Millefeuille (Cazin 1868)

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Méum
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Millefeuille (genépis)
PLANCHE XXVI : 1. Ményanthe. 2. Mercuriale. 3. Millefeuille. 4. Millepertuis. 5. Morelle.


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Achillée millefeuille

Nom accepté : Achillea millefolium


MILLEFEUILLE. Achillea millefolium. L.

Millefolium vulgare album. C. Bauh. , Tourn. — Millefolium stratiotes pennatum terrestre. J. Bauh. — Stratiotes millefolia. Fuchs. - Achillea. Dioscoride. — Chyliophylium. Trill. Carpentaria. Lem.

Millefeuille commune, — millefeuille des pharmacies, — herbe aux charpentiers, — herbe aux coupures, — herbe aux voituriers, — herbe aux militaires, — sourcil de Vénus, - herbe Saint-Jean, — herbe du cocher, — endove.

SYNANTHÉRÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGYNIE. L.


Cette plante vivace (Pl. XXVI) abonde dans les champs, aux lieux incultes, sur le bord des chemins. Sa réputation est fort ancienne. Le nom d’Achillea, suivant Pline, lui vient d'Achille, qui s'en servit le premier pour guérir les blessures de ses compagnons d'armes.

Les agronomes la regardent comme un excellent fourrage.


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Description. — Racine traînante, noirâtre, fibreuse. — Tiges droites velues cannelées, hautes de 50 à 60 centimètres. — Feuilles longues et étroites, pubescentes, à découpures nombreuses, sessiles, alternes, d'une odeur aromatique.— Fleurs blanches ou rosées, en capitules petits et nombreux, formant des corymbes terminaux compactes (juin-juillet-août). — Calice composé d'écailles imbriquées, très-serrées, renfermant dans le centre des fleurons tubuleux, hermaphrodites, à cinq lobes, au nombre de six à huit, et, à la circonférence, des demi-fleurons femelles fertiles, peu nombreux et à trois dents. — Cinq étamines. — Un style. — Deux stigmates. — Réceptacle près plan. — Fruits : akènes ovoïdes dépourvus d'aigrette.

Parties usitées. — Les feuilles, les sommités fleuries, la racine.

(Culture. — La plante, croissant spontanément en grande abondance, suffit aux besoins de la médecine. Elle est cultivée dans les jardins, où elle fournit plusieurs variétés. On la propage en terre légère par semis faits au printemps ; plus rarement par éclats des pieds.)

Récolte. — Elle doit être faite, pour les feuilles et les sommités, pendant la floraison. La racine se récolte comme celle de toutes les plantes vivaces.

Propriétés physiques et chimiques. — La millefeuille a une odeur aromatique très-faible ; sa tige et ses feuilles ont une saveur astringente, amère, et ses fleurs un goût amer et légèrement aromatique. La racine fraîche a une odeur de camphre. Cette différence tient à ce que ces dernières contiennent une huile volatile d'une odeur fragrante très-pénétrante et d'une saveur chaude, qu'on en retire facilement par la distillation, tandis que les feuilles et la tige recèlent un principe résineux amer styptique, uni à du mucilage. L'infusion de cette plante noircit par le sulfate de fer. Gmelin, Dubois de Tournai ont cherché à plusieurs reprises à vérifier ce fait, en faisant macérer les feuilles dans de l'alcool de froment, et ils ont toujours obtenu un liquide de couleur verte. L'eau, le vin et l'alcool s'emparent des principes actifs de la millefeuille. Zanoni[1], chimiste italien, a analysé cette plante et y a trouvé un principe nouveau qu'il nomme achilléine. (Ce n'est point un alcaloïde, mais un extrait hydroalcoolique d'une composition complexe, d'un jaune brunâtre, amer, d'une odeur spéciale, hygrométrique, soluble dans l'eau et l'alcool bouillant, insoluble dans l'éther sulfurique.)

En Dalécarlie on substitue la millefeuille au houblon dans la fabrication de la bière ; ce qui rend, dit-on, cette boisson très-enivrante.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion, 10 à 20 gr. par 500 gr. d'eau bouillante. Cette infusion noircissant et perdant promptement son arôme, on ne doit préparer que la quantité que l'on peut prendre en une ou deux fois.
Suc exprimé, 50 à 100 gr., en potion.
Eau distillée (1 sur 12 d'eau), 50 à 100 gr., en potion.
Huile essentielle, 50 centigr. à 1 gr., en potion.

