Orge (Cazin 1868)

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Oreille de Judas
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Origan


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Nom accepté : Hordeum vulgare


ORGE. Hordeum vulgare. L.

Hordeum polysticum hibernum vernum. C. Bauh., Tourn. - Hordeum polysticum. J. Bauh.

Orge commune, — orge cultivée, — orge de printemps et d'hiver, improprement scourgeon, épeautre, — grosse orge, — sucrion, — socrion.

GRAMINÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE DIGYNIE. L.


Cette plante annuelle, qu'on croit originaire de la Russie, et dont on distingue plusieurs variétés, est cultivée depuis la plus haute antiquité pour


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l'usage alimentaire et médical, surtout dans le Nord, dans les terrains maigres.

Description. — Racine composée d'une grande quantité de petites fibres radicales. — Tiges droites, glabres, articulées, hautes de 1 mètre et quelquefois plus. - Feuilles longues, aiguës, d'un vert clair, un peu rudes à leurs deux faces, glabres sur leur gaîne. — Fleurs formant un épi un peu comprimé, presque à quatre faces, long d'environ 6 centimètres (mai-juin). — Calice bivalve, terminé par un long filet barbu rude et piquant, épillets réunis trois par trois sur chaque dent de l'axe commun. — Corolle bivalve. — Trois étamines. — Un style bifide. — Deux stigmates. — Fruit : cariopses oblongs, renfermés dans les écailles.

Parties usitées. — Les fruits.

Récolte. — Elle est du domaine de l'agriculture.

Dépouillées de leur enveloppe, les semences portent le nom d’orge mondé. Lorsqu'en les privant de leur écorce on leur donne la forme sphérique, elles portent le nom d’orge perlé. Réduites en farine grossière et séchées au four, elles constituent l’orge grue, griot ou gruau. L'orge germée, dont on a arrêté la germination par une forte chaleur et dont on a détaché les germes, constitue le malt ; celui-ci, moulu et portant le nom de drèche, contenant plus de sucre, d'amidon et de gomme, fait la base de la bière. On nomme essence de malt l'infusé de drèche évaporé en consistance de miel.

[Culture.— L'orge de printemps ou escourgeon de printemps, Hordeum vulgare, L. est la plus hâtive des orges (si on excepte l'orge a deux rangs), c'est celle qui convient le mieux aux semailles faites tardivement, c'est-à-dire en mai et juin ; on dit qu'elle réussit mieux que les autres dans les terres médiocres.

Nous citerons encore l'orge carrée nue, petite orge, orge céleste, orge nue à six rangs, Hordeum vulgare nudum, Hordeum cœleste, que l'on cultive beaucoup en Belgique sous les noms impropres de blé de mai et de blé d'Egypte.

L'orge de Guimalaya ou Nanito n'a aucun avantage réel, elle présente une variété violette ; enfin, nous citerons encore l'orge noire, l'orge chevalier, l'orge annat, l'orge d'Italie, l'orge nue à deux rangs ou grosse orge nue, orge éventail ou orge riz, et l'orge bifurqué.]

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — L'orge non germée est composée, d'après Proust, d'amidon, de gluten, de sucre, de résine jaune, d’hordéine. On trouve dans l'orge germée plus d'amidon, de sucre et de gomme, mais moins d'hordéine. (Suivant certains auteurs, l'hordéine ne serait que du son très-divisé.) — La farine d'orge est formée, suivant Einhof, de : amidon, 60 ; sucre, 5 ; gluten sec, 3.5 ; albumine, 1 ; enveloppe, 19.3 ; eau, 11.2. — (Le gluten qu'elle contient diffère de celui du froment et porte le nom de glutine. Il est tellement adhérent à la fécule, que la malaxation sous un filet d'eau ne les sépare pas.)

La germination de l'orge produit un principe particulier, un ferment azoté, nommé diastase. Cette substance, pulvérulente, possédant des propriétés curieuses, peut s'obtenir en humectant le malt avec la moitié de son poids d'eau froide, mêlant le liquide exprimé avec la quantité nécessaire d'alcool pour détruire la viscosité, filtrant et ajoutant alors de nouvel alcool. Une quantité très-minime de cette substance peut produire la transformation d'une quantité considérable de fécule en dextrine.

Suivant Pline, l'orge a été un des premiers aliments de l'homme civilisé. La farine d'orge, cuite dans l'eau ou le lait, forme une bouillie très-nutritive. On en fait du pain dans certaines parties de la France ; mais le peu de gluten qu'il contient rend ce pain friable et prompt à se dessécher.

