Noyer (Cazin 1868)

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Nostoch
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Nummulaire


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Nom accepté : Juglans regia


NOYER. Juglans regia. L.

Nux juglans sive regia vulgaris. C. Bauh., Tourn. — Nux juglans. Dod.

Noyer royal, — noyer commun, — noyer cultivé, — goguer, — gauquier.

JUGLANDÉES. Fam. nat. — MONOÉCIE POLYANDRIE. L.


Ce grand et bel arbre, originaire de la Perse, est cultivé dans tous les départements de la France, quoiqu'il n'y soit point acclimaté au point pouvoir toujours résister aux hivers rigoureux.


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Description. — Racines ligneuses. — Cime large et touffue ; bois dur. — Rameaux de couleur verdâtre ou cendrée. — Feuilles grandes, alternes, sessiles, glabres, d'un beau vert. — Fleurs monoïques, les mâles disposées en longs chatons cylindriques, pendantes, d'un brun verdâtre ; les femelles axillaires, presque sessiles, situées à l'extrémité des rameaux (juin-juillet). — Fruits : drupes ovales, un peu globuleux, renfermant une noix à deux valves enveloppées d'un brou vert et épais.

Parties usitées. — Les feuilles, la drupe verte (brou), l'écorce des tiges et des racines, l'épiderme de la noix, la noix, les fleurs.

Récolte. — Les feuilles se récoltent pendant toute la belle saison ; les fleurs et les chatons au printemps ; le brou au mois de juillet. — Les feuilles séchées conservent leur forme, leur dimension, leur odeur et leur saveur ; mais elles sont très-fragiles et d'un jaune-brun. 100 parties de feuilles vertes donnent 47 parties de feuilles sèches. Les fleurs changent peu de forme et de qualités ; mais le brou devient, par la dessiccation, mince, recoquillé, et prend une saveur douceâtre et sucrée.

[Culture. — Il existe un nombre considérable d'espèces et de variétés de noyers ; le mode de culture varie avec la destination qu'on veut lui donner ; si on tient à la bonne qualité du bois, on retarde la fructification en élevant la tige par la suppression de quelques branches ; il préfère un terrain argilo-sableux et même pierreux ; on sème en place dans la terre défoncée et ameublie sans fumier.]

Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles de noyer ont une odeur très-forte, aromatique, surtout quand on les froisse entre les doigts ; leur saveur, ainsi que celle des fleurs, est un peu amère, résineuse et piquante. L'enveloppe verte du fruit ou brou est d'une saveur piquante plutôt qu'amère. Le brou de noix contient, d'après Braconnot, de l'amidon, de la chlorophylle, de l'acide malique, de l'acide citrique, des sels, du tannin, une matière âcre et amère. C'est à ces deux dernières substances que sont dues ses principales propriétés. — Le suc de brou de noix filtré, qui est à peine coloré, se fonce de plus en plus à l'air, et en même temps il perd sa saveur amère : il se forme en même temps à sa surface une pellicule noire qui se renouvelle à mesure qu'elle se précipite. Cette matière noire, résultant de l'altération du principe amer nommé juglandine, est insipide, inodore ; quand elle est sèche, eile ressemble pour l'aspect au bitume de Judée, elle brûle sans flamme, elle se dissout dans la potasse, et elle en est précipitée par les acides. — Le brou frais laisse sur l'épiderme une tache d'un jaune-brun, qui offre de l'analogie avec celle que produit l'iode, et qui semble indiquer la présence de cette dernière substance. L'analogie de propriétés thérapeutiques vient à l'appui de cette conjecture, qu'une nouvelle et intéressante analyse est appelée à vérifier.

L'épiderme jaunâtre, très-mince, qui recouvre le parenchyme de la noix, a une saveur astringente et amère quand elle est fraîche ; elle perd cette saveur à l'état de dessiccation : elle contient beaucoup de tannin et une matière résineuse offrant l'odeur et la saveur de cette pellicule. La partie blanche ou parenchyme, dépouillée de son épiderme, est d'une saveur douce, très-agréable, miscible à l'eau, à laquelle elle donne la consistance émulsive ; elle contient une certaine quantité de fécule amylacée, et environ la moitié de son poids d'une huile grasse, très-douce, jaunâtre, siccative, qui ne se concrète point par l'action du froid. Cette huile, exprimée à froid, récente et provenant des fruits de l'année, est très-douce, et peut être employée aux usages culinaires. Dans les cas contraires, elle exhale une odeur forte, irrite la gorge et sert alors à l'éclairage, à la fabrication du savon, à la composition du vernis, à la peinture, etc. Le marc dont on a exprimé cette huile est très-nourrissant et s'emploie avec avantage pour l'engraissement des bestiaux, et même pour la nourriture des hommes.