Extrait, 4 à 10 gr., en potion.
Sirop (1 fraîche sur 6 d'eau bouillante et 12 de sucre), 30 à 60 gr.
A L'EXTÉRIEUR. — Décoction, de 30 à 60 g. par kilogramme d'eau, pour lotions, fomentations, bains, lavements.
La millefeuille entre dans quelques réparations officinales, comme l'eau vulnéraire, etc.


La millefeuille, considérée comme tonique, stimulante, antispasmodique, emménagogue, fébrifuge, etc., était appelée autrefois à remplir un grand nombre d'indications. La longue nomenclature de tous les maux qu'on a cru pouvoir guérir avec cette plante, a inspiré une méfiance qui a pu seule la faire abandonner. On n'en fait même pas mention dans les traités récents de matière médicale.

Cependant on l'a employée avec succès dans les affections nerveuses atoniques, dans les hémorrhagies passives, les flux muqueux, la suppression des règles, les fièvres intermittentes, les affections catarrhales chroniques, etc. Tabernaemontanus la vante contre l'épilepsie. F. Hoffmann, Stahl et Gruner préconisent ses sommités fleuries dans l'hystérie, l'hypochondrie, la cardialgie, les coliques venteuses ou spasmodiques, l'épilepsie, les hémorrhagies passives, les affections rhumatismales, calculeuses, etc. Ferrein la

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  1. Annali universali di medicina.


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dit utile dans les hémorrhagies, les fièvres intermittentes, l'avortement. Maumery[1] considère l'infusion de millefeuille comme très-efficace dans les maladies nerveuses. Elle lui a réussi dans les convulsions des enfants varioleux, chez les femmes hystériques ; elle a prévenu des fièvres puerpérales chez les accouchées, en rétablissant les lochies ; elle a guéri une épilepsie, suite de la suppression menstruelle, en rétablissant les règles ; elle a fait cesser un spasme universel avec raideur tétanique, suite d'une fièvre maligne, en portant à la peau des pustules qui ont été critiques. Les femmes grosses, suivant le médecin que nous venons de citer, peuvent prévenir les mauvaises suites des couches et la fièvre puerpérale en faisant usage de l'infusion de millefeuille avant les couches. Bue pendant un mois, ajoute ce praticien, cette infusion a encore la propriété de calmer les douleurs des hémorrhoïdes et d'arrêter les fleurs blanches excessives. « Je ne doute pas, dit Maumery, qu'on ne me prenne pour un enthousiaste ou pour un visionnaire. Je ne suis ni l'un ni l'autre. Je suis un médecin qui me suis fait une loi, dès le commencement de ma pratique, de me prémunir ni pour ni contre aucun remède, qui, au contraire, ai tâché de me conformer aux sages préceptes que j'ai pu trouver dans les plus grands praticiens, en m'éloignant de tout système. On peut s'en rapporter à ma candeur. »

D'après Joerdens[2], une forte infusion de millefeuille diminue la leucorrhée invétérée, et parvient, unie au carbonate de potasse, à guérir la leucorrhée récente. Meyer[3] a employé cette plante avec succès dans les mêmes affections. Dubois, de Tournai, a observé de bons effets de son usage dans deux cas de leucorrhée. Le même moyen nous a également réussi dans un autre cas de leucorrhée qui durait depuis plusieurs mois, et était accompagné de douleurs gastriques assez intenses.