Sous ces différentes formes, l'orge est nourrissante, émolliente, adoucissante, rafraîchissante. On l'emploie en décoction dans la plupart des maladies aiguës et inflammatoires, et comme analeptique dans les maladies chroniques, fébriles ou avec irritation, telles que la fièvre hectique, la phthisie pulmonaire et les consomptions, l'hémoptysie, la néphrite, la cystite, etc. J'ai souvent employé à la campagne la semence d'orge en nature pour tisane dans les maladies aiguës. Suivant Dubois, de Tournai, l'orge hexastique ou à six rangs (orge carrée, sucrion), employée en nature, décoctée dans l'eau, est un des plus puissants diurétiques connus. Ce médecin rapporte cinq cas d'anasarque promptement guéris au moyen d'une décoction concentrée de


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cette semence entière, telle qu'on l'emploie dans les usages domestiques. Elle a été sans effet dans deux cas d'anasarque ; mais ces derniers faits ne détruisent en rien ceux qui militent en faveur des propriétés diurétiques de la semence brute. Dans l'un de ces cas, la maladie avait également résisté à la digitale et à une foule d'autres médicaments successivement employés.

Afin que la matière amylacée de l'orge mondé ou perlé puisse se dissoudre entièrement dans l'eau et donner à la décoction divers degrés de consistance, suivant les différents états de la maladie, il faut prolonger l'ébullition à un feu doux pendant sept à huit heures. Sans cette précaution, cette boisson est dénuée de vertu, ou bien elle est même un peu excitante, à cause de la matière extractive qu'elle a enlevée à l'enveloppe de la semence. C'est ainsi que les anciens préparaient l'eau d'orge, qui alors fournissait dans les maladies aiguës une boisson mucilagineuse et nourrissante, que nous avons à tort remplacée par les bouillons de viande.

Il résulte des expériences de Magbridge, de Lind, d'Huxam, de Percy, et d'autres médecins, que le malt et la décoction qu'on en prépare sont éminemment antiscorbutiques, et ont été comme tels employés avec succès dans les voyages de long cours, tant comme préservatifs que comme curatifs. Le navigateur Cook en a préparé une espèce de bière fort utile aux marins. Macquart en a éprouvé de bons effets dans une épidémie de scorbut et de dysenterie, qui régna sur la flotte de Dorvilliers, en 1778. Quarin[1] a indiqué la formule suivante : malt, 192 gr. ; faites bouillir pendant un quart d'heure dans 3 kilogr. d'eau ; ajoutez ensuite 4 gr. de fenouil et 12 gr. de racine de réglisse ; laissez digérer pendant quatre heures. Rush dit avoir vu différents symptômes, reliquats de la syphilis, céder à l'usage du malt, après avoir résisté à tous les remèdes. Percival lui attribue de l'efficacité contre les scrofules. Mais la bière, qui est composée avec le malt et le houblon, est bien plus utile contre cette dernière maladie. Amère, nourrissante et tonique, la bière apaise la soif sans débiliter, augmente l'action de l'estomac et excite les sécrétions.

Dans le Nord, où le vin est d'un prix trop élevé pour le pauvre, on emploie souvent la bière pour faire macérer les plantes qu'on veut administrer sous cette forme.

J'ai vu employer à la campagne, comme anthelminthique et purgatif, à la dose d'un à trois verres, la bière qu'on avait laissé éventer pendant trois ou quatre jours. Ce moyen provoque souvent l'expulsion des lombrics dès le premier jour de son usage.

La levûre de bière a été considérée comme antiseptique et administrée dans les fièvres putrides. J'en ai remarqué de bons effets dans un cas de fièvre muqueuse vermineuse chez une petite fille de dix ans, qui, pendant le cours de cette maladie, n'a fait usage d'aucun autre moyen, à l'exception de l'ipécacuanha, qu'elle avait pris au début comme vomitif. La levûre de bière était prise par petites cuillerées fréquemment répétées. Cette levûre s'est montrée, suivant Hufeland, fort salutaire dans le scorbut de terre, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Un médecin anglais, Moss[2], a eu recours avec avantage à la levure de bière contre les éruptions furonculeuses, très-fréquentes dans les contrées occidentales de l'Angleterre. I1 administre cette substance délayée dans l'eau, à la dose d'une cuillerée à soupe, trois fois dans la journée. Dans un cas de diabète sucré, Bird Herepath[3] a employé avec succès la levûre de bière à la dose d'une cuillerée à bouche dans du lait, deux ou trois fois par jour.

Dans les circonstances ordinaires, la glucose se convertit, comme on sait,

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  1. De morb. acut. et chron.
  2. Union médicale, 1852, 1re série, t. VI, p. 616.
  3. Ass. med. Journ., et Gazette hebdomadaire, 1854.


