Œnanthe (Cazin 1868)
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Œnanthe safranée
Nom accepté : Oenanthe crocata
Œnanthe chærephylli foliis. C. Bauh. — Œnanthe succo viroso, cicutæ facie Lobelio. J. Bauh.
Œnanthe safranée, — pensacre (en Bretagne), — œnanthe à feuilles de persil.
OMBELLIFÈRES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L.
Cette plante vivace croît dans l'ouest de la France, l'Anjou, la Bretagne, le Nord, dans les prairies aquatiques ; elle est rare dans les environs de Paris[1].
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- ↑ Les anciens, suivant Pline, donnaient le nom d’œnanthe à une plante dont l'odeur était celle de la fleur de la vigne ; la vigne sauvage était même aussi quelquefois désignée sous ce nom. D'autres auteurs ont cru reconnaître l’œnanthe des anciens dans la terre-noix, la filipendule, la pédiculaire fasciculée, le thalictrum tubéreux. Peut-être, disent Loiseleur-Deslonchamps et Marquis (Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXVII, p. 133.), l’œnanthe des anciens n'est-il rien de tout cela. — La forme des racines tuberculeuses de plusieurs œnanthes leur a fait donner le nom de filipendule. L’œnanthe crocata est parfois appelée à tort cicuta aquatica dans quelques vieux auteurs.
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Description. — Racine pivotante, composée de tubercules allongés, fusiformes, rapprochés en faisceau. — Tige dressée, rameuse, cylindrique, grosse, cannelée, pleine d'un suc jaunâtre. — Feuilles inférieures grandes, pétiolées, tripinnées ; folioles ovales cunéiformes, profondément incisées à leur sommet, vertes et luisantes. — Fleurs blanches, petites, très-rapprochées (juin-juillet) ; pétales inégaux. — Fruits ovoïdes, allongés, striés, couronnés par cinq petites dents aiguës et par les deux styles.
Parties usitées. — Toute la plante.
Récolte. — Il est bien important de ne pas prendre cette plante pour la phellandrie, qui s'en rapproche par ses caractères botaniques ; une pareille erreur donnerait lieu aux accidents les plus graves. Le suc jaune et très-vénéneux de l'oenanthe safranée suffira pour la faire reconnaître. On a quelquefois pris ses feuilles pour celles de pérsil ou de céleri, auxquelles elles ressemblent beaucoup, et ses racines pour de petits navets.
Propriétés chimiques. — La racine est très-odorante ; sa saveur est d'abord douceâtre, ce qui trompe ceux qui la goûtent. Le suc lactescent qui s'écoule de différentes parties de cette plante lorsqu'on les entame, devient d'une couleur jaune foncé lorsqu'il est exposé à l'air ; sa présence est un indice certain de ses propriétés délétères. Cormenais[1] et Pilian-Dufeillay ont donné l'analyse de la racine. Son suc, jaune, aromatique et vireux, a une odeur semblable à celle de la carotte ; elle ne doit être maniée qu'avec précaution ; l'homme chargé de la râper pour la soumettre à l'analyse a eu une irritation sur les mains, les bras, avec douleurs lancinantes et une éruption ortiée, gonflement de la face, fièvre, etc., qui a duré quinze jours et qui a exigé l'application de sangsues, l'usage des émollients, etc. Elle fournit pour éléments principaux : de la résine en abondance, une huile volatile également abondante, une autre huile concrète, de la gomme, de la mannite, beaucoup de fécule, de la cire, des sels, etc. Il y a lieu de croire que c'est la résine qui produit les accidents qu'on observe après l'ingestion de la plante.
