Strophanthus gratus (PROTA)

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Ressources végétales de l'Afrique tropicale
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Strophanthus gratus (Wall. & Hook.) Baill.


Protologue: Hist. pl. 10 : 171 (1889).
Famille: Apocynaceae
Nombre de chromosomes: 2n = 18

Noms vernaculaires

  • Strophanthus glabre du Gabon (Fr).
  • Spider tresses, poison arrow vine (En).
  • Estrofanto (Po).

Origine et répartition géographique

Strophanthus gratus est présent dans la zone des forêts d’Afrique de l’Ouest et la partie ouest de l’Afrique centrale, depuis le Sénégal jusqu’au sud-ouest de la Centrafrique et au nord-ouest de la R.D. du Congo, et vers le sud jusqu’au Gabon.

Usages

Très toxiques, les graines de Strophanthus gratus étaient jadis couramment employées dans la préparation d’un poison de flèche dans toute son aire de répartition. Le plus souvent, on les broie avec le jus poisseux de la plante et on trempe les pointes de flèche dans ce mélange. Dans les forêts pluviales d’Afrique centrale, c’est l’écorce de la tige ou les racines que l’on utilise à cet effet ; on les mélange souvent avec d’autres produits végétaux, en particulier le latex de Periploca nigrescens Afzel., mais aussi celui de Rauvolfia spp. Le gibier touché par une flèche empoisonnée meurt rapidement et la viande peut être consommée sans problème, mais on ne touche pas à la chair entourant directement la plaie. Les graines servent aussi de poison pour la pêche. Dans le sud du Nigeria, Strophanthus gratus est cultivé par les chasseurs pour ses graines.

Les feuilles et les tiges se prennent en décoction en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire pour traiter la gonorrhée. Au Ghana, la décoction d’écorce se prend pour traiter les états de faiblesse, et la pâte de feuilles est appliquée sur les morsures de serpent. En Côte d’Ivoire, au Ghana et au Nigeria, la pâte de feuilles s’applique sur les écorchures, notamment celles causées par le ver de Guinée. Au Nigeria, l’infusion de feuilles se prend pour traiter la constipation, et on en frictionne le corps pour soigner la fièvre. La décoction de racines est réputée aphrodisiaque.

L’ouabaïne, hétéroside qu’on extrait des graines (“Semen strophanthi”) pour ses propriétés stimulantes cardiovasculaires à effet rapide, entre dans la composition de nombreux produits pharmaceutiques de plusieurs pays européens, en Allemagne en particulier.

En Afrique de l’Ouest, la plante a de nombreux usages magiques, celui de porte-bonheur par exemple. Strophanthus gratus est couramment cultivé dans les jardins tropicaux et en serre dans les régions tempérées, comme plante ornementale.

Production et commerce international

Strophanthus gratus est cultivé par endroits au Nigeria, au Cameroun et au Gabon, principalement pour être exporté à destination de l’Europe. Au début des années 1990, 2700 t/an de fruits de Strophanthus ont reçu un permis d’exporter du Cameroun ; il devait s’agir pour la plupart de Strophanthus gratus.

Propriétés

Un nombre important d’hétérosides cardiaques (cardénolides) ont été isolés de Strophanthus gratus. Ses graines ont la plus forte concentration d’hétérosides, qui se caractérisent par des aglycones fortement oxygénés. Dépourvues d’odeur, elles sont néanmoins extrêmement amères. Les graines renferment 4–8% d’un mélange d’hétérosides dont l’aglycone prédominant est l’ouabagénine : il est constitué d’ouabaïne (g-strophanthine) à 90–95%, suivie par l’acolongifloroside K, et le strogoside, dont l’aglycone est la strogogénine. Les composés secondaires à divers aglycones sont le sarnovide et plusieurs sarmentosides. Les feuilles contiennent également des lignanes : pinorésinol, 8-hydroxypinorésinol et olivil.

Strophanthus gratus remplit toutes les conditions nécessaires pour faire un parfait poison de chasse : une toxicité extrêmement forte, des effets rapides et sûrs, des concentrations inhabituellement élevées du principe actif dans les graines, et une grande solubilité dans l’eau, qui le rend facile à extraire de la graine. L’acolongifloroside K est comparable à l’ouabaïne de par ses propriétés toxiques ; le strogoside est moins toxique. Les sarmentosides sont fortement toxiques mais étant donné la faiblesse de leur concentration, ils ne jouent qu’un rôle mineur.

