Kâfour (Ibn al-Baytar)

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Qîros
Ibn al-Bayṭār, Traité des simples
Kâchim roumy


1868 — كافور — kāfūr — Kâfour, Camphre.


Nom accepté : Dryobalanops aromatica et Cinnamomum camphora

[3-127]

  • Ibn Ouafed. El-Mas’oudi rapporte qu’on le trouve dans le pays de Qissour, قيصور — qīṣūr, qui faisait partie de l’île de Ceylan, d’où le camphre appelé Qissoury. Les années où il y a beaucoup de tonnerre, d’orages, de grandes pluies, de secousses et de tremblements de terre, le camphre est très abondant ; mais si ces phénomènes ne se produisent pas, il devient rare. C’est dans les montagnes des îles de l’Inde et de la Chine que l’on trouve le camphrier.
  • Avicenne. Il y a plusieurs sortes de camphre. Il y a le Qissoury, القيصورى — al-qīṣūri ; le Riâhy, الرياحى — al-rīāḥi ; l’Azad, الازاد — al-āzād ; l’Asferek, الاسفرك — al-āsfarak, et l’Azraq, الازرق — al-āzraq, qui est mélangé de bois et qui provient de la sublimation du bois. On dit que l’arbre qui le produit est assez grand pour abriter plusieurs personnes. Les tigres fréquentent cet arbre et on ne peut s’en approcher qu’à certains moments de l’année. Suivant d’autres, c’est un arbre de faible importance et qui aime le voisinage de la mer. Quant à son bois, je l’ai vu très souvent : il est blanc, très mou et léger, les vides de l’écorce sont bien souvent remplis de camphre.
  • Ishak ibn Amrân. Le camphre est apporté de Sofala et du pays de Qala, قلاة — qalā, de Raïh, رايح — rāīḥ, et de Herendj, هرنج — haranǧ. Or Herendj est la petite Chine, الصين الصغرى — al-ṣīn al-ṣaġri, et c’est de là que l’on en exporte le plus. Le camphre est la gomme d’un arbre de ce pays. Il est rouge et brillant ; son bois est blanc et mou, tournant au noir. Le camphre se trouve dans les vides qui existent tout le long de son tronc. Le meilleur est le Riâhy, qui est naturel, de couleur rouge et brillante. On le soumet à la sublimation et il devient blanc. On l’appelle Riâhy parce que le premier qui le découvrit fut un roi du nom de Riâh. Le nom du pays qui le produit est Qîssour, d’où son nom de Qîssoury. C’est le meilleur camphre, le plus subtil, le plus pur et le plus blanc. C’est aussi le plus volumineux, ses fragments ayant environ les dimensions d’un dirhem. Vient ensuite celui que l’on appelle Farfoun ? فرفون — farfūn, qui est grossier, de couleur sombre, et n’a pas la pureté du Riâhy : partant il est moins estimé et moins précieux. Après vient le camphre nommé Koukasb, كوكسب — kūkasb, qui est d’une qualité inférieure au Riâhy. Puis celui que l’on appelle Balous, بالوس — bālūs. Il est mélangé d’esquilles de camphrier, gras et gommeux, et se rencontre sous le volume d’une amande, d’un pois chiche, d’une fève ou d’une lentille. Toutes ces espèces de camphre se purifient par la sublimation, d’où l’on obtient un camphre blanc, lamelleux, pareil aux lames du verre dans lequel on le sublime. Voilà ce que l’on appelle le camphre préparé. D’un mann de Balous et de Koukasb on obtient par la sublimation une livre et demie de camphre de moyenne qualité. On fait entrer le camphre dans tous les aromates, excepté ceux qui contiennent de la ghâlia, de l’ambre et des préparations musquées. Le camphre est froid et sec au troisième degré. Il convient aux tempéraments chauds, contre la céphalalgie de nature biliaire, s’il est respiré soit en substance, soit associé à l’eau de roses ou au sandal pétri avec l’eau de roses. Il est salutaire dans ces cas et fortifie les organes et les sens des sujets affectés. Si on le flaire pendant longtemps, il supprime l’appétit vénérien. Administré à l’intérieur, il est encore plus actif. Employé chaque jour comme errhin avec deux grains d’eau de laitue, il dissipe la chaleur du cerveau, dispose au sommeil, dissipe la céphalalgie et suspend l’épistaxis et les hémorrhagies.
