Dentelaire (Cazin 1868) : Différence entre versions
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''Lepidium dentellaria dictum''. Bauh. — ''Plumbago quorumdum''. Tourn. | ''Lepidium dentellaria dictum''. Bauh. — ''Plumbago quorumdum''. Tourn. |
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Nom accepté : Plumbago europaea
Lepidium dentellaria dictum. Bauh. — Plumbago quorumdum. Tourn.
PLUMBAGINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE L.
Dentaire, — herbe aux cancers, — Malherbe, — herbe aux racheux.
La dentelaire (Pl. XVII), ainsi nommée à cause de la propriété que les anciens lui supposaient d'apaiser les douleurs des dents, croît sur le bord des chemins, dans les champs arides du midi de la France. On la trouve dans les environs de Toulon, de Narbonne, à Armissan, Langel, etc.
Description. — Racine blanche, pivotante, épaisse, un peu rameuse. — Tige droite, de 50 à 60 centimètres, rameuse, striée, cylindrique, cannelée. — Feuilles alternes, amplexicaules, ovales, allongées, d'un vert plombé, rudes au toucher, entières ou médiocrement denticulées, légèrement bordées de poils très-courts, glanduleux ; deux oreillettes à leur base ; les inférieures ovales, très-obtuses, rétrécies à leur base, presque spatulées, longues de 5 centimètres ; les supérieures plus étroites, lancéolées, aiguës ; celles des rameaux plus petites, presque linéaires. — Fleurs sessiles, en bouquets terminaux, violettes, accompagnées de 3-4 petites bractées (août-septembre). — Calice tubuleux, hérissé de poils glanduleux, jet visqueux, à cinq dents étroites et cinq angles. — Corolle infundibuliforme, cinq lobes ovales-obtus au limbe. — Cinq étamines de la longueur du limbe, un peu saillantes. — Ovaire surmonté d'un style, quintifide au sommet. — Fruit : capsule renfermée dans le calice, contenant une semence suspendue par un cordon filiforme.
Parties usitées. — La racine et les feuilles.
[Culture. — La dentelaire, qui est très-rustique, croît dans tous les sols ; cependant elle préfère les terres profondes, un peu chaudes ; on la propage de graines semées en pots au printemps et sur couche ; dans le Nord, et partout où la graine ne mûrit pas, on la multiplie par éclats de pieds, mais ce mode de multiplication ne donne pas d'aussi bons résultats.]
Récolte. — Il est préférable d'employer cette racine à l'état frais ; elle perd de son âcreté par la dessiccation. Cependant, on la trouve chez les herboristes sous la forme de longs fuseaux rougeâtres, presque ligneux. C'est dans cet état qu'elle sert comme masticatoire odontalgique.
Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties de la dentelaire, et notamment les racines, ont une saveur âcre et brûlante, et excitent, quand on les mâche, une abondante salivation. Dulong, d'Astafort[1], a extrait de la racine un principe âcre, non azoté, volatil, non alcalin, qu'il nomme plombagin. [Il cristallise en cristaux angulaires orangés, d'une saveur âcre et brûlante, peu solubles dans l'eau et dans l'alcool ; les alcalis et le sous-acétate de plomb le colorent en rouge, ils sont neutres et volatils, sans altération, fusibles à une douce chaleur.] (La racine contient aussi un corps gras particulier, non encore étudié, qui donne à la peau une couleur gris de plomb, ce qui a valu à la plante le nom de plumbago.)
L'action rubéfiante et vésicante de la dentelaire appliquée sur la peau est un indice certain de sa vertu énergiquement stimulante. Introduite à une certaine dose dans les voies digestives, elle produit des vomissements, des tranchées et tous les symptômes des poisons irritants. Suivant Hanin, il suffit d'en mâcher quelque temps les feuilles pour éprouver des nausées.
