Chêne (Cazin 1868) : Différence entre versions

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Chélidoine
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Chervi


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Chêne pédonculé

Nom accepté : Quercus robur


CHÊNE. Quercus robur. L.
Quercus cum longo pediculo. Bauh. — Quercus vulgaris. Lob., Quercus racemosa. Lam., Cond.
Chêne rouvre, — chêne mâle, — rouvre, — quesne, — roi des forêts.
CUPULIFÈRES, Bich. — AMENTACÉES. Fam. nat. — MONŒCIE POLYANDRIE, L.


Cet arbre tient le premier rang parmi ceux qui croissent dans nos forêts. où il s'élève parfois jusqu'à près de 100 pieds de hauteur. Il est assez connu pour n'avoir pas besoin de description. Son bois l'emporte sur celui de tous les autres arbres par la solidité, par la force et par la durée. Aussi est-il le plus recherché pour la charpente des bâtiments, la construction des navires, le charronnage, la menuiserie, etc. Les glands de chêne sont avidement recherchés par les oiseaux de nos basses-cours, et par les cochons, auxquels ils procurent un excellent lard.

Parties usitées. — L'écorce, les fruits, les galles et les feuilles.

Récolte. — Il faut prendre l'écorce de chêne pour l'usage médical sur des branches de trois à quatre ans, un peu avant la floraison qui a lieu en avril-mai. Les feuilles se récoltent pendant l'été et les glands dans l'automne.


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Propriétés physiques et chimiques. — L'écorce de chêne diffère suivant l'âge de l'arbre et des branches. Celle du tronc et des vieux arbres est épaisse, très-rugueuse, crevassée, d'un brun rougeâtre à l'intérieur, et d'un vert noirâtre en dehors ; celle des arbres et des branches jeunes est lisse, presque sans crevasses, d'un rouge pâle au dedans, et d'un blanc verdâtre au dehors. D'une odeur fade, elle a un goût âcre et très-astringent dû à la grande quantité de tannin et d'acide gallique qu'elle contient, ce qui la rend plus propre que tcutes les autres substances au tannage des peaux. Réduite en poudre pour cet usage, elle prend le nom de tan. L'écorce des jeunes arbres et des jeunes branches est plus chargée de tannin. Après avoir servi à la préparation des cuirs, le tan peut former de bonnes couches pour les serres chaudes, ou être brûlé sous forme de mottes. D'après les essais de Braconnot, cette écorce contient en outre du sucre incristallisable, de la pectine, du tannate de chaux, du tannate de magnésie, du tannate de potasse, etc. Le tannin qu'elle fournit paraît être uni, en outre de l'acide gallique, à quelques autres matières à un état de combinaison inexaminé. Braconnot a fait remarquer que l'écorce de chêne ne dépose pas d'apothème par des évaporations et dissolutions successives ; ce qui ne manque pas d'arriver avec le tannin de la noix de galle. Ce chimiste n'a pas non plus trouvé de corticine dans cette écorce (in Soubeiran). Les glands renferment de la fécule en grande quantité. Ils ont été analysés par Loewig, qui les a trouvés formés d'huile grasse 43, de résine 52, de gomme 64, de tannin 90, d'extractif amer 52, d'amidon 385, de ligneux 319, de sels de potasse, de chaux, d'alumine, des traces, etc.[1]. Suivant Bourlet, on emploie en Turquie les glands comme analeptiques ; on les enfouit dans la terre pendant quelque temps pour leur faire perdre leur amertume ; puis on les sèche et on les torréfie. Leur poudre, mêlée à du sucre et à des aromates, constituerait le palamoud des Turcs et le racahout des Arabes : ce sont des aliments de facile digestion, mais auxquels on substitue habituellement chez nous un mélange dans lequel le gland de chêne est remplacé par le cacao et des fécules (in Soubeiran).

[Les glands de différents chênes sont torréfiés et servent à préparer le produit que l'on vend sous le nom de Café de gland doux, mais, il arrive souvent que l'orge et l'avoine torréfiées dominent dans ce produit.]

(La quercine, matière cristalline, voisine de la salicine, a été trouvée par Gerber dans l'écorce du chêne. Elle est soluble dans l'eau et l'alcool, très-soluble dans l'éther.)

[La quercite que Braconnot a extraite du gland du chêne se rapproche de la mannite, elle cristallise en prismes transparents, inaltérables à l'air, solubles dans l'eau et dans l'alcool; elle a pour formule C12 H12 O10.

La qurcitrine = C16 H7 O9 HO, extraite par Chevreul du quercitron ou Q. nigra ou tinctoria, est une matière colorante jaune, cristalline, peu soluble dans l'eau ; c'est un glycoside, les acides étendus le transforment en glycose et en quercétine (Rigaud).]

(Chevreul a aussi découvert dans cette écorce un corps moins soluble que le quercitrin, la quercitréine (C32 Hl5 O18). Elle se présente sous forme de poudre cristalline jaune foncé ; la solution (1 partie pour 4 d'alcool absolu, ou 300 d'eau bouillante) est acide.)

Substances incompatibles. — Les carbonates alcalins, l'eau de chaux, les sels de fer et de zinc, de plomb, de mercure, la gélatine.

GALLES.— On désigne sous le nom générique de galles, des excroissances qui se forment sur divers arbres à la suite de la piqûre d'insectes qui déposent leurs œufs dans une cavité où ils éprouvent toutes leurs métamorphoses.

Les galles que l'on trouve sur divers chênes sont produites par un insecte du genre Cynips. La plus commune est celle du chêne à galles qui vient principalement d'Alep. Celles de notre pays sont formées de la même manière, elles sont moins employées et renferment moins de tannin. Elles sont entièrement sphériques, polies, rougeâtres.

