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glabres ou un peu glutineuses. — Fleurs rosées ou purpurines, disposées en paniculesterminales (juillet-août). — Calice ovale, velu, persistant, à cinq divisions. — Corolleinfundibuliforme, velue en dehors, à tube renflé, une fois plus long que le calice et à limbe divisé en cinq lobes aigus. — Cinq étamines à anthères allongées. — Un ovaire supérieur. — Un style à stigmate échancré. — Fruits : capsules ovales, biloculaires, à deux valves, s'ouvrant au sommet, contenant des semences nombreuses.
(Il existe plusieurs espèces de tabac cultivé en France. On ne met en usage que leprécédent et le tabac rustique (''nicotiana rustica''), ou tabac femelle, dont les feuilles sont pétiolées ou ovales, les fleurs en panicules plus serrés et de couleur verdâtre. Cette variété donne le tabac de Corse.)
'''Parties usitées'''. — Les feuilles, rarement les graines.
(On met aussi en usage le tabac préparé, ou tabac de régie ; mais ce dernier, en raison des, opérations qu'il a subies pour le rendre odorant, et par la mise en liberté de l'alcaloïde qui est la conséquence de ces opérations, contient moins de nicotine que les feuilles sèches non travaillées.
Le tabac de la régie, dont les manipulations ne sauraient être reproduites ici, et pourlesquelles nous renvoyons aux ouvrages spéciaux, se divise en tabac à fumer gros et fin, en cigares, en tabac à priser et enfin en tabac à chiquer.
Nous devons signaler le danger d'enfermer le tabac à priser dans des sacs doubles de papier de plomb, comme on le fait beaucoup en Allemagne. Mayer<ref>Cité par la ''Gazette hebdomadaire de médecine'', 31 juillet 1857.</ref> cite cinq cas d'intoxication et de paralysie saturnines produites par l'usage de ce tabac. Il résulte
Pendant l'acte de fumer, une partie de la nicotine est brûlée ; l'autre est entraînée avec la fumée. Ce fait a été constaté de la façon la plus précise par Melsens, qui aurait obtenu environ 30 gr. de nicotine, en livrant à la combustion 4 kilogr. 500 de tabac préparé.
Pendant la combustion du tabac, surtout lorsqu'il est humide, il se dépose une huileempyreumatique ; c'est cette huile qui constitue en grande partie ce que l'on nommevulgairement le jus de culot de la pipe. Le cigare imbibé de salive, lorsqu'il est tenu directement entre les dents, en produit aussi souvent. D'après Richard, cette huile empyreumatique serait produite par la décomposition de quelques principes de la plante.
En résumé, la fumée de tabac telle qu'elle sort de la pipe est un mélange d'air, d'acide carbonique, d'oxyde de carbone et de particules de matières carbonisées, dans lequel on retrouve une quantité notable de nicotine (environ 7 pour 100), avec des traces d'huile empyreumatique et d'ammoniaque, lorsque le tabac est humide.)
fait remarquer Bichat dans son ''Cours manuel de matière médicale'', le poison passe avec l'air dans les voies aériennes. Ce poison, lorsqu'on n'en a pas l'habitude, peut produire les phénomènes les plus divers, depuis l'indisposition la plus légère jusqu'à l'intoxication aiguë et la mort.
De la langueur, un malaise général, de la sécheresse à la gorge, un trouble dans les idées se produisent plus ou moins rapidement. Surviennent ensuite de la pesanteur à la tête, des vertiges, des tintements d'oreille, des défaillances ; puis le sujet est pris de tremblements nerveux ; sa face décolorée se couvre d'une sueur froide et visqueuse ; il se produit de fréquentes envies d'uriner, des nausées, des douleurs gastralgiques. Ces phénomènes sont les avant-coureurs du vomissement, qui rarement amène du soulagement. Lepouls est petit, fréquent, serré et intermittent ; la respiration est laborieuse et suspirieuse ; puis des coliques aiguës déchirent les entrailles et se terminent par des évacuations alvines abondantes et fétides. Le calme revient alors, mais la faiblesse subsiste ; le sommeil se produit, et le réveil amène un soulagement qui n'est troublé que par une céphalalgie sus-orbitaire plus ou moins intense.
Les symptômes ne s'arrêtent pas toujours là ; il se produit des symptômes plus graves de congestion cérébrale dont la paralysie est le résultat. Ces phénomènes peuvent amener la mort. On connaît le fait relatif aux deux frères dont parle Helwig, qui moururent dans un état léthargique pour avoir vidé, en fumant, l'un dix-sept et l'autre dix-huit pipes de tabac. Marshall Hall rapporte qu'un jeune homme fut pris de crampes et de convulsionspour avoir fumé dix pipes. Ce sont là des faits exceptionnels, et comme excès et comme effets produits. Le tabac n'est réellement nuisible que lorsque l'habitude est invétérée. On observe chez les fumeurs de profession des altérations locales de la muqueuse buccale et des symptômes généraux, qui frappent les appareils de la digestion, de la circulation, de la respiration et de l'innervation.
