Indigofera tinctoria (PROTA)
Introduction |
Importance générale | |
Répartition en Afrique | |
Répartition mondiale | |
Colorant / tanin | |
Médicinal | |
Ornemental | |
Fourrage | |
Fibre | |
- Protologue: Sp. pl. 2 : 751 (1753).
- Famille: Papilionaceae (Leguminosae - Papilionoideae, Fabaceae)
- Nombre de chromosomes: 2n = 16
Synonymes
- Indigofera sumatrana Gaertn. (1791).
Noms vernaculaires
- Indigotier tinctorial, indigotier des Indes (Fr).
- Indian indigo, common indigo (En).
- Anileira dos tintureiros, anileira da India (Po).
- Mnili, mnyuka (Sw).
Origine et répartition géographique
L’origine d’Indigofera tinctoria n’est pas connue ; elle pourrait se situer en Inde. Son aire a sans doute été étendue par sa culture pour l’obtention d’indigo, suivie de sa naturalisation. On le rencontre à l’état sauvage ou naturalisé dans la plupart des pays d’Afrique, en Asie depuis l’Arabie jusqu’au Sud-Est asiatique, et en Australie. A Madagascar, il semble pousser à l’état sauvage, tandis que dans la plupart des autres îles de l’océan Indien il a probablement été introduit et parfois naturalisé. En Amérique tropicale, il a certainement été introduit. En raison de son exploitation et de sa culture très anciennes, il a maintenant une répartition pantropicale. L’usage d’indigo extrait d’espèces d’Indigofera remonte à des temps très anciens. La plante et la teinture indigo étaient déjà mentionnées dans les écrits sanscrits les plus anciens. La teinture bleue utilisée pour les textiles des momies égyptiennes peut, dans certains cas, provenir d’un indigotier, mais le pastel (Isatis tinctoria L.) est une autre plante fournissant une teinture bleu indigo qui était connue des anciens Egyptiens. Les plus anciens textiles archéologiques découverts en Afrique de l’Ouest, dits “textiles Tellem”, ont été trouvés dans des grottes funéraires de la falaise de Bandiagara en pays Dogon (Mali). Certains d’entre eux remontent au XIe ou XIIe siècle, et comportent déjà des bandes, des damiers et des dessins obtenus par coutures avec de l’indigo extrait d’espèces d’Indigofera ou de Philenoptera. Une description ancienne du procédé local d’extraction d’indigo à partir d’une espèce d’Indigofera en Guinée nous a été transmise par l’explorateur portugais André Alvares de Almada en 1566.
Usages
Les rameaux feuillés d’Indigofera tinctoria et de quelques espèces proches d’Indigofera sont les principales sources de teinture indigo, utilisée depuis des temps très anciens pour teindre les textiles en bleu. Les feuilles et les ramilles ne contiennent pas d’indigo, mais des précurseurs incolores qui doivent être extraits et traités pour produire la teinture indigo. En raison de sa couleur attrayante bleu profond, de sa grande tenue à la lumière et de la large gamme de couleurs que l’on obtient en le combinant avec d’autres teintures naturelles, l’indigo a été qualifié de “reine des teintures”. Aucune autre plante n’a tenu une place aussi importante dans autant de civilisations que les espèces d’Indigofera. En Afrique occidentale, l’indigo est de loin la teinture végétale la plus importante. Il joue un grand rôle dans les cultures traditionnelles de nombreux peuples, qu’ils se contentent de porter des vêtements teints à l’indigo, comme les Touaregs des régions sahariennes et sahéliennes (Niger, Mali), ou qu’ils soient des teinturiers réputés dans l’emploi de l’indigo, parmi lesquels les Soninkés (Sarakolés) et les Wolofs au Sénégal, les femmes markas de la région de Djenné au Mali, les Dioulas et les Baoulés en Côte d’Ivoire, les Yoroubas et les Haoussas au Nigeria, les Bamoums et les Bamilékés au Cameroun. Cette partie du monde est un important centre de techniques de décoration des textiles fondées sur le principe de la teinture avec réserve, et liées à l’emploi de teinture d’indigo : on réalise sur le tissu des motifs complexes qui ne prendront pas la teinture. Cela se fait en attachant, cousant ou tressant certaines parties du tissu, ou en les enduisant d’amidon ou de cire. La pièce de tissu est ensuite plongée dans le bain de teinture pour teindre les parties non traitées. Une fois enlevés les fils ou l’enduit, il apparaît des dessins en blanc sur fond bleu. Des motifs bleu clair sur fond bleu-noir apparaissent si on donne un dernier bain d’indigo après élimination des réserves. A Madagascar également, la teinture indigo est très importante, par exemple pour les ikats de raphia, beaux tissus dans lesquels les motifs non teints sont obtenus en liant certaines parties des écheveaux de fils de chaîne avec des ficelles épaisses avant de les teindre à l’indigo et de les placer sur le métier à tisser, ce qui là aussi forme des motifs blancs sur fond bleu. Cependant, l’emploi d’indigo naturel est en rapide diminution, et de nos jours on utilise presque exclusivement de l’indigo synthétique, non seulement dans les processus industriels mais également en artisanat.
