Asaret (Cazin 1868)
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Nom accepté : Asarum europaeum
Asarum Dodonœi. B.
Cabaret, — asaret d’Europe, — oreille d'homme, — oreillette, — nard sauvage, — rondelle, — girard, — roussin, — panacée des fièvres quartes.
Aristolochiacées. Fam. nat. — Dodécandrie monogynie. L.
Cette plante vivace (Pl. VI) se rencontre dans les lieux ombragés et vient spontanément dans toute l’Europe. Je l'ai cultivée dans mon jardin. Je l’ai trouvée dans la forêt de Boulogne-sur-Mer et dans les bois environnants.
Description. — Rhizome brun-grisâtre extérieurement, jaunâtre à l’intérieur, tortueux, genouillé, tuberculeux, quadrangulaire, dense et comme ligneux, jetant de nombreuses fibres radicales, blanchâtres. — Tige très-courte, simple, garnie d’écailles membraneuses, se terminant par deux feuilles. — Feuilles portées sur de longs pétioles, réniformes, coriaces, d’un vert foncé et luisant en dessus, d’un vert pâle en dessous, recourbées en dedans. — Fleurs hermaphrodites, régulières, solitaires, petites, d’un pourpre noirâtre, portées sur un court pédoncule, et dont tous les organes persistent jusqu’à la maturité (avril-mai). — Calice campanulé, pétaloïde, à limbe trifide, à lobes égaux, velus en dehors. — Corolle nulle. — Etamines au nombre de douze, à filets courts, alternativement longues et courtes, insérées sur un disque au sommet de l’ovaire ; anthères bilobées. — Ovaire infère soudé avec le tube du calice, à six loges polythermes ; ovules ascendants, insérés sur deux rangs dans chaque loge. — Style indivis, court, hexagone. — Stigmate à six divisions disposées en étoiles. — Fruit capsulaire, coriace, surmonté du limbe du calice, à six loges irrégulièrement déhiscentes, contenant de petites graines rugueuses transversalement, ovales, attachées au bord central des cloisons. — Embryon très-petit, placé dans un périsperme charnu. — Radicule dirigée vers le hile.
Parties usitées. — Les racines et les feuilles.
[Culture. — L’asaret n’est cultivé que dans les jardins de botanique ; il vient dans tous les terrains, mais il préfère une exposition ombragée ; on le propage par éclats des rhizomes.]
Récolte. — La récolte de l’asaret doit se faire au printemps avant la floraison, ou à l’automne pour la racine, pendant tout l'été pour les feuilles. En récoltant la racine aux deux époques indiquées, on l’a de bonne qualité pendant toute l’année, puisqu'on peut ainsi la renouveler deux fois par an. Quand on la prend dans le commerce, il faut la choisir belle, entière, bien nourrie, grosse comme une moyenne plume d’oie, récemment séchée, d'une odeur agréable et pénétrante, camphrée et térébenthinée. On la mélange souvent avec les racines d’arnica, d’asclépias, de fraisier, de polygala ; et principalement de valériane sauvage : l’odeur forte et particulière de cette dernière suffit pour la distinguer. On confond aussi assez souvent dans le commerce la racine d’asarum avec celle d’une autre plante nommée asarine antirrhinum asarina. L.
Propriétés physiques et chimiques. — La racine d'asaret exhale une
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odeur forte, pénétrante, analogue à celle du nard celtique, de là l’origine du nom de nard sauvage. Sa saveur, de même que celle de ses feuilles, est acre, amère, nauséeuse. D’après l’analyse de Lasaigne et Feneulle, la racine d'asaret contient une huile volatile concrète et camphrée, une huile grasse très-âcre, une substance jaune nauséeuse, soluble dans l’eau, analogue à la cytisine, dans laquelle paraît résider le principe actif ; de l’albumine, de la fécule, du muqueux, de l'acide citrique, du surcitrate de chaux, et quelques autres sels. On n'a pu y découvrir l'émétine.
Cette racine donne à la distillation une huile volatile liquide, une matière cristalline nommée asarite, et une matière blanche, transparente et aussi cristallisable, à laquelle Blanchet et Sell ont donné le nom d’asarone[1], et que l’on désigne maintenant sous le nom de camphre d’asarum. [D’après ces auteurs, l’huile essentielle d’asaret a pour formule = C20 H15 O5 ; elle a été étudiée par Smith, elle fond à 120 degrés, elle se dissout dans l’acide azotique qui forme avec elle une matière résinoïde rouge incrislallisable.]
A L’INTÉRIEUR. — Poudre (racine ou feuilles), comme vomitif, 60 centigr. à 2 gr. ; — comme excitant, 5 à 20 centigr. |
blanc), — se donnait autrefois comme vomitif, et à petites doses, comme excitant, diurétique, fondant, etc. |
La racine et les feuilles d'asaret sont excitantes, émétiques et anthelmintiques. Elles sont aussi sternutatoires. Mises en contact avec la peau privée de son épiderme ou avec une membrane muqueuse, elles produisent une inflammation locale très-vive, de même que l’ipécacuana. (A petite dose, en vertu de son principe aromatique, l’asaret est stomachique ; à dose plus forte, il régularise les évacuations intestinales, en produisant le vomissement et la purgation.)
L’asaret a été regardé, de tout temps, comme un des meilleurs vomitifs. Dioscoride, Galien, Mesué, ont reconnu ses propriétés. Ettmuller, Fernel, Kramer, Hoffmann, Boerhaave, Willis, et un grand nombre d’autres médecins, en ont fait le plus grand éloge. Rivière le considérait comme le vomitif par excellence dans la fièvre quarte ; Linné a reconnu que les feuilles d’asarum, réduites en poudre très-fine, avaient des propriétés vomitives plus énergiques que l’ipécacuana.
