Arum (Cazin 1868)
Sommaire
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Arum
Arum vulgare. T. — Arum vulgare maculatum et non maculatum. Park.
Arum commun, — pied-de-veau, — gouet, — gouet commun, — vaquette, — langue-de-boeuf, — herbe-à-pain,— racine amidonnière, — herbe dragonne.
Aroïdées. — Colocasiées. Fam. nat. — Gynandrie polyandrie. L.Cette plante vivace (PI. VI) est très-commune dans les lieux humides, le long des haies, sur le bord des chemins, dans les bois ombragés.
Description. — Rhizome arrondi, gros à peu près comme un oeuf de pigeon, tubéreux, garni de quelques fibres, brunâtre extérieurement, blanc à l’intérieur, charnu et imprégné d’un suc laiteux. — Tige de 15 à 20 centimètres, cylindrique, lisse, radicale, cannelée, uniflore, tendre, spongieuse, enveloppée intérieurement par les gaines des pétioles. — Feuilles longues de 25 à 30 centimètres, sagittées, à oreilles peu divergentes, engainant la tige par leur pétiole, luisantes, d’un beau vert, souvent marquées de taches blanchâtres ou brunes qui lui ont valu son nom spécifique, bien que ce caractère manque quelquefois. — Fleur terminant la lige, et présentant : 1° au lieu de calice, une spathe monophylle, membraneuse, très-ample, droite, terminée en oreilles d’âne, verdâtre en dehors, blanche en dedans ; 2° un spadoise très-simple, beaucoup plus court que la spathe qui l’environne, d’abord blanc-jaunâtre, puis rougeâtre où pourpre-livide, fleuré à sa partie inférieure, nu à son sommet ou chaton, lequel est cylindrique, ressemblant à un pilon, se flétrissant et tombant avant la maturation (mai). — Anthères nombreuses, sessiles, tétragones, disposées sur plusieurs rangs au centre du chaton et au-dessous de deux ou trois rangées de glandes aiguës. — Ovaires très-multipliés, à stigmate barbu entourant la base du chaton. — Fruits ou baies globuleuses, devenant rouges en mûrissant, succulentes, uniloculaires, contenant une ou deux semences dures et arrondies, et formant un bel épi serré.
Parties usitées. — La racine (rhizome) et les feuilles.
[Culture. — L’arum n’est cultivé que dans les jardins de botanique ; on le propage de graine ou de cayeux, soit encore par séparation des pieds, dont on plante les éclats en terre un peu ombragée et abritée ; les essais de culture en grand n’ont donné aucun résultat avantageux.]
Récolte. — Les feuilles, étant caduques, ne peuvent être récoltées qu’avant la fructification, qui a lieu d’août à octobre. Les rhizomes s’arrachent au printemps ou à l’automne ; ils demandent de la prudence quand on les emploie frais. Je ne mets en usage que la racine de l’année ; plus ancienne et trop desséchée, elle est d’un effet in usage ou nul. On ne peut apprécier le plus ou moins de perte de son principe actif par la vétusté.
Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques.
— L’analyse a démontré dans la racine d’arum, de l’eau, de la gomme, de l'albumine, « une substance sucrée non cristallisable, un principe très-âcre soluble dans l'eau, un acide végétal, du ligneux, et de la fécule en grande quantité.
La racine fraîche, de même que les feuilles, est d’une âcreté telle qu'elle produit dans la bouche, lorsqu’on la mâche, une saveur brûlante qui se dissipe difficilement. La dessiccation, ainsi que nous l’avons dit plus haut, lui ôte en grande partie cette acrimonie ; il n’en reste aucune trace si l’on soumet cette racine à la torréfaction ou à des ébullitions répétées. On obtient par ces procédés une fécule blanche très-nourissante, et avec laquelle, suivant Cirillo, on peut faire de fort bon pain. Il y a évidement une grande analogie entre l’arum et le manioc, avec lequel on se nourrit aux Antilles ; dans l’un comme l’autre, la matière nutritive se trouve mêlée au poison
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(1) Bulletin des travaux de la Société médico-pratique, 1852, p. 110.
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dont il est facile de la séparer. (Les Arabes des environs de Tenez et de Dahra, dépourvus de grains, ont l’ait sécher au soleil les racines de l'arum (Begouga), pour leur enlever leur àcreté. Quoiqu’ils aient mélangé avec la poudre qu'ils en avaient obtenue un cinquième de farine d’orge, ils n'en accusèrent pas moins cette nourriture de produire des coliques, de l'embarras intestinal, de l'empâtement des membres.)