Indigofera tinctoria est utile comme engrais vert, par ex. en Inde dans les plantations de caféiers, ou avant une culture de riz, de maïs, de cotonnier ou de canne à sucre. Dans les systèmes traditionnels de riziculture pluviale aux Philippines, Indigofera tinctoria est un engrais vert très populaire, qui accroît les rendements en riz tout en réduisant de moitié environ la nécessité de coûteux apports d’engrais azoté. Les résidus provenant de l’extraction de l’indigo sont également appliqués comme engrais. Une autre raison de cultiver Indigofera tinctoria comme engrais vert est le fait qu’il constitue une bonne culture dérobée fixatrice d’azote, qui réduit la quantité de nitrates percolant jusqu’à la nappe phréatique. Indigofera tinctoria n’a guère d’intérêt comme fourrage. Au Kenya, il est quelquefois brouté par les chameaux et les moutons, et les chèvres le consomment occasionnellement, mais en Inde il est considéré comme non appété par le bétail.
Au Cameroun, les jeunes rameaux sont utilisés comme brosse à dents. En médecine traditionnelle, on emploie des extraits de feuilles (parfois additionnés de miel ou de lait) pour traiter l’épilepsie, les troubles nerveux, l’asthme, la bronchite, la fièvre, les maladies de l’estomac, du foie, des reins et de la rate, comme prophylactique de la rage, et en pommade pour les maladies de la peau, les blessures, les plaies, les ulcères et les hémorroïdes. Un extrait de feuilles est également employé pour traiter les brûlures et les plaies sur les bovins et les chevaux. En Inde, on emploie une teinture préparée avec les graines pour tuer les poux. Au Cameroun, on applique une préparation de racines pour soulager les maux de dents, et en Tanzanie on l’emploie comme remède contre la syphilis, la blennorragie et les calculs rénaux. En Inde, on applique une pâte aqueuse de racines sur les blessures infestées de vers, et on emploie une infusion de racines comme antidote contre les morsures de serpents et pour traiter les piqûres d’insectes et de scorpions.
Production et commerce international
Dès l’antiquité, l’indigo faisait l’objet d’un commerce entre l’Inde et la région méditerranéenne, mais celui-ci s’intensifia durant le Moyen Age. La culture à grande échelle d’Indigofera débuta au XVIe siècle en Inde et dans le Sud-Est asiatique. Plus tard, de vastes plantations furent établies en Amérique centrale et dans le sud des Etats-Unis. L’exportation à grande échelle d’indigo de l’Asie vers l’Europe débuta vers 1600, et dut lutter contre la teinture extraite du pastel, qui était cultivé principalement en France, en Italie, en Allemagne et en Grande-Bretagne. A la fin du XVIIe siècle, l’indigo avait presque totalement remplacé le pastel. L’indigo synthétique, dont la fabrication commerciale débuta en 1897, s’avéra catastrophique pour la production d’indigo naturel, et en 1914 seuls 4% de la production mondiale était d’origine végétale. Ensuite vint une période au cours de laquelle l’indigo synthétique perdit de son importance du fait de la concurrence de nouvelles teintures synthétiques, mais la popularité toujours croissante des blue-jeans contribua énormément au regain d’intérêt pour l’indigo. Actuellement, l’indigotier est encore cultivé à petite échelle pour la production de teinture en Inde et dans certaines parties de l’Afrique, en Arabie méridionale (Yémen), en Amérique centrale et en Indonésie. Le centre principal de production d’indigo à partir d’Indigofera est probablement à l’heure actuelle la partie nord de l’Etat indien du Karnataka. En Inde, la production annuelle de teinture d’Indigofera a diminué progressivement, de 3000 t sur 600 000 ha en 1890 à 50 t sur 4000 ha dans les années 1950, pour arriver à un tonnage d’exportation annuelle fluctuant entre 2 t et 20 t dans les années 1990.