L'émulsion de l'amande de la noix dépouillée de sa pellicule se colore en violet par le sulfate de fer, d'après l'observation de Planche[1].

Les fruits verts ou cerneaux, à moitié formés et acidulés avec du verjus ou du vinaigre, constituent un mets de dessert très-recherché, mais difficile à digérer pour les estomacs délicats et irritables. Les noix confites avant leur maturité offrent un aliment agréable et tonique. Le ratafia de brou de noix a les mêmes qualités. Les noix mûres se digèrent plus facilement ; mais lorsqu'elles sont vieilles, jaunes, rances, elles irritent la gorge, provoquent la toux et causent parfois des coliques très-vives. On diminue, dit-on, ces inconvénients en faisant macérer pendant deux ou trois jours l'amande ou partie blanche dans le lait.

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  1. Bulletin de pharmacie, t. IV, p. 229.


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La racine du noyer et le brou de noix donnent une belle teinture fauve ou brune aux effets et aux cuirs. Le brou fournit aussi aux menuisiers le moyen de donner à des bois communs la couleur du noyer. Les feuilles fraîches chassent les insectes, surtout les punaises et les mites ; on s'en sert en infusion aqueuse pour détruire les fourmis ; on éponge les chevaux avec cette infusion afin d'éloigner les mouches. On connaît l'usage du bois de noyer dans la menuiserie et l'ébénisterie, où il le dispute par sa dureté, par la beauté des veines, aux bois étrangers les plus recherchés.

La sève du noyer, qui est abondante et limpide, a fourni du sucre en 1811, à Banon, pharmacien de la marine à Toulon[1]. Pour l'obtenir, on perce l'arbre à 60 centimètres de terre au moins, du côté du midi, au printemps, on reçoit la sève qui s'écoule pendant un mois environ, dans des vases de terre vernissés, après avoir successivement percé pendant ce temps les trois autres côtés, ce qui ne nuit nullement à la végétation de l'arbre. Un quintal de sève donne 1,500 de sucre. Cette sève doit être évaporée toutes les vingt-quatre heures ; plus tard, elle passerait à la fermentation, et on aurait une espèce de vin de noyer. On fabrique ce sucre comme celui de la betterave, de canne, et il cristallise tout à fait comme ce dernier.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. —Infusion de feuilles fraîches ou sèches, 15 à 20 gr. par kilogramme d'eau ; deux à cinq tasses par jour.
Décoction de feuilles fraîches, de 15 à 30 gr. par kilogramme d'eau; deux à cinq tasses par jour.
Décoction de brou sec, de 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau.
Teinture de brou (1 sur 6 d'eau-de-vie), de 20 à 30 gr.
Extrait de brou, de 2 à 8 gr.
Extrait de feuilles fraîches (par la méthode de déplacement), 48 à 96 centigr., en pilules avec suffisante quantité de poudre de feuilles de noyer.
Extrait de feuilles sèches (se conserve plus longtemps), idem.

Sirop (40 centigr. d'extrait pour 32 gr. de sirop simple), deux à quatre cuillerées à café aux enfants dans les vingt-quatre heures ; 30 à 45 gr. pour les adultes. Sirop avec les feuilles vertes (plus aromatique, mais moins facile à doser), idem.
(Sirop iodé (Chaix) : extrait de feuilles de noyer ou de brou de noix, 60 gr. ; iode pur, 1 gr. 60 centigr. ; alcool, Q. S. ; sirop de sucre, 940 gr.

A L'EXTÉRIEUR. — Huile, de 20 à 30 gr., en lavements, frictions, etc.
Feuilles sèches ou fraîches, en décoction pour bains, lotions, injections, fumigations,cataplasmes, pansements, etc.
(Pommade, 30 gr. d'extrait sur 40 d'axonge.)


Les différentes parties du noyer sont astringentes, toniques, sudorifiques, détersives. On les utilise contre la débilité lymphatique, les scrofules, les affections herpétiques et vénériennes, l'ictère, les ulcères atoniques, scorbutiques, scrofuleux, les aphthes. L'extrait de brou de noix est purgatif et anthelminthique, avantageux contre les lombrics. L'huile est calmante, adoucissante, tant qu'elle est récente. L'écorce intérieure de la racine est vésicante.

Dans un mémoire de Baudelocque inséré dans la Revue médicale (année 1833), on trouve une observation fort intéressante de Psorson, médecin à Chambéry, sur l'emploi des FEUILLES vertes du noyer et des noix tendres contre les affections scrofuleuses.

