Vélar (Cazin 1868)
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Nom accepté : Sisymbrium officinale
Erysimum vulgare. C. Bauh., Tourn. — Sisymbrium officinale. Scop. — Verbena mas. Fuchs. — Erysimum. Offic.
Sisymbre officinal, — herbe au chantre, — érysime officinal, — tortelle, — moutarde des haies, sinapi.
CRUCIFÈRES. — SISYMBRIÉES. Fam. nat. — TETRADYNAMIE SILIQUEUSE. L.
Le vélar (Pl. XL), plante annuelle, se rencontre partout sous nos pas, dans les chemins, le long des haies, des murs, etc.
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Description. — Racine divisée en plusieurs fibres longues et menues — Tige de 30 à 80 centimètres, dressée, s'élevant en se tordant sans régularité, rude-velue, rameuse supérieurement ; rameaux étalés. — Feuilles pétiolées, d'un vert sombre comme bleuâtre : les radicales et inférieures roncinées-pinnatiparlites, à 5-11 lobes oblongs, dentés, le terminal plus ample ; les supérieures hastées, à lobes étroits le terminal oblong-allongé.— Fleurs jaunes, extrêmement petites, disposées en épis grêles le long des rameaux (mai-septembre). — Quatre sépales. — Quatre pétales cruciformes plus longs que le calice. — Six étamines dont deux plus courtes. — Fruits : siliques allongées, hispides, en forme d'alène, serrées contre les rameaux.
Parties usitées. — Les feuilles fraîches, les graines.
Récolte. — On récolte le vélar en mai et juin pour l'employer frais comme toutes les crucifères. Mais comme il est moins succulent que la plupart de ces dernières, il ne perd pas autant de ses propriétés par la dessiccation. Quand on veut le conserver, il faut le cueillir le plus tard possible.
[Culture. — Le vélar n'est cultivé que dans les jardins botaniques. Il est propagé par semis faits en place au printemps.]
Propriétés physiques et chimiques. — L'érysimum est inodore. Les feuilles, et surtout les rameaux fleuris et les semences, ont une saveur âcre et piquante, il paraît contenir des principes analogues à ceux des crucifères en général. On ne l'a point analysé.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau bouillante. |
Sirop d'érysimum du Codex (ou composé), mêmes doses. |
Les feuilles de vélar sont stimulantes et expectorantes. Elles agissent sur nos organes à peu près comme celles de l'alliaire, sa congénère. On les a employées avec avantage dans le catarrhe pulmonaire chronique, et surtout dans l'enrouement et l'aphonie résultant d'un exercice forcé des organes respiratoires. Rondelet, qui, dit-on, les a employées le premier, s'en est bien trouvé chez plusieurs chantres qui avaient presque entièrement la voix éteinte. Lobel[1] faisait le plus grand éloge du sirop d'érysimum contre l'enrouement. Vicat[2] préconise aussi le sirop simple de cette plante. Il dit avoir guéri par son usage un enrouement qui était survenu chez un prédicateur, et contre lequel on avait inutilement employé une foule de remèdes,
Dans ses lettres à Boileau, Racine s'exprime ainsi sur cette plante : « Le sirop d'érysimum, dit-il, n'est point assurément une vision. M. Dodart, à qui j'en parlai il y a trois jours, me dit et m'assura en conscience que M. Morin, qui m'a parlé de ce remède, est sans doute le plus habile médecin qui soit dans Paris et le moins charlatan. Ce médecin m'a assuré que si les eaux de Bourbonne ne vous guérissent pas (de votre extinction de voix), il vous guérirait infailliblement. Il m'a cité l'exemple d'un chantre de Notre-Dame, à qui un rhume avait fait perdre entièrement la voix depuis six mois, et il était prêt à se retirer. Ce médecin l'entreprit, et avec une tisane d'une herbe qu'on appelle, je crois, erysimum, il le tira d'affaire en telle sorte, que non-seulement il parle, mais il chante, et a la voix aussi forte qu'il l'ait jamais eue. J'ai conté la chose aux médecins de la cour ; ils avouent que cette plante d'érysimum est très-bonne pour la poitrine. »
Le sirop d'érysimum, où il entre d'autres plantes, mais dont le principal ingrédient est le vélar, était encore très-employé dans le siècle dernier. On l'a abandonné dans la médecine urbaine, comme tant d'autres préparations utiles, pour le remplacer par de moins efficaces et d'un prix beaucoup plus
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élevé. Ne vaudrait-il pas beaucoup mieux, en effet, lui rendre sa place dans nos officines que d'y perpétuer les dépôts coûteux des sirops de Lamouroux, de Flon, de nafé d'Arabie, des pâtes de Regnault, et de tant d'autres productions accréditées par les annonces de l'industrialisme, que la crédulité accueille toujours avec empressement, et dont on fait ensuite usage autant par habitude que par conviction ?
J'ai souvent employé, à la campagne, l'infusion miellée et surtout le suc de vélar dans les affections catarrhales pulmonaires chroniques, et je m'en suis toujours très-bien trouvé. Je mêlais le suc comme celui de cresson, avec le lait ou le petit-lait.
La semence de vélar est rubéfiante à la manière de celle de la moutarde, mais avec moins d'activité que cette dernière. Elle est antiscorbutique. Décoctée dans l'eau et le vin, elle peut être employée en gargarisme dans les stomacaces, l'amygdalite chronique, etc.
Les anciens employaient un onguent d'érysimum contre les tumeurs squirrheuses et les cancers. Ils pilaient la plante dans un mortier de plomb avec du miel, en consistance de pommade. Un peu d'oxyde de plomb, se mêlant à l'onguent, lui donnait une couleur grise. Ce remède, que je n'ai jamais employé, peut être utile contre certains ulcères sordides, et, comme résolutif, dans les engorgements lymphatiques et scrofuleux. Pour l'usage externe, je préfère l'alliaire, dont j'ai retiré de grands avantages. (Voyez ALLIAIRE.)
[Nous citerons encore, comme jouissant à peu près des mêmes propriétés, le vélar barbarée (E. barbarea, L. ; Barbarea vulgaris, R. Br.) (voyez BARBARÉE), le vélar précoce (E. præcox, D.C. ; Barbarea patula, Fries ; B. præcox, R. Br.).]