Ce végétal est l'un des poisons les plus dangereux pour l'homme et les animaux. Un morceau de la racine, de la grosseur d'une noisette, peut faire périr dans l'espace d'une à deux heures. Les feuilles mangées en salade et prises pour celles de persil ou de céleri, ont également causé la mort en peu de temps. — 50 centigr. de résine obtenue dans l'analyse faite par Cormenais et Pihan-Dufeillay, donnée à un lapin, l'ont rendu malade pendant vingt heures, sans le faire périr ; — 60 centigr. de cette résine ont fait vomir un chien et lui ont produit des déjections, des anxiétés inexprimables ; mais il a résisté à cette épreuve ; — 90 gr. d'eau distillée sur des racines de cette plante, n'ont produit aucun incident à un lapin. La teinture alcoolique de cette racine, étendue sur la peau, mais enlevée au bout d'une demi-heure, y cause de la rougeur, un prurit incommode, une éruption, etc.
Les auteurs mentionnent de nombreux exemples d'empoisonnement par cette plante, arrivés en France, en Corse, en Angleterre, en Hollande, en Flandre, etc. Les symptômes de cet empoisonnement sont les suivants : vive douleur au gosier et à l'estomac ; douleur à l'épigastre, nausées, efforts pour vomir, déjections abondantes, bouffées de chaleur vers la tête, dilatation de la pupille, vertiges, pouls fort, fréquent, régulier, quelquefois petit et irrégulier; éblouissement, délire, perte de connaissance, somnolence ou convulsions ; resserrement des mâchoires, taches rosées irrégulières sur la face, la poitrine et les bras. Souvent la mort survient au bout d'une heure ou deux. — La réaction de ce poison est analogue à celle des plantes narcotico-âcres en général et en particulier de la ciguë ; mais elle est plus intense et plus souvent mortelle. A l'ouverture du corps, on trouve des rougeurs souvent brunâtres, des taches noires sur la membrane muqueuse de l'estomac, les vaisseaux artériels et veineux remplis de sang noir et liquide, les parties génitales violacées. — Faire vomir le plus tôt possible le poison par les moyens les moins irritants, est la première indication à
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- ↑ Journal de chimie médicale, 1830, t. VI, p. 459.
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remplir. On doit se conduire ensuite comme dans l'empoisonnement par la ciguë.
L'application de cette plante à l'extérieur peut aussi produire l'empoisonnement. On en cite plusieurs cas arrivés à Anglet, près de Bayonne, chez des sujets qui s'en frottèrent pour se guérir de la gale. De cinq personnes qui eurent cette malheureuse idée, deux moururent[1]. — Les anciens employaient leur œnanthe contre la toux, la rétention d'urine et les affections de la vessie, et comme propre à faciliter l'accouchement et l'expulsion de l'arrière-faix. C'est d'après cela et non d'après l'expérience, que quelques modernes ont considéré l'œnanthe safranée comme pouvant être employée dans ces divers cas. « On lit dans les Observations sur la physique[2] qu'un individu attaqué de lèpre, à qui on avait conseillé le suc de berle (sium latifolium, L.), prit celui de l’œnanthe crocata, L., et en éprouva des accidents violents ; mais ayant persisté à en faire usage, il guérit, quoique sa maladie eût résisté à tous les autres moyens mis en usage contre elle jusqu'alors. Ce serait un trésor qu'une pareille découverte, si de nouvelles expériences confirmaient ce rapport ; on pourrait les tenter dans le Midi, à Aubagne, etc., où on observe encore cette maladie, reste de celle dont les croisades couvrirent le sol de la France. Nous dirons seulement que ce suc ne doit être pris qu'à petite dose, car Watson a vu périr un individu qui en avait avalé une cuillerée à bouche[3]. Nous croyons qu'il ne faut pas dépasser, en commençant, 20 à 30 gouttes par jour, en plusieurs doses, dans un liquide approprié[4]. » On manque de données sur les limites dans lesquelles doivent être renfermées les doses de l'œnanthe safranée.
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- ↑ Revue médicale, février 1837, p. 245.
- ↑ Introduction, t. II, p. 302.
- ↑ Trans. phil., année 1746.
