé de l'industrie du pain et de la bière et il y eut sans doute auparavant de nombreux siècles d'essais et de développement. Cette civilisation est plus ancienne que celle d'Egypte, longtemps considérée comme la plus ancienne. Hrozny reproduit six recettes babyloniennes pour la fabrication de la bière. On connaissait des bières d'orge, de blé à amidon (Triticum dicoccum) et des bières faites du mélange des deux. Il y avait une bière «qui n'était pas bue, mais mangée », et aussi bien une bière épaisse qu'une « bière mère », c'est-à-dire qui servait comme le levain en boulangerie à mettre en train la fermentation de la bière. Bien des raisons portent à croire que toute la masse solide brassée était mangée, comme on l'observe encore à présent chez les primitifs actuels. La céréale nécessaire Triticum dicoccum Schrank (Blé à amidon) était auparavant plus ou moins décortiquée. Les textes mentionnent aussi la fête « de la dégustation du malt ». On y mangeait le malt (le grain germé), ce malt même auquel revient tant d'importance dans la fabrication de la braga et d'autres décoctions. Ce qui suit va mieux mettre en lumière encore l'origine commune de la bière, des bouillies et des galettes.

Comme dans l'orient moderne, on pratiquait dans la Babylonie ancienne la cuisson dans la cendre, particulièrement en voyage et parmi les pâtres. On mettait sur 1a cendre chaude une épaisse galette de pâte et on la recouvrait de cendre. Le « pain à la cendre »,

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  1. Hrozny (Friedrich), D. Getreide im alten Babylonien, Sitz. Ber. d. Kaiz. Akad. i, Wien, 1914. Philos. histor. Klasse, Bd. 173, Abhdl, i. CXXXII-CLXXVI ; Schnittger (B.), i. Reallexicon d. Germ. Altertumsk. loc. cit. au mot pain. (avec littérature et linguistique) et Umschau, 1912, Bd. 16, 1087 ; Guthe (H.), loc. cit. 406-578, et passim, Blümner, loc. cit. Sur les galettes de l'ancienne Egypte et analogues : Woenig (Franz), loc. cit., 176 et suiv., avec nombreuses figures ; Wittmack (Ueb. altägypt. Brot). Sitz. Ber. d. Ges. Naturf. Freunde zu Berlin, Jahrg, 1896. Nr. 5, pp. 70 et suiv. fig. 4.


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fabriqué avec de l'orge, était aussi fait de semoules seulement et il servait dans la préparation de la bière. La suite du travail de Hrozny, qui traite maintenant de l'orge, va nous procurer des aperçus nouveaux et importants. Les documents constatent d'abord que les flans n'étaient pas du tout la base de l'alimentation, comme est pour nous le pain, mais cependant ne manquaient jamais là où existaient la bouillie et la bière. Cet aliment d'occasion était aussi fabriqué par les boulangers. La remarque faite bien plus tard par Pline (Hist. nat., 18, 7) que les populations de l'Espagne et de la Gaule se servaient de levure de bière pour faire lever le pain est donc bien réellement fondée bien qu'on en ait douté pour ces peuples comme pour les Germains (Schnittger).

Heyne attribue aux monastères gallo-romains l'introduction de la levure de bière. Les hypothèses fondées sur la philologie ne peuvent nous être ici d'aucun secours. Je crois que les hommes ont connu bien longtemps auparavant la fermentation acide et la transportèrent aux pâtes. Les Babyloniens ont profité de l'expérience des populations préhistoriques. Il est fort possible qu'ils aient déjà connu la levure de bière et aient su rajeunir leurs extraits de malt.

Les monuments de l'ancienne Egypte, plus récents d'environ deux siècles, nous ont laissé des images fidèles de la meunerie et de la boulangerie. L'état de perfection réalisé dans la fabrication de la bière et dans celle du vin permet de présumer que les Egyptiens connaissaient aussi le pain levé. Woenig parle de pain fermenté mais non de pain à la bière, tandis que les recherches de Wittmack laissent ouverte la question de la fermentation. Pour ce savant, nous sommes en présence de « pains-flans » plats et ronds, faits de grains d'orge grossièrement moulus et sans aucun blutage. Sa figure 4 montre une table d'offrandes, garnie de vrais flans absolument pareils aux exemplaires préhistoriques de nos collections suisses, et aux flans en usage actuellement. On voit des flans tout pareils dans l'ouvrage bien connu de Ed. Meyer (Histoire de l'ancienne Egypte), sur une table d'offrandes.