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sous l'influence de la levûre de bière (à la température de 15 à 20 degrés centigr.) en alcool et en acide carbonique. Mais si la réaction se produit dans l'obscurité au contact de substances albumineuses et protéiques comme dans l'estomac (à une température de 25 degrés centigr.), le produit est alors de l'acide lactique, de l'acide acétique, et peut-être aussi de l'alcool et de l'acide carbonique. Ces données théoriques engagèrent l'auteur à essayer du torula cerevisiæ (levûre de bière) dans le seul cas que nous venons de citer, et qui nous paraît d'autant moins concluant, que, sur trois cas de glucosurie rebelle, dans lesquels Bouchardat [1] a conseillé la levûre de bière, il a complètement échoué deux fois, et que le troisième il n'a obtenu qu'une amélioration douteuse, accompagnée de dégagements de gaz pénibles. Ernest Baudrimont[2] n'a pas été plus heureux chez un jeune garçon atteint de glucosurie, traité sans aucun succès par la médication alcaline depuis deux mois. On constata, dès le cinquième jour du traitement par la levûre de bière, des symptômes d'ivresse, preuve de la transformation du glucose en alcool ; mais leur intensité décrut peu à peu, la soif diminua de moitié ; cependant les urines étaient presque toujours également denses, et contenaient 81 gr. de glucose par litre.

La levûre de bière a été appliquée à l'extérieur comme antiseptique, la farine d'orge peut être employée en cataplasme comme émolliente. Williams applique sur les plaies de mauvais caractère, pourriture d'hôpital, plaies gangreneuses, etc., un cataplasme fait avee l'orge fermentée et la bière bouillante. Ce cataplasme, qui a paru supérieur à tous les moyens de même nature, doit être changé deux ou trois fois en vingt-quatre heures.

La drèche ou marc de la bière a été conseillée par Gibson et Magbridge, en décoction contre le scorbut. Henning la recommande dans les maladies éruptives du printemps. Rush en a obtenu de bons effets dans les ulcères de mauvais caractère. Les bains de drèche chauds sont employés avec avantage dans le rhumatisme et les engorgements articulaires chroniques, la paralysie, les névralgies, les rétractions musculaires, l'œdème, l'anasarque, etc. C'est un moyen populaire qui n'est pas à dédaigner.

[Pendant l'acte de la germination, il se forme dans l'orge, avons-nous dit (voyez Propriétés chimiques), un ferment azoté particulier nommé diastase, qui jouit de la propriété de transformer l'amidon et toutes les fécules en dextrine et en sucre ; une matière analogue que l'on a désignée tour à tour sous les noms de ptyaline et de diastase animale, existe dans la salive ; c'est un des ferments digestifs qui a pour but d'opérer dans la bouche la saccharification des fécules : de même que l'on a cherché à suppléer au défaut de quantité ou d'activité du suc gastrique chez l'homme, en administrant le suc gastrique des animaux, de même on a, nous le croyons avec juste raison, associé la diastase végétale à la pepsine lorsqu'on croyait qu'il y avait à la fois défaut de digestion des fécules et des matières protéiques. Chassaing, pharmacien à Maisons-Alfort, a présenté à l'Académie de médecine un sirop et un vin nutrimentifs de malt et de pepsine. Arnal, Barth et d'autres praticiens distingués se sont bien trouvés de l'emploi de ces deux médicaments. On comprend qu'il serait difficile et coûteux d'isoler la diastase de l'orge germé ; c'est pour cela que Chassaing propose l'emploi de l’orge germé en poudre ou malt.

Ces applications des faits physiologiques à la thérapeutique ont souvent donné de bons résultats ; mais il est arrivé ici ce qui arrive presque toujours, c'est qu'on a poussé les choses à l'excès : c'est ainsi que l'on associe à la pepsine la pancréatine du suc pancréatique, qui achèvent dans l'intestin la digestion des matières albuminunoïdes qui n'a pu se terminer dans l'esto-

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  1. Annuaire de thérapeutique, 1855, p. 147.
  2. Compte-rendu de l'Académie des sciences, février 1856.


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mac ; mais on n'a pas songé que la pepsine et la pancréatine dans le canal digestif n'agissent que successivement, et que lorsqu'on les associe, elles détruisent naturellement leurs effets. En voulant mieux faire, on a fait plus mal.

Enfin, rappelons que, depuis quelques années, les bières concentrées, les bières de malt ont été employées avec quelque apparence de succès dans certaines maladies de l'estomac.]

(Fremy regarde la poudre de malt comme un tonique analeptique puissant ayant une action modificatrice dans les affections pulmonaires chroniques, et même dans la phthisie : non pas que son action s'attaque à la maladie elle-même ; mais cet agent exerce une influence heureuse sur les sueurs, la diarrhée et la dyspepsie concomitantes[1].

Skoda préconise comme liqueur antiscorbutique à la dose de deux ou trois verres par jour le mélange suivant : décoction de malt avec bourgeons de sapin, 275 gr. ; levûre de bière, 25 gr. ; sirop d'écorce d'oranger, 25 gr. ; mêlez, laissez fermenter et filtrez.)

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  1. Bulletin général de thérapeutique, 1862.