Lorsqu'on coupe une noix de galle en deux, on trouve : 1° au centre une petite cavité renfermant la larve ou ses débris ; 2° une couche spongieuse jaunâtre, destinée à nourrir l'animal (Guibourt) ; 3° trois ou quatre loges contenant de l'air et servant à la respiration de la larve ; 4° une substance spongieuse à structure radiée ; 5° à l'extérieur une enveloppe verte contenant de la chlorophylle et une huile essentielle.

Sur les jeunes rameaux dn chêne rouvre (Q. robur, Q. sessiflora, Smith) et sur le tauzin (Q. tauza, Wild) on trouve la galle lisse que Réaumur appelait galle du pétiole du chêne ; la galle couronnée ou en couronne est produite par la piqûre des bourgeons au commencement de leur développement ; la galle corniculée se trouve au milieu des branches ; la galle hongroise ou gallon du Piémont vient sur le chêne rouvre avant la

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  1. Bulletin des sciences médicales, t. XVI, p. 460.


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fécondation de l'ovaire ; la galle squameuse ou galle en artichaut se trouve sur les chatons femelles du chêne rouvre.

Voici, d'après Moquin-Tandon, comment on peut diviser les galles :

  • D'une seule pièce
    • Régulières
      • Sphériques, tuberculeuses :
        • 1° D'Alep
        • 2° Lisse
      • Non sphériques, non tuberculeuses : 3° Couronnée
    • Irrégulières
      • Avec cornes : 4° Corniculée
      • Sans cornes : 5° Hongroise
  • De plusieurs pièces : 6° Squameuse


La noix de galle d’Alep doit être préférée toute verte et non percée du trou par lequel le cynips s'échappe ; elle renferme du tannin (60 pour 100), les acides gallique, ellagique, et lutéo-gallique, de la chlorophylle, une huile volatile, des matières extractives, de l'amidon, divers sels de potasse et de chaux, de l'acide pectique (Berzélius) et de la pectase (Laroque).

(L'infusion de noix de galles est un très-bon réactif pour reconnaître la présence du fer dans une dissolution ; elle y détermine un précipité noir bleuâtre de tannate de fer. L'encre est le résultat de cette combinaison.)


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Décoction de l'écorce, 5 à 15 gr. pour 500 gr. d'eau.
Poudre de l'écorce, 2 à 4 gr. en électuaire ou dans du vin, comme astringent ; 8 à 24 gr. comme fébrifuge.
Extrait aqueux, 1 à 2 gr. en pilules.
Glands torréfiés, en infusion, 30 à 40 gr. par kilogramme d'eau, et même à plus forte dose.

Glands ou cupule de glands en poudre, 2 à 4 gr. dans du vin ou en électuaire, comme tonique astringent.

A L'EXTÉRIEUR. — Décoction, 30 à 60 gr. et plus par kilogramme d'eau, pour lotions, fomentations, gargarismes, injections, etc.
Vin (60 à 80 gr. par kilogramme de vin), en fomentations, injections, etc.


[L'extrait de gland doux s'obtient par déplacement ; avec l'eau, on obtient le dixième du poids du produit ; par l'alcool à 56" C, on ne relire que 95 pour 1000 d'extrait.]

L'écorce de chêne est un des astringents les plus énergiques.

Cette écorce a été donnée à grandes doses aux chevaux et aux chèvres ; un cheval en a pris 10 kilogr. en un mois, et on a trouvé son sang plus visqueux, plus rouge, plus consistant : il s'est conservé deux mois mort sans donner des signes de putréfaction. La colle forte et le sulfate de fer n'ont pas décelé de tannin dans son sang, mais l'ont démarqué dans les urines. Un autre cheval, qui en avait pris aussi une grande quantité, avait l'estomac racorni; ses membranes avaient le triple de leur épaisseur ordinaire ; elles ne se sont pas putréfiées, etc.[1].

L'écorce de chêne doit être administrée à l'intérieur avec précaution ; car, à trop haute dose, ou trop longtemps continuée, elle fatigue l'estomac et produit la cardialgie. « Ses principes, dit Barbier, déterminent sur les surfaces organiques, avec lesquelles on la met en contact, un resserrement fibrillaire très-prononcé, qui se fait sentir dans les tissus qui sont situés au-dessous. Cette agression est si vive qu'elle cause sur les parties très-sensibles, comme l'estomac, une sorte de crispation pénible et douloureuse ; qu'elle donne lieu à des anxiétés épigastriques, à des spasmes, etc. Aussi, n'administre-t-on l'écorce de chêne qu'avec une certaine retenue, ou bien il faut la mêler à des substances qui modèrent l'action qu'elle exerce sur la surface interne du canal alimentaire. » Quoi qu'il en soit, l'écorce de chêne, qui faisait partie de la matière médicale d'Hippocrate, de Galien, de Dioscoride, etc., et que les médecins de nos jours prescrivent rarement à l'intérieur, a été conseillée dans les métrorrhagies atoniques, les flueurs blanches, sans irritation ; vers la fin des blennorrhagies, la blennorrhée, les hémorrhagies passives, l'incontinence d'urine, les diarrhées, les dysenteries chroniques, les flux muqueux atoniques en général, et surtout dans les fièvres

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  1. Compte-rendu des travaux de l'Ecole vétérinaire de Lyon, 1811.


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intermittentes. A l'extérieur, cette écorce est assez fréquemment mise en usage comme tonique astringent, styptique et antiseptique.