En médecine, l’ouabaïne sert de remède pour l’insuffisance cardiaque congestive, comme les hétérosides de digitale. L’insuffisance cardiaque congestive est une maladie qui se caractérise par une mauvaise circulation sanguine, due à une baisse de la force contractive du muscle cardiaque. Les hétérosides cardiaques comme l’ouabaïne ont une action cardiotonique directe sur le myocarde, qui renforce sa puissance contractive. Ce renforcement de la contractilité est dû à l’inhibition de l’enzyme membranaire Na+K+ATPase, phénomène qui donne lieu à un accroissement des réserves de calcium intracellulaires. Lorsqu’on donne des hétérosides cardiaques à un patient atteint d’insuffisance cardiaque congestive, le volume des pulsations cardiaques augmente et accroît l’efficacité du vidage du sang dans les ventricules, en faisant baisser la pression diastolique. A dose élevée, les hétérosides cardiaques ont une action inhibitrice directe sur la conduction auriculoventriculaire, qui s’accompagne d’une baisse de la fréquence cardiaque, et ils sont employés notamment dans le traitement du flutter auriculaire et de la fibrillation auriculaire. Les effets des hétérosides cardiaques sont particulièrement spectaculaires chez les patients atteints à la fois d’insuffisance cardiaque congestive et de fibrillation auriculaire. Lorsqu’on a recours à l’ouabaïne, son action se déclenche rapidement mais elle est de courte durée ; par ailleurs, le risque d’accumulation est faible. Elle est surtout administrée par injection, car elle ne s’absorbe par très bien par voie orale, contrairement aux hétérosides de digitale. Son inconvénient majeur est l’étroitesse de sa marge thérapeutique, c’est-à-dire la marge entre la dose thérapeutiquement efficace et la dose toxique. Les effets toxiques se traduisent notamment par des vomissements et des convulsions, et des doses plus importantes entraînent la mort par arrêt cardiaque, ce qui explique son succès comme poison de flèche. On a récemment identifié l’ouabaïne comme hormone stéroïde chez les mammifères. Une interaction remarquable se produit entre l’ouabaïne et la réserpine qui s’obtient de Rauvolfia spp. Un prétraitement à la réserpine réduit la toxicité de l’ouabaïne, tandis qu’un traitement simultané l’accroît. Cela pourrait bien expliquer la réussite du mélange utilisé pour les poisons de chasse.

Les feuilles de Strophanthus gratus sont utilisées en médecine populaire contre les morsures de serpent en Afrique. Des extraits aqueux de feuilles font apparaître un retard lié à la dose de la coagulation sanguine chez des animaux auxquels a été inoculée une dose uniforme de venin de la vipère à écailles carénées (Echis carinatus). Ce venin provoque une coagulation intra-artérielle rapide qui provoque la mort chez les animaux de petite taille ; chez les animaux plus gros et chez l’homme, la mort survient par épuisement des réserves de fibrinogènes et hémorragie interne.

Des tests préliminaires ont révélé une activité inédite de l’ouabaïne, qui pourrait s’avérer pertinente dans le traitement du cancer de la prostate métastatique. Le composé induit une mort programmée in vitro de cellules dans les lignées de cellules cancéreuses de la prostate humaine androgène-indépendante.

Falsifications et succédanés

Les graines de Strophanthus gratus sont souvent mélangées à celles de Strophanthus hispidus DC. ; toutes deux contiennent des hétérosides toxiques et bioactifs, quoiqu’en proportions différentes. On trouve aussi de l’ouabaïne dans le bois et l’écorce d’Acokanthera schimperi (A.DC.) Schweinf., célèbre plante à poison de flèche d’Afrique de l’Est. Comme l’ouabaïne, on utilise les hétérosides de Digitalis comme remède contre l’insuffisance cardiaque congestive.