Psorson faisait aussi préparer, avec l'écale de la noix, un sirop et une conserve qui réussissent très-bien à ranimer les forces digestives chez certains estomacs trop irritables pour admettre des toniques plus excitants.

Négrier, d'Angers, a publié deux mémoires intéressants sur l'objet qui nous occupe. Dans le premier (1841), ce praticien annonçait que, depuis plusieurs années, il employait les feuilles de noyer dans le traitement des scrofules, et qu'il avait obtenu par ce moyen de nombreuses guérisons.

Pour bien constater les effets de ce médicament, Négrier avait partage ses malades en diverses séries : les uns étaient atteints d'engorgements scrofuleux non ulcérés, les autres d'ophthalmies scrofuleuses, une troisième série offrait des engorgements strumeux abcédés ; enfin, les maladies des os étaient réservées pour une quatrième catégorie. Il résulte de ses recherches que les malades de la première série (engorgements strumeux non ulcérés), qui

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  1. Leroux, Journal de médecine, t. XXIII, p. 56.


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étaient au nombre de dix, sont guéris complètement. Les malades atteints d'ophthalmie étaient au nombre de quatre : l'un d'eux est mort après la guérison de son ophthalmie, les trois autres sont guéris. Il y avait vingt cas d'engorgements strumeux ulcérés ; sur ce nombre six malades ont succombé, dont quatre à la phthisie pulmonaire ; les deux autres n'ont point été examinés, mais il est probable qu'ils ont péri de la même manière. Les quatorze autres sujets ont vu leur guérison se consolider. Enfin, les malades de la quatrième série étaient au nombre de dix-neuf, la plupart très-gravement affectés. Au mois d'avril 1841, huit étaient guéris, et tous les autres avaient éprouvé de l'amélioration. Depuis cette époque, deux ont succombé à la phthisie tuberculeuse, deux autres ont guéri. L'un d'eux offrait une carie de la colonne vertébrale avec abcès par congestion. Les autres sont dans un état plus satisfaisant et n'ont pu être retrouvés.

L'auteur, dans le second mémoire (1844), a cru pouvoir déduire les conclusions suivantes des diverses expériences auxquelles il s'est livré pendant plusieurs années :

1° Les affections scrofuleuses sont, en général, radicalement guéries par l'usage des préparations de feuilles de noyer ;

2° L'action de cet agent thérapeutique est assez constante pour qu'on puisse compter sur la guérison des trois quarts des sujets traités par ce moyen ;

3° L'action de ce traitement est généralement lente ; il faut de vingt à cinquante jours, selon la nature des symptômes et la constitution des sujets pour que les effets en soient sensibles ;

4° Les sujets guéris par les préparations de feuilles de noyer conservent presque tous la santé qu'ils ont obtenue sous l'influence du traitement : on voit peu de rechutes après ce traitement ;

5° Les effets produits par l'usage intérieur de l'extrait des feuilles de noyer sont d'abord généraux ; l'influence de cette médication ne se manifeste que plus tard sur les symptômes locaux ;

6° Dans certaines formes de l'affection scrofuleuse, on n'observe qu'à la longue une action efficace de ce traitement. Cette remarque est applicable surtout aux glandions strumeux non ulcérés ;

7° Les préparations de feuilles de noyer exercent, au contraire, une action assez prompte sur les ulcères, les plaies fistuleuses, entretenues ou non par la carie des os, sauf chez les sujets d'un tempérament sec et nerveux ;

8° Jusqu'à ce jour, les ophthalmies scrofuleuses que j'ai observées ont été sûrement et plus rapidement guéries par ce traitement que par toute autre médication.

Négrier donne les feuilles en infusion édulcorée ; il en forme aussi un extrait et un sirop. Il se sert de la décoction des feuilles en lotions, en injections, et enfin il prescrit ordinairement, dans les ophthalmies scrofuleuses, un collyre composé de 192 gr. de décoction de feuilles de noyer, de 1 gr. de belladone et de 1 gr. de laudanum de Rousseau.

Plusieurs médecins ont employé avec plus ou moins d'avantage les feuilles de noyer dans le traitement des scrofules. Manthner, médecin de l'hôpital des enfants à Vienne, s'en est bien trouvé. Il regarde ce médicament comme très-utile dans les engorgements strumeux du cou, mais inférieur à l'huile de foie de morue dans la carie scrofuleuse.

