Khaya senegalensis (PROTA)
Introduction |
Importance générale | |
Répartition en Afrique | |
Répartition mondiale | |
Oléagineux | |
Colorant / tanin | |
Médicinal | |
Bois d'œuvre | |
Bois de feu | |
Ornemental | |
Fourrage | |
Fibre | |
Changement climatique | |
Statut de conservation |
Khaya senegalensis (Desr.) A.Juss.
- Protologue: Mém. Mus. natl. Hist. nat., Paris 19: 250 (1830).
- Famille: Meliaceae
- Nombre de chromosomes: 2n = 50
Noms vernaculaires
- Acajou du Sénégal, acajou caïlcédrat (Fr).
- Dry-zone mahogany, Senegal mahogany, Gambia mahogany (En).
- Acaju do Senegal, bisselon, mogno de Africa (Po).
Origine et répartition géographique
Khaya senegalensis est présent depuis la Mauritanie et le Sénégal jusque dans le nord de l’Ouganda. Il est couramment planté sur son aire de répartition naturelle, surtout comme arbre d’ornement et d’alignement, et aussi en dehors de cette région, par ex. au Cap-Vert, en Tanzanie, au Malawi, à Madagascar, à la Réunion, en Egypte, en Afrique du Sud, en Inde, en Indonésie, au Vietnam, en Australie et en Amérique tropicale. Dans les régions sèches du Sri Lanka, il est devenu l’essence privilégiée pour l’établissement de plantations de bois d’œuvre depuis le milieu des années 1990, avec plus de 500 ha établis vers 2004 et 200 ha/an de nouvelles plantations prévues pour l’avenir.
Usages
Le bois est apprécié pour la charpente, la menuiserie, la fabrication de meubles, l’ébénisterie, la construction navale et les placages décoratifs. Il convient pour la construction, les revêtements de sol, les boiseries intérieures, les châssis de véhicules, les jouets, les bibelots, les traverses de chemin de fer, le tournage et la pâte à papier. Traditionnellement, le bois est utilisé pour fabriquer des pirogues monoxyles, des ustensiles ménagers tels que mortiers et cuillers et des tambours. Il est utilisé comme bois de feu et pour la production de charbon de bois.
L’écorce, de saveur amère, est très appréciée en médecine traditionnelle. Des décoctions ou des macérations d’écorce se prennent couramment contre la fièvre due à la malaria, et contre les maux d’estomac, la diarrhée, la dysenterie et l’anémie, comme antalgique dans les cas de rhumatismes et de maux de tête, et comme tonique, emménagogue et vermifuge. Elles s’emploient aussi comme purgatif, antidote et abortif, et pour traiter la syphilis, la lèpre, la varicelle et l’angine. En usage externe, l’écorce s’applique comme désinfectant dans les cas d’inflammation et pour traiter les maladies de peau, éruptions cutanées, gale, plaies, ulcères, furoncles, et les hémorroïdes, œdèmes et maux de dents. Elle s’utilise couramment en médecine vétérinaire, pour ses propriétés vermifuges, toniques et apéritives, et pour traiter la trypanosomose, les douves du foie, la diarrhée et les ulcères. En Ouganda, elle sert de poison de pêche. Au Cameroun, l’écorce est recherchée comme additif dans la fabrication de la bière locale. Les feuilles sont également utilisées en médecine traditionnelle, pour traiter les problèmes de peau, les plaies, la jaunisse, les œdèmes, les maux de tête et la dépression, et comme purgatif. Les racines s’emploient contre la jaunisse, les maux d’estomac, les œdèmes et l’aménorrhée. Les racines et l’écorce entrent dans la composition de complexes poisons de flèche dont les racines ou les graines de Strophanthus sont l’ingrédient principal. Les fleurs sont utilisées dans des remèdes contre les maux d’estomac et la syphilis. L’huile des graines se frictionne pour traiter les rhumatismes et la grippe, et se prend pour traiter la syphilis. Les ramilles et racines sont utilisés comme bâtonnets à mâcher et brosses à dent.