Buchwald, Losecke, Rivière, Boerhaave, Alberti, Lobel, et beaucoup d'autres auteurs considèrent la millefeuille comme un remède très-efficace contre les hémorrhagies. « Des praticiens qui n'écrivent point, dit Roques, mais qui observent attentivement l'effet des remèdes, nous ont dit avoir employé avec un plein succès le suc exprimé de la plante fraîche pour arrêter des hémoptysies rebelles à la saignée et aux boissons tempérantes. Lorsque le suc ou la décoction ne suffisaient point, on les étendait dans une eau alumineuse. » Hufeland prescrit l'infusion des sommités contre les flux cœliaque et hépatique pour fortifier les intestins après le melœna, et comme traitement consécutif, cette même infusion en lavement pour prévenir les récidives de cette affection. Thomas Burnet avait déjà recommandé la décoction de millefeuille contre le flux hémorrhoïdal excessif. C'est surtout dans les flux hémorrhoïdaux, dans les hémorrhagies du rectum que la millefeuille s'est montrée efficace. Trunk[4] en a recueilli un grand nombre d'observations rapportées par différents auteurs ; et tout récemment Teissier[5] a publié un travail dans lequel il prouve par des faits irrécusables que cette plante, si injustement dédaignée aujourd'hui, a une action réelle et spéciale contre les flux hémorrhoïdaux trop abondants.

Teissier mentionne les opinions de Rivière, d'Alberti, de Stahl, d'Arnaud de Villeneuve, de F. Hoffmann, de Ferrein, de Chomel, de Hufeland. De l'ensemble de ces opinions il résulte que ces auteurs attribuaient à la millefeuille des propriétés antispasmodiques dans les maladies nerveuses, toniques et astringentes dans les hémorrhagies passives, principalement dans les hémorrhagies passives du rectum et de l'utérus.

Apres avoir rappelé qu'autrefois cette plante était fréquemment employée

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  1. Ancien Journal de médecine, t. XXXIV, p. 403.
  2. All. med., année 1802, février.
  3. Receppttasschenbuch, p. 223.
  4. Hist. hœmorrh. omnis ævi obs. cont., vol. II, p. 3.
  5. Gazette médicale de Lyon, 31 janvier et 15 février.


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en médecine, Teissier, abordant les considérations et les faits cliniques oui font l'objet de son mémoire, spécifie les cas dans lesquels on peut employer avec succès la millefeuille. « Il ne s'agit ici, dit-il, ni des hémorrhoïdes fluentes ordinaires, que le praticien doit ordinairement respecter et pour lesquelles il ne doit intervenir que lorsqu'elles sont douloureuses. Il ne s'agit pas non plus de ces hémorrhoïdes dégénérées dont on ne peut avoir justice que par une opération chirurgicale, c'est-à-dire qu'à la condition de les détruire par le bistouri ou par les caustiques. Nous voulons parler surtout de ces hémorrhoïdes sans lésions profondes de l'intestin, qui laissent cependant écouler une quantité considérable de sang, qu'on peut évaluer, sans exagération, chez quelques sujets, à une demi-verrée, une verrée, un demi-litre et même un litre par jour, et qui jettent les malades dans un état de débilité extrême et d'anémie véritable. » Teissier oppose aussi avec efficacité la millefeuille aux hémorrhoïdes anciennes dont le flux n'est pas seulement sanguin, mais encore muqueux ou puriforme, et constituant une blennorrhée anale, qui entraîne, quand elle est abondante, une débilité déplorable et les symptômes de la cachexie. Ce praticien distingué apprécie ensuite la médication recommandée contre ces deux espèces d'hémorrhoïdes anormales, et qui consiste surtout dans l'usage des astringents et du froid, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur (boissons faites avec les acides minéraux et végétaux, ratanhia, bistorte, cachou, quinquina, écorce de chêne, alun en pilule ou en solution, seigle ergoté, etc. ; lavements froids et lotions fraîches avec l'eau albumineuse ; solution d'acétate de plomb, de sulfate de fer, d'alumine, etc.). Cette médication n'est pas rejetée d'une manière absolue par l'auteur ; il pense, au contraire, qu'elle peut trouver son application dans certaines circonstances ; mais il croit aussi avec raison qu'il y a inconvénient à supprimer par des astringents très-énergiques, appliqués localement ou par des lavements d'eau glacée, des écoulements hémorrhoïdaux rouges ou blancs un peu considérables, lors même qu'ils sont liés à une exhalation passive.

Il est préférable et plus rationnel, en pareils cas, de recourir à des moyens moins répercussifs. La millefeuille, par une action élective, à la fois tonique, astringente et même sédative, remplit parfaitement l'indication.