Tous les auteurs de matière médicale parlent de la guérison de fièvres intermittentes de tous les types au moyen des diverses préparations de l'écorce de chêne. Citons entre autres Dehaen, Cullen, Wauters, Percival, Fordyce[1], Van Rotterdam (in Mérat et Delens). « Il existe, dit Barbier, dans un faubourg d'Amiens, un moulin où l'on réduit en poudre l'écorce de chêne. On a remarqué que les ouvriers qui vivent au milieu de la poussière qui s'échappe de ces écorces, pendant la pulvérisation, n'étaient jamais atteints de fièvres intermittentes ; tandis que les ouvriers occupés à d'autres travaux, et les habitants de ce lieu marécageux et humide, sont fréquemment tourmentés de ces maladies, en automne surtout. » Ma prédilection pour les végétaux indigènes ne va pas jusqu'à accorder une telle vertu à l'écorce de chêne. En mélangeant l'écorce de chêne avec la camomille romaine et la gentiane, à parties égales, on obtient le remède fébrifuge auquel on a donné le nom de quinquina français. Ce fébrifuge, préconisé par Alphonse Leroy, et que le professeur Fouquier employa avec quelque succès à l'époque où les fièvres intermittentes régnaient aux environs de Paris, s'administre à la dose de 8 à 16 gr., en bols, en pilules ou dans du vin.

Il est avantageux, dans le traitement des fièvres intermittentes, d'associer à l'écorce de chêne, comme pour l'emploi de l'écorce d'aune et de la racine de bistorte, une certaine quantité de racine de gentiane, de sommités de petite centaurée, d'absinthe ou de feuilles de chausse-trape. Ces mélanges atteignent plus facilement et plus promptement le but. Ils m'ont quelquefois réussi dans des fièvres intermittentes anciennes, contre lesquelles on avait à diverses reprises fait usage des préparations de quinquina.

L'écorce de chêne peut remplacer tous les astringents exotiques. Galien, et, après lui, presque tous les praticiens, l'ont employée dans le traitement des hémorrhagies passives, de la dysenterie, de la leucorrhée. Porta[2] la considérait comme un remède préférable à tous les autres astringents dans les hémorrhagies de l'utérus actives ou passives. Il l'administrait en pilules de 10 à 15 centigr., répétées de deux heures en deux heures. Il affirme que, pendant trois ans qu'il a expérimenté ce moyen, il ne l'a vu échouer que deux fois.

J'ai employé la poudre d'écorce de chêne mêlée avec du miel, à la dose de 2 à 4 gr. dans les vingt-quatre heures, contre les hémorrhagies utérines qui n'avaient cédé à aucun autre moyen. Le gland torréfié ne m'a pas moins réussi en pareil cas[3]. Je pourrais rapporter en détail vingt observations qui prouvent l'efficacité de l'un ou de l'autre de ces moyens contre la ménorrbagie atonique, le mélœna, l'hémoptysie, etc. J'ai employé le calice ou cupule du gland, pulvérisé, à la close de 4 gr. dans un verre de vin rouge, dans un cas d'hémorrhagie utérine continuant à la suite d'un avortement, chez une jeune femme d'une faible constitution et ayant habituellement une menstruation abondante. Dès le premier jour, l'hémorrhagie diminua de moitié, et dans l'espace de trois jours elle avait entièrement cessé. Il n'est pas inutile de dire que cette femme avait fait usage sans succès d'une décoction de racine de grande consoude et de ratanhia, prescrite par un médecin du village qu'elle habitait.

Alibert employait avec succès l'écorce de chêne à l'intérieur et en injection dans les leucorrhées continuelles entretenues par une faiblesse générale et un relâchement de la muqueuse vaginale.

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  1. Journal général de médecine, t. XXIII.
  2. Revue médicale, t. III, p. 493, 1827.
  3. D'après les recherches de Davy (Philosophical Transactions, 1803), la torréfaction est très-propre à développer le principe tannin : les glands qu'on a fait cuire dans un four chauffé à 88° Réaumur en ont donné une quantité considérable.


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Les habitants de la campagne usent contre les vers d'une décoction de 4 gr. environ de tan dans une tasse d'eau réduite à moitié, à prendre le matin à jeun. J'en ai vu de si bons résultats que je l'ai employée dans ma pratique. Je l'administre de la même manière dans les fièvres mucoso-vermineuses, qu'on rencontre si fréquemment dans les communes rurales basses et humides.

Les Annales médicales de Roulers (1853) rapportent, d'après un journal hollandais le Tydschrift, que l'on fait usage depuis quelque temps, en Allemagne, d'une préparation connue sous le nom de liquor coriario-quercinus inspissatus. C'est une substance extractive, d'une couleur brune et d'une saveur astringente ; on l'obtient en filtrant et en évaporant au bain-marie, jusqu'à consistance convenable, le liquide jaune et clair provenant du tannage des peaux par l'écorce de chêne : 100 grammes donnent 2 grammes d'extrait Cet extrait, introduit dans la matière médicale par Weber, d'Ilten, sous le nom d'extrait antiphthisique, est employé dans les affections pulmonaire chroniques, et spécialement dans la phthisie ; il a pour effet de diminuer les symptômes de cette dernière maladie, et notamment les sueurs et l'expectoration. On le donne sous les formes de : 1° gouttes : extrait antiphthisique, 12 gr. ; délayez dans eau distillée ou eau de laurier-cerise 15gr., à prendre trois fois par jour, par doses successivement croissantes, 30 à 50 gouttes ; 2° pilules : extrait antiphthisique, 12 gr. ; racine de rhubarbe en poudre, 6 gr.; poudre de réglisse, Q. S. ; divisez en pilules de 13 centigr. : on donne ces pilules lorsque les gouttes ci-dessus formulées produisent la constipation ; 3° mixture : extrait antiphthisique, 12 gr.; délayez dans : eau de laurier-cerise, 12 gr. ; acétate de morphine, 0.10 centigr. ; sirop de violettes et de coquelicots, de chaque 30 gr. ; une cuillerée à café par jour ; 4° potion: extrait antiphthisique, 12 gr. ; délayez dans décoction de lichen d'Islande, ou de carrhagaheen, 500 gr.; sucre blanc, 60 gr.

