Justicia pectoralis (Pharmacopées en Guyane)
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Sommaire
Justicia pectoralis Jacq
Synonymies
- Dianthera pectoralis (Jacq.) Murr. ;
- Rhytiglossa pectoralis (Jacq.) Nees ;
- Stethoma pectoralis (Jacq.) Raf.
Noms vernaculaires
- Créole : radié charpentier [radjé-charpantjé], zerb charpentier [zerb-charpantjé], carmentin, cramentin [kranmanten].
- Wayãpi : pili, pili e’e.
- Palikur : suepan.
- Portugais : trevo-cumaru.
Écologie, morphologie
Cette herbe rudérale est souvent cultivée ; on la trouve également dans l’intérieur de la Guyane sur des plaques rocheuses humides.
Collections de référence
Grenand 416, 1360 ; Jacquemin 1891 ; Moretti 476 ; Prévost 1370.
Emplois
La macération des feuilles ou des parties aériennes est employée par les Créoles comme vulnéraire, en usage externe contre les hématomes. L’infusion des feuilles aurait des propriétés béchiques et pectorales[1]. La décoction des feuilles est aussi employée pour guérir les blesses. Pour plus de détails, cf. Curcuma longa (Zingibéracées).
Chez les Wayãpi, la plante entière est préparée en décoction et bue contre les maux d’estomac. La même préparation est utilisée en lavages externes comme fébrifuge. Les feuilles séchées sont roulées en cigarette dans l’écorce de Couratari multiflora (Lécythidacées) et, considérées comme enivrantes, fumées occasionnellement lors des fêtes[2].
Chez les Palikur, Justicia pectoralis, préparée en décoction, est utilisée en association soit avec Heliotropium indicum, Boraginacées, soit avec Drymonia coccinea, Gesnériacées, ou encore Lonchocarpus chrysophyllus, Papilionacées (cf. ces noms) En outre la plante seule utilisée en bain sert à soigner le paludisme. Selon BERTON (1997), la décoction bue sert aussi à traiter le diabète et les maux d’estomac.
Étymologie
- Wayãpi : pili, terme de base désignant les plantes parfumées et e’e, « véritable, typique ».
- Créole : herbe [du] charpentier, car elle lui est utile pour soigner les blessures auxquelles son métier l’expose. On notera qu’en France le mot herbe au charpentier s’applique à Ajuga reptans L. et Prunella vulgaris L. (Lamiacées), avec un même usage vulnéraire.
Chimie et pharmacologie
Justicia pectoralis fut inscrite au Codex comme sirop pectoral. L’huile essentielle, non toxique, a des propriétés hémostatiques. L’infusion des feuilles est sudorifique et stimulante. La plante apparaît dans la Pharmacopée française pour ces indications. L’usage de l’une de ses variétés comme hallucinogène[3] a suscité son étude chimique détaillée.
Si l’activité psychotrope reste à démontrer, l’activité sédative des feuilles a été mise en évidence sur le rat (in TRAMIL 7, 1995). Plusieurs espèces de Justicia d’Extrême-Orient ont été étudiées pour leurs lignanes (GHOSAL et al., 1979). Ce type de composés présente de remarquables propriétés antidépressives, ils ont par ailleurs été isolés d’un échantillon de Justicia pectoralis récolté en Guyane (JOSEPH et al., 1988).
Trois types de composés ont été isolés : bétaïne, coumarine et umbelliférone. C’est au deuxième de ces composés que la plante doit son arôme particulier. Aucun de ces produits ne peut cependant expliquer à lui seul l’emploi de cette espèce comme hallucinogène (MC RAE et TOWERS, 1984). Par contre, les propriétés analgésiques et antiinflammatoires, liées aux coumarines et à l’umbelliférone (LINO et al, 1997) et ses propriétés broncho-dilatatoires ont été démontrées (LEAL et al., 2000). Peuvent donc être recommandés les emplois suivants : le sirop comme antitussif, la tisane des feuilles comme antispasmodique dans le cas de difficultés gastro-intestinales et comme sédatif léger, enfin la plante entière en usage externe comme cicatrisante.
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- ↑ Cette plante est très réputée comme pectorale aux Antilles (STEHLÉ, 1962) et au Brésil (FURTADO et al., 1978). C'est un cicatrisant des plaies au Venezuela (DELASCIO CHITTY, 1985).
- ↑ D'après R. Oldeman (comm. pers., 1974), une plante herbacée nommée pidi, qui pourrait être Justicia pectoralis, est utilisée, chez les Émerillon, en décoction bue comme abortif.
- ↑ Justicia pectoralis var. stenophylla, que l'on trouve sur le haut Orénoque notamment, est sIgnalée comme hallucinogène (SCHULTES et HOFMANN, 1973). Cette propriété serait en fait attribuable à Virola elongata (Benth.) Warb., Myristicacées, prise en association (Mc RAE et TOWERS, 1984).