Description

Liane atteignant 25 m de long ou, plus rarement, arbuste, à exsudat clair ou blanc ; tige atteignant 10 cm de diamètre, à crêtes liégeuses chez les plantes âgées ; rameaux à lenticelles nombreuses, brun foncé à brun violacé. Feuilles opposées décussées, simples et entières ; stipules absentes ; pétiole de 5–17 mm de long ; limbe ovale ou elliptique à obovale, de 5–18 cm × 2–9 cm, base arrondie ou cunéiforme, apex acuminé, bords entiers, souvent un peu révolutés, finement coriace, glabre. Inflorescence : cyme terminale dichasiale, disposée sur des rameaux soit longs soit courts ou dans les fourches, serrée, portant peu à beaucoup de fleurs ; pédoncule de 0–6(–15) mm de long ; bractées ovales ou triangulaires, de 2–9 mm de long. Fleurs bisexuées, régulières, 5-mères, odorantes ; pédicelle de 4–13 mm de long ; sépales libres, inégaux, obovales ou largement obovales, de 7–18 mm de long, émarginés, arrondis ou apiculés ; tube de la corolle de 25–45 mm de long, s’élargissant à 33–55% de sa longueur en une partie supérieure cylindrique, large de 13–22 mm à la gorge, glabre à l’extérieur, papilleux ou légèrement scabre près de l’apex, blanc virant au jaune près de la base à l’extérieur, rougeâtre ou violet près de la gorge à l’extérieur, blanc et strié de rouge ou de violet à l’intérieur, lobes de la couronne 10, subulés ou étroitement triangulaires, de 5–15 mm de long, à pointe aiguë, charnus, poilus ou presque glabres, roses virant au violet, lobes de la corolle orbiculaires, de 14–35 mm × 15–32 mm, apex émarginé ou arrondi et apiculé, glabres sur les deux faces, blancs souvent striés de violet du côté droit externe, virant au rougeâtre ou au violet sur toute la surface, blancs virant au jaune à l’intérieur ; étamines insérées à 14–21 mm de la base du tube de la corolle, exsertes ; ovaire semi-infère, 2-loculaire, style de 16–22 mm de long, terminé par une tête de pistil en anneau entourant un stigmate minuscule. Fruit constitué de 2 follicules ellipsoïdes de 23–41 cm × 3–4,5 cm, s’amenuisant en un apex étroit et obtus et terminé par une grosse protubérance, à 2 valves, divergeant de 180°, à paroi épaisse et dure, légèrement cannelée, glabre, à lenticelles nombreuses, contenant de nombreuses graines. Graines fuselées, de 12–20 mm × 2,5–4,5 mm, glabres, légèrement rugueuses, pourvues à l’apex d’un long bec atteignant 6 cm de long, garni dans les 2,5–4,5 cm supérieurs de long poils atteignant 13 cm de long. Plantule à germination épigée ; cotylédons elliptiques à obovales, de 17–25 mm de long, apex arrondi.

Autres données botaniques

Le genre Strophanthus comprend 38 espèces, dont 30 en Afrique continentale, 1 à Madagascar et 7 en Asie, de l’Inde à l’Asie du Sud-Est.

Il n’y a que deux autres Strophanthus spp. qui contiennent cet important composé qu’est l’ouabaïne ; il s’agit de Strophanthus thollonii Franch. et Strophanthus sarmentosus DC., mais seulement à l’état de traces.

Croissance et développement

Strophanthus gratus fleurit probablement toute l’année dans les régions humides d’Afrique de l’Ouest, mais avec un pic en novembre–décembre. Dans les régions où la saison sèche et la saison des pluies sont bien démarquées, il fleurit vers la fin de la saison sèche et au début de la saison des pluies ; ses fruits sont mûrs à la saison sèche. Strophanthus gratus est un allogame obligatoire. La maturation des fruits dure environ 1 an.

Ecologie

Strophanthus gratus est présent dans les forêts humides primaires et secondaires, souvent en lisière ou sur les berges des rivières, depuis le niveau de la mer jusqu’à 650 m d’altitude.

Multiplication et plantation

Le poids de 1000 graines de Strophanthus gratus est de 20–30 g. En serre dans les climats tempérés, on fait enraciner des boutures aoûtées au début du printemps dans du sable humide placé dans une caisse fermée avec une source de chaleur à la base. Il est préférable de cultiver Strophanthus gratus en pleine lumière, dans un limon fertile humide mais bien drainé, riche en matière organique et complété par du terreau.