L'extrait antiphthisique a été présenté, le 20 avril 1852, à l'Académie de médecine de Paris, par Barruel, sous le nom d’extrait de Jusée. On dit l'avoir employé avec avantage non-seulement dans la phthisie, mais aussi dans le rachitisme.

L'usage de l'écorce de chêne à l'extérieur est très-étendu et très-varié Les lavements de décoction de tan conviennent dans les diarrhées et les dysenteries chroniques, quand rien n'en contre-indique l'emploi, dans les écoulements muqueux du rectum. On fait des injections avec cette décoction dans l'urèthre et dans le vagin contre la leucorrhée, la blennorrhée,la blennorrhagie chronique, surtout chez les femmes, le boursouflement atonique du col utérin, les chutes de l'anus, etc. Swédiaur employait dans la gonorrhée chronique une injection faite, avec 30 gr. d'écorce de chêne dans 750 gr. d'eau réduits d'un tiers par l'ébullition. Mercurialis guérissait avec la décoction de feuilles de chêne les flueurs blanches les plus invétérées. On l'emploie en gargarismes dans le relâchement de la luette et de l'arrière-bouche, dans l'amygdalite, le relâchement des gencives, la stomatite mercurielle, etc. (Cullen).

Howison[1] a proposé la décoction de tan aluné pour arrêter l'épistaxis. Dans la décoction de 15 grammes de tan dans 1500 grammes d'eau, réduits à 1000 gr., il ajoute 2 gr. d'alun ; il injecte le liquide abondamment et à plusieurs reprises dans les narines, et y introduit des tampons de charpie qui en sont imbibés. Lordat[2] rapporte trois observations de métrorrhagies très-graves qui, après avoir résisté à l'emploi du seigle ergoté, aux affusions froides, à la compression de l'aorte, etc., cédèrent à la décoction d'écorce de chêne (60 gr. pour 500 gr. d'eau) injectée avec une seringue à

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  1. Revue médicale, t. III, p. 306, 1826.
  2. Gazette médicale de Toulouse, 1852, p. 303.


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matrice dans l'intérieur de l'utérus. Deux à cinq injections suffirent pour arrêter l'hémorrhagie.

Les bains de tan sont très-utiles dans les affections scrofuleuses, dans les engorgements glanduleux, les dartres et les ulcères scrofuleux, l'anasarque, les varices, les ecchymoses, dans beaucoup de maladies chroniques de la peau, enfin dans tous les cas où cette membrane, ou le tissu cellulaire sous-jacent, sont dans un état de relâchement, de flaccidité. Hufeland recommande l'usage de ces bains dans ce qu'il appelle l’hémacélinose, maladie qui reconnaît pour cause la dissolution du sang et la faiblesse du système vasculaire, et qui détermine de violentes hémorrhagies, comme dans le scorbut, avec lequel elle a la plus grande analogie. La décoction aqueuse ou vineuse de tan avec ou sans addition d'alun est employée avec avantage en fomentation dans les engorgements lymphatiques, le gonflement articulaire suite d'entorse ou de luxation, l'hydarthrose et même l'hydrocèle[1].

La décoction de tan alunée, en lotion et en fomentation, prévient et guérit très-bien les engelures.

La décoction vineuse de tan a parfaitement réussi à Ricord[2] pour guérir des chancres vénériens, suite d'un abcès virulent. Sauter[3] a guéri avec l'écorce de chêne, appliquée localement, des ulcères putrides, gangreneux, fongueux, qui avaient résisté aux caustiques. J'en ai vu de très-bons effets dans les hôpitaux militaires sous Napoléon Ier, lorsque le quinquina était d'un prix tellemement élevé qu'il était impossible d'en étendre l'usage au service chirurgical. Ce succédané rendait de grands services comme antiseptique et astringent dans la gangrène, la pourriture d'hôpital, les ulcères de mauvais caractère, les engorgements scorbutiques des extrémités inférieures, etc. On l'employait en décoction simple ou animée avec Q. S. d'eau-de-vie camphrée, ou mêlée avec autant d'eau de chaux, et en poudre seule ou mêlée avec le sel ammoniac, le sel commun, la poudre de charbon, le camphre, etc.

(La poudre d'écorces de chêne, de tan, peut être mise en usage comme désinfectant ; outre l'action astringente, qui tarit les sécrétions trop abondantes, elle agit aussi comme absorbante.)

Un cultivateur, âgé de cinquante-trois ans, m'a dit s'être débarrassé de fissures à l'anus, qui le faisaient beaucoup souffrir, au moyen d'injections et de lotions faites avec la décoction concentrée de feuilles de chêne dans l'eau où les forgerons font éteindre leur fer rougi. Je pense que l'écorce de chêne aurait dans cette maladie le même avantage que la racine de ratanhia. J'ai vu employer avec avantage sur les hernies commençantes, l'hydrocèle congéniale et la chute du rectum chez les enfants, le tan seul ou mêlé avec une suffisante quantité de lie de vin. Les feuilles de chêne infusées dans du vin rouge, avec addition d'un peu de miel, forment un gargarisme dont j'ai reconnu l'efficacité dans le relâchement des gencives, l'angine commen- çante ou chronique, etc. Je les mêle souvent avec pareille quantité de feuilles de noyer.