En résumé, tenant compte de l'opinion des auteurs qui ont écrit sur les effets thérapeutiques de la millefeuille et des faits observés par lui-même, Teissier conclut :

1° Que la millefeuille, administrée à l'intérieur sous forme d'infusion ou de jus exprimé, a une action puissante sur les tumeurs hémorrhoïdales ;

2° Qu'elle a la propriété de modérer et même de supprimer les flux hémorrhoïdaux excessifs, propriété précieuse dans les cas où l'écoulement sanguin est assez considérable pour occasionner, comme on le voit assez souvent, la perte des forces, ou même une véritable anémie ;

3° Qu'elle a encore la propriété de tarir les sécrétions muqueuses et puriformes du rectum qui tiennent seulement à des engorgements hémorrhoïdaux et non des dégénérescences cancéreuses ;

4° Que l'action antihémorrhagique de la millefeuille n'est point le résultat d'une simple astriction qui pourra être répercussive ; qu'elle agit d'une manière spéciale et directe sur les vaisseaux et sur les nerfs du rectum, que cette action, comme l'ont dit quelques auteurs, est, en effet, tout à la fois astringente, tonique et sédative ;

5° Que l'usage de ce médicament doit être surtout réservé pour les hémorrhoïdaux passifs avec état variqueux et atonie du rectum, et pour les flux qui, bien qu'actifs, ont amené par leur abondance une débilité profonde et des désordres dans la santé générale.

J'ai été à même de juger de l'efficacité de la millefeuille dans un cas de flux sanguin hémorrhoïdal excessif, avec hémorrhagie utérine périodique.


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Mme D***, de Boulogne-sur-Mer, âgée de quarante-quatre ans, tempérament lymphatico-nerveux, constitution grêle et délicate, n'ayant eu qu'un enfant aujourd'hui âgé de dix-sept ans, était atteinte depuis plusieurs années de tumeurs hémorrhoïdales qui sortaient à chaque défécation. Le volume graduellement augmenté de ces tumeurs produisait en même temps la chute péniblement réductible du rectum, et, par suite de l'irritation du col de l'utérus, une menstruation métrorrhagique qui durait dix à douze jours. Des topiques astringents (pommade de ratanhia, lotions alumineuses, etc.), les douches ascendantes froides, la pommade de belladone, l'onguent populéum, etc., n'avaient apporté que peu ou point de soulagement. La malade, affaiblie et découragée, alla à Paris consulter MM. Gendrin et Barthe, qui ne trouvèrent d'autre moyen de salut que la destruction des tumeurs hémorrhoïdales, soit par la cautérisation, soit par l'écrasement linéaire, mais l'état de faiblesse et d'anémie, l'extrême irritabilité du système nerveux, le refus formel de la chloroformisation, firent différer l'opération, et l'on s'en tint seulement à la continuation de l'emploi journalier des douches d'eau froide, qui, parmi les moyens employés, avaient seules procuré du soulagement.

Mme D*** revint à Boulogne. Appelé le 7 mars 1857, je la trouve dans l'état suivant : tumeurs hémorrhoïdales volumineuses formant bourrelet, chute du rectum à chaque garde-robe et même par la marche, nécessitant depuis longtemps un suppositoire métallique contentif, mais dont la présence ne peut plus être supportée à cause de la douleur ; rupture d'une veine donnant issues chaque fois que la malade va à la selle, à un demi-verre de sang (environ 80 à 100 gr.) ; pâleur, infiltration cachectique, débilité, pouls faible, abattement moral, insomnie ou sommeil pénible, sensibilité extrême ; appétit ; digestions rarement difficiles ; menstruation très-abondante depuis près d'un, an, durant dix à douze jours, et constituant, les deux premiers jours, une véritable hémorrhagie ; obligation de garder presque constamment le lit. Je prescris l'infusion de millefeuille à la dose de 20 gr. pour 500 gr. d'eau bouillante, à prendre en trois fois chaque jour. Dès le troisième jour du traitement, l'écoulement sanguin hémorrhoïdal est diminué de moitié. La malade éprouve, dit-elle, une amélioration sensible du côté des nerfs : elle est plus calme et dort plus paisiblement. Le sixième jour, l'écoulement sanguin est réduit à environ une cuillerée à bouche ; la réduction du rectum, auparavant très-pénible, devient graduellement plus facile et moins douloureuse : il y a plus de ton et un peu moins de volume dans les parties affectées. Le dixième jour, apparition normale des règles, sans hémorrhagie ; elles ne durent que cinq jours. Le vingtième jour, Mme D***, moins faible, peut rester levée une grande partie de la journée. La constipation est combattue par une très-légère dose de magnésie calcinée. Le volume du bourrelet hémorrhoïdal est diminué d'environ un tiers et la chute du rectum beaucoup moins considérable n'offre plus que peu de difficulté dans la réduction. Mme D*** reprenant de plus en plus ses forces et de gaîté habituelle, se livre à ses occupations ordinaires, continue l'usage de la millefeuille, plutôt, dit-elle, par reconnaissance que par nécessité, sans renoncer toutefois à l'opération qui pourra, lorsqu'elle se trouvera assez forte pour la supporter, la débarrasser complètement de son affection hémorrhoïdale.