Sandras[1] a employé avec succès l'extrait de ces feuilles dans la même affection. Le professeur Hanse, d'Olmultz[2], prescrit les feuilles et le brou pour combattre certaines affections qu'il attribue au vice scrofuleux, telles que les ulcérations plus ou moins opiniâtres qui ont leur siège au cou, avec

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  1. Bulletin général de thérapeutique, juillet 1845.
  2. Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1846.


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gonflement des glandes circonvoisines ; la teigne, certaines espèces de dartres, les tuméfactions chroniques aux aines, autour des articulations etc. On emploie traditionnellement la décoction de feuilles de noyer en lotions à l'hôpital d'Angers, pour combattre les tumeurs blanches et les ulcères scrofuleux. Dubois, de Tournai, a vu cette même décoction, employée en lotions et en bains, produire les résultats les plus avantageux dans la carie et les engorgements scrofuleux. On frictionne quelquefois les engorgements scrofuleux avec la pommade d'extrait de feuilles de noyer (voyez Préparations pharmaceutiques et doses) ; mais le badigeonnage de teinture d'iode, il faut l'avouer, est bien plus actif et doit être préféré à tous les autres fondants.

J'ai donné mes soins, en 1837, à une petite fille âgée de dix ans, atteinte d'un ulcère avec engorgement glandulaire au côté gauche du cou ; cet ulcère, de la grandeur de 5 centimètres environ, était sinueux, avec décollement de la peau, chairs blafardes, suppuration modérée. Le tempérament lymphatique et l'aspect général de cette malade achevaient de caractériser son état évidemment scrofuleux. Je la mis à l'usage de la décoction de feuilles fraîches de noyer le 2 juin ; elle prit deux verres par jour de cette décoction pendant tout l'été. Je faisais appliquer sur l'ulcère les feuilles bouillies et broyées, après avoir réprimé les chairs avec la poudre d'alun calciné. Au bout d'un mois, l'état général de la malade était très-amélioré ; elle se sentait, disait-elle, beaucoup plus forte et mangeait beaucoup plus ; l'ulcère commença à se cicatriser au bout de deux mois, quoiqu'il eût pris plus tôt un meilleur aspect ; bref, au mois de novembre il était cicatrisé et l'engorgement était presque entièrement dissipé. Le reste de cet engorgement a persisté pendant l'hiver, malgré l'usage continu de la décoction de feuilles sèches de noyer. Le printemps suivant, la malade reprit la décoction des mêmes feuilles fraîches pendant trois mois. Je la revis à la fin de l'été 1838 : elle était complètement guérie.

J'ai traité plusieurs scrofuleux par les feuilles de noyer. L'un d'eux portait un vaste ulcère à la partie antérieure de la jambe gauche depuis l'âge de deux ans, avec nécrose d'une portion considérable du tibia. Ce malade, jeune garçon âgé de douze ans, grâce au traitement par les feuilles de noyer et le brou de noix longtemps continué, a été complètement débarrassé. Il y a eu élimination d'un séquestre de la longueur de 5 centimètres. La plaie s'est cicatrisée. Depuis dix ans, la guérison ne s'est point démentie. - L'observation suivante, tirée de ma pratique, vient se joindre aux nombreux faits qui militent en faveur de l'emploi des feuilles de noyer dans les affections scrofuleuses.

Damy, de Boulogne-sur-Mer, âgé de neuf ans, éminemment lymphatique, ayant la lèvre supérieure épaisse, la face pâle, plombée, les chairs flasques, émaciées, affaibli au point de ne pouvoir faire quelques pas sans fatigue, me fut présenté par sa mère, indigente, le 10 mai 1847. Il était atteint d'un engorgement glandulo-cellulaire considérable, occupant presque toute la partie latérale gauche du cou et la joue du même côté, offrant à son centre, vers l'angle, le long et au-dessous de la mâchoire, un ulcère fongueux, de l'étendue transversale de 5 centimètres sur 2 centimètres de largeur, avec suppuration fétide, abondante, et aboutissant à une portion nécrosée de la face externe du maxillaire inférieur.

Je mis aussitôt ce malade à l'usage de la décoction de feuilles fraîches de noyer, à la dose de trois verres par jour ; je fis pratiquer des injections, des lotions, et appliquer des cataplasmes de ces mêmes feuilles broyées sur l'ulcère et sur toute l'étendue de l'engorgement. Les chairs fongueuses furent réprimées de temps en temps au moyen de l'alun calciné en poudre.

Au bout d'un mois de ce traitement, l'état général du petit malade était amélioré, ses forces étaient augmentées, son appétit plus prononcé ; mais


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aucun changement notable ne s'était opéré du côté de l'affection locale, ce qui d'ailleurs, s'expliquait par la coexistence de la nécrose.