Gestion

La domestication de Strophanthus gratus est actuellement tentée au centre Plantecam de Mutengene, au Cameroun. Des plantes poussent subspontanément autour des villages pygmées de l’ouest du Cameroun. On se sert parfois d’arbres du genre Spondias comme tuteurs.

Traitement après récolte

Avant l’exportation, on enlève souvent la touffe de poils des graines. Toutefois, on préfère laisser la graine à l’intérieur du fruit et leur laisser leur touffe de poils, pour limiter les falsifications. Lorsqu’ils sont destinés au poison de flèche, les fruits presque mûrs sont conservés en jarre jusqu’à ce qu’ils s’ouvrent. Les graines sont ensuite débarrassées de la touffe de poils, soit en les remuant soit en les brûlant, puis on les fait griller pour préserver leurs propriétés chimiques en détruisant l’enzyme qui peut transformer les hétérosides en composés biologiquement inactifs, lorsque les graines sont conservées pour une longue période ou qu’elles prennent l’humidité.

Ressources génétiques

Etant donné sa vaste répartition, Strophanthus gratus n’est pas menacé par d’érosion génétique. On ne connaît aucune tentative concertée de conservation des ressources génétiques ou de programme d’amélioration génétique.

Perspectives

En médecine de nos jours, les hétérosides cardiaques ne sont employés que dans des cas précis, comme l’insuffisance cardiaque congestive accompagnée d’une fibrillation auriculaire. Dans le monde occidental, le remède vers lequel on se tourne généralement est la digoxine (issue de Digitalis lanata Ehrh.), mais dans les situations critiques, on lui préfère souvent l’ouabaïne. De nos jours, l’ouabaïne n’est employée que pour traiter les cas d’insuffisance cardiaque congestive accompagnée de fibrillation auriculaire. Etant donné sa toxicité, il y a peu de chances que son usage se généralise.

Références principales

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  • Hendrian, R., 2001. Strophanthus DC. In: van Valkenburg, J.L.C.H. & Bunyapraphatsara, N. (Editors). Plant Resources of South-East Asia No 12(2): Medicinal and poisonous plants 2. Backhuys Publishers, Leiden, Netherlands. pp. 519–523.
  • Neuwinger, H.D., 1996. African ethnobotany: poisons and drugs. Chapman & Hall, London, United Kingdom. 941 pp.

Autres références

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  • Cowan, S., Stewart, M., Abbiw, D.K., Latif, Z., Sarker, S.D. & Nash, R.J., 2001. Lignans from Strophanthus gratus. Fitoterapia 72(1): 80–82.
  • Geiger, U.P., Weiss, E. & Reichstein, T., 1967. Die Cardenolide der Samen von Strophanthus gratus (Wall. & Hook.) Franch. 2. Mitteilung. Glykoside und Aglykone, 284. Mitteilung. Helvetica Chimica Acta 50(1): 179–193.
  • Houghton, P.J. & Skari, K.P., 1994. The effect on blood clotting of some West African plants used against snakebite. Journal of Ethnopharmacology 44(2): 99–108.
  • Jäger, H.H., Schindler, O., Weiss, E. & Reichstein, T., 1965. Die Cardenolide von Strophanthus gratus (Wall. & Hook.) Franch. Glykoside und Aglykone, 265. Mitteilung. Helvetica Chimica Acta 48(1): 202–219.
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  • Neuwinger, H.D., 2000. African traditional medicine: a dictionary of plant use and applications. Medpharm Scientific, Stuttgart, Germany. 589 pp.
  • Schoner, W., 2002. Endogenous cardiac glycosides, a new class of steroid hormones. European Journal of Biochemistry 269: 2440–2448.

Sources de l'illustration

  • Beentje, H.J., 1982. A monograph on Strophanthus DC. (Apocynaceae). Mededelingen Landbouwhogeschool Wageningen 82–4. Wageningen, Netherlands. 191 pp.

Auteur(s)

  • H.J. Beentje, Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, Surrey TW9 3AB, United Kingdom

Citation correcte de cet article

Beentje, H.J., 2006. Strophanthus gratus (Wall. & Hook.) Baill. In: Schmelzer, G.H. & Gurib-Fakim, A. (Editors). PROTA (Plant Resources of Tropical Africa / Ressources végétales de l’Afrique tropicale), Wageningen, Netherlands. Consulté le 12 décembre 2024.


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