Propriétés
Les plantes d’Indigofera contiennent un glucoside, l’indican, qui par trempage dans l’eau se transforme par hydrolyse enzymatique en indoxyle et en glucose. La formation d’indigotine (souvent appelée également indigo ou bleu indigo) résulte du groupement de deux molécules d’indoxyle en présence d’oxygène. L’indigotine est insoluble dans l’eau, de sorte que pour teindre les textiles il faut la réduire à une forme soluble (indigo incolore ou leuco-indigo) par un processus de fermentation en conditions alcalines ou par un agent réducteur chimique tel que le dithionite de sodium. On aère ensuite le textile après l’avoir retiré du bain de teinture, ce qui produit une oxydation qui régénère l’indigotine et fixe la couleur bleue sur le textile. L’indigo naturel peut contenir une proportion variable d’une substance colorante rouge, l’indirubine, et de composés isomères moins importants, l’isoindirubine (rouge) et l’isoindigo (brun).
Les feuilles d’Indigofera tinctoria contiennent, par 100 g de matière sèche, environ : 5,1 g de N, 0,35 g de P, 1,4 g de K, 3,9 g de Ca. Les cendres (4,4 g) contiennent jusqu’à 9,5% de sels solubles de potassium. Le résidu d’indigo après extraction contient approximativement : 1,8 g de N, 0,2 g de P, 0,25 g de K.
L’emploi traditionnel d’Indigofera tinctoria contre les problèmes de foie est confirmé par les résultats de la recherche. L’indigtone, fraction bioactive obtenue par fractionnement d’un extrait à l’éther de pétrole des parties aériennes d’Indigofera tinctoria, a montré une action hépatoprotectrice significative dose-dépendante contre des lésions hépatiques causées par du tétrachlorure de carbone chez des rats et des souris. Des extraits alcooliques ont eu un effet très positif sur le système de défense antioxydant du foie lors d’hépatite aiguë induite par endotoxine/D-galactosamine chez des rongeurs. Des extraits au méthanol de plantes entières ont montré une action anti-VIH sur des cultures de cellules.
Indigofera tinctoria a des propriétés insecticides, et renferme 6 roténoïdes : déguéline, déhydrodéguéline, roténol, roténone, téphrosine et sumatrol. Les concentrations de roténoïdes relevées sont de 0,5% dans les racines, 0,3% dans les tiges, 0,6% dans les feuilles, 0,3% dans les fruits, et 0,4% dans les graines. Ces teneurs décroissent avec l’âge de la plante. Le sumatrol et la téphrosine n’apparaissent pas dans des cultures de tissus d’Indigofera tinctoria. Les propriétés insecticides varient selon les essais. La toxicité des roténoïdes est plus forte pour des larves du moustique Anopheles stephensi que pour des adultes de la bruche Callosobruchus chinensis. Des extraits obtenus à partir de cultures de tissus sont plus efficaces que ceux obtenus à partir de parties de la plante. Les roténoïdes avaient une valeur DL50 d’environ 117 ppm contre le crustacé Mesocyclops leuckarti, vecteur des larves de la filaire ou ver de Guinée (Dracunculus medinensis) qui est présent dans les eaux de boisson infectées et cause une dangereuse infection parasitaire chez les humains. Des extraits de racines d’Indigofera tinctoria ont des propriétés nématicides puissantes contre Radopholus similis, nématode parasite des bananiers.
Falsifications et succédanés
Plusieurs autres espèces végétales, souvent non apparentées, sont des sources de teinture indigo. On peut citer comme exemples le pastel en Europe, Polygonum tinctorium Aiton en Chine, en Corée et au Japon, Strobilanthes cusia (Nees) Kuntze (rum ou indigo de l’Assam) en Indochine et en Thaïlande, et Marsdenia tinctoria R.Br. en Asie tropicale. En Afrique de l’Ouest, Philenoptera cyanescens (Schumach. & Thonn.) Roberty (gara) et Philenoptera laxiflora (Guill. & Perry) Roberty (savonnette) sont d’importantes sources d’indigo. Ils contiennent aussi de l’indican et sont souvent combinés à l’indigo provenant d’espèces d’Indigofera dans les procédés traditionnels de teinture indigo. D’autres sources naturelles d’indigo sont un mutant du champignon Schizophyllum commune, et le murex Hexaplex trunculus, qui contient surtout des précurseurs de l’indigo et seulement une petite proportion de dérivés bromés de l’indigo, dont est composée la fameuse “pourpre de Tyr” de l’Antiquité. Le plus important des substituts de l’indigo naturel, toutefois, est le produit synthétique industriel.
