Hièble (Cazin 1868)
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Nom accepté : Sambucus ebulus
Sambucus humilis, sive ebulus. C. Bauh., Tourn. — Chamæacte - Dioscor.
Ièble, — yeble, — petit sureau, — sureau en herbe.
CAPRIFOLIACÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE TRIGYNIE. L.
Cette plante vivace (Pl. XXI) croît le long des fossés, au bord des chemins, dans les champs humides ; elle est commune en France.
Description. — Racines, allongées, rameuses, de la grosseur du doigt, d'un blanc sale.— Tiges droites, herbacées, cannelées, hautes d'environ 1 mètre. — Feuilles opposées, pétiolées, ailées, composées de sept à neuf folioles lancéolées, dentées en scie à leurs bords. - Fleurs blanches formant une cîme ou une sorte d'ombelle ample et touffue, accompagnée de bractées filiformes (juin-juillet). — Calice à cinq divisions courtes. — Corolle en roue à cinq lobes. — Cinq étamines. — Trois stigmates sessiles, obtus. — Fruit : baie inférieure noire, pulpeuse, à une seule loge contenant trois semences attachées à l'axe du fruit.
Parties usitées. — La racine, les feuilles, les fleurs, les baies, les semences.
Récolte. — Les fleurs doivent être récoltées en juin, et être séchées avec les mêmes précautions que celles du sureau (voy. SUREAU). — On récolte les feuilles pendant tout l'été ; la racine en automne.
Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur vireuse de l'hièble est plus prononcée que celle du sureau, les feuilles ont une saveur amère, nauséeuse et teignent la salive en rouge. Les fleurs, analogues à celles du sureau, paraissent contenir les mêmes principes chimiques (voy. SUREAU). Les baies d'bièble, en les écrasant entre les doigts, donnent une couleur rouge ; celle de sureau est feuille-morte. (Ent[1] a trouvé dans la racine du sambucus ebulus les-acides, tannique, acétique, valérianique, de la matière grasse, un principe âcre et amer (hiébline), de la saponine, de la résine, de la fécule, du sucre, de la gomme, de l'albumine végétale et quelques traces d'huile volatile.). Ces baies sont en usage dans la teinture pour colorer différents tissus en violet. Suivant Murray, les feuilles vertes, répandues dans les greniers, mettent les souris en fuite. On croit aussi qu'elles font périr les charençons, qui dévorent si souvent les graines céréales.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion vineuse ou décoction aqueuse de la racine ou de l'écorce (12 à 30 gr. par kilogramme), 30 à 100 gr. |
dans du vin blanc ou dans un autre véhicule, ou en électuaire. |
L'hièble est, comme le sureau, un purgatif drastique. Cette plante est, en outre, diurétique, sudorifique. On en obtient d'heureux résultats dans la leucophlegmatie, et, en général, dans les hydropisies passives. La racine, l'écorce et la semence sont plus particulièrement employées comme purgatives ; les fleurs, comme celles de sureau, sont anodines et diaphorétiques à petites doses ; les feuilles jouissent à peu près des mêmes propriétés que l'écorce, mais on les emploie le plus souvent à l'extérieur, en forme de cataplasme, contre les engorgements articulaires, lymphatiques, glanduleux, œdémateux.
La plupart des- auteurs ont avancé que dans l'hièble chaque partie de la plante jouit de vertus différentes. C'est là une de ces erreurs, comme tant d'autres, que l'observation et l'expérience détruisent chaque jour. Chaque partie de la plante a une activité plus ou moins grande, selon que les principes qu'elle contient sont plus ou moins rapprochés ; mais toutes exercent sur l'organisme des effets analogues et qui se réduisent à une excitation plus
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- ↑ Witistein's Viertelfirhreschrift, t, IX, p. 15.
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ou moins remarquable, se manifestant, dans l'appareil digestif, par le vomissement et la purgation ; sur les voies urinaires, par la sécrétion augmentée de l'urine ; sur le système exhalant, par l'augmentation de la transpiration. Les faits viennent à l'appui de cette opinion : les fleurs, en infusion dans l'eau, sont béchiques, diaphorétiques, expectorantes ; et le suc de ces mêmes fleurs, à la dose de 4 à 8 gr., offre un purgatif analogue aux follicules de séné par son action sur le tube intestinal. Le rob de baies d'hièble, étendu dans une grande quantité d'eau chaude, produit l'effet diaphorétique, tandis que, administré d'une manière plus concentrée, il agit sur les intestins et provoque la purgation.