Le fumeur éprouve une sensation continuelle de chaleur dans la bouche et dans la gorge qui pousse à la soif. Ses lèvres et ses gencives sont enflammées, ses dents deviennent jaunes, et prennent une teinte enfumée, leur émail s'altère ; le frottement du tuyau de la pipe arrive même à user complètement les canines. Son contact, surtout lorsqu'on use de la pipe dite ''brûle-gueule'' et l'huile empyreumatique qui en sort produisent sur la muqueuse de l'érythème ou même des aphthes et des ulcérations ; il s'ensuit aussi quelquefois une altération de l'épithélium, qui devient épais et blanchâtre, puis passe à l'état d'épithelioma grave. Le brûle-gueule est en effet reconnu comme une des causes les mieux établies du développement du cancer épithélial papilliforme. D'après une statistique due à Leroy, le cancroïde des lèvres figure à peine pour un centième chez la femme, tandisque chez l'homme la proportion monte à plus d'un vingt-sixième. Le cancer de la langue pourrait, comme ce dernier, mériter le nom de ''cancer des fumeurs''.
Cette action irritante locale a engagé Diday à prohiber formellement le tabac dans la syphilis, car il entretient les plaques muqueuses par cette irritation constante. Bien plus, il propage le virus, car un tuyau de pipe peut le colporter et le transmettre<ref>''Histoire naturelle de la syphilis'', leçons professées à l'Ecole pratique, 1863.</ref>.
Mais l'existence de cette anémie spéciale n'est rien moins que prouvée, et la fabrication du tabac ne doit peut-être pas être plus incriminée que toute autre fabrication qui astreint les ouvriers à une existence sédentaire dans un milieu mal aéré. Berruti, professeur à l'Université de Turin, a publié un travail complet sur les maladies du personnel employé dans les deux grandes manufactures des États sardes, et il affirme que le fait d'un empoisonnement chronique lui paraît une erreur d'observation. Igonin, médecin de la manufacture de tabac de Lyon, vient tout récemment de reproduire la même opinion étayée sur un grand nombre de faits<ref>''Comptes-rendus de la Société de médecine de Lyon'', mars 1864.</ref>.
Pendant mon séjour à l'École de médecine de Lille, j'ai fait des recherches dans le même sens. La fabrication des cigares employait alors une grande quantité de jeunes filles. Sur toutes celles qui entraient à l'hôpital, et dont la plupart travaillaient le tabac depuis plusieurs années, je n'ai jamais rencontré que des chloro-anémies communes, dont le développement se rattachait aux conditions étiologiques ordinaires, et qui ne pouvaient enrien être rattachées à l'insalubrité de leur profession.
La fonction respiratoire reçoit de la nicotine une modification caractéristique ; la respiration s'accélère ; les phénomènes mécaniques augmentent d'énergie ; les phénomènes chimiques sont au contraire entravés dans leur manifestation ; la rapidité des mouvements thoraciques est accompagnée d'un bruit particulier, comme râlant, que Van Praag attribue à un rétrécissement des voies aériennes, et que Cl. Bernard<ref>''Leçons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses''. Paris, 1857, p. 397 et suivantes.</ref> rapporte à des contractions précipitées du diaphragme. Ce dernier phénomène s'observe surtout avec netteté quand on a expérimenté avec des doses très-faibles. A l'approche de la mort, la respiration se ralentit. L'auteur que nous venons de citer n'a constaté cet effet que deux fois. Van Praag l'a souvent vu se montrer très-tard.
Quant au système vasculaire, la nicotine agit sur le coeur, dont elle accélère les battements, qui deviennent aussi tumultueux et plus énergiques sur les gros vaisseaux, qu'elle contracte ; sur les capillaires, qu'elle fait resserrer. Lorsqu'on place sous le microscope la membrane interdigitale d'unegrenouille soumise au poison, on voit se produire une déplétion des petites artères, qui se rétrécissent au point de se vider complètement. Cependant le cœur continue à battre avec énergie, ce qui prouve, ainsi que l'a avancé Cl. Bernard, et contrairement à l'opinion de Vulpian, que dans les petits vaisseaux est l'obstacle.
Cette contraction des fibres-cellules des vaisseaux est l'analogue de celle que la nicotine détermine dans le système musculaire ; elle est le resultat de l'excitation transmise aux nerfs vaso-moteurs.