  • Masserdjouih. Un homme de ma connaissance prit six mithkals de camphre à trois reprises ; son estomac se détériora au point qu’il ne pouvait plus digérer et qu’il avait perdu le sens génésique dès la première dose. Nul autre accident ne se déclara.
  • Massîh. Le camphre suspend l’épistaxis, introduit dans le nez avec du suc de dattes vertes.
  • Razès. Il est froid et subtil et convient contre la céphalalgie et les inflammations soit de la tête soit du reste du corps. Flairé abusivement, il provoque de l’insomnie. Pris à l’intérieur, il refroidit les reins, la vessie et les testicules, glace le sperme et engendre, dans ces régions, des maladies froides.
  • Le même, dans le Continent. D’après l’ancienne médecine, il resserre le ventre et hâte l’époque de la canitie.
  • El-Basry. Il a quelques inconvénients, il convient aux tempéraments chauds dans les cas d’affections inflammatoires intenses. Mélangé en petite quantité avec les autres médicaments, il resserre le ventre et suspend les selles de nature biliaire.
  • Livre des Expériences. Il neutralise les mauvais effets produits sur les yeux par un tempérament chaud, quel que soit son mode d’emploi. Mélangé avec les collyres chauds, il les empêche de nuire à l’œil et modère leur action. Introduit dans le nez avec du suc de coriandre fraîche, il arrête les écoulements sanguins qui viennent du cerveau. Dissous dans de l’huile de roses et injecté dans le nez, il est salutaire contre l’altération des tempéraments chauds ; il combat les matières engendrées dans les tempes et les yeux. Ces matières, dont la formation se manifeste au lever du soleil, s’accroît avec son élévation, diminue avec son abaissement et cesse la nuit, ont pour cause les marches forcées au soleil dans les chaleurs, ou bien encore la dénudation de la tête par un air froid, d’où le resserrement des pores et une congestion qui altère la constitution. Mélangé avec de l’huile de roses et employé en frictions sur le devant de la tête, il est avantageux contre la céphalalgie causée par la chaleur, surtout chez les femmes en couche.
  • Avicenne. Le camphre est utile dans les abcès chauds, en embrocations. Il convient beaucoup dans les aphtes. Pris à l’intérieur, il engendre des calculs dans les reins et la vessie. Il entre avec avantage dans les préparations contre l’ophtalmie inflammatoire.
  • Le même, dans les Médicaments cordiaux. Il a une propriété bien prononcée dans l’affaiblissement de la substance de l’esprit vital, par le fait de sa froideur, alors qu’il est administré modérément. Parfois cette propriété est secondée par son action réfrigérante chez les tempéraments chauds, lorsque la constitution s’est détériorée par suite de l’affaiblissement et de la résolution de l’esprit vital. Son action fortifiante et calmante est en tous cas secondée par son aromaticité, quel que soit le tempérament. On modère son action réfrigérante par le musc et l’ambre, et sa sécheresse par des huiles aromatiques et émollientes, telles que les huiles de giroflée et de violette. C’est un antidote, et surtout à l’égard des poisons chauds. Il rend l’esprit vital plus subtil et plus lumineux ; c’est pourquoi il fortifie et réjouit. En cela, il agit comme le succin, mais son action est plus prononcée et plus salutaire.
  • Autre. Mis dans les cavités dentaires, il en arrête l’érosion et, dans ces cas, son action est très-efficace.