L'hièble est une de ces plantes dont on n'a pas assez étudié l'action au lit des malades. Chaque auteur a répété ce que ses prédécesseurs avaient eux-mêmes copié. Cependant, cette plante mérite toute l'attention des praticiens et peut, ainsi que le sureau, avec lequel elle a la plus grande analogie, être d'une grande utilité dans la médecine rurale. J'emploie fréquemment les fleurs en infusion théiforme, avec du miel, dans le catarrhe pulmonaire ; elles sont légèrement stupéfiantes, excitent la transpiration et l'expectoration d'une manière secondaire, c'est-à-dire après avoir agi sur le système nerveux comme sédatives.
Les semences et l'écorce intérieure agissent avec d'autant plus d'efficacité comme purgatives qu'elles sont plus récentes. C'est dans l'écorce (surtout celle de la racine) que cette propriété est le plus énergique, bien que la racine ait été spécialement vantée comme hydragogue. Les feuilles jouissent à peu près des mêmes vertus que les autres parties de la plante ; mais, comme nous l'avons dit plus haut, on les a particulièrement recommandées comme résolutives, sous forme de cataplasme, sur les contusions, les entorses et les engorgements lymphatiques et œdémateux. Cuites dans du vin, suivant Vermale, elles dissipent les tumeurs des articulations provenant de contusion, surtout si l'on y joint un bandage compressif. Dans ce cas, le bandage n'a-t-il pas, ainsi que Vaidy le fait observer[1], autant de part à la guérison que le remède ?
J'ai plusieurs fois employé la racine et l'écorce d'hièble infusées dans le vin blanc à des doses plus ou moins élevées, selon l'effet que je désirais produire. J'ai eu à me louer de leur usage dans l'anasarque. Ce purgatif ne laisse pas à sa suite ce sentiment de chaleur et d'érosion que l'on observe souvent après l'administration de la plupart des drastiques résineux. La semence, pilée et mêlée avec du miel, m'a fourni un électuaire dont l'emploi m'a réussi à la dose de 4 gr. prise en deux fois, à une heure de distance, le matin à jeun. Donnée en une seule fois, cette dose provoque quelquefois le vomissement.
Chesneau recommande l'emploi, dans les hydropisies, d'une huile mucilagineuse fournie par la semence d'hièble bouillie dans l'eau. La dose de cette huile, que je n'ai jamais administrée, est de 15 gr. Haller en a constaté l'effet énergique.
Le rob d'hièble est une préparation infidèle ; il perd la propriété purgative par la vétusté. Quand Haller lui refusait cette propriété que Scopoli lui attribuait, on peut croire que tous les deux avaient raison.
Les feuilles d'hièble et celles d'absinthe, cuites ensemble et appliquées sur le bas-ventre d'un enfant de dix-sept mois, ont procuré quatre évacuations alyines abondantes, avec expulsion de six lombrics vivants. J'ai employé la semence verte d'hièble, pilée et mêlée de la même manière, avec de l'absinthe et un peu d'ail, chez un petit garçon de l'âge de deux ans. Ce topique a déterminé trois selles copieuses et la sortie de trois ascarides lombricoïdes et d'une grande quantité d'ascarides vermiculaires.
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- ↑ Dictionnaire des sciences médicales, t. XXI, p. 173.
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Je crois inutile de donner ici la longue énumération des maladies contre lesquelles on a recommandé l'hièble et ses diverses préparations. Les effets physiologiques de cette plante vraiment utile étant bien connus, il est facile, sans lui assigner une action imaginaire et spécialement adaptée à tel ou tel cas, d'apprécier les circonstances où elle convient. Signaler l'hydropisie, les dartres, l'épilepsie, le rhumatisme, l'arthrite chronique, les obstructions des viscères, et beaucoup d'autres maladies dissemblables, comme pouvant être traitées avec succès par l'hièble, c'est dire d'une manière moins simple qu'on doit l'employer, avec les modifications convenables, dans toutes les affections qui réclament l'administration des purgatifs drastiques, des diurétiques ou des diaphorétiques.