« Les débardeurs saupoudrent leurs souliers avec du tan lorsqu'ils quittent leurs travaux ; ils empêchent par ce moyen le développement ou l'accroissement d'une maladie qu'ils appellent grenouille : c'est un ramollissement avec altération du derme, avec gerçures et souvent usure des tissus qui sont souvent en contact avec l'eau ; on l'observe au talon, sous le tendon d Achille, etc., etc., surtout entre les orteils. » (Trousseau et Pidoux.)

Le gland de chêne était employé en médecine dès la plus haute antiquité.

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  1. Manoury, Journal analytique de médecine et des sciences accessoires, mars 1828, p. 461.
  2. Traité pratique des maladies vénériennes.
  3. Museum der Heilkunde, t. II.


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Parmi les modernes, Tragus, Scopoli, Rosen, etc., s'en sont servis dans les flux en général, et surtout dans les diarrhées muqueuses et les dysenteries chroniques. Au rapport de Tournefort, les glands torréfiés sont usités en Languedoc et en Provence contre la diarrhée et la dysenterie. D'après Hufeland[1], le gland torréfié et moulu, et pris en décoction, s'est montré très-efficace dans la coqueluche à l'Institut polyclinique de Berlin ; c'est surtout vers la fin de cette maladie, quand il y a débilité, que ce remède convient.

Le même auteur regarde le café de glands de chêne comme un véritable spécifique dans les indurations, les engorgements abdominaux, le carreau, le rachitisme. Schroeder paraît être le premier qui ait découvert les propriétés du gland dans ces cas. Baumes, Thuessing et Stolte[2], Avenbrugger, etc., l'ont vanté après lui. Barras[3] assure que l'infusion sucrée de glands de chêne torréfiés et réduits en poudre lui a procuré de nombreux succès pour faciliter la digestion, prise en guise de café à la fin des repas ; il a guéri des douleurs d'estomac et des dyspepsies par son emploi. Suivant Trousseau et Pidoux, l'infusion caféiforme de glands est fort utile aux enfants après le sevrage, aux personnes dont les digestions sont laborieuses et qui éprouvent du dévoiement, aux malades irritables, dont les fonctions digestives sont entravées par une phlegmasie chronique.

L'usage du gland râpé contre la colique venteuse est traditionnel chez les gens de la campagne. Les Flamands, dit le bénédictin Alexandre, en avalent dans du vin pour guérir les coliques que la bière leur cause. Dubois, de Tournay, étant atteint de violentes douleurs dans le ventre, fut guéri comme par enchantement en avalant une certaine quantité de gland râpé dans un petit verre d'eau-de-vie. Il se demande avec raison à laquelle de ces deux substances on doit attribuer le soulagement qu'il éprouva.

Rademacher[4] recommande l'eau distillée de glands de chêne, comme particulièrement efficace dans l'hydropisie provenant des maladies de la rate, et, en général, dans la plupart des affections spléniques qui surviennent pendant le cours ou le traitement d'autres maladies. Le café à glands de chêne peut neutraliser l'amertume du sulfate de quinine tout aussi bien et même mieux que le café ordinaire.

TANNIN. Le tannin, ou acide tannique (C18 H5 O9. 3HO), est un produit végétal qui existe dans tous les végétaux astringents, et qu'on retire ordinairement de la noix de galle (A. gallotannique), de l'écorce de chêne (A. quercitannique), etc. C'est l'astringent le plus énergique, le plus puissant que possède la matière médicale ; il est, en masse résinoïde, de couleur verdâtre ; il se dissout dans l'eau, dans l'alcool faible, mais non dans l'alcool absolu. Le tannin de chêne a une saveur fort astringente, et même nauséabonde. Les substances incompatibles sont les mêmes que pour le chêne.

Le tannin, suivant Chansarel[5], serait le meilleur antidote des empoisonnements par le vert-de -gris et les autres préparations cuivreuses, le plomb et les préparations saturnines, le tartre stibié et les autres préparations antimoniales, les cantharides, l'opium et ses composés, la ciguë, la jusquiame, le stramonium, les alcalis organiques en général, les champignons, etc.

(L'albumine précipite le tannin ; c'est le contre-poison naturel de ce dernier, qui, à son tour, peut servir de réactif pour déceler la présence de la première substance dans les urines.

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  1. Journal général de médecine, t. LXII, p. 278.
  2. Journal général de médecine, t. II, p. 142.
  3. Traité des gastralgies, 1re édition, p. 265.
  4. Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1855, p. 394.
  5. Journal de la Société de médecine de Bordeaux, 2e série, t. VIII, p 316.


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L'action topique du tannin peut se résumer ainsi :

Décoloration des muqueuses, qui se flétrissent ; contraction fibrillaire des tissus. A la longue, ces derniers se durcissent et peuvent même perdre leur vitalité. Introduit pur ou en solution concentrée, il laisse dans la bouche un sentiment pénible d'astriction.

A l'intérieur et à petite dose, il produit à la région épigastrique de la chaleur, et amène des digestions difficiles et un peu de constipation ; à dose élevée, il y a douleur, nausées, pyrosis, phénomènes d'irritation intestinale, manifestés soit par de la diarrhée, soit par une constipation opiniâtre ; les effets secondaires, non observés sur les systèmes nerveux et circulatoire, se bornent à une diminution dans les sécrétions cutanée et urinaire.)

Employé pur ou à l'état de dissolution concentrée, le tannin peut, nous l'avons vu, causer des accidents ; mais convenablement administré, il est très-utile dans les hémorrhagies passives, les diarrhées chroniques, le catarrhe pulmonaire, la phthisie pulmonaire, les écoulements muqueux atoniques (blennorrhée, leucorrhée, etc.), les fièvres intermittentes, la chlorose, la dyspepsie, quelques gastralgies, les hydropisies de la maladie de Bright, les affections asthéniques en général.