Rouzier-Joly, de Clermont[1], a obtenu des résultats qui ne laissent aucun doute sur la vertu emménagogue de la millefeuille. Lorsque la suppression avait été produite par une cause passagère, par le froid, par une émotion morale, par exemple, une forte infusion de cette plante, donnée le matin à jeun, et répétée au besoin trois ou quatre jours de suite, faisait reparaître. le flux menstruel quelquefois même une demi-heure seulement après l'admi-

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  1. Bulletin de thérapeutique, 15 avril 1857.


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nistration de la première dose. On doit attendre, pour la prescrire, que l'époque habituelle du retour des règles soit presque écoulée ou que des signes annoncent une tendance fluxionnaire vers l'utérus. L'usage plus ou moins longtemps continué de la millefeuille, quand les menstrues n'ont pas reparu, n'a apporté aucun préjudice à la santé ; elle n'a causé non plus aucun accident chez les femmes qui l'ont prise au début d'une grossesse méconnue. Les faits obseryés par Rouzier-Joly tendent à prouver que la millefeuille n'est pas seulement efficace dans les suppressions par causes accidentelles, mais qu'elle peut aussi être employée avantageusement : 1° pour favoriser l'écoulement des menstrues lorsque celles-ci sont insuffisantes ; 2° pour rappeler les règles qui ont cessé de paraître sous l'influence d'une diathèse, d'un état fluxionnaire vers les parties supérieures, ou d'un appauvrissement du sang ; 3° enfin, pour faire reparaître les lochies brusquement suspendues. Ce médicament n'a paru avoir aucun effet chez les jeunes filles dont la menstruation s'établit difficilement et offre des irrégularités dans ses premières manifestations.

L'usage de la millefeuille comme antihémorrhagique et emménagogue est vulgaire dans nos campagnes, non-seulement dans la médecine humaine, mais aussi dans la médecine vétérinaire traditionnelle. Les cultivateurs l'emploient en décoction concentrée dans l'hématurie et les flux de sang des bestiaux, dans la rétention de l'arrière-faix chez les vaches, etc.

Les paysans emploient dans certaines contrées, pour combattre les fièvres intermittentes, une forte décoction de millefeuille. Puppi[1] a fait sur lui-même, et sur quelques malades, des expériences qui prouveraient que l'ACHILLÉINE, à la dose de 50 centigr. à 1 gr. par jour, en solution dans l'eau, constituerait un fébrifuge efficace. Il serait utile, non-seulement de vérifier cette propriété du principe actif de la millefeuille, mais encore de s'assurer de l'action de ce principe dans tous les cas pathologiques où la plante est employée.