Toujours selon Woenig, il semble qu'il y ait prédominance de gâteaux plats, « de la grandeur d'une assiette et de l'épaisseur du pouce, souvent avec le bord relevé ». Les autres, faits en figures d'animaux, ou coniques, sont uniquement des simulacres de pains et non pas de véritables pains. Ce sont des images d'argile.


Les azymes rituels des Juifs

Il est question de l'usage des galettes chez les Juifs en beaucoup d'endroits de l'Ancien Testament. Comme elles étaient de préférence mangées fraîches, on n'utilisait d'ordinaire aucun


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levain, « sauf dans le cas où on voulait les conserver un certain temps, par exemple en partant en voyage ». Mais ce qui précède n'est pas exact. La vérité est que la galette d'alors était déjà un gâteau rituel. Suivant le texte de l'Exode (12, 34) on n'avait pas fait surir la pâte à pain avant de quitter l'Egypte parce qu'on n'en avait pas eu le temps. On préparait ces flans, ces galettes, ces gâteaux, ces petits pains en forme de disques, et on les cuisait dans la cendre, sur une tôle ou sur une poêle. Quelquefois ils étaient minces et enroulés (Plinsen}. On les faisait aussi ronds ou en forme de cœur avec de l'huile ou du miel. La règle était pourtant qu'on mangeait les flans frais et chauds, qu'ils étaient faits de farine de froment, et de fine farine à l'occasion de visites « comme ceux que les riches mangent tous les jours ». Les pauvres se servaient de farine d'orge et, en cas de disette, ils cuisaient avec toutes sortes de fruits de légumineuses. Le second livre de Moïse renferme des prescriptions extrêmement sévères au sujet du pain sans levain (Moïse, II, ch. 12, 15, 17 à 21, 34, 39} : « Pendant sept jours vous mangerez des pains sans levain. Dès le premier jour il n'y aura plus de levain dans vos maisons, car toute personne qui mangera du pain levé, du premier au septième jour sera retranchée d'Israël ». Voici plus loin le passage relatif aux pains pour la fête de la Pâque et pour les offrandes, c'est-à-dire les pains de proposition (Moïse, II, 25, 30 et Samuel, 1, 21, 6), mangés seulement « parce qu'il n'y avait pas d'autre pain ». Les pains de proposition (Moïse III, tout le chapitre 24) sont des flans vrais : « Tu prendras de la fleur de farine et tu en feras douze gâteaux », puis (Moïse, II, 29, 2) : « Fais avec de la fleur de farine de froment des pains sans levain, des gâteaux sans levain pétris à l'huile, et des galettes sans levain arrosées d'huile... ainsi dois-tu faire avec de la farine de froment. » On retrouve le même sujet dans le 2e livre de Moïse, 29, 23. Là et en divers endroits on peut s'assurer que c'étaient toujours des flans que les Hébreux préparaient en ces circonstances (Moïse, V, 8, 8-9, 16, 3 et 8 ; Josué, 95 ; Samuel, I, 21, 4-6). Les plus anciennes fêtes étaient les fêtes de l'agriculture et entre autres la fête des azymes qui durait sept jours. Guthe pense qu'étant donné le temps où cette fête tombe dans l'année ce devait être la fête du commencement de la moisson. C'étaient les premiers pains d'orge que l'on mangeait alors et que l'on présentait à Jahve. Je pense qu'on peut reconnaître un souvenir de cette circonstance dans le fait que, conformément à une prescription post-biblique, les « saints » parmi les Juifs actuels de la Pologne et de la Russie emploient, pour faire leurs Mazzen (pains de la Pâque), du blé


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d'été coupé le matin et qui doit être rentré avant le soir, selon que me l'ont signalé des Juifs polonais. Il ne doit pas passer la nuit surle sol. Il y a deux sortes de Mazzen (Masztes) ou pains de Pâque (c'est-à-dire Azymes), les uns de grains concassés grossiers et les autres de farine fine. Mais, si rigoureusement qu'on observe encore la tradition, il est devenu rare qu'on les cuise chez soi. Ils sont préparés dans des boulangeries juives ou même dans de véritables fabriques. Ces fêtes juives restent en relation par leurs origines avec l'antiquité la plus reculée. Par exemple, jusque bien loin. dans l'est de l'Europe, on continue de « purifier », lors de la Pâque, les récipients de bois, dans les milieux juifs très croyants, en amenant l'eau à l'ébullition à l'aide de pierres incandescentes (voir plus haut chap. V, p. 55). D'ailleurs. ces azymes ne sont jamais conservés secs bien longtemps, de sorte qu'on peut les considérer indifféremment comme une sorte de flans ou comme une sorte de pâte. Cependant, primitivement c'étaient, comme en témoigne la Bible, de vraies galettes (ou flans), avant qu'elles ne soient devenues un gâteau rituel.