Pezzoni, de Constantinople[1], le considère comme l'égal du meilleur quinquina dans les consomptions, le marasme, la chlorose, les fièvres d'accès, etc. G. Ricci[2] l'a employé, dissous dans l'alcool, contre les hémorrhagies, et, en solution, dans l'eau distillée de laurier-cerise, comme contre-stimulant. Cavalier, de Draguignan[3], a rapporté deux observations de métrorrhagies rebelles et menaçantes, arrêtées par l'emploi du tannin pur ; il l'a donné par doses de 10 centigr. toutes les deux heures, jusqu'à concurrence de 4 gr., sans causer d'irritation gastrique. J'emploie depuis longtemps ce médicament, et presque toujours avec succès dans les hémorrhagies ; il réussit surtout dans les ménorrhagies, qu'il guérit quand elles sont essentielles, purement asthéniques, et qu'il calme souvent lorsqu'elles dépendent d'une affection organique de l'utérus. On peut même l'opposer à des métrorrhagies actives, pourvu que la saignée en précède l'usage.

On l'administre dans les diarrhées chroniques, à la dose de 5 à 20 centigr. chez les enfants, et de 50 centigr. chez les adultes ; dans les blennorrhagies chroniques, la leucorrhée, etc., à la dose de 1 gr. et même plus, par jour pendant un ou deux mois.

Chansarel[4] a constaté que le tannin guérissait les fièvres intermittentes aussi bien que le sulfate de quinine. Il prescrit ce médicament à la dose progressive de 60 centigr. à 2 gr. dans 150 gr. d'eau gommeuse. Le malade prend une cuillerée à soupe de cette solution de trois heures en trois heures pendant l'intervalle des accès. (Leriche, de Lyon[5], trouve dans ce mode d'administration les doses trop fractionnées ; il veut qu'on débute par 1 gr.50 à 2 gr., deux ou trois heures avant l'accès. Ordinairement, deux à trois doses amènent la guérison ; quelquefois il faut élever la dose jusqu'à 4 à 5 gr. par jour ; si la fièvre résiste encore, il faut modifier sa conduite, et donner le tannin à la dose de 1 gr. dnns un véhicule, par cuillerée d'heure en heure dans l'intervalle des accès. Cet auteur assure n'avoir pas encore rencontré de cas rebelle à ce moyen.) Chansarel prescrit aussi le tannin comme anthelminthique. « Les enfants auxquels je l'ai fait prendre, dit-il, soit en sirop, soit en potion, soit en lavement, à la dose de 30 à 50 centigr., se sont parfaitement bien trouvés de son emploi, et ont rendu une grande quantité de vers[6]. »

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  1. Dictionnaire des sciences médicales, t. LIV, p. 341.
  2. Esculapio, 1er cahier, p. 6.
  3. Mémorial des hôpitaux du Midi, t. I, p. 50.
  4. Historique de la Société de médecine pratique de Montpellier, 1807.
  5. Journal de médecine de Bruxelles, 1861.
  6. Ibid.


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Van Holesbeck[1] rapporte un cas de guérison d'albuminurie, coïncidant avec une hypertrophie du, coeur. Les diurétiques étant restés sans résultat chez son malade, il ordonna 1 gr. de tannin en potion ; cette dose étant bien supportée, on augmenta tous les jours de 25 centigr. Après un mois de ce traitement, l'anasarque avait disparu, les urines ne contenaient plus qu'une faible quantité d'albumine, et le malade entrait en convalesceuce. La dose du tannin avait été portée à 4 gr. par jour. (Ce mode de traitement s'est vulgarisé ; les publications périodiques contiennent de nombreux faits où cet agent a été véritablement utile.)

(Nœgèle[2] a recommandé le tannin, à la dose de 5 centigr., matin et soir, contre l'incontinence d'urine nocturne chez les enfants. Tout récemment, Charvet (in Trousseau et Pidoux), professeur à l'Ecole préparatoire de médecine de Grenoble, a employé avec avantage le tannin pour combatte les sueurs qui fatiguent tant les phthisiques. Il l'administre à la dose de 2 1/2 à 10 centigr. dans les vingt-quatre heures, ordinairement le soir, et associé à l'opium. Le tannin peut agir ici en sa double qualité de tonique astringent et d'antipériodique.

Un travail étendu et très-remarquable, publié par Woillez[3], met en lumière, à l'aide de nombreuses observations, l'influence favorable du tannin dans les affections des voies respiratoires. L'agent qui nous occupe, soit qu'il soit dirigé contre les maladies avec hypersécrétion bronchique sans tubercules, soit qu'il combatte cette abondance de mucosités accompagnant la phthisie, a donné les plus beaux résultats. Dans la phymie il a, en outre, une action non douteuse sur l'évolution de la production nouvelle et sur l'état général, qu'il améliore ordinairement. Le même praticien a trouvé le tannin totalement inefficace contre les hypersécrétions liées à une dilatation bronchique. Dans les congestions pulmonaires symptomatiques des fièvres graves, il n'a eu qu'à se louer de son administration.

En général, il donne le tannin à la dose journalière de 4 pilules de 15 à 20 centigr.; sauf quelques cas où ce traitement était prolongé, et amenait alors quelques nausées, cette dose a été toujours tolérée.

Le même observateur a préconisé le tannin à hautes doses dsns les infections purulentes, avec un certain succès ; dans les fièvres puerpérales, aucun effet appréciable n'a été produit.