Après trois mois de traitement, les forces étaient presque complètement rétablies, la coloration de la face beaucoup meilleure, l'appétit et les digestions dans leur état naturel, l'exercice plus facile et mieux supporté, la tristesse et l'abattement dissipés. L'engorgement était diminué au cou ; la suppuration moins abondante, les chairs un peu meilleures.

Vers les premiers jours d'octobre, une portion d'os nécrosée se présenta dans la bouche, devint de plus en plus saillante, et enfin, à peine adhérente, fut extraite avec facilité au commencement de décembre. Elle avait 1 centimètre 1/2 de longueur sur 1/2 centimètre de largeur à son centre, lisse d'un côté, rugueuse de l'autre.

Dès lors, l'ulcère prit un aspect favorable, la suppuration diminua et fut de meilleure nature, l'engorgement se dissipa peu à peu. Le traitement, secondé par un régime fortifiant, fut continué pendant l'hiver avec la décoction de feuilles sèches de noyer. Au printemps de 1848, le malade était dans l'état le plus satisfaisant : la plaie, devenue superficielle, de la grandeur d'un centime environ et ne fournissant que peu de suppuration, marchait rapidement vers la cicatrisation, que quelques cautérisations avec le nitrate d'argent fondu favorisèrent. L'usage interne des feuilles fraîches de noyer fut repris et continué durant toute la saison. Vers la fin de l'année, la cicatrice, qui depuis deux mois s'était complètement fermée, s'est rouverte pour donner issue à une parcelle d'os. Il reste seulement une petite plaie qui continue de suppurer un peu sans s'agrandir et sans engorgement. Le malade, du reste, a continué de se bien porter.

Si je me suis étendu sur les propriétés antiscrofuleuses des feuilles de noyer et du brou de noix, c'est parce que ce médicament est à la portée de tout le monde et infiniment préférable, pour la campagne, aux préparations d'iode dont le prix est si élevé, et qui, d'ailleurs, sont loin de mériter les éloges qu'on leur a prodigués : ils déterminent souvent des accidents graves, et causent l'émaciation.

Le frère Côme employait contre l'ictère 2 et 4 gr. de feuilles de noyer séchées au four, pulvérisées et infusées du soir au matin dans 130 gr. de vin blanc. Il donnait cette dose à jeun. Douze à seize doses, suivant ce praticien, ont toujours suffi pour la guérison de l'ictère simple, et le soulagement de l'ictère par cause organique. Souberbielle[1] a vu ce remède produire d'excellents effets.

Ce traitement a pu réussir dans certains cas ; mais peut-on le considérer comme spécifique quand on sait que la couleur jaune n'est que le symptôme commun d'affections dissemblables du foie ou de ses annexes ? Le médecin doit rechercher, autant que possible, la nature et le siège de la lésion dont un symptôme peut n'être que l'expression vague ou incertaine.

Plusieurs auteurs anciens ont reconnu aux feuilles de noyer une propriété vermifuge. Dumoulin[2] a fait rendre un tænia au moyen d'une infusion préparée avec douze feuilles et bue par verrées : une le matin à jeun, la seconde avant le dîner, et la troisième avant le souper. Thoun[3] a observé que la sécrétion du lait s'arrêtait chez les vaches et les chèvres auxquelles on donnait à manger des feuilles de noyer. Emmanuel Kœnig[4], propagateur zélé de la matière médicale indigène, a indiqué, il y a plus de soixante ans, les feuilles de noyer en topique sur les mamelles comme propres à arrêter la sécrétion du lait. Elles agissent probablement à la manière des feuilles d'aune, auxquelles on a aussi reconnu la même propriété.

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  1. Lettre présentée à l'Académie royale de médecine, 7 avril 1835.
  2. Hygie, 2e semestre, p. 70.
  3. Medico-botan. Society of London, janvier 1831.
  4. Regni vegetabilis pars altera, p. 228.


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J. Bauhin regarde l'eau distillée des feuilles de noyer comme un détersif et un cicatrisant efficace, appliqué sur les ulcères, en y maintenant des compresses constamment humectées de cette eau.

Belloste[1] trempait des plumasseaux de charpie dans la décoction de feuilles de noyer légèrement sucrée sur les ulcères, dont il obtenait ainsi la guérison en peu de temps. Cette même décoction a paru utile à Baumes pour déterger les surfaces chancreuses, pour les exciter légèrement et les conduire à la cicatrisation[2].