Venel se plaignait de ce que les théories des docteurs anodins avaient banni de la pratique de la médecine cette précieuse plante. Burtin a recueilli un grand nombre d’observations qui prouvent que l’asarum ne le cède en rien à l’ipécacuana. Les expériences de Coste et Wilmet sur ce vomitif indigène ne sont pas moins concluantes. Hanin le regarde aussi comme le meilleur succédané de la racine brésilienne, et Wauters s’exprime ainsi sur cette plante : Principiis suis constituentibus cum ipecacuanha coincidere videtur, licet aliquando venenis adnumeratum fuerit, quum ab imprudentibus sine debitis cautelis prœscribebatur : En effet, je pense, avec cet auteur, que si quelques praticiens ont rejeté l’emploi de l'asaret comme agissant avec violence, et n’ayant qu'une action irrégulière et inconstante, c'est parce qu’on l'a administré sans précaution ou à des doses trop élevées ou même dans des cas où une irritation préexistante en contre-indiquait l'usage. Si une prédilection marquée pour les médicaments exotiques n’existait pas chez la plupart des médecins, on tiendrait compte aussi de l’action irrégulière de l’ipécacuana, si souvent observée dans la pratique. Le plus ou moins d’effet des médicaments vient bien plus de la disposition idiosyncrasique des sujets qui en reçoivent l’action que du médicament lui-même. C'est une vérité pratique que l’expérience journalière confirme et qui s'applique à tous les genres de médication.
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- ↑ Journal de pharmacie, t. VI, p. 561 ; t. XX, p. 347.
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L’asarum dont les anciens faisaient grand-cas, a été négligé depuis la découverte de l’ipécacuana ; mais les gens de la campagne, plus attachés aux traditions populaires que les citadins, ont conservé l’usage de ce remède. Ils recourent à l'infusion des feuilles pour provoquer le vomissement et la purgation. Je dois dire que je l’ai toujours vu employer avec avantage, et qu'il n’a produit, dans certains cas, d'autres accidents que ceux que tous les éméto-cathartiques excitent quand ils sont pris à dose trop élevée ou intempestivement administrés ; 60 à 80 centig. de poudre de racine d’asaret font aussi bien vomir que la même dose d'ipécacuanha, et ne fatiguent pas davantage. J’ai employé cette poudre à la dose de 10, 15 ou 20 centig., comme altérante, dans la bronchite chronique, la coqueluche, et surtout dans la diarrhée. Elle m’a réussi aussi bien que l'ipécacuanha. Je la mêle quelquefois à la belladone pour combattre la coqueluche.
Des auteurs, et notamment Gilibert, ont avancé que l’énergie des feuilles est moins puissante que celle des racines. Je n'ai pas cette opinion ; les feuilles m'ont paru jouir d'une action tout au moins aussi prononcée. Loiseleur-Deslongchamps a même constaté, par une série d’expériences, que la force émétique était plus développée dans les feuilles que dans les racines ; ces feuilles, dit le zélé défenseur de la matière médicale indigène, offrent un émétique qui l’emporte sur tous les autres.
Longtemps gardée, cette racine n’est plus vomitive ; après six mois, elle n’est que purgative ; après deux ans elle ne purge presque plus, même à la dose de 1 gr. 50 cent. Elle acquiert alors la vertu diurétique, et peut être employée comme telle dans les tisanes. Il faut donc avoir égard à son plus ou moins de vétusté pour en régler les doses ou remplir telle ou telle indication.
Il est bon de remarquer que l’administration de l'asarum sous forme aqueuse excite beaucoup moins les vomissements et les évacuations alvines : mais elle a plus d’activité sur la peau et sur les voies urinaires.
(Le nom de Cabaret provient, dit-on, de ce que les ivrognes employaient cette plante comme vomitive, afin de recommencer à boire. En Russie, elle a la réputation d’être un excellent remède contre les effets des liqueurs alcooliques. Y a-t-il simplement dyspepsie à crapula, Smirnoff[1] lui attribue la propriété de relever l'appétit défaillant et de neutraliser le besoin factice, mais irrésistible de l'alcool. Quand l’eau-de-vie ne peut être abandonnée par les buveurs invétérés, c’est ce liquide lui-même qu’il prend pour véhicule ; l’asaret soutient alors la résistance du malade et on voit augmenter l’intervalle qui sépare les attaques de delirium tremens habituelles ; pendent l'ivresse elle-même, traitement en tout identique, par la décoction d'asarum.)
Rondelet dit avoir employé avec beaucoup de succès la décoction aqueuse d’asaret contre la sciatique.
Quelques auteurs rapportent que l’asarum a été souvent employé dans le but coupable de provoquer l'avortement.
Les maréchaux qui, dans nos campagnes, exercent la médecine vétérinaire d’une manière toute traditionnelle et routinière, regardent le cabaret comme un bon purgatif, propre au traitement du farcin et à l’expulsion des vers chez les poulains : ils donnent la racine en poudre à la dose de 15 à 30 gr. mêlée avec du son mouillé.
La poudre des feuilles sèches d'asaret est un sternutatoire énergique. Employée seule ou mélangée avec la poudre de muguet, de béotoine, etc., elle est regardée comme efficace dans les céphalées opiniâtres, dans la suppression d’un flux nasal habituel, et autres maladies indiquant l'emploi des errhins. Les feuilles de cette plante, fraîches ou sèches, mâchées, pro-
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- ↑ Medical Times and Gazette, 1860.
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voquent une salivation abondante, et peuvent être employées comme sialagogues. Introduites dans le conduit auditif externe, comme irritantes, elles ont pu être utiles dans la surdité.