[D’après Bucholz, le rhizome d’arum contient sur 100 parties : huile grasse 0.6, extrait sucré 4.4, gommé 5.6, mucilage 18.0, amidon humide 71 4.]
La racine d’arum a joui d'une grande réputation pour l'extraction d'un amidon bien supérieur à celui des céréales ; de là le nom de racine amidonnière qu’elle avait en Normandie. On s'est servi de cet amidon comme blanc de fard.
PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.
A. L’INTÉRIEUR. — Poudre (racine), 4 à 10 gr. dans un véhicule aqueux ou un électuaire (comme purgatif ou éméto-cathartique), 1 à 2 gr. comme altérant.
A L’EXTÉRIEUR. — Racines et feuilles appliquées fraîches, comme vésicant ; cataplasme rubéfiant. — Racines coupées en tranches minces pour produire le même effet.
La racine d’arum est un des ingrédients de la poudre stomachique de Birkmann et de la poudre cachectique de Duchesne (pulvis cacheclicus Quercetani), qui ont joui d’une grande réputation.
L'arum est un poison violent. Mâché, il est d’abord presque insipide ; mais il développe bientôt une saveur acre et brûlante ; des douleurs vives et lancinantes se font sentir dans tout l’intérieur de la bouche, auxquelles succèdent immédiatement de violentes douleurs d’estomac, des vomissements, des coliques, des convulsions, des crampes, des évacuations alvines, le refroidissement des membres, la petitesse du pouls, la rétraction des muscles, etc. Ces symptômes s’accompagnent du gonflement excessif de la langue, d'une inflammation intense de la bouche et du pharynx qui s’oppose à la déglutition, et qui rend très-difficile l'administration des remèdes. (Dans un cas publié dans la Gazette médicale de Porto (1860, n° 6), on ne put même pas introduire une sonde œsophagienne, tant était grande la tuméfaction des parties.) La mort, plus fréquente chez les jeunes sujets, arrive par surexcitation nerveuse ou par asphyxie.
L’empoisonnement récent réclame l'emploi des vomitifs les plus prompts. On doit se titiller l’arrière-bouche avec les doigts pour provoquer le vomissement. Lorsque l'inflammation a lieu, il faut lui opposer les saignées générales et locales, les bains tièdes. Pour calmer les douleurs gastriques et intestinales, on aura recours aux préparations d'opium. Le vinaigre, conseillé par Vicat, serait funeste au début en dissolvant le principe vénéneux de la plante, et en la présentant à l’absorption sous une forme plus assimilable encore. Il ne doit être administré que plus tard, lorsqu’à la réaction ont succédé les signes de stupeur et de narcotisme, et encore vaut-il mieux alors employer les stimulants généraux, l’opium, les révulsifs à l'extérieur. Lorsque la langue est tellement gonflée que la déglutition est devenue impossible, il faut la scarifier.
Pour faire cesser les violentes douleurs de la bouche, résultant de l’arum simplement mâché, on a conseillé l’huile d'olives ou d'amandes douces, ou l'oseille, moyens presque toujours insignifiants.
La racine d'arum, seule partie usitée autrefois, est à tort négligée aujourd’hui dans la thérapeutique, où la mode exerce son empire comme sur tant d'autres choses. Elle est regardée, par les auteurs qui en ont parlé, comme incisive, résolutive, expectorante, purgative. Les anciens, et surtout Dioscoride, recommandaient la racine de pied-de-veau dans l’asthme et les affections chroniques des organes respiratoires. Antoine Constantin, médecin provençal, à l’imitation de Mesué conseille aussi dans ces cas des potions ou des pilules d’arum avec le jus d’origan, d'absinthe ou de sauge. Celle composition, dit-il, à la dose de quatre scrupules, purge efficacement et sans violence. Les moyens employés dans ces formules pour corriger le principe trop actif de la racine d’arum administrée à l'état frais sont à remarquer.
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Ils viennent à l'appui de l'opinion émise par Martin Lauzer (1) sur l'efficacité présumée des huiles essentielles de thym ou de menthe dans l'empoisonnement causé par cette plante.