Au Ghana, l’écorce servait autrefois à teindre les étoffes en brunâtre. Il est courant d’utiliser le feuillage comme fourrage, mais sa qualité nutritive est médiocre et il ne sert que vers la fin de la saison sèche, faute de mieux, ou en mélange avec de meilleurs fourrages. L’huile des graines est utilisée dans les cosmétiques et en cuisine. La cendre de bois s’ajoute aux grains stockés pour prévenir les attaques d’insectes. Khaya senegalensis est couramment planté comme arbre d’alignement et arbre d’ombrage ornemental, et parfois pour la stabilisation des sols. Il a été planté avec succès au Burkina Faso dans un système taungya avec de l’arachide comme culture intercalaire. Dans de nombreuses régions, il est considéré comme un arbre magique et utilisé dans les rituels.
Production et commerce international
L’exportation de grumes de Khaya senegalensis d’Afrique de l’Ouest remonte déjà à la première moitié du XIXe siècle, par ex. de la Gambie. Khaya senegalensis a depuis été massivement exploité pour son bois d’œuvre. De nos jours, le bois est utilisé surtout sur place et il n’y a pas de statistiques sur la production et le commerce. Dans plusieurs pays de la zone de savanes africaine, le bois de Khaya senegalensis a une grande importance, par ex. au Burkina Faso et au Mali, où il peut représenter jusqu’à 80% de toutes les grumes qui entrent dans les scieries locales. Le bois de Khaya senegalensis est probablement parfois mélangé avec le bois d’autres Khaya spp. et vendu sur le marché international des bois d’œuvre. L’écorce est très recherchée pour ses usages médicinaux et on peut la trouver sur de nombreux marchés locaux. Les graines sont récoltées dans les peuplements naturels et vendues dans le monde entier ; c’est le cas du Centre national de semences forestières (CNSF) au Burkina Faso, qui en distribue 400–600 kg par an, dont plus de 80% sont exportées.
Propriétés
Le bois de cœur, brun rosé, fonce à l’exposition pour devenir brun rougeâtre avec une nuance violacée. Il est habituellement nettement démarqué de l’aubier plus pâle, atteignant 8 cm de large, au moins sur le bois séché. Généralement contrefil, parfois à fil droit ; le grain est moyennement grossier.
C’est un bois moyennement lourd, d’une densité de (620–)710–810(–900) kg/m³ à 12% d’humidité. Il sèche à l’air généralement assez lentement, mais avec peu de détérioration ; la présence de bois de tension peut provoquer des fentes et un gauchissement. Les taux de retrait du bois vert à anhydre sont moyens : de 4,0–5,9% radialement et de 4,3–7,2% tangentiellement. Une fois sec, le bois est assez stable en service.
A 12% d’humidité, le module de rupture est de 82–122 N/mm², le module d’élasticité de (7200–)9800–11 650 N/mm², la compression axiale de 45–54(–72) N/mm², le fendage de 15–28 N/mm et la dureté de flanc Chalais-Meudon de 3,5–5,9(–7,2).
Le bois est assez facile à scier et à travailler, et l’effet d’usure sur les lames de coupe est modéré. Les surfaces ont cependant tendance à devenir laineuses et il faut constamment affûter les lames de coupe. Un angle de coupe réduit est recommandé lors de l’usinage de planches sciées sur quartier. Le bois supporte bien le clouage et le vissage. Il a de bonnes propriétés de collage. Il prend bien les pâtes à polir et la peinture, mais l’utilisation d’un apprêt est nécessaire. Les propriétés de déroulage sont médiocres à cause de sa plus grande densité comparé à Khaya anthotheca et Khaya ivorensis, et de son contrefil, mais le tranchage donne un placage décoratif. Le bois de cœur est moyennement durable à durable, étant résistant aux termites mais modérément sensible aux champignons. L’aubier est sensible aux Lyctus. Le bois de cœur est fortement rebelle à l’imprégnation, l’aubier moyennement rebelle. La valeur énergétique du bois est d’environ 19 990 kJ/kg.