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Les noms de provenance du camphre cités par Ibn Ouafed, Avicenne et Ishak ibn Amrân sont diversement écrits dans les manuscrits. Quant au premier, nous le trouvons le plus généralement écrit qîssour, قيصور — qīṣūr. Les traducteurs de Maçoudi ont lu qansour, قنصور — qanṣūr, et la version de Sérapion p’ançor. Tous ces noms sont singulièrement altérés, pour la plupart, dans la traduction de Sérapion ; c’est à peine si l’on peut s’aider de quelques leçons pour arriver à en corriger d’autres. On s’étonne de trouver le nom de Dioscorides cité en tête du paragraphe de Sérapion. Kazouini paraît avoir adopté la leçon faïssour, فيصور — fīṣūr, laquelle se rencontre dans l’édition de Wüstenfeld (p. ٦٨) immédiatement avant un mot commençant par un qaf. On sait que, dans chacun des climats, Kazouini donne les localités suivant l’ordre alphabétique. Au lieu de Riâhy, رياحى — rīāḥi, nous serions tenté de lire Zâbedjy, زابجى — zābaǧi, car c’est sous la rubrique زابج — zābǧ, qui nous paraît désigner Sumatra, que Kazouini donne une partie des détails que nous rencontrons ici sur le camphre. On trouve cependant la même lecture dans d’autres chapitres. Quant au mot Herendj, هرنج — haranǧ, nous serions tenté d’y voir la mer de Herkend, بحر هركند — baḥr harkand, que le même Kazouini donne comme la mer de Chine. Nous manquons d’éléments positifs pour contrôler la lecture des autres noms géographiques. Un fait qui semble militer en faveur de qansour ou fansour, c’est que l’on trouve fanfor dans la relation de Marco Polo (édit. de la Société de géographie, I, 447) : « De regno Fanfor. Ibi nascitur melior camphora de mundo. » Le Menhjak de Cohen el-Attar donne فنصورى — fanṣūri d’accord avec Eben Djezla. Eben-Botlan et le Ma-la-iessâ donnent فنصورى — fanṣūri. On lit chez Daoud el-An-taki : القيصورى بالقاف والمثناة التحتية ويقال بالفا والنون — al-qīṣūri bālqān wālmāṯnā al-taḥtīa waīqāl bālfā wālnūn. Nous croyons devoir ici faire une observation sur un passage du Livre des routes et des royaumes d’Ibn-Rhordadbeh, publié par M. Barbier de Meynard. Le camphre y est cité comme un produit des montagnes du Zendj, et on lit dans le texte adopté par le traducteurالشجرة قامة انسان شجر الكافور طول — al-šaǧara qāma ānsān šaǧar al-kāfūr ṭūl « l’arbre au camphre atteint la hauteur d’un homme ». Mais l’éditeur ajoute cette variante, يظل ماية انسان واكثر — īẓal māīa ānsān wākṯir « il peut couvrir une centaine d’hommes et plus ». Ce qu’on lit dans Avicenne prouve que cette dernière lecture est préférable à la première. On sait aujourd’hui que le camphre n’est pas le produit exclusif du genre Laurus, mais qu’il est fourni par un arbre de la famille des Diptérocarpées, le Dryobalanops. Le Moghni, on le sait, est un commentaire de Sedîd el-Kazrouny sur le Moudjiz el-Kanoun, abrégé du canon d’Avicenne. Cet ouvrage a été imprimé à Calcutta en 1832, par les soins d’une commission qui l’a quelquefois annoté et a mis en marge certains mots techniques grecs, pour rectifier ou expliquer les mots conservés dans l’arabe et dénaturés avec le temps. Il semblerait qu’étant sur les lieux, la commission aurait pu contrôler les noms de localités. Il n’en est rien pourtant, et elle a conservé les leçons fautives d’Avicenne et d’Ishak ibn Amrân, même la mention des tigres. Nous pourrions faire une réflexion analogue à propos du kâdi (voy. ci-après n° 1870), que l’on dit croître aux environs d’Oman.

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Le premier camphre connu des Arabes venait de Dryobalanops aromatica. Il s'appelait en vieux malais kapur barus, "craie de Barus". Le camphre s'est appelé ainsi parce que c'était une poudre blanche. Barus est un ancien port de Sumatra qui exportait le camphre vers l'Inde. En malais moderne, kapur est devenu le nom de tous les arbres du genre Dryobalanops.

Plus tard, les Chinois se sont mis à exporter du camphre de Cinnamomum camphora, qui a supplanté le premier dans le commerce international.