La millefeuille a été préconisée dans diverses autres maladies, telles que les affections catarrhales chroniques, la dysenterie, la phthisie, l'asthme humide, etc. Hufeland trouve fort utile dans les toux gastriques, après l'administration d'un vomitif, de faire prendre pendant longtemps au malade une infusion d'herbe de millefeuille, qu'il boit froide matin et soir. Les sommités de cette plante peuvent, suivant Hanin, dans bien des circonstances, remplacer la camomille romaine. Richard, de Nancy[2], a employé la millefeuille dans plusieurs épidémies d'affections éruptives, et dans des maladies diverses, offrant toutes un certain degré d'éretbisme nerveux, et chaque fois avec un résultat des plus satisfaisants. Il en fit usage la première fois dans une épidémie de rougeole qui, sous l'influence d'un changement subit de température, avait en peu de temps acquis un caractère pernicieux : prodromes longs et pénibles, éruption difficile, paraissant et disparaissant, vomissements fréquents, toux et fièvres intenses, etc. Richard eut recours à l'infusion de millefeuille en boisson et en lavement. Quelques-uns des petits malades furent enveloppés d'une nappe imbibée de cette infusion. Dès lors, les accidents ci-dessus signalés disparurent, et la maladie marcha promptement vers la convalescence, malgré la persistance des mêmes conditions atmosphériques. La seconde fois, l'infusion de millefeuille fut essayée dans une épidémie de fièvre scarlatine, avec angine grave, fièvre intense, éruption exanthémateuse difficile, s'opérant lentement et s'accompagnant de délire, etc. Les émissions sanguines, les grands bains, les boissons pectorales avaient échoué, et plusieurs malades avaient déjà succombé, lorsque Richard mit en usage la millefeuille, qui eut

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  1. Annali universali di medicina, 1845, t. CXIII, p. 503.
  2. Bulletin de thérapeutique, et Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1S31, p. 56.


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un plein succès. Le même traitement fit rapidement cesser les convulsions survenues chez les enfants pendant la dentition. Richard prescrit encore l'infusion de cette plante en boisson, en lavements et en topique sur le ventre chez les jeunes filles dont la menstruation est difficile et douloureuse, chez les femmes récemment accouchées et tourmentées de coliques, et cette pratique lui réussit toujours.

La millefeuille a été employée autrefois à l'extérieur comme vulnéraire. Le nom qu'elle porte vulgairement (herbe aux charpentiers) lui vient de sa vertu supposée de guérir les plaies récentes. Les paysans retardent la guérison de leurs coupures mal réunies en y appliquant cette herbe ; mais comme ils guérissent par les efforts de la nature, malgré cette application, ils lui attribuent le merveilleux travail de la cicatrisation. Mais il n'en est pas de même des ulcères sanieux et atoniques ; le suc, l'infusion aqueuse ou vineuse de millefeuille, les raniment, les détergent et les disposent à la cicatrisation. Cette plante, contusée et appliquée sur le périnée, augmente la tonicité de la peau de cette partie, et cicatrise promptement les crevasses ou les gerçures que la marche occasionne. Dubois a observé que la décoction de millefeuille dans la bière guérit d'une manière rapide les gerçures qui surviennent à la peau de diverses parties du corps, notamment celles qui ont leur siège au pourtour du mamelon des nourrices. On applique sur la partie malade des compresses trempées dans cette décoction. Le suc, la décoction ou l'infusion de millefeuille en topique, étaient regardés par Stahl comme un remède spécifique contre les hémorrhoïdes. En injection, ces préparations conviennent dans la leucorrhée et les flux muqueux ou mucoso-purulents du rectum. Hanin recommande contre la leucorrhée des injections dans le vagin avec une décoction composée de millefeuille, de trèfle d'eau et de mélilot ; on y ajoute, quand l'écoulement est moins abondant, et à la fin du traitement, des roses de Provins et du gros vin. On prépare avec la millefeuille des fumigations et des bains aromatiques et sédatifs. Elle est, dit-on, un excellent remède contre la gale des moutons.

(Matthiole recommande contre les maux de dents de mâcher l'herbe de millefeuille ; l'abondante sécrétion de salive qui s'ensuit peut, jusqu'à un certain point, amener du soulagement.)


Achillée noble

Nom accepté : Achillea nobilis


MILLEFEUILLE NOBLE (Achillea nobilis, L.). — Croît dans le Piémont, dans la Provence, le Languedoc, le Dauphiné, les Pyrénées ; on la trouve sur les collines, dans les terrains un peu sablonneux. Paraît un peu plus énergique que l'espèce précédente.

Description. — Tige ronde, non sillonnée, pubescente, haute de 30 à 36 centimètres. — Feuilles bipennées, cotonneuses, à lanières écartées, pointues, étroites, dentées en scie. — Fleurs en corymbe à l'extrémité des rameaux ; disque jaunâtre, demi-fleurons blancs, courts, échancrés au sommet et peu nombreux.

Odeur aromatique, camphrée, saveur amère.