USAGE EXTERNE. — Toutes les fois que l'on veut avoir affaire à un astringent puissant, le tannin est indiqué, à un plus juste titre encore que la poudre d'écorce de chêne.

Les indications de cette dernière, formulées plus haut, s'appliquaient implicitement au tannin, en diminuant les doses bien entendu. Il est pourtant différents cas où, à cause même de l'activité et de la pureté de l'agent, le tannin a été plus spécialement ordonné.

Introduit dans le nez, en prises, il a réussi dans l'épistaxis rebelle, le coryza chronique, l'ozène, les polypes muqueux ; sa solution, plus ou moins concentrée, est fréquemment mise en usage en gargarismes dans les inflammations chroniques de la muqueuse buccale, de celle du pharynx.

A l'hôpital Sainte-Eugénie, j'ai vu employer de l'eau tanninée dans l'angine couenneuse, au moyen de la pulvérisation. Loiseau[4] fait faire des gargarismes tanniques préventifs. Après la trachéotomie, la poussière médicamenteuse était aussi dirigée par la canule jusque sur les altérations de la trachée. Ce traitement donnait des résultats très-médiocres.

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  1. Journal de médecine de Bruxelles, 1854.
  2. Journal de la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, janvier 1855 p. 55.
  3. Bulletin de thérapeutique, 1863.
  4. Bulletin de thérapeutique, 1862, t. LXII, p. 35.


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Là thérapeutique des affections oculaires met aussi le tannin à contribution. Le collyre (10 à 20 centigr. par 30 gr. de véhicule) est utile dans les ophthalmies chroniques ou catarrhales. Les crayons, dont nous parlerons bientôt, ont, comme collyres secs, une action un peu plus énergique.

Hairion[1] ne connaît pas d'agent plus efficace dans les ulcères de la cornée, la kératite vasculaire, la blennorrhée chronique et le pannus, que le mucilage tannique. Dans l'ophthalmie militaire, aucun autre topique n'arrête plus rapidement la sécrétion conjonctivale, et, par là, ne met plus sûrement obstacle à la reproduction de la maladie sur place et à la diffusion.

Les injections au tannin (5 à 50 centigr. par 30 gr. de véhicule) trouvent leur application dans les blennorrhagies vaginales et uréthrales, dans le catarrhe utérin ; je me sers avec succès du glycérolé de tannin dans ces divers cas.)

[Les crayons au tannin ont été très-employés depuis quelques années ; on les introduit dans le col de l'utérus dans les cas de catarrhes utérins, d'ulcérations du col, etc. Voici comment on les prépare : Tannin, 4 parties; gomme adragante, 1 partie ; mie de pain frais Q. S.

Roulez en crayons, de 0m.005 de diamètre et de 0m.03 de long ; on introduit un de ces crayons dans le museau de Tanche à l'aide d'un spéculum et d'une pince ; on le maintient en place à l'aide d'un tampon de charpie imbibé d'une solution très-concentrée de tannin. Après vingt-quatre heures, on retire le tampon au moyen d'un bout de fil qui y est attaché, et on recommence tous les trois ou quatre jours. Au bout d'un mois, la guérison est à peu près certaine.

Trousseau emploie, dans les mêmes circonstances, le tampon suivant : Tannin, 50 centigr. ; extrait de belladone, 5 centigr.

On fait 1 pilule avec l'extrait de belladone ; on l'entoure de tannin ; on noue avec un fil, et on applique comme nous venons de le dire. Quelquefois on remplace l'extrait de belladone par celui d'opium.]

(Je fais envelopper 50 centigr. de tannin dans un petit morceau de coton cardé, et en forme un sachet analogue à ce dernier et employé de même. Le tannin se dissout peu à peu et établit sur le col une subcautérisation continue. Le lendemain, ou les jours suivants, après l'introduction de ces topiques, l'haleine offre une odeur désagréable caractéristique, qui prouve l'absorption du médicament par cette voie. On a aussi essayé de guérir les polypes utérins par des tampons de linge de forme conique imbibés d'une solution concentrée de tannin.

Je n'insiste pas sur l'emploi topique du tannin dans les flux catarrhaux. Qu'il me suffise de citer son efficacité dans les diarrhées chroniques, les dysenteries, les écoulements hémorrhoïdaux.

L'naction coagulante de l'acide gallo-tannique l'a fait préconiser comme hémostatique, seul dans les hémorrhagies simples, uni à la compression dans les plaies incomplètes d'artère ; dans ces cas, il a réussi à former un coagulum oblitérant. Dans le même but, on a eu recours à cette action dans les tumeurs sanguines de diverses natures, varices, anévrysmes, et surtout dans les nævi materni, où une injection concentrée de cette substance a produit d'heureux résultats. 11 faut avouer cependant que le perchlorure de fer devra toujours lui être préféré. La propriété hémostatique du tannin lui a fait, par un fait du hasard, supposer d'autres vertus, qui seraient bien plus précieuses, si la réalité de leur existence soutenait un examen critique sérieux.) Michaelsen[2], ayant à arrêter une hémorrhagie abondante survenue dans le cours des progrès d'un cancer au sein, employa

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  1. Mémoire sur les effets physiques et thérapeutiques du tannin. Bruxelles, 1861.
  2. Journal des connaissances médico-chirurgicales, mars 1850.