Gesner dit avoir guéri trois hommes et une femme atteints de phthisie commençante, » et en avoir soulagé plusieurs autres en leur administrant l'extrait vineux des feuilles et des racines de cette plante, en parties égales. L'effet de ce remède était de produire des expectorations abondantes. Hortius rapporte l’observation d'un enrouement très-invétéré guéri au moyen d’un looch composé de poudre de racine d'arum mêlée avec du sucre candi et un sirop approprié.
J’ai fait cesser en dix jours une bronchorrhée chez un cultivateur qui en était atteint depuis un mois, par suite d’une bronchite aigùe, en administrant trois fois par jour 1 gramme de racine de cette plante mêlée en forme d’életuaire avec q. s. de miel. Je l’ai employée aussi avec succès chez un enfant de trois ans, atteint d’une coqueluche qui menaçait de se terminer par une pneumonie chronique. Je faisais prendre 30 centig. de cette racine pulvérisée trois fois par jour, et ensuite cinq fois. Elle produisait quelquefois le vomissement, et toujours quelques évacuations alvines. Après douze à quinze jours de son usage, la guérison était complète. Dans d’autres cas, je l'ai associée à la poudre de racine de belladone. Son effet me paraissait analogue à celui de l’ipécacuana, qu’elle peut, je crois, remplacer comme expectorante, ayant là même action sur les muqueuses bronchique et gastrique. Je n’employais que la racine de l'année.
(L’usage de l'arum dans les affections chroniques des voies respiratoires trouve une consécration dans, celui que les praticiens américains font de l’arum triphyllum.)
J’ai administré la racine d'arum, dans l'asthme humide, la cachexie suite de fièvres intermittentes prolongées, l'hydropisie, comme purgative et diurétique. Je commençais par la dose de 2 à 3 tram. en poudre dans de la tisane d'orge ; j'étais souvent obligé de diminuer cette dose pour l'augmenter graduellement. J’ai aussi donné avec avantage le suc exprimé à la dose de 1 à 2 gram. étendu dans une solution mucilagineuse un peu aromatisée. Lewis, qui a administré ce suc avec succès dans l’hydropisie, l'enveloppait de mucilage, et le donnait sous forme d’émulsion depuis 30 centig. jusqu’à 1 gram. 50 centigrammes.
Bergius et Gilibert prétendent avoir guéri avec l’arum des fièvres intermittentes et des céphalées gastriques rebelles.
Willis employait dans les affections rhumatismales la racine fraîche d’arum en émulsion avec de la gomme, le blanc de baleine, etc. Hooper prescrit contre le rhumatisme chronique la poudre de racine d’arum à la dose de 50 cent, dans du vin blanc d'Espagne, trois fois par jour. Voici ce que dit, au rapport de Bulliard, l’auteur d’un Traité de médicaments simples : « J’ai éprouvé d’heureux effets de l'usage de cette racine dans le traitement des douleurs du rhumatisme, surtout quand elles étaient fixes et situées profondément. En pareil cas j’ai fait prendre depuis dix grains jusqu'à un scrupule de racine fraîche d’arum, deux ou trois fois par jour ; elle s'avalait en bol ou en émulsion, jointe à des substances huileuses et mucilagineuses qui empêchaient que son âcreté et son irritation ne se fissent sentir vivement et ne produisissent sur la langue une impression douloureuse. En général, elle occasionne par tout le corps une légère agitation, avec picotement, et quand le malade se tient chaudement au lit, elle cause des sueurs abondantes. »
A l’extérieur, les feuilles fraîches pilées, ou la racine récente coupée en tranches minces, appliquées sur la peau, y produisent un effet rubéfiant et vésicant. J’ai souvent employé ce vésicatoire, parce que je l'ai toujours trouvé
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(1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. Ier, p. 157.
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sous la main pendant la belle saison. (Les campagnards appliquent sur le col dans les inflammations de la gorge un cataplasme de racines de gouet, réduites en pulpe grossière. Matthiole recommande le suc qu’on en exprime comme caustique sur les polypes nasaux. Albrecht (1) a vu au Japon employer contre l’accrus de la gale une variété d’arum mal déterminée. Il me semble que l’application de ce remède pourrait avoir plus d'un inconvénient si l’on tentait de suivre l'exemple des Japonais avec notre arum.) Un mélange de feuilles d’arum et d'oseille, cuites sous la cendre dans une feuille de choux, et incorporées avec du saindoux, m’a souvent servi comme maturatif sur les abcès froids, les tumeurs scrofuleuses ouvertes, mais encore engorgées dans leur voisinage, dans tous les cas où il fallait animer des tissus tuméfiés, soit cellulaires, soit glanduleux. L’oseille, mitigeant l'action de l’arum, empêche la vésication et borne cette action à un effet puissamment résolutif, stimulant et détersif. Quand ce mélange est fait avec les feuilles fraîches pilées dans un mortier, il est plus actif et convient surtout pour dissiper les engorgements œdémateux, l’hygroma, etc. Il peut, dans beaucoup de cas, remplacer comme résolutif les préparations d’iode, dont le prix, quand l’usage doit en être longtemps continué, est trop élevé pour l’ouvrier des campagnes.