Description
- Plante herbacée annuelle à pérenne ou sous-arbrisseau pouvant atteindre 2 m de hauteur ; tige érigée, abondamment ramifiée, couverte de poils bifides apprimés, blanchâtres.
- Feuilles disposées en spirale, imparipennées ; stipules étroitement triangulaires, de 1,5–3 mm de long ; pétiole jusqu’à 2 cm de long, rachis jusqu’à 7 cm de long ; stipelles étroitement triangulaires, jusqu’à 0,5 mm de long ; pétiolules d’environ 1 mm de long ; folioles (3–)7–17(–21), elliptiques à obovales, jusqu’à 23 mm × 12 mm, généralement glabres au-dessus, à poils clairsemés au-dessous.
- Inflorescence : grappe axillaire sessile, portant de nombreuses fleurs, jusqu’à 6 cm de long mais généralement bien plus courte ; bractées étroitement triangulaires, d’environ 1 mm de long, plus ou moins persistantes.
- Fleurs bisexuées, papilionacées ; pédicelle de 1–1,5 mm de long ; calice d’environ 1 mm de long, tube à peu près aussi long que les 5 lobes triangulaires, à poils blancs apprimés ; corolle d’environ 4 mm de long, étendard ovale, d’environ 4 mm × 3,5 mm, blanchâtre avec des veines rougeâtres, ailes à onglet très court, rosées, carène pourvue d’éperons latéraux, rose à rouge ; étamines 10, de 4–5 mm de long, étamine supérieure libre, les 9 autres réunies en un tube ; ovaire supère, 1-loculaire, avec un long style.
- Fruit : gousse linéaire de 20–35 mm de long et d’environ 2 mm de largeur et d’épaisseur, droite ou légèrement courbée, arrondie en section transversale, brune à maturité, renfermant 7–12 graines avec un léger étranglement entre les graines.
- Graines courtement oblongues, d’environ 2 mm × 1,5 mm, rhombiques en section transversale.
- Plantule à germination épigée ; cotylédons épais, subsistant peu de temps.
Autres données botaniques
Indigofera est un genre très nombreux, comprenant quelque 700 espèces réparties à travers toutes les zones tropicales et subtropicales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. L’Afrique et le sud de l’Himalaya sont les plus riches en espèces. On a recensé plus de 300 espèces pour l’Afrique tropicale.
Pour la production d’indigo, on utilise plusieurs espèces d’Indigofera, mais il y en a trois principales qui sont étroitement apparentées : Indigofera tinctoria, Indigofera arrecta Hochst ex A.Rich., qui est originaire d’Asie tropicale mais est maintenant pantropicale, et Indigofera suffruticosa Mill., originaire d’Amérique tropicale et maintenant localement cultivée ailleurs dans les tropiques, notamment en Afrique et à Madagascar, mais pas en Afrique de l’Est tropicale. L’origine et l’identité des plantes d’Indigofera cultivées pour la production de teinture est souvent obscure par suite de l’introduction, de la sélection et de la proche parenté des différentes espèces. Indigofera arrecta est parfois difficile à distinguer d’Indigofera tinctoria. Ce dernier diffère généralement par ses folioles plus grandes et moins nombreuses et par ses fruits plus longs renfermant un plus grand nombre de graines. En Afrique de l’Est, mais non en Afrique de l’Ouest, Indigofera arrecta se rencontre généralement à plus haute altitude (1000–2000 m) qu’Indigofera tinctoria (au dessous de 1000 m). Indigofera suffruticosa diffère d’Indigofera tinctoria par ses gousses plutôt droites, courtes (10–15 mm de long), de couleur brun-rouge et par ses étamines plus courtes (environ 3 mm de long). On a trouvé des spécimens intermédiaires entre ces 3 espèces, qui peuvent être d’origine hybride. En fonction de la forme des fruits, on distingue 2 variétés d’Indigofera tinctoria : var. tinctoria qui a des gousses droites ou légèrement courbées (pas plus de 50°), et var. arcuata J.B.Gillett qui a des gousses courbées à plus de 50°, souvent semi-circulaires et parfois formant un anneau.