Des extraits d’écorce ont montré une activité antivirale in vitro. Ils ont manifesté également des propriétés antibactériennes in vitro contre des souches d’Enterococcus faecalis et de Streptococcus sp., de même qu’une activité leishmanicide significative. L’écorce a fait preuve d’effets anticonvulsivants chez les souris, et d’une faible activité antipaludéenne chez des souris inoculées avec Plasmodium berghei. Des extraits d’écorce ont manifesté une activité antiplasmodium prononcée contre des souches de Plasmodium falciparum, avec des valeurs IC50 inférieures à 5 μg/ml. Certains limonoïdes isolés de l’écorce ont montré une activité antipaludéenne in vitro contre des souches de Plasmodium falciparum, par ex. le fissinolide, qui a également des propriétés molluscicides. Les effets vermifuges de l’écorce ont été confirmés dans des essais in vitro ainsi que dans des essais in vivo chez les moutons. Dans des expérimentations sur des rats, l’écorce a eu des effets anti-inflammatoires après application locale. Des extraits aqueux de l’écorce et des feuilles ont fait preuve d’une forte activité antifalciforme. Le principal composant actif a été identifié comme étant un limonoïde réarrangé, à l’activité bien plus forte que celle de la pentoxifylline utilisée comme médicament de référence dans la prise en charge de la drépanocytose. Par ailleurs, il n’a pas sensiblement modifié les indices corpusculaires. Des extraits d’écorce ont fait ressortir des effets antiprolifératifs, anti-inflammatoires et pro-apoptotiques sur des lignées de cellules cancéreuses colorectales humaines. Le limonoïde 3α,7α-didésacétylkhivorine isolé de l’écorce a montré une nette activité inhibitrice sur la croissance de plusieurs lignées de cellules cancéreuses. Les extraits ont eu des effets larvicides contre le moustique Culex annulirostris, comparables à ceux de l’azadirachtine, un insecticide d’origine végétale bien connu. Certains limonoïdes isolés de l’écorce ont montré une nette activité anti-appétente et inhibitrice de croissance contre la noctuelle du coton Spodoptera littoralis ; c’est le khayanolide B qui a eu l’activité la plus forte. Les polyphénols tirés de l’écorce ont une forte activité antioxydante. Les feuilles contiennent en général environ 5 g de protéines assimilables et 620 kJ d’énergie nette par 100 g de matière sèche, ce qui indique une mauvaise qualité fourragère. On a observé que des feuilles (taux d’humidité de 67,2%) provenant de la zone soudanienne d’Afrique de l’Ouest contenaient 8,2% de protéines brutes et 3,7% de protéines assimilables, sur la base de matière sèche. Les extraits de feuilles sont hautement toxiques pour le charançon du riz (Sitophilus oryzae) et peuvent avoir un potentiel comme agent protecteur des grains stockés.
La teneur en huile des graines atteint 67% et elles sont riches en acide oléique. Toutefois, des teneurs en huile ne dépassant pas 17–27% ont également été relevées. Des graines sénégalaises contenaient 58,5% d’huile, dont les principaux acides gras étaient : acide oléique (70,3%), acide linoléique (10,8%), acide palmitique (8,3%) et acide stéarique (8,3%).
Falsifications et succédanés
Le bois de Khaya senegalensis ressemble davantage au vrai acajou (issu de Swietenia spp.) que le bois de Khaya anthotheca et Khaya ivorensis, mais il est plus lourd et plus dur. La ressemblance la plus forte est avec le bois de Khaya grandifoliola C.DC. Le bois de makoré (Tieghemella) lui ressemble aussi, mais il est plus durable.
Description
- Arbre monoïque, plus ou moins sempervirent, de taille moyenne, atteignant 30 (–35) m de haut ; fût dépourvu de branches jusqu’à 10(–16) m de haut, mais souvent bien plus court et tortueux, atteignant 100(–250) cm de diamètre, contreforts courts ou absents ; surface de l’écorce grise à gris foncé ou brun grisâtre, initialement lisse mais devenant écailleuse à minces écailles arrondies, écorce interne rose foncé à rougeâtre, secrétant une gomme rougeâtre ; cime arrondie, dense ; rameaux glabres.
- Feuilles disposées en spirale mais groupées vers l’extrémité des branches, composées paripennées à (2–)3–5(–6) paires de folioles ; stipules absentes ; pétiole et rachis atteignant ensemble 25 cm de long ; pétiolules de 3–4 mm de long ; folioles opposées ou presque, elliptiques à oblongues, de 5–12 cm × 2,5–5 cm, cunéiformes et légèrement asymétriques à la base, obtuses ou très courtement acuminées à l’apex, bords entiers, finement coriaces, glabres, pennatinervées à 8–10 paires de nervures latérales.
- Inflorescence : panicule axillaire ou quasi terminale jusqu’à 20 cm de long.