Boys de Loury et Costilhes[3] en font usage en injection dans les ulcérations dn col de la matrice. Vidal de Cassis[4] emploie contre les écoulements leucorrhéiques et les ulcérations du col utérin, des injections vaginales d'une forte décoction de feuilles de noyer à la température de la salle quelle que soit la saison. L'instrument est une grosse seringue à lavement. Le spéculum à deux valves est appliqué ; on saisit et découvre bien le col de la matrice ; c'est sur le col que le jet est lancé de toutes les forces de l'aide qui pousse le piston. Immédiatement après, on place sur cette partie un fort tampon de coton. Ce liquide ainsi injecté exerce une espèce de compression sur le col, abaisse sa température, et agit encore par ses qualités astringentes.

Dubois, de Tournai, s'est bien trouvé, dans différents cas de teigne, de cataplasmes de feuilles de noyer cuites, et de leur décoction concentrée employée en lotion. Il cite à l'appui de ce traitement un cas de guérison de teigne faveuse qui avait résisté à tous les moyens employés. Vitet avait déjà recommandé, dans la même affection et contre les dartres, le suc exprimé des feuilles de noyer ou de l'écorce verte des noix, tempéré avec un peu de miel. Mérat et Delens pensent qu'on pourrait guérir la gale en frottant les boutons avec les feuilles écrasées.

Pomeyrol[5] a traité avec succès plus de quarante cas de pustule maligne et de charbon, en appliquant tout simplement sur les parties affectées les feuilles ou l'écorce fraîche de noyer, après avoir percé les phlictènes et enlevé l'épiderme. L'auteur regarde ce moyen comme aussi efficace dans le charbon que le sulfate de quinine dans les fièvres intermit tentes. Il a l'avantage, dit-il, « d'éviter la souffrance aux malades, et les cicatrices qui les déforment, et leur seul emploi détermine la guérison. » Pomeyrol rapporte quatre observations à l'appui de ce nouveau moyen. Bruguier, médecin à Collargues[6], a également employé avec succès les applications de feuilles fraîches de noyer, renouvelées de demi-heure en demi-heure dans un cas de pustule maligne. Il faisait prendre en même temps une décoction de 15 gr. de quinquina dans quatre verres d'eau, pour boisson. Vingt-quatre heures ont suffi pour arrêter la gangrène et ramener la plaie à un état simple et de bon aloi. Bruguier pense que, malgré l'emploi des 30 gr. de quinquina en boisson, tout l'honneur de la cure revient aux feuilles de noyer.

Il s'est élevé des doutes sur la valeur réelle de cette médication, en raison surtout de l'existence récemment signalée par Van Swygenhoven, de cette variété curieuse de pustule maligne sans malignité réelle, sans contagion, et qui guérit par la simple incision cruciale suivie de l'emploi local des émollients et des narcotiques. Mais Raphaël [7], de Provins, a communiqué à Nélaton un fait qu'il a observé et qui paraît ne laisser aucun doute

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  1. Chirurgie d'hôpital, p. 332.
  2. Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1844, p. 52.
  3. Gazette médicale de Paris, 1845.
  4. Traité de pathologie externe, t. V, p. 396.
  5. Annales cliniques de Montpellier et Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853, t. I, p. 464.
  6. Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1845, t. I, p. 464.
  7. Gazette des hôpitaux, juillet 1857.


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sur l'efficacité des feuilles de noyer appliquées sur la pustule réellement maligne.

Le BROU DE NOIX peut être employé dans les mêmes cas pathologiques que les feuilles. Hippocrate et Dioscoride le considéraient comme vermifuge. Fischer[1] faisait dissoudre 8 gr. d'extrait de noix verte dans 16 gr. d'eau distillée de cannelle, et donnait aux enfants, comme anthelminthique, 20 à 50 gouttes de ce mélange, suivant l'âge. J'ai administré contre les affections vermineuses le vin de brou de noix et d'ail. Ce vin, pris à une certaine dose, est à la fois vermicide et laxatif. Peyrilhe regarde le brou de noix comme vermifuge, antisyphilitique et antigangréneux. Hunezowsky[2] a vanté son efficacité dans les ulcères anciens.

Pierre Borel[3] regardait le brou de noix comme un excellent antisyphilitique. Ramazzini[4] rapporte que de son temps on le regardait en Angleterre comme un remède utile contre la syphilis. Swediaur[5] dit l'avoir vu réussir dans beaucoup de circonstances où le mercure avait échoué. Mais comme il l'employait ordinairement avec la salsepareille, la squine et le sulfure d'antimoine, peut-on raisonnablement attribuer à cette écorce un effet dû sans doute aux substances plus énergiques auxquelles elle était jointe ? Toutefois, nous devons dire que Pearson, Franck, Girtanner ont reconnu des avantages réels au brou de noix dans le traitement des affections vénériennes. La tisane de Pollini, dont la réputation est connue contre ces affections, de même que le remède antisyphilitique de Mittié, contient une grande proportion de brou de noix.