Croissance et développement
Les graines germent au bout de 4–5 jours environ. Les plantes peuvent commencer à fleurir 3–4 mois après le semis. Comme beaucoup d’autres espèces de légumineuses, Indigofera tinctoria forme des nodules racinaires ayant la faculté de fixer l’azote, avec par ex. Rhizobium indigoferae. La durée de vie des cultures tinctoriales est de 2–3 ans lorsqu’on pratique la culture de repousses.
Ecologie
Indigofera tinctoria se rencontre dans des formations herbeuses saisonnièrement inondées avec des arbres épars, et également sur les bords de routes, en marge de brousse, dans des fourrés et des forêts secondaires, ainsi que sur des berges de cours d’eau, des terrains cultivés et des littoraux sableux. Il pousse entre 0–1000(–1250) m d’altitude, dans des régions à pluviométrie annuelle de 500–1500(–4100) mm, avec une température annuelle moyenne de 23°C. Des pluies trop continues, l’engorgement du sol ou l’inondation tuent les plantes, tandis qu’une chaleur excessive et des vents chauds entraînent leur flétrissement.
Multiplication et plantation
La multiplication se fait par graines, à raison de 20–30 kg/ha. Les graines ont généralement un tégument dur (parfois plus de 85%), et il faut les faire tremper dans l’eau pendant une nuit ou les scarifier à l’acide sulfurique, ce qui peut améliorer la germination à plus de 90%. Les champs sont préparés à la houe ou par un ou deux labours après une pluie, suivis d’un hersage léger avant et après le semis à la volée. On peut également pratiquer le semis en pépinière suivi de transplantation au champ.
Gestion
La culture ne requiert normalement que peu d’attention après le semis. Un désherbage est pratiqué lorsque c’est nécessaire. Bien qu’Indigofera tinctoria soit une plante fixatrice d’azote par ses nodules racinaires, il n’est pas rare qu’on lui apporte une fertilisation azotée de complément.
Maladies et ravageurs
On ne dispose d’aucune donnée sur les maladies et ravageurs pour les pays africains. A Java, Indigofera tinctoria est peu sujet à des attaques de maladies ou de ravageurs ; dans des conditions humides, les plantes lignifiées peuvent être attaquées par Corticium salmonicolor. Aux Philippines, on trouve parmi les ravageurs des chrysomèles et des espèces de Cletus au stade du semis, et des pucerons au stade végétatif. Dans le sud de l’Inde, on observe un flétrissement et un dessèchement massifs des plantes d’Indigofera tinctoria provoqués par une invasion de psylles Arytaina punctipennis.
Récolte
On récolte les branches par coupe à 10–20 cm au dessus du sol lorsque les plantes sont âgées de 4–5 mois et forment un peuplement fermé, généralement au stade de la floraison. La récolte doit être réalisée rapidement, car de fortes pluies ou une inondation peuvent la détruire en quelques heures. En Inde, les branches récoltées sont liées en bottes d’environ 130 kg et transportées à l’usine de teinturerie. Il est possible de faire jusqu’à 3 récoltes par an lorsqu’on pratique une culture de repousses.
Rendement
En Inde, le rendement en matière verte par récolte est de 10–13 t/ha. Le rendement en teinture n’est pas connu.
Traitement après récolte
Dans les cultures à petite échelle en Afrique, les rameaux récoltés sont souvent pilés et réduits en pâte molle, que l’on façonne en boules pour les vendre sur les marchés après séchage. C’est la méthode décrite dès 1566 par André Alvares de Almada et dans tous les anciens textes. En culture à grande échelle, les rameaux sont placés dans une cuve ou une fosse remplie d’eau immédiatement après la récolte. Après quelques heures de fermentation, durant lesquelles l’hydrolyse enzymatique conduit à la formation d’indoxyle, le liquide est transféré dans une autre fosse ou cuve et remué continuellement pendant plusieurs heures pour stimuler l’oxydation de l’indoxyle en indigotine. Ensuite, on laisse la solution reposer, et l’indigotine insoluble se dépose sur le fond sous forme d’une boue bleuâtre. L’eau est ensuite drainée, et après avoir lavé l’indigotine pour la débarrasser des impuretés, elle est pressée, séchée et généralement coupée en cubes qui peuvent être empaquetés pour la vente.