- Fleurs unisexuées, fleurs mâles et femelles d’apparence très similaire, régulières, habituellement 4-mères, blanchâtres, à parfum doux ; pédicelle de 1–2 mm de long ; calice lobé presque jusqu’à la base, à lobes arrondis d’environ 1,5 mm de long ; pétales libres, elliptiques, d’environ 4 mm × 2 mm, plus ou moins capuchonnés ; étamines soudées en un tube urcéolé d’environ 5 mm de long, à 8 anthères normalement incluses à proximité de l’apex, alternant avec des lobes arrondis ; disque en coussin ; ovaire supère, globuleux à conique, de 1–2 mm de diamètre, 4-loculaire, style atteignant 1 mm de long, stigmate discoïde ; fleurs mâles à ovaire rudimentaire, fleurs femelles à anthères plus petites, indéhiscentes.
- Fruit : capsule ligneuse érigée, presque globuleuse, de 4–6 cm de diamètre, gris pâle à brun grisâtre, déhiscente par 4 valves, contenant de nombreuses graines.
- Graines discoïdes ou quadrangulaires, fortement aplaties, d’environ 2 cm × 2,5 cm, entourées d’une aile étroite, brunes.
- Plantule à germination hypogée, cotylédons restant enfermés dans le tégument ; épicotyle de 5–6 cm de long ; 2 premières feuilles opposées, simples.
Autres données botaniques
Le genre Khaya comprend 4 espèces sur le continent africain et 1 ou 2 endémiques des Comores et de Madagascar. Il appartient à la sous-famille des Swietenoideae et semblerait être étroitement apparenté à Carapa et Swietenia. Les espèces de Khaya ont de fortes ressemblances au niveau des fleurs et des fruits, les différences les plus nettes résidant dans leurs folioles. Khaya senegalensis est proche de Khaya anthotheca (Welw.) C.DC. et de Khaya grandifoliola C.DC., mais il est habituellement plus petit dans toutes ses parties.
Anatomie
Description anatomique du bois (codes IAWA pour les bois feuillus) :
- Cernes de croissance : (1 : limites de cernes distinctes) ; (2 : limites de cernes indistinctes ou absentes).
- Vaisseaux : 5 : bois à pores disséminés ; 13 : perforations simples ; 22 : ponctuations intervasculaires en quinconce ; (23 : ponctuations alternes (en quinconce) de forme polygonale) ; 24 : ponctuations intervasculaires minuscules (très fines) (≤ 4μm) ; 30 : ponctuations radiovasculaires avec des aréoles distinctes ; semblables aux ponctuations intervasculaires en forme et en taille dans toute la cellule du rayon ; 42 : diamètre tangentiel moyen du lumen des vaisseaux 100–200 μm ; 47 : 5–20 vaisseaux par millimètre carré ; 58 : gomme ou autres dépôts dans les vaisseaux du bois de cœur.
- Trachéides et fibres : 61 : fibres avec des ponctuations simples ou finement (étroitement) aréolées ; (65 : présence de fibres cloisonnées) ; 66 : présence de fibres non cloisonnées ; 69 : fibres à parois fines à épaisses.
- Parenchyme axial : 78 : parenchyme axial juxtavasculaire ; 79 : parenchyme axial circumvasculaire (en manchon) ; (89 : parenchyme axial en bandes marginales ou semblant marginales) ; 92 : quatre (3–4) cellules par file verticale ; 93 : huit (5–8) cellules par file verticale.
- Rayons : 98 : rayons couramment 4– 10-sériés ; 106 : rayons composés de cellules couchées avec une rangée terminale de cellules dressées et/ou carrées ; 107 : rayons composés de cellules couchées avec 2 à 4 rangées terminales de cellules dressées et/ou carrées ; 115 : 4–12 rayons par mm.
- Eléments sécrétoires et variantes cambiales : 131 : canaux intercellulaires d’origine traumatique.
- Inclusions minérales : 136 : présence de cristaux prismatiques ; 137 : cristaux prismatiques dans les cellules dressées et/ou carrées des rayons.
