Gnetum buchholzianum (PROTA)
Introduction |
Importance générale | |
Répartition en Afrique | |
Répartition mondiale | |
Légume | |
Médicinal | |
Fibre | |
Sécurité alimentaire | |
Gnetum buchholzianum Engl.
- Protologue: Bot. Jahrb. Syst. 40 : 519 (1908).
- Famille: Gnetaceae
Synonymes
- Thoa buchholziana (Engl.) Doweld (2000).
Noms vernaculaires
- Eru (En).
- Koko (Fr).
- Nkoko (Po).
Origine et répartition géographique
Gnetum buchholzianum a une aire limitée à la zone de forêt humide du Cameroun.
Usages
Les feuilles fraîches de Gnetum buchholzianum et celles de l’espèce très similaire Gnetum africanum Welw., que l’on nomme toutes les deux koko (eru en anglais), sont largement utilisées comme légume. Elles sont habituellement cuites avec de la viande ou du poisson et parfois consommées en salade. Les feuilles sont hachées en fines lanières et souvent consommées en mélange avec, par exemple, un ragoût à base d’arachide. Afin de ramollir ce légume plutôt dur, les gens le mélangent souvent avec du grassé (Talinum triangulare (Jacq.) Willd.). Les feuilles hachées peuvent être séchées et conservées pour une utilisation ultérieure. Les graines sont également consommées.
Les feuilles sont mâchées pour atténuer les effets de l’ivresse et on les prend en lavement contre la constipation et pour faciliter l’accouchement. Elles sont également utilisées pour traiter les furoncles et les mycoses aux doigts. On utilise parfois la tige souple comme corde.
Production et commerce international
Dans le commerce, les lots de Gnetum buchholzianum et de Gnetum africanum sont souvent mélangés. Les commerçants paient davantage pour les feuilles épaisses et vert foncé du premier, mais une grande variation est également due aux conditions de croissance. La majeure partie du koko est consommée localement, mais un commerce intensif s’est développé au Cameroun pour satisfaire la forte demande au Nigeria. La plus grande partie du koko en provenance du Cameroun est transportée à Idenau, village situé sur la côte du Cameroun, puis par bateau au Nigeria. On estime que les exportations annuelles de feuilles de koko (des deux espèces) vers le Nigeria vont de 2500 t à 4000 t. D’autres centres de commercialisation au Cameroun sont Campo à proximité de Kribi pour l’export vers le Gabon et le marché Mfoundi à Yaoundé. Les feuilles séchées hachées sont exportées, principalement du Nigeria vers les Etats-Unis et dans une moindre mesure, d’autres pays vers la France et le Royaume-Uni.
Propriétés
La composition des feuilles de Gnetum buchholzianum est la suivante par 100 g de partie comestible fraîche : eau 70 g (65,0–84,0), énergie 432 kJ (103 kcal), protéines 6,0 g (3,6–6,7), lipides 1,3 g, glucides 21,6 g, fibres 5,5 g, Ca 130 mg, P 54 mg, Fe 5,6 mg, acide ascorbique 100 mg (Leung, W.-T.W., Busson, F. & Jardin, C., 1968). La teneur en matière sèche des feuilles fraîches est plus élevée que pour la plupart des autres légumes-feuilles vert foncé ou vert moyen. Ceci donne une impression de fermeté lors de la préparation, ce qui amène certains consommateurs à considérer le koko comme un substitut de viande. Les feuilles de Gnetum buchholzianum sont un peu plus épaisses et plus foncées que les feuilles plus fines et plus claires de Gnetum africanum. Par conséquent, la teneur en micronutriments de ce dernier peut être plus faible. Les feuilles de koko contiennent des C-glycosylflavones, dont la 2"-xylosylisoswertisine et la 2"-glucosylisoswertisine, composés qu’on ne connaît que chez ces deux espèces.
Falsifications et succédanés
Les feuilles de Gnetum buchholzianum peuvent être remplacées par celles de l’autre espèce de koko, Gnetum africanum, ou par les feuilles de l’arbuste Lasianthera africana P.Beauv., qui procurent une saveur similaire aux mets.
Description
- Liane dioïque atteignant jusqu’à 10 m de long mais parfois davantage ; rameaux un peu épaissis aux nœuds, glabres.
- Feuilles opposées décussées, parfois en verticilles de 3, simples ; stipules absentes ; pétiole d’environ 1 cm de long, canaliculé au-dessus ; limbe ovale-elliptique à largement elliptique, de 8–15 cm × 4–8 cm, à base arrondie à brièvement cunéiforme, apex brusquement acuminé, obtus ou finement apiculé, entier, papyracé et très épais, glabre, vert foncé au-dessus, plus pâle en dessous, avec 4–8 paires de nervures latérales fortement arquées et formant une boucle près du bord.