J’ai détergé promptement des ulcères atoniques, scorbutiques ou scrofuleux, par l’application du suc des feuilles et de laracine d'arum ; son action est très-énergique et change le mode d’irritation des parties affectées. Une suppuration de bonne qualité a lieu, et une cicatrisation solide s’opère peu à peu. Un cas très-curieux, pour lequel j’ai été consulté en 1848, mérite d'être rapporté.
Géneau, âgé de sept ans, habitant Samer, bourg avantageusement situé et très-salubre, constitution grêle, tempérament éminemment lymphatique, ayant eu des croûtes de lait pendant sa première et sa seconde dentition, était atteint depuis dix-huit mois environ d’une tumeur blanche à l’articulation huméro-cubitale gauche, contre laquelle on avait employé des frictions avec la pommade d’iodure de potassium iodurée, et le vésicatoire ; à l'intérieur, la décoction de houblon et l'huile de foie de morue. Ce traitement, irrégulièrement suivi, fut abandonné à cause de l’indocilité de l’enfant. On s’en tint seulement à l'entretien d'un vésicatoire occupant la moitié externe de la tumeur. Quand je vis ce malade, à la fin d’avril 1848, la tumeur blanche était très-volumineuse ; elle occupait toute l’articulation, qui était immobile et en demi-flexion. Un fondus de la grosseur du poing s'était développé sur toute l’étendue du vésicatoire, qui, négligé, pansé avec des corps gras, s'était ulcéré. Cette énorme hypersarcose, d’un aspect hideux, peu douloureuse, saignant au plus léger frottement, fournissait une suppuration abondante. La partie non ulcérée de la tumeur blanche était pâle, excepté au pourtour du fondus. Il y avait pâleur du teint, amaigrissement, grande débilité ; parfois irritation gastro-intestinale manifestée par la diarrhée ou la constipation, mais toujours assez bon appétit et sommeil paisible. Dunan, Courtois et Grignon, médecins à Samer, avaient, me dit-on, déclaré que l’amputation du bras était le seul moyen à employer. Je dois avouer que je partageais cette opinion ; mais comme les parents s’opposaient à toute opération sanglante, je proposai subsidiairement la destruction du fondus par l'application du caustique de Vienne. On demanda un délai de quelques jours. Un guérisseur de campagne fut consulté. Ce dernier conseilla l'application journalière des feuilles d’arum, broyées et réduites en.pulpe, sur toute l'étendue du fondus, et des compresses imbibées de la décoction des racines delà même plante, autour de l'articulation. L’action corrosive du suc d'arum détruisit peu à peu l'hypersarcose. La plaie, ramenée au niveau des téguments,
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(1) Union médicale, 1863, n° 70.
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se cicatrisa. La fomentation de décoction de racine d’arum fut continuée comme résolutif. Bref, après trois mois de ce traitement, la guérison était obtenue. Il restait seulement un léger engorgement autour de l’articulation, et un peu de gêne dans les mouvements d'extension, résultant de l'immobilité prolongée du membre, et probablement d'un état phlegmasique adhésif des tissus blancs. Ne pigeat ex plebeis sciscitari, si quid ad curationem utile (1).
Ce serait un livre vraiment utile que celui qui contiendrait tous les remèdes populaires traditionnellement répandus dans les campagnes. Fernel, au rapport de Bordeu, méditait, au moment où il mourut, un ouvrage sur l’usage et l’administration de tous les remèdes domestiques, empiriques et autres : « Quel malheur, dit le médecin béarnais, qu’un homme qui paraît avoir été propre à marier le dogme à l’empirisme, n’ait pas eu le temps de remplir cet important objet!… »
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(1) Hippocrate, in Prœceptis.