Croissance et développement
Les semis forment une racine pivotante dans les sols profonds. Ils peuvent atteindre 10 cm de haut en 3 mois, et les racines environ 25 cm de long. Dans la nature, la croissance initiale est lente, les semis mettant 2 ans à atteindre 12–25 cm de haut. La croissance initiale peut être bien plus rapide, mais Khaya senegalensis est souvent la proie des foreurs des pousses Hypsipyla, il est brouté par le bétail et d’autres herbivores, ce qui a pour effet une croissance lente et une tige de forme médiocre. Dans des conditions favorables et sans ombre, avec ameublissement de la couche supérieure du sol, des semis ont atteint 0,5–1,2 m de haut en 2 ans, et au Nigeria ils faisaient même 2 m de haut et avaient un diamètre de tige de 4,7 cm après 2 ans. Dans des conditions très favorables au Sénégal, des taux de croissance encore plus élevés ont été enregistrés. En Côte d’Ivoire, des plants de Khaya senegalensis plantés dans des endroits dégagés de la zone de forêt semi-décidue avaient atteint une hauteur moyenne de 9 m et un diamètre de fût moyen de 16,5 cm au bout de 10 ans. Dans la savane du nord de la Côte d’Ivoire, des arbres ont atteint une hauteur moyenne de 5,5 m 7,5 années après la plantation, et les rejets atteignaient 4,8 m au bout de 4,5 ans. Dans le sud du Burkina Faso, sur les sols profonds des berges de rivière, le diamètre de Khaya senegalensis atteint 50 cm en 25 ans. Au Bénin, le diamètre de fût moyen dans des plantations d’environ 48 ans varie entre 30,5 cm et 52 cm. Chez des arbres plantés en Australie, on a relevé des taux de croissance annuels exceptionnels : 3 m en hauteur et 4 cm en diamètre de fût.
Les arbres perdent progressivement leurs feuilles à la saison sèche, et sont souvent immédiatement remplacées par de nouvelles. La floraison survient à la fin de la saison sèche ou au début de la saison des pluies. Les fleurs sont pollinisées par des insectes tels que les abeilles et les papillons de nuit. Les fruits mûrissent 3–5 mois après la floraison. Les arbres peuvent commencer à produire des graines après 20–25 ans. La dissémination des graines s’effectue par le vent, mais la plupart des graines tombent à proximité de l’arbre-mère, généralement dans un rayon de 100 m.
Ecologie
Khaya senegalensis se rencontre dans la savane boisée, souvent dans les endroits humides et le long des cours d’eau, dans des régions ayant 650–1300(–1800) mm de pluviométrie annuelle et une saison sèche de 4–7 mois. Il est présent jusqu’à 1500(–1800) m d’altitude. En ripisylve, on le trouve parfois en même temps que Khaya grandifoliola. Il préfère les sols alluviaux profonds et bien drainés et les termitières, mais il peut aussi se trouver sur les sols rocailleux peu profonds, sur lesquels il reste habituellement de bien plus petite taille. Il tolère l’inondation pendant la saison des pluies.
Multiplication et plantation
La régénération naturelle peut être abondante dans les régions de savane sur de bons sols, où il n’est pas trop concurrencé par les plantes herbacées, et lorsqu’il est protégé des incendies. Au cours des premières années, les semis tolèrent un léger ombrage.
Le poids de 1000 graines est de 140–330 g. Les graines sont souvent la proie des insectes quand elles sont encore sur l’arbre ; il faut donc procéder à une tri des semences intactes avant de semer. Un trempage pendant 24 heures dans l’eau améliorerait la germination, mais il n’est pas nécessaire. Il vaut mieux les semer en lits de semis en pépinière, ou en pot. Les semences fraîches saines ont un fort taux de germination, de 90–100%, et peuvent conserver leur viabilité 6(–8) mois. Cependant, lorsqu’elles sont exposées à une forte humidité relative, elles peuvent la perdre en 3 mois. Conservées à 0–10°C et à 5% de teneur en eau, les graines gardent leur taux élevé de germination au moins 4 ans. Mais d’autres essais montrent qu’un stockage à 4°C aboutit à une perte de viabilité au bout de 12 à 18 mois, alors que des températures de –20°C, 15°C et 20°C donnent toutes de bons résultats. On recommande d’ajouter des cendres pendant le stockage pour réduire les attaques d’insectes.
Lors du semis, il ne faut recouvrir les graines que d’une mince couche de terre, ou les laisser partiellement découvertes. La germination prend 10–18 jours. L’apport d’un léger ombrage aux jeunes semis est recommandé, jusqu’à ce qu’ils aient 1–2 mois. Au Mali et en Côte d’Ivoire, les semis se repiquent lorsqu’ils ont 3–4 mois et font 25–30 cm de haut. Ils peuvent aussi rester en pépinière pendant un an environ jusqu’à ce qu’ils fassent 0,5–1 m de haut ; ensuite, le système racinaire est taillé à environ 30 cm de long et le plant effeuillé avant de repiquer sur le terrain. On peut aussi repiquer des stumps avec 2–3 cm de tige et 25–30 cm de racine. Au Sénégal, 50% des stumps repiqués sur le terrain avaient survécu après 5 ans, mais pour avoir un bon taux de survie, il faut arroser régulièrement après la mise en terre. Pour réduire les dégâts dus au pâturage, les semis peuvent être repiqués lorsqu’ils dépassent 1,5 m de haut. L’espacement courant est de 4–5 m × 4–5 m. On récolte parfois des sauvageons pour la plantation. Les arbres se reproduisent aussi par drageons. Le greffage et le marcottage sont possibles, mais la multiplication par boutures est beaucoup plus difficile.