- Inflorescence : chaton non ramifié, axillaire ou terminal sur un rameau court, solitaire mais les inflorescences mâles à l’apex des rameaux souvent par groupes de 3, jusqu’à 8 cm de long, articulé, pédoncule de 1–1,5 cm de long, avec 2–3 bractées triangulaires écailleuses ; inflorescence mâle à entre-nœuds épais s’élargissant vers l’apex et verticilles de fleurs aux nœuds ; inflorescence femelle à entre-nœuds légèrement turbinés et 3 fleurs à chaque noeud.
- Fleurs petites d’environ 2 mm de long, à poils moniliformes à la base et avec une enveloppe ; fleurs mâles à enveloppe tubulée et colonne staminale à peine saillante portant 2 anthères ; fleurs femelles à enveloppe cupuliforme et ovule nu, sessile.
- Graine ressemblant à une drupe, ellipsoïde, de 10–15 mm × 4–8 mm, apiculée, enfermée dans l’enveloppe charnue, orange-rouge à maturité, à endosperme copieux.
Autres données botaniques
Le genre Gnetum comprend environ 35 espèces de petits arbres, d’arbustes ou le plus souvent de lianes, que l’on trouve dans les régions tropicales d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale (environ 7 espèces), d’Afrique (2 espèces) et d’Asie (environ 25 espèces). Elles ressemblent beaucoup à des plantes à fleurs dicotylédones (avec leurs feuilles opposées, leurs nervures réticulées et des graines comme des cerises), bien qu’il s’agisse en fait de gymnospermes. Les 2 espèces africaines, qui sont très similaires, ont été classées dans la section Gnetum, sous-section Micrognemones. Gnetum buchholzianum a des feuilles épaisses et vert foncé. Les chatons mâles ont des entre-nœuds épais qui s’élargissent vers la partie terminale. Gnetum africanum a des feuilles relativement fines et vert pâle. Ses chatons mâles ont des entre-nœuds fins qui gardent la même largeur de la base au sommet.
On a récemment proposé de transférer toutes les espèces de Gnetum dans le genre Thoa, à l’exception de deux espèces asiatiques, principalement sur la base de la structure du tégument de la graine.
Croissance et développement
Les deux espèces africaines de Gnetum sont des lianes qui ont deux types de tiges différents. Les tiges orthotropes ont de petites feuilles écailleuses et poussent rapidement vers le haut, atteignant les branches principales d’un arbre où elles produisent des tiges plagiotropes avec des feuilles bien développées. La tige orthotrope continue à grimper jusqu’à ce qu’elle atteigne la canopée où elle se ramifie en plusieurs tiges feuillées. Les plantes femelles ont souvent une croissance plus vigoureuse avec des tiges plus robustes que les plantes mâles. Ceci se voit moins chez Gnetum buchholzianum que chez Gnetum africanum.
Le koko continue à pousser pendant la saison sèche et de nouvelles pousses peuvent se développer à l’endroit où la tige a été coupée, ou à l’endroit où des pousses latérales ont été enlevées. De nouvelles pousses se forment également sur les rhizomes qui courent sur le sol de la forêt. Les graines distinctement colorées et en forme de drupe sont probablement dispersées par les oiseaux et d’autres animaux.
Ecologie
On peut trouver le koko dans la forêt humide du niveau de la mer jusqu’à 1200 m d’altitude et il lui faut une pluviométrie annuelle d’environ 3000 mm. On le trouve habituellement aux côtés d’autres plantes grimpantes sur des arbres des strates moyennes et inférieures, formant souvent des fourrés. On peut également le trouver dans les ripisylves à des endroits par ailleurs trop secs pour cette espèce. On trouve Gnetum buchholzianum principalement dans la forêt primaire, en particulier à proximité des ouvertures créées par les arbres tombés au sol. Il est aujourd’hui moins commun que Gnetum africanum qui se trouve le plus souvent à la périphérie de la forêt primaire et dans la forêt secondaire.
Multiplication et plantation
Des plantations expérimentales sont en cours en vue de la domestication des deux espèces. Les pépinières concentrent désormais leurs efforts sur Gnetum buchholzianum car les commerçants le préfèrent et il est plus vigoureux. De plus, les lianes mâles de Gnetum africanum sont moins appréciées à cause de leurs feuilles plus petites, plus fines et plus pâles et de leur croissance moins vigoureuse. Pour Gnetum buchholzianum il n’y a pas besoin de récolter seulement des plantes femelles. Cependant, les essais au champ pourraient montrer que Gnetum buchholzianum est plus difficile à cultiver que Gnetum africanum car le premier demande probablement plus d’ombrage que le dernier. Dans des essais au Cameroun, la multiplication par graines s’est avérée difficile car la graine ne germe pas facilement, et la germination prend un an ou plus. On suppose que les graines nécessitent un prétraitement, comme par exemple de traverser les intestins d’un oiseau, d’une chauve-souris frugivore, d’un écureuil ou d’autres animaux avant de germer. On ne trouve habituellement les graines que dans la canopée. La collecte des graines est donc loin d’être facile, autre raison pour laquelle le koko n’est pratiquement pas cultivé.