- ↑ Mérat et Delens, Dictionnaire de thérapeutique et de matière médicale, t. V.
Œnanthe fistuleuse
Nom accepté : Oenanthe fistulosa
ŒNANTHE FISTULEUSE. — PERSIL DES MARAIS, FILIPENDULE AQUATIQUE. Œnanthe fistulosa, L. (Pl. XXVIII). — Cette espèce est très-commune dans les prairies humides, les marais, les fossés aquatiques. Je l'ai trouvée dans la plupart des lieux marécageux de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord, à Meudon, etc.
Description. — Racine formée tantôt de fibres presque verticillées, tantôt de tubercules ovoïdes, sessiles et fascicules. — Tige épaisse, striée, fistuleuse, molle. — Feuilles simplement ailées, les radicales à folioles courtes, cunéiformes et trilobées ; les caulinaires à sept ou neuf folioles linéaires. — Pétioles fistuleux, fendus en bas pour laisser sortir d'autres feuilles, involucre nul ou à une foliole, involucelle à plusieurs folioles un peu réfléchies. — Fleurs blanches ou peu rosées, en ombelles de trois ou quatre rayons au plus (juin-juillet).
L'œnanthe fistuleuse ne paraît guère moins vénéneuse que l'œnanthe safranée. Wilmet dit que sur dix-sept soldats, qui, au rapport de Vacher[1], mangèrent de l'oenanthe fistuleuse, trois périrent ; l'usage de l'émétique sauva les autres. Le même moyen fut utilement employé dans un cas semblable pour d'autres militaires, dont un seul mourut sur trente-six[2]. — La décoction d'œnanthe fistuleuse, comme celle d'œnanthe safranée, est employée, dit-on, dans quelques contrées, à la destruction des taupes, sur l'habitation desquelles on la verse pour délivrer les jardins et les prairies de ces animaux.
Cependant, l'œnanthe fistuleuse a été recommandée, par une foule de compilateurs, contre la dysurie, la gravelle, la leucorrhée, les scrofules, les hémorrhoïdes, l'asthme, l'épilepsie, etc., parce qu'on a cru, comme pour
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l'œnanthe safranée, que c'était l'œnanthe des anciens. Avant d'admettre cette plante dans la matière médicale, il faut, par des faits exacts et bien observés, en constater les propriétés thérapeutiques.
Autres espèces
La plupart des autres œnanthes ont plus ou moins les propriétés redoutables des deux espèces dont nous venons de parler. Cependant l'ŒNANTHE PIMPINELLOÏDES (Joannette, Méchon, Agnote, Anicot) a des tubercules féculents, d'une saveur douce et agréable, de la grosseur d'une noisette ; ils sont mangés par les enfants qui les récoltent après la coupe des foins, surtout aux environs d'Angers et de Saumur. Mérat et Delens en ont mangé fréquemment dans leurs herborisations. La ressemblance de ces racines avec celles de l'œnanthe safranée peut donner lieu à de fatales méprises. L’œnanthe pimpinelloïdes est plus petite, à tige de moitié moins volumineuse, à feuilles dont les folioles supérieures sont linéaires ; elle n'a aucun suc surabondant ; ses tubercules sont rez-terre, au lieu de s'enfoncer comme dans l'œnanthe safranée, et sont presque ovoïdes allongés, blancs, farineux, inodores, douceâtres.
Plusieurs espèces voisines de l’œnanthe pimpinelloïdes, telles que les ŒNANTHE PEUCEDANIFOLIA Poll (ŒNANTHE APPROXIMATA, Mer), qui croissent dans nos départements du Centre et du Nord, comme dans le Midi, ne paraissent avoir également aucune propriété vénéneuse. Leurs tubercules, plus petits, ne se mangent pas, si ce n'est ceux de cette dernière, prise jusqu'à nos jours pour l’œnanthe pimpinelloïdes de Linné.