Bien que Wedelius, cité par Peyrilhe, ait considéré le plumbago comme éméto-cathartique et antidysentérique, et qu'il l'ait même décoré du nom ipécacuanha nostras, je n'ai jamais tenté de l'administrer à l'intérieur. Cependant, « si l'expérience, dit Chaumeton, confirme à ce sujet les faits annoncés par Wedel, on pourra peut-être la placer un jour au rang des succédanés de l'ipécacuanha. » Peyrilhe la croit vomitive et purgative à la dose de 15 à 30 centigr.
Cette racine caustique a été longtemps employée en Provence pour la gué-
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- ↑ Journal de pharmacie, t. XIV, p. 444.
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rison de la teigne et de la gale ; mais Garidel a vu résulter de graves accidents de ce traitement empirique, et Sauvages parle d'une jeune fille qui fut en quelque sorte écorchée vive pour en avoir fait usage. Cependant Sumeire l'a proposée en 1779 contre la gale, mais en lui faisant préalablement subir une préparation ayant pour effet d'en diminuer l'extrême âcreté. Cette préparation consiste à triturer dans un mortier de marbre deux ou trois poignées de racines de cette plante, sur lesquelles on verse 1/2 kilogr. d'huile bouillante. Après avoir broyé le tout pendant quelques minutes, passé à travers un linge et exprimé fortement le résidu, on place une partie de ce résidu dans un nouet de linge fin que l'on trempe ensuite dans l'huile tiède pour en faire des onctions sur la peau. Trois ou quatre de ces onctions suffisent en général pour la guérison de la gale simple. Les bons effets de ce traitement ont été constatés dans le temps par une commission de la Société royale de médecine de Paris. Alibert a confirmé par l'expérience l'approbation de cette Société savante. Le professeur Delpech a aussi observé les bons effets du remède de Sumeire ; mais il les a attribués à l'huile d'olive seule. Curtet, professeur à l'Ecole de médecine de Bruxelles[1], employait de la même manière les feuilles de dentelaire au lieu des racines. D'après ce praticien, il se produit une éruption générale très-abondante, assez pénible ; mais la gale la plus invétérée guérit en huit ou dix jours.
Il est important de distinguer la gale du prurigo, avec lequel on la confond souvent ; car si on pratiquait des frictions avec les préparations dont nous venons de parler sur le prurigo formicans, cette éruption, au lieu de guérir, en deviendrait plus rebelle.
Toutes les parties de la dentelaire peuvent être employées à l'extérieur comme vésicatoires : l'effet en est prompt. On s'en sert avantageusement dans les ulcères atoniques, pour réprimer les chairs fongueuses et activer le travail de la cicatrisation dans les plaies anciennes, pâles et blafardes. Schreiber et Sauvages-Delacroix[2] prétendent que l'huile dans laquelle on a fait infuser cette plante a guéri non-seulement d'anciens ulcères, mais aussi de véritables cancers. Hévin parle aussi de ce remède, et dit qu'on doit en renouveler l'application plusieurs fois le jour jusqu'à ce que l'eschare noire qu'il forme soit assez croûteuse pour que le malade ne souffre plus. « Dans le cancer des lèvres, du nez et des joues (noli me tangere), la racine de dentelaire, dit Vitet, exactement broyée et mêlée à la dose de 1/2 once (15 gr.) avec jaunes d'œufs, au nombre de dix, ensuite fortement exprimée à travers un linge grossier, donne une espèce d'onguent dont l'application passe pour enflammer et ensuite dessécher l'ulcère ; c'est à l'expérience, ajoute cet auteur, à confirmer cette vertu ; elle me paraît aussi douteuse que celle de l'extrait de ciguë ou d'aconit pour dompter cette espèce de cancer. » Cet onguent peut trouver son application comme rubéfiant et détersif ; mais aucun médecin ne sera tenté de le substituer à la pâte arsenicale, à celle de Canquoin, ni au caustique de Vienne, dans le traitement du cancer.
La racine de dentelaire, mâchée, augmente la sécrétion salivaire, et agit ainsi, suivant Linné, comme un puissant antiodontalgique.
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