Au nord de la Côte d’Ivoire, les plantations pures n’ont pas donné satisfaction en raison des nombreuses attaques du foreur des pousses Hypsipyla dès la 2e année après la plantation. La plantation de petites parcelles avec 5–9 plants de Khaya senegalensis espacés de 1 m les uns des autres dans une plantation de teck mise en place au même moment a en revanche sensiblement réduit les attaques de foreurs et permis une bonne croissance initiale aux deux espèces. La plantation de Khaya senegalensis à un large espacement sous un léger couvert dans une forêt naturelle éclaircie ou dans une plantation a aussi réduit les attaques.
Gestion
En général, Khaya senegalensis est présent de façon disséminée dans la nature, souvent comme individu unique. Des plantations d’enrichissement dans les forêts claires ont été pratiquées avec succès au Vietnam. Dans des plantations dans le nord du Togo établies en 1918, la hauteur moyenne des arbres constatée 70 ans plus tard n’était que de 12 m avec un diamètre de fût moyen de 32 cm ; il est possible qu’une mauvaise gestion sylvicole soit à l’origine de cet échec. Au Bénin, les premières plantations ont été établies en 1935, mais elles ont également échoué, pas seulement en raison d’une gestion médiocre, mais probablement aussi en raison de l’exploitation illégale des arbres les plus gros.
L’application d’un engrais complet à raison de 200 g/arbre est conseillée au moment de la plantation. Dans les jeunes plantations, un désherbage est nécessaire car les jeunes arbres risquent d’être éliminés par les adventices. Ils sont en outre sensibles aux dégâts des incendies, mais les arbres plus âgés ont une assez bonne résistance au feu. En Côte d’Ivoire, Khaya senegalensis a été planté à l’ombre de Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit âgé de 2 ans, qui empêche les adventices de pousser et fixe l’azote dans le sol. Une éclaircie régulière des arbres d’ombrage au cours des premières années est nécessaire à la bonne croissance de Khaya senegalensis. Ce dernier a atteint en moyenne 4,9 m de haut après 5 ans, hauteur supérieure à celle des arbres plantés alentour en terrain dégagé, dont la hauteur moyenne était de 4,0 m. En Afrique tropicale, Khaya senegalensis en plantations mixtes avec Azadirachta indica A.Juss., Senna siamea (Lam.) Irwin & Barneby et Dalbergia sissoo Roxb. ex DC. a été une réussite, ainsi qu’au Bénin, en mélange avec du teck (Tectona grandis L.f.).
Les cycles de rotation réalistes, en conditions naturelles, se situent probablement entre 80–100 ans, mais dans les plantations, une rotation de 40–60 ans est envisageable.
Planté le long des rues, Khaya senegalensis pousse souvent plus vite que dans les plantations forestières, mais il faut élaguer l’arbre pour obtenir un beau tronc.
Maladies et ravageurs
Dans les plantations, Khaya senegalensis est sérieusement affecté par le foreur des pousses Hypsipyla robusta qui tue la tige principale des jeunes arbres, les poussant à une ramification excessive et contribuant à leur mortalité. Les dégâts qu’il cause peuvent être limités par des techniques sylvicoles telles que l’ombrage des gaulis par le haut, la mixité des plantations et l’ablation des pousses latérales. Des produits à base de méthidathion se sont avérés efficaces dans des plantations jusqu’à 2 ans, mais les coûts sont très élevés. Au Burkina Faso, des arbres d’alignement ont été attaqués par des chenilles phyllophages, par ex. celles de Bourgognea microcera. Les graines sont couramment attaquées par des coléoptères foreurs de graines et consommées par les petits rongeurs, tandis que les jeunes plants peuvent être massivement broutés par le bétail, les antilopes et d’autres herbivores.