Scoti[6] a employé avec succès l'extrait préparé avec le brou de noix et les feuilles de noyer chez trente malades affectés de diarrhée. Il en faisait dissoudre 8 à 12 gr. dans un kilogr. de limonade minérale, et administrait le tiers ou la moitié d'un verre de cette boisson quatre fois le jour.

Galien mettait en usage, comme gargarisme astringent, le suc de brou de noix, Hartmann (in Ettmuller), l'a conseillé dans les inflammations de la bouche qui réclament ce genre de médication. Becker[7], chez un garçon affecté de congestion ancienne des tonsilles, a appliqué la préparation suivante à l'aide d'un pinceau : extrait de brou de noix, 4 gr. ; eau distillée, 60 gr. Ce topique fut si efficace que l'engorgement des amygdales était disparu avant qu'on eût employé la totalité de la solution. J'emploie avec succès, dès le début de l'angine tonsillaire, la décoction de feuilles de noyer ou de brou de noix en gargarisme. Je parviens souvent ainsi à arrêter l'inflammation. Ce gargarisme convient aussi vers la fin de l'amygdalite aiguë et dans les angines chroniques.

Ray rapporte que le ZESTE qui sépare les lobes de l'amande du noyer, desséché et pulvérisé, pris en petite quantité dans du vin, a guéri l'armée anglaise d'une dysenterie très-grave qui avait résisté à tous les moyens jusqu'alors employés. Burtin[8] considère cette substance, administrée en poudre à la dose de 4 gr. dans un verre de vin blanc, comme très-efficace contre la gangrène. Il l'a vue réussir dans trois cas : dans l'un, il s'agissait d'une gangrène au bras, provenant, d'une blessure faite avec un canif, et pour laquelle l'amputation avait été proposée, comme dernière ressource. Burtin ajoute qu'à Bruxelles ce remède est regardé comme un puissant antiseptique.

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  1. Comment. de verm. et anthelm. Stadæ, 1751, p. 14.
  2. Ancien Journal de médecine, t. LXXVII, p. 296.
  3. Hist. et observ. varior., etc.
  4. Opera omnia. Genève, 1717, p. 143.
  5. Traité des maladies vénériennes, t. II, p. 277.
  6. Gaz. med. di Milano, 1846.
  7. Abeille médicale, 1845, p. 196.
  8. Mémoire couronné par l'Académie de Bruxelles, p. 166.


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La PELLICULE ou enveloppe immédiate de l'amande de la noix, employée fraîche, a été regardée comme fébrifuge. Roch[1] s'est guéri d'une fièvre intermittente en prenant l'infusion, dans du vin blanc, d'une vingtaine de ces pellicules. Hoffmann et Ettmuller ont recommandé l'usage de cette substance contre la colique, comme si cette affection dépendait toujours d'une seule et même cause. Elle convient dans tous les cas où les astringents sont indiqués.

Solenander[2] assure avoir constamment réussi à arrêter les hémorrhagies utérines, en administrant, le matin à jeun, pendant plusieurs jours, 4 gros de FLEURS de noyer bien mûres, en poudre, mêlées avec une suffisante quantité de vin chaud. Ces mêmes fleurs peuvent remplacer le ratanhia et tous les astringents exotiques. Le bénédictin Alexandre[3] assure que la poudre des chatons ou fleurs, administrée à la dose de 4 gr. dans du vin rouge, est un excellent remède contre la dysenterie.

Hippocrate avait observé que les noix mangées en grande quantité expulsaient les vers plats. Le parenchyme de l'amande de la noix aurait-il sur le tænia le même effet que celui de semence de citrouille ? L'émulsion préparée avec cette amande fraîche peut remplacer celle d'amandes douces. J'en ai fait usage à la campagne pendant le mois d'octobre. Passé ce temps, la dessiccation nécessite l'infusion de l'amande dans l'eau chaude pour enlever la pellicule qui la recouvre. Vieille, cette amande est rance et ne peut plus servir pour émulsion.