Des méthodes de multiplication végétative utilisant des boutures de tiges feuillées ont récemment été mises au point. On recommande de réduire de moitié le limbe des feuilles des boutures. Des planches de pépinière situées à l’ombre et composées de sciure bien décomposée ou de sable fin de rivière peuvent être utilisées pour la multiplication. Des ectomycorhizes assistent les racines pour l’absorption de nutriments ; l’espèce la plus commune signalée est Scleroderma sinnamarense. Au bout d’environ 6 semaines, les boutures enracinées sont transférées dans des manchons en polyéthylène, des pots en bambou ou d’autres récipients où on les laisse pendant 2–3 autres mois. Le mélange de sol de ces récipients est composé de 25% de sable et d’un peu de compost, auquel on ajoute de la terre de forêt. La plantation au champ, de préférence à côté d’un jeune arbre ou d’un arbuste, a lieu au début de la saison des pluies.
Gestion
Le koko est encore principalement récolté à partir de populations sauvages, mais les paysans le gardent souvent lorsqu’ils essartent des champs. Lorsqu’il est cultivé, les paysans doivent lui fournir un tuteur, par ex. en utilisant des plantations commerciales d’hévéa, de palmier à huile et d’autres arbres cultivés. Les palissades ne sont efficaces que lorsqu’il y a assez d’ombrage et elles sont généralement trop onéreuses. Les plantes totalement exposées au soleil ne poussent pas bien ; leurs feuilles sont fines et vert pâle et les commerçants les rejettent. Dans des essais, les nutriments, en particulier l’azote, ont eu un effet positif sur la croissance et le rythme de développement des feuilles.
Maladies et ravageurs
Les cochenilles sont les principaux ravageurs en pépinière. Lorsqu’on cultive le koko sur des poteaux (morts) attaqués par les termites, ces insectes occasionnent des dégâts sur les feuilles trop proches. On n’a pas constaté de réduction de la productivité du koko due aux maladies.
Récolte
La méthode de récolte actuelle, en particulier pour le commerce à l’export, consiste à arracher les tiges ou les branches des arbres. Ceci entraîne une destruction massive des stations naturelles. Parfois, il faut abattre les arbres pour atteindre les tiges feuillées dans la canopée. On fait cela principalement pendant la saison sèche lorsque la forêt est plus facile d’accès et qu’il y a peu de travail à la ferme. Une récolte raisonnée, consistant à ne prélever que les pousses latérales ou une partie des tiges, vaut bien mieux qu’une récolte destructrice. Après une récolte raisonnée, de nouvelles pousses peuvent se développer là où la tige a été coupée ou là où les pousses latérales ont été enlevées. Des observations préliminaires indiquent qu’on peut effectuer 3–4 récoltes par an, permettant encore une repousse substantielle. Une récolte plus fréquente donnera des feuilles fines qui sont considérées de qualité inférieure. La première récolte peut avoir lieu 6–9 mois après plantation. On estime la durée de vie totale du koko à plus de 10 ans.
Rendement
Une observation préliminaire indique que, en culture, le rendement en feuilles fraîches peut atteindre 20 t/ha pendant la première année de récolte. Ce rendement peut doubler les années suivantes.
Traitement après récolte
Les tiges feuillées restent fraîches pendant au moins une semaine. Les tiges récoltées dans la forêt sont apportées à des points de collecte d’où elles sont vendues sur les marchés locaux ou exportées. Pour ce commerce, des tiges feuillées entières sont emballées en grosses balles. Une sélection est faite d’après la taille et la texture des feuilles et est principalement déterminée par l’espèce. Gnetum buchholzianum est plus apprécié par les consommateurs et se vend plus cher car ses feuilles sont généralement plus épaisses que celles de Gnetum africanum. Les feuilles sont finement hachées avant d’être consommées ou séchées.
Ressources génétiques
Le koko n’est pratiquement pas cultivé actuellement, mais on assiste à une exploitation massive des populations naturelles restantes, qui ont presque disparu au Nigeria et deviennent rares au Cameroun, au Gabon et en Centrafrique. Gnetum buchholzianum, qui semble être endémique au Cameroun et préfère la forêt primaire, est même plus menacé que Gnetum africanum. Il faut d’urgence collecter et préserver la diversité que l’on trouve au sein des deux espèces africaines de Gnetum, de préférence dans toute leur aire de répartition naturelle. On doit évaluer le potentiel agronomique des entrées en collection et leur capacité à germer sans intervention. Une petite collection est actuellement présente au Limbe Botanic Garden à Limbe (Cameroun).