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la solution de tannin (4 gr. pour 30 gr. d'eau), au moyen de couches de ouate trempées dans cette solution, appliquées sur la surface ulcérée et fréquemment renouvelées. Il fut étonné le lendemain des changements qui s'étaient opérés : l'ulcère paraissait rétréci ; ses bords étaient moins douloureux et moins livides. Les applications de tannin furent continuées, et bientôt le sein ulcéré offrit un aspect de plus en plus rassurant. Au bout de dix semaines, la guérison pouvait être considérée comme certaine. Il est à regretter, dit avec raison le rédacteur du journal que nous venons de citer, que cette observation ne soit pas entourée de détails qui permettent de la considérer comme un fait de guérison de véritable cancer.

(La pommade et le glycérolé au tannin sont chaque jour employés contre les affections sécrétantes de la peau (Cazenave, Devergie); Loiseau[1], dans l'érysipèle qui se développe quelquefois autour des pustules vaccinales, a obtenu de bons effets d'une mixture de tannin, d'alcool et de chloroforme.

Ce dernier praticien, se basant sur la propriété qu'a l'agent qui nous occupe, de coaguler le pus, le propose comme anticontagieux ; il pense, par cette action, empêcher la propagation par l'air des maladies purulentes contagieuses.)

Le TANNATE DE QUININE, résultant de la combinaison du tannin avec la quinine, est une préparation récemment introduite dans la thérapeutique par Barreswill. Son action est au moins égale à celle du sulfate de quinine, et a sur ce dernier l'avantage d'être beaucoup moins coûteux et de pouvoir à ce titre rendre de grands services à la médecine rurale.

[TANNATE DE PLOMB. — Le tannate de plomb pur s'obtient en précipitant une solution d'acétate de plomb par le tannin, ou une décoction astringente quelconque par un sel de plomb ; il est alors moins pur.

José Léon a préconisé le tannate de plomb contre les gerçures et les crevasses du sein. Yalt et Antenrieth l'ont employé dans le traitement des ulcères gangreneux. Rieken le prescrit dans le décubitus des phthisiques et des typhisés ; on l'emploie sous forme de pommade. Van den Corput veut que le sel soit récemment pressuré ; on en fait usage aussi dans les brûlures.]

[TANNATE DE ZINC. — Cette préparation a été préconisée récemment contre la gonorrhée, sous le nom de sel de Barnit ; on l'obtient en saturant une solution de tannin par l'oxyde de zinc récemment précipité et humide. D'après Trousseau, cet astringent ne jouit d'aucune propriété spéciale.]

[TANNATE DE BISMUTH. — Ce sel, qui a été proposé par Cap, s'obtient comme le précédent. D'après Aran, Bouchut et Demarquay, il possède des propriétés astringentes marquées, et il produit de bons effets contre les diarrhées ; toutefois, il ne paraît pas agir mieux que le sous-nitrate de bismuth.]

[TANNATE D'ALUMINE. — Le tannate d'alumine est à peu près insoluble dans l'eau. Rogers Harrisson, de Londres, qui le décrit comme étant cristallin, jaune sale, et parfaitement soluble dans l'eau bouillante[2], et qui le préconise contre la gonorrhée lorsque les symptômes aigus sont passés, n'indique pas le procédé de préparation. D'après Rocher, ce serait un mélange de tannin et de sulfate d'alumine.]

[ACIDE GALLIQUE. — L'acide gallique s'obtient par plusieurs procédés ; il est toujours le résultat de l'oxydation du tannin ; en effet

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  1. Gazette des hôpitaux, 1862, février.
  2. Lond. Med. Gaz., XIII, 853.


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C18 H8 O12 + O8 = 2 C7 HO3, 3 HO = 4 CO2
(Tannin hydraté = Acide gallique + Acide carbonique)

Cet acide est blanc ; il cristallise en aiguilles soyeuses, ou en prismes obliques à base rhomboïdale ; il est soluble dans l'eau et dans l'alcool ; il est astringent ; il ne précipite pas les alcalis organiques et la gélatine ; il ne trouble pas les sels de fer au minimum : c'est ce qui le distingue du tannin.

L'acide gallique est très-employé en Angleterre. Neale, W. Beages et Garetner, l'ont très-vanté comme hémostatique, contre l'hydropisie scarlatineuse, à la dose de 25 centigr. par jour, contre l'hématémèse, l'albuminurie, les érysipèles, les hémorrhoïdes. (Les médecins allemands ont préconisé l'acide gallique uni ou non à l'acide benzoïque dans le traitement de la coqueluche.) En injection, on l'utilise contre les hémorrhagies utérines ; à l'extérieur, en topique, liniment ou pommade contre les engelures.]

(Citons deux variétés de chêne habitant le Midi, utilisées par la médecine et l'industrie.


Chêne-liège

Nom accepté : Quercus suber


Le CHÊNE LIÈGE (Q. suber), fournissant le tissu très-léger, dépressible, assez élastique, auquel il doit son nom.

Le liège, produit par le développement considérable de la couche subéreuse de l'écorce, est composé uniquement de tissu cellulaire dont les cavités contiennent des matières astringentes, colorantes et résineuses ou grasses. Chevreul regarde ce tissu comme un principe immédiat, la subérine, ayant pour caractère de donner par l'acide azotique un acide, l’A. subérique.

Le liège, brûlé et réduit en poudre, incorporé dans de l'axonge, constitue une pommade astringente très-usitée par le vulgaire contre les hémorrhoïdes, surtout lorsqu'elles sont le siège d'un flux excessif.

En chirurgie, on se sert du liège dans les bandages et appareils, pour établir des points de compression. On en fait des bouts de sein artificiels, etc.


Chêne kermès

Nom accepté : Quercus coccifera


Le CHÊNE A KERMÈS (Q. coccifera), arbrisseau sur lequel vit le lecanium ilicis ou kermès, insecte dont, avant l'introduction de la cochenille, les habitants de la Provence faisaient un grand commerce comme matière colorante, écarlate.)