Dioscoride avance que I'HUILE DE NOIX fait rendre le ver solitaire. P. Forestus dit que les femmes des environs de Milan font manger aux enfants vermineux du pain trempé dans l'huile de noix. Passera de la Chapelle[4] faisait prendre 150 gr. de cette huile à jeun et deux heures et demie après 125 gr. de vin d'Alicante, ce que l'on continuait pendant quinze jours, après quoi on cessait, si le ver n'était pas expulsé. Binet et Baumes[5] ont rapporté plusieurs faits qui tendeut à prouver l'efficacité de cette huile contre le tænia. Desbois, de Rochefort, qui a répété l'emploi de ce moyen, l'a trouvé le plus souvent inefficace. Dubois (in Mérat et Delens) employait avec plus d'efficacité, comme vermifuge, six gousses d'ail avec 100 gr. d'huile de noix.

Cette huile a réussi à Jese[6] pour combattre le coma. Gouan[7] a obtenu la guérison de cette maladie par le même moyen. D'après Weinhold[8], les taies légères cèdent à l'application graduelle de cette huile étendue dans l'ammoniaque. Scarpa la préconise dans le leucoma. Meyer[9] s'en est bien trouvé dans les taches de la cornée, suite de la variole. Il lui a été rapporté, par un médecin qui l'a beaucoup employée, que cette huile est d'autant plus efficace qu'elle est plus vieille. Caron-Duvillars[10] a souvent guéri des taies de la cornée par l'instillation de la vieille huile de noix ; il rapporte que Marc-Antoine Petit la rendait plus active en y ajoutant du tartre stibié.

Schrœder considère comme émétique la seconde ÉCORCE des jeunes branches enlevée au printemps pendant que la sève est en activité. Il la prescrit à la dose de 2 à 4 gr. Ray et Buechner lui ont aussi reconnu cette propriété. Hoffmann indique la seconde écorce des racines du noyer, trempée pendant une heure dans du vinaigre, comme un rubéfiant prompt,

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  1. Bulletin de la Société d'émulation, t. II, p. 376.
  2. Consil., VIII, sect. IV.
  3. Dictionnaire botanique et pharmaceutique, 1768, p. 356.
  4. Ancien Journal de médecine, t. XV, p. 220 ; t. VI, p. 305.
  5. Ibid., t. VI, p. 305 ; t. XV, p. 214.
  6. Ibid., t. LIX, p. 439.
  7. Mémoires de la Société de médecine de Montpellier.
  8. Ehrhardt medizinisch-chirurgische Zeitung, 1822.
  9. Mercure général de l'Europe, 1787, p. 326.
  10. Guide pratique des maladies des yeux, t. II, p. 135-575.


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susceptible d'agir comme vésicatoire dans des cas urgents. Wauters s'exprime ainsi à ce sujet : « Nihil efficacius cortice interno radicis juglandis recentis, vel cum aceto, contuso : hunc sæpius succedentem vidi, dum cantharides nullas producebant vesicas. Ingens aliquando mihi præstitit obsequium ubi procul a pharmacopæis, apud rusticos, promptissime vesicato opus erat[1]. » J'ai été à même de constater cet effet vésicant : il est sûr et prompt. — L'écorce du noyer blanc ou cendré (juglans cinerea), proposée par Macartan[2], séchée et mise en poudre, paraît aussi efficace que les cantharides, et n'en a pas les inconvénients. Ebrard de Nîmes[3] a guéri des fièvres intermittentes rebelles au moyen de l'épicarpe suivant : Faites macérer, pendant huit jours, dans du vinaigre, l'écorce de la racine du noyer ; appliquez cette écorce autour des poignets, trois ou quatre heures avant l'heure présumée de l'accès, et l'y maintenez au moyen d'un lien convenablement serré. Ebrard n'a jamais donné à ce bracelet plus de 5 centimètres de largeur. On enlève l'appareil quand le malade accuse de vives douleurs, ce qui arrive ordinairement avant deux heures de temps. On peut ensuite appliquer des feuilles fraîches enduites d'un corps gras, comme pour le pansement d'un vésicatoire. Cet épicarpe est analogue à beaucoup d'autres topiques irritants en usage dans nos contrées marécageuses, comme moyen économique de combattre les fièvres intermittentes.

« Si le noyer, dit avec raison Bodart, ne se cultivait que dans le Nouveau-Monde, nous nous empresserions de le ranger sur la ligne des végétaux les plus utiles en médecine ; mais il croît abondamment autour de nous, et nous négligerions encore d'étudier les propriétés de ses différentes parties, si d'illustres praticiens ne tentaient de ramener l'attention sur ce végétal précieux et injustement abandonné. »

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  1. Repertorium remed. indigenorum exoticis, etc., p. 29. Gand, 1810.
  2. Journal de médecine, septembre 1809.
  3. Revue thérapeutique du Midi et Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1857, p. 69.