Le savant sioniste Dr Abraham Schwadron de Zloczów (Pologne} me donne les renseignements suivants sur ces azymes dont le nom est Mazzoth (singulier: Mazzan) en prononciation sephard (ou espagnole) et Mazzos en prononciation aschkena (ou allemande) (en français Masztes). La cuisson commence trente jours avant la Pâque. On pétrit la farine avec de l'eau, sans sel. On travaille bien cette pâte. On la divise avec un anneau portant des pointes, on la coupe aussitôt après et on la cuit. Tels sont les Mazzoth ordinaires, qu'on mange pendant les 8 jours de Pâques. Mais les Juifs très strictement pieux mangent les Schmirah-Mazzoth. Le mot schmirah veut dire préservé. Ce sont donc des mazzoth préservés. Pour les faire, en emporte chez soi le froment aussitôt qu'il est récolté, pour éviter qu'il reçoive de la pluie. Pour tous les Mazzoth il faut du froment. Pendant la guerre, les rabbins avaient permis, par exception, de se servir de seigle. Dans toute l'Europe de l'est, les Juifs pieux (et ils sont la majorité) ne mangent que des Mazzoth faits à la main. Pour les Schmirah, le froment est moulu dans le moulin à main et le flan sec est fait du grain eatier. Mais dans toute l'Eurepe occidentale, il y a des fabriques de Mazzan. Voici ce que rapporte un meunier de la mouture et de la cuisson des mazzoth dans l'Allemagne actuelle. La communauté juive choisit de préférenee un moulin de moyenne importance très bien organisé. Suivant l'antique loi, on extrait l'amande du grain de froment ou d'orge comme le veut la Bible : « Le Seigneur


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les nourrit de la moelle du froment ». Un rabbin ou une personne de confiance, dans la communauté, se charge de la surveillance. On donne beaucoup d'attention au nettoyage du grain parce qu'on redoute comme cause de surissement la présence des graines de mauvaises herbes, de l'ergot et de grains germés. Pour la même raison on veille à ce que les locaux, en particulier l'endroit où arrive la farine, ne renferment ni poussière ni vieille farine. Il faut en outre un mélange panifiable particulier renfermant environ 70 % de froment ulka (ou pour Azymes) avec 30 % de blé tendre, et il ne faut pas de blé lavé parce que la teneur en eau doit être au minimum, c'est-à-dire de 10 à 11 %. La farine pour ces Masztes est une farine complète à 70 ou 72 % à laquelle il ne faut ni retirer ni ajouter ni farines de tête ni farines de queue. L'empaquetage se fait suivant l'usage juif dans des sacs neufs qui sont scellés et timbrés du mot « Passah »[1]. Ces pâtisseries dont le nom correct, au pluriel, s'écrit Mazzoth, sont les seuls produits de l'ancienne boulangerie de l'antique stade des flans qui soient consciemment préparés d'après le procédé ancien. Mais, en réalité, on constate, même là, un mélange de prescriptions bibliques et de prescriptions anciennes encore, mais pourtant plus récentes. Par le taux du blutage et par le goût, les Mazzoth ressemblent au pain Graham (sans sel). Il y a de plus des Mazzoth assez grossiers (Mazzoth de grains complets) et d'autres blancs et plus fins qui ressemblent à du pain à chanter [oblatenähnliche = hosties]. Comme beaucoup d'autres flans, les Mazzoth se rapprochent des « pâtes » dont il sera question ci-après. Comme on a pu s'en apercevoir récemment, les Juifs croyants prennent extraordinairement au sérieux les prescriptions relatives aux Mazzoth. Les journaux du 11 avril 1926 annonçaient que, en vue des fêtes juives, une société se formait à Varsovie pour fabriquer en grand les Mazzoth. Vint un jour où on apprit que cette société avait fait d'énormes bénéfices en faisant les Mazzoth avec de la farine de froment ordinaire (ou chumez). Le conseil des rabbins ordonna alors aux croyants de casser toute la vaisselle, devenue impure, qui avait été en contact avec ces Mazzoth. Cette affaire tourna si mal pour les pots qu'on estime à 100.000 pièces ce qu'on en brisa en un seul jour. Mais ce ne fut pas seulement le respect de la coutume qui y poussa las Juifs. Ce fut un véritable souci de leur santé matérielle, la crainte de s'exposer à un danger. Les docteurs talmudiques du moyen âge affirment en effet que tout ce qui est défendu nuit matériellement à la santé.

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  1. Anonyme, Mühle, Jg. 51, 1914, 6 ; Schübeler (F.), loc. cit., 150.