Perspectives
Il faut trouver des alternatives aux méthodes de récolte destructrices du koko. Dès que de nouvelles méthodes de multiplication et de culture auront été adoptées, il y aura des perspectives de développement pour le koko comme nouvelle espèce cultivée, car il y a déjà une forte demande et il pourrait être vendu à un prix attractif. La diversité rencontrée dans les collections est considérable, ce qui offre des possibilités d’amélioration tant de la qualité que de la productivité. Des travaux de recherche sont actuellement en cours au Limbe Botanic Garden à Limbe (Cameroun).
Références principales
- Keay, R.W.J., 1954. Gnetaceae. In: Keay, R.W.J. (Editor). Flora of West Tropical Africa. Volume 1, part 1. 2nd Edition. Crown Agents for Oversea Governments and Administrations, London, United Kingdom. p. 33.
- Leung, W.-T.W., Busson, F. & Jardin, C., 1968. Food composition table for use in Africa. FAO, Rome, Italy. 306 pp.
- Schippers, R.R., 2000. African indigenous vegetables. An overview of the cultivated species. Natural Resources Institute/ACP-EU Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation, Chatham, United Kingdom. 214 pp.
- Schippers, R.R. & Fereday, F. (Editors), 1998. Opportunities and constraints in the subsistence production and marketing of indigenous vegetables in East and Central Africa. Technical report. Natural Resources Institute, Chatham, United Kingdom. 53 pp.
- Shiembo, P.N., 1997. Domestication of Gnetum spp. by vegetative propagation techniques. In: Schippers, R.R. & Budd, L. (Editors). Proceedings of a workshop on African indigenous vegetables, Limbe, Cameroon, 13–18 January 1997. Natural Resources Institute/IPGRI, Chatham, United Kingdom. pp. 31–35.
- Shiembo, P.N., 1999. The sustainability of eru (Gnetum africanum and Gnetum buchholzianum): over-exploited non-wood forest product from the forests of Central Africa. In: Sunderland, T.C.H., Clark, L.E. & Vantomme, P. (Editors). Current research issues and prospects for conservation and development. Based on the outcome of the International Expert Meeting on Non-Wood Forest Products in Central Africa, held at the Limbe Botanic Garden, Limbe, Cameroon, 10–15 May 1998. FAO, Rome, Italy. pp. 61–66.
Autres références
- Asaha, S., Tonye, M.M., Ndam, N. & Blackmore, P., 2000. State of knowledge. Studies on Gnetum africanum and Gnetum buchholzianum. Report for the Central African Regional Programme for the Environment. Limbe Botanic Garden, Limbe, Cameroon.
- Burkill, H.M., 1994. The useful plants of West Tropical Africa. 2nd Edition. Volume 2, Families E–I. Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, United Kingdom. 636 pp.
- Carlquist, S. & Robinson, A.A., 1995. Wood and bark anatomy of the African species of Gnetum. Botanical Journal of the Linnean Society 118: 123–137.
- Doweld, A.B., 2000. Rehabilitation of the genus Thoa Aublet (Gnetaceae). Turczaniniwia 3(4): 28–36.
- Friedman, W.E. & Carmichael, J.S., 1998. Heterochrony and developmental innovation: Evolution of female gametophyte ontogeny in Gnetum, a highly apomorphic seed plant. Evolution 52: 1016–1030.
- Lowe, J., 1984. Gnetum in West Africa. Nigerian Field 49(1–4): 99–104.
- Markgraf, F., 1930. Monographie der Gattung Gnetum. Bulletin du Jardin Botanique Buitenzorg Série 3, 10: 444–448.
- Ouabonzi, A., Bouillant, M.L. & Chopin, J., 1983. C-Glycosylflavones from Gnetum buchholzianum and Gnetum africanum. Phytochemistry 22(11): 2632–2633.
- Stevels, J.M.C., 1990. Légumes traditionnels du Cameroun: une étude agrobotanique. Wageningen Agricultural University Papers 90–1. Wageningen Agricultural University, Wageningen, Netherlands. 262 pp.
Sources de l'illustration
- Keay, R.W.J., 1954. Gnetaceae. In: Keay, R.W.J. (Editor). Flora of West Tropical Africa. Volume 1, part 1. 2nd Edition. Crown Agents for Oversea Governments and Administrations, London, United Kingdom. p. 33.
Auteur(s)
- R.R. Schippers, De Boeier 7, 3742 GD Baarn, Netherlands
Consulté le 22 décembre 2024.