Pour teindre des textiles, l’indigotine doit être réduite sous forme soluble en conditions alcalines. Dans les procédés traditionnels (cuves à indigo), la réduction de l’indigotine en leuco-indigo soluble est obtenue par fermentation bactérienne. Les bactéries réductrices sont obtenues dans le bain en ajoutant de la matière végétale telle que les boules d’indigo broyées ou, lorsqu’on utilise de la poudre d’indigo, des boules de feuilles de Philenoptera broyées, ou encore, selon les recettes, de la mélasse, du lait de coco, des feuilles de bananier ou de goyavier. Un pH alcalin autour de 8,2 est adéquat, et est maintenu par addition d’une lessive de potasse préparée à partir de cendres de différentes plantes calcinées sélectionnées à cet effet dans chaque région (chez les femmes markas du Mali, les espèces les plus appréciées sont Adansonia digitata L. (baobab), Anogeissus leiocarpa (DC.) Guill. & Perr., Balanites aegyptiaca (L.) Delile, Bauhinia reticulata DC. et Faidherbia albida (Delile) A.Chev.). Moins souvent, le bain est rendu alcalin par addition de chaux éteinte fraîche. Dans les procédés industriels, on utilise une solution alcaline de dithionite de sodium pour réduire l’indigo en leuco-indigo. Ce procédé chimique polluant a maintenant été adopté par la plupart des teinturiers artisanaux. On ajoute souvent de la gomme (par ex. d’Acacia senegal (L.) Willd. ou d’Anogeissus leiocarpa (DC.) Guill. & Perr.) pour rendre le textile coloré plus durable et imperméable au vent. Une fois que le textile est plongé dans la solution de blanc indigo, il vire au bleu lorsqu’il est exposé à l’air. Il faut plusieurs bains pour donner au textile, et en particulier aux tissus de coton, une couleur bleu foncé, chaque bain étant suivi d’une exposition à l’air pendant quelque temps. En Afrique, très souvent la teinture est suivie par un calandrage, procédé de finition qui consiste à faire pénétrer de la poudre d’indigo à la surface du tissu par battage à l’aide de lourds maillets pour donner au tissu un lustre métallique iridescent, comme sur les voiles des Touaregs. Ce finissage a des fins à la fois esthétiques et médicinales : du fait que la poudre d’indigo n’est pas fixée durablement sur le tissu, elle se dépose sur la peau des gens qui portent ces vêtements et joue un rôle de médicament désinfectant et cicatrisant. Les textiles teints à l’indigo sont très résistants à la lumière et au lavage, mais moins au frottement.
Ressources génétiques
Il existe plusieurs collections de ressources génétiques d’Indigofera, les plus importantes se trouvant à la CSIRO à Santa Lucia dans le Queensland, Australie (365 entrées) et au CIAT à Cali, Colombie (250 entrées). En Afrique, il existe des collections en Ethiopie (à l’ILRI à Addis Abéba ; 60 entrées), au Kenya (par ex. à la National Genebank of Kenya, à Kikuyu ; 40 entrées) et en Afrique du Sud à Pretoria.
Perspectives
En dépit de son importance culturelle, l’usage d’indigo d’origine végétale a presque disparu, remplacé par l’indigo synthétique. En Afrique de l’Ouest, les textiles imprimés colorés, depuis longtemps en vogue dans les modes locales, sont maintenant le type le plus important de textiles portés par la majorité des habitants, et ils sont principalement importés d’Asie ou d’Europe. Depuis quelques années, avec les préoccupations mondiales croissantes sur le développement durable et la demande de produits naturels de la part des consommateurs, on assiste à un regain d’intérêt pour l’indigo naturel. Il faut encore un grand travail de recherche pour optimiser la production d’indigo à partir des plantes les plus prometteuses. Indigofera tinctoria est une espèce intéressante en Afrique du fait que, outre son potentiel de production de teinture, elle peut constituer un utile engrais vert en agriculture, et est en outre employée en médecine traditionnelle. Ses propriétés médicinales méritent davantage de recherche.
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Sources de l'illustration
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Auteur(s)
- R. Takawira-Nyenya, National Herbarium and Botanical Garden, P.O. Box A 889, Avondale, Harare, Zimbabwe
- D. Cardon, CNRS, CIHAM-UMR 5648, 18, quai Claude-Bernard, 69365 Lyon, Cedex 07, France
Citation correcte de cet article
Takawira-Nyenya, R. & Cardon, D., 2005. Indigofera tinctoria L. In: Jansen, P.C.M. & Cardon, D. (Editors). PROTA (Plant Resources of Tropical Africa / Ressources végétales de l’Afrique tropicale), Wageningen, Netherlands. Consulté le 18 décembre 2024.
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