Redoul (Cazin 1868)
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Nom accepté : Coriaria myrtifolia
Redon, — roudon, — corroyère à feuilles de myrte, — herbe aux tanneurs, etc.
CORIARIÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE PENTANDRIE. L.
[Description. — Arbrisseau à tige rameuse. — Feuilles opposées, presque sessiles, ovales, lancéolées, aiguës, entières, lisses, marquées de trois nervures principales. — Fleurs polygames, petites, verdâtres, disposées en grappes dressées, munies de bractées. — Calice à cinq divisions égales, persistantes. — Corolle à cinq pétales plus courts que le calice, sessiles, persistants, s'accroissant avec le fruit et devenant pulpeux. - Dix étamines sur deux rangs, les intérieures opposées aux pétales, les extérieures alternes avec eux. — Ovaire libre, sessile, à cinq lobes et cinq loges uniovulées. — Cinq styles libres terminés chacun par un stigmate filiforme. — Fruit formé de cinq coques crustacées, monospermes, indéhiscentes, recouvertes par la corolle charnue et le calice membraneux, le tout simulant une baie noire.
Parties usitées. — Les feuilles, les fruits.
Récolte. — Les fruits sont récoltés lorsqu'ils sont mûrs ; les feuilles à l'époque de la floraison.
Culture. — Le redoul croit dans les endroits frais, sur les bords des ruisseaux. Il est répandu dans les régions méridionales de la France et de l'Europe. Il est cultivé pour la tannerie. On l'a introduit dans les parcs d'agrément. Il préfère une terre fraîche et humide. On le propage par rejetons et éclats de pieds.]
(Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques.' — Les feuilles sont inodores et sans saveur marquée. Guibourt[1] a traité l'infusion, peu colorée, astringente et amère du coriaria M., par la gélatine, le tartre stibié et le
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- ↑ Journal de chimie médicale, 1828, t. IV, p. 536.
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bichlorure de mercure, il a obtenu un précipité blanc ; un noir par le nitrate d'argent, un gélatineux par la potasse caustique. On avait signalé dans ces feuilles un corps particulier, la coriarine ; mais c'est réellement Riban[1] qui en a le premier isolé le principe actif, la coriamyrtine, corps neutre non azoté, amer, cristallisant en prismes rhomboïdaux obliques, peu soluble dans l'eau, très-soluble dans l'alcool bouillant et dans l'éther, que les acides dédoublent en glycose et en un corps analogue à la saligénine ; c'est, par conséquent un glycoside, sa formule = C46 H28 O16.
Le redoul est employé pour la teinture en noir, et, comme son nom de coriaria l'indique, il sert au tannage des cuirs.
Dans un but de lucre, on a mélangé les feuilles de redoul à celles de séné, fraude d'autant plus grave que, nous le verrons plus loin, le redoul constitue un poison extrêmement énergique. Guibourt a donné[2] les caractères distinctifs des différents sénés et du redoul. La feuille de séné ordinaire présente plusieurs nervures parallèles, saillantes en dessus et en dessous, se rendant sous la principale nervure de la feuille. Le redoul porte deux nervures divergentes, saillantes en dessus, creuses en dessous, se rendant sur la principale nervure de la feuille. Rappelons aussi l'odeur du séné et la saveur amarescente de ses feuilles.)
(Toutes les parties du redoul, surtout arrivé à l'état adulte, sont vénéneuses. Sauvages[3] a vu les baies produire la mort une heure et demie après leur ingestion, au milieu de convulsions atroces. Sur quinze soldats qui en mangèrent, Pujada en vit trois mourir[4]. Renaud[5] publia plus tard quatre cas d'empoisonnement dont un mortel. Les feuilles et les tiges sont aussi nuisibles. Les bestiaux qui les broutent en ressentent des vertiges, une ivresse passagère. En 1827, un homme mourut, à Hazebrouck[6], quatre heures après avoir pris la décoction de 1 once de séné mélangé de redoul ; la même décoction fit périr un chien en dix minutes.
La CORIAMYRTINE a une action toxique puissante. 2 décigr. donnés à un chien de forte taille par Riban, quoique vomis en entier presque aussitôt, ont produit des convulsions horribles après vingt minutes et la mort en une heure quinze minutes. 8 centigr. tuent les lapins ; une injection sous-cutanée fait mourir un lapin en vingt-cinq minutes. Les symptômes qui précèdent la mort sont des secousses vives de la tête se reproduisant par accès et se communiquant à tous les membres, qui deviennent le siège de convulsions cloniques et tétaniques ; il y a contraction de la pupille, trismus, écume à la bouche ; puis, mort par asphyxie et épuisement nerveux. A l'autopsie, les vaisseaux sont gorgés de sang brun coagulé. Il en est de même des cavités cardiaques, de l'artère pulmonaire, de la veine cave inférieure ; extravasations sanguines dans les poumons ; injection des méninges ; rigidité cadavérique rapide. Aucune action irritante appréciable sur le tube digestif. L'analogie d'action toxique avec la strychnine pourrait faire faire avec la corroyère ou la coriamyrtine des recherches au point de vue de la thérapeutique et tenter l'emploi de ce puissant modificateur dans certaines maladies du système nerveux.)
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