Récolte
Les grumes sont assez difficiles à abattre à l’aide d’un outillage classique en raison de la densité et de la relative dureté du bois. Le ramassage du bois de feu se fait généralement à partir de branches tombées, car le tronçonnage et le fendage de bois de grosses dimensions est difficile. L’écorce se récolte selon les besoins, et dans de nombreuses régions un grand nombre de grands arbres montrent des signes d’écorçage. Dans certaines régions, les cimes sont très touchées par la récolte des branches destinées au fourrage.
Rendement
Dans une plantation expérimentale au Burkina Faso, la production annuelle a été évaluée à 3,7 m³/ha. Dans les forêts sèches du nord de la Côte d’Ivoire, un arbre de 51 cm de diamètre produit en moyenne 1,4 m³ de bois d’œuvre, et un arbre de 67 cm de diamètre 2,6 m³.
Ressources génétiques
Khaya senegalensis figure sur la Liste rouge de l’UICN en tant qu’espèce vulnérable en raison de la perte et de la dégradation de son milieu, ainsi que de l’abattage sélectif pour son bois. Comme d’autres Khaya spp., les peuplements ont été appauvris dans de nombreuses régions par des siècles d’exploitation commerciale. La récolte à grande échelle de l’écorce à des fins médicinales et des branches pour le fourrage constitue une autre menace sur les peuplements de Khaya senegalensis. Dans certaines régions du Bénin, les Fulanis récolteraient la totalité de la cime de plus de 70% des arbres, outre le fait que l’écorce est couramment récoltée comme remède antipaludéen. Les exploitants préfèrent les grands arbres, et les peuplements fortement exploités ont montré des densités de semis et de gaulis nettement plus faibles que les peuplements soumis à une pression moindre.
Des peuplements conservatoires in situ pour la production de semences ont été repérés et gérés en partenariat avec les populations locales par le Centre national de semences forestières (CNSF) du Burkina Faso. L’essai de provenance le plus complet signalé à ce jour a été réalisé au début des années 1970 près de Darwin en Australie, avec des provenances de 9 pays africains.
Perspectives
La surexploitation actuelle dont Khaya senegalensis fait l’objet pour le bois d’œuvre, le fourrage et les médicaments représente une grave menace pour un grand nombre de ses peuplements. Il faut pour cette raison instaurer des méthodes durables de récolte et les mettre en œuvre le plus vite possible. Il reste toutefois un grand besoin de recherche pour y parvenir, outre que les conditions environnementales et l’utilisation traditionnelle des terres sont des complications à prendre en compte. Le taux de croissance appréciable dans des conditions favorables fait de l’établissement de plantations plus étendues une option viable, mais les attaques d’Hypsipyla sont un sérieux inconvénient. Les effets combinés d’une sélection de provenances avec une résistance génétique et de méthodes sylvicoles appropriées pourraient avoir un impact positif considérable sur les dégâts causés par les foreurs de tige Hypsipyla robusta. La recherche doit s’attaquer en priorité à une sélection dans toute l’aire de répartition de génotypes résistants aux attaques de foreurs des tiges, à croissance rapide et d’un bois de qualité acceptable. La mise en œuvre de méthodes appropriées de multiplication végétative, y compris la culture de tissus, s’impose de toute urgence.
L’écorce a fait preuve de plusieurs activités pharmacologiques intéressantes telles que des effets antipaludéens, anti-inflammatoires et anticancéreux. Cela mérite davantage d’attention de la part des chercheurs pour l’éventuelle mise au point de nouveaux médicaments. Les effets insecticide et vermifuge de l’écorce sont également à retenir.
Références principales
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Autres références
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Sources de l'illustration
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- CTFT (Centre Technique Forestier Tropical), 1988. Khaya senegalensis (Desr.) A.Juss. Bois et Forêts des Tropiques 218: 43–56.
Auteur(s)
- A. Nikiema, ICRISAT Sahelian Centre, B.P. 12404, Niamey, Niger
- D. Pasternak, ICRISAT Sahelian Centre, B.P. 12404, Niamey, Niger
Citation correcte de cet article
Nikiema, A. & Pasternak, D., 2008. Khaya senegalensis (Desr.) A.Juss. In: Louppe, D., Oteng-Amoako, A.A. & Brink, M. (Editors). PROTA (Plant Resources of Tropical Africa / Ressources végétales de l’Afrique tropicale), Wageningen, Netherlands. Consulté le 18 décembre 2024.
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