Feijoa sellowiana (André, 1898)
André, Edouard, 1898. Un nouvel arbre fruitier, Feijoa sellowiana. Revue horticole, 70 : 264-265. télécharger le pdf
- Nom accepté de l'espèce : Acca sellowiana
Parmi les végétaux ligneux que j'ai introduits vivants en Europe au retour de mon voyage à La Plata, en 1890, je considère celui qui fait l'objet de cette note comme un des plus importants et des plus utiles pour l'horticulture.
C'est d'un véritable arbre fruitier qu'il s'agit.
Son pays natal, le Brésil austral et l'Uruguay, indique qu'il prospèrera dans la Provence méditerranéenne, en Algérie et en Tunisie. Le gros pied que je possède dans mon jardin du Golfe-Juan, à la villa Colombia, et qui a produit les fleurs et les fruits que nous avons fait peindre, est aujourd'hui haut de 3m50 sur une largeur égale. Sa forme est buissonnante, mais on pourrait l'élever sur tige.
Le Feijoa Sellowiana a été nommé par Berg[1] d'après les échantillons récoltés par Sellow dans le Brésil austral, non loin de la frontière de l'Uruguay. C'est la région du Cocos australis, ce qui indique assez le climat qui conviendra à la culture du nouveau venu. Le genre Feijoa a été dédié par Berg[2] à J. da Silva Feijo, directeur du Musée d'histoire naturelle de Saint-Sébastien, au Brésil. Ce nom a dû remplacer celui du genre Orthostemon également créé par lui pour la Myrtacée qui nous occupe, mais qui a dû être détruit parce qu'il s'appliquait déjl à un genre de Gentianées fondé par Robert Brown. Cette mutation a été enregistrée par l'auteur lui-même dans la Flore du Brésil[3]. La description de Berg a été faite d'après les échantillons secs de Sellow, recueillis dans la province brésilienne du Rio Grande do Sul et, paraît-il, aux environs de Montevideo où la plante est connue sous le nom de « Guayabo del pais ». Gibert, dans ses plantes spontanées de Montevideo, l'indique également. L'herbier du Muséum en
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possède de bons échantillons secs en boutons et jeunes fruits provenant de la province du Rio grande, récoltés par Gaudichaud en 1833 et ayant appartenu à l'herbier impérial du Brésil, où la plante est inscrite sous le n° 1322. Un autre échantillon, donné par l'herbier de Berlin en 1861, provient de Sellow lui-même et porte une fleur épanouie. Mais ces précieux documents n'ont pas suffi pour que l'artiste qui a dessiné la planche gravée donnant la forme exacte des pétales, qui sont cucullés et non plans, et la description de Berg est également insuffisante, parce qu'elle ne fait mention ni de cette forme particulière ni de la couleur de la corolle, rouge violacée en dedans, blanche au dehors.
La description du Feijoa Sellowiana, prise sur le vif, c'est-à-dire sur l'échantillon adulte de mon jardin, peut se libeller ainsi :
Arbrisseau touffu, haut de 3 à 4 mètres, à rameaux arrondis, renflés aux nœuds, couverts d'une écorce gris clair, les jeunes tomenteux comme toute la plante moins le dessus des feuilles et les corolles.
Feuilles opposées, elliptiques obtuses aux deux extrémités, brièvement pétiolées, épaisses et coriaces, à surface supérieure lisse et d'un beau vert lustré, à bord un peu décurve, à nervures peu apparentes en dessus, mais fines, saillantes et arquées réticulées en dessous, réunies avant le bord du limbe ; page inférieure canescente et finement pubérulente. Boutons pubérulents globuleux, étranglés au-dessus de l'ovaire. Fleurs solitaires ou fasciculées à l'aisselle des feuilles ; pédoncule dressé puis défléchi, long de 20 à 25 millimètres, articulé au sommet, blanchâtre et feutré. Calice à tube turbiné, à 4 sépales inégaux, elliptiques obtus, défléchis, pubescents, ciliés. Corolle étalée, à 4 pétales cucullés, ovales ou obovales, entiers ou émarginés, ohtus, charnus, glabres, ciliolés, blancs en dehors. rouge violacé en dedans, longs de15 à 18 millimètres et larges de 8, défléchis après l'anthèse. Étamines nombreuses périgynes, dressées en houppe volumineuse, longues de 20 millimètres, à filets filiformes pourpre foncé, à anthères globuleuses jaunes. Style plus long que les étamines, filiforme, stigmate capité, menu ; ovaire quadriloculaire oblong turbiné. Fruit en baie oblongue ou ovoïde, à 4 loges polyspermes, longue de 4 à 6 centimètres, large de 3 à 5, verte même à la maturité, à surface d'abord tomenteuse puis glabre, côtelée, bossuée, couronnée par le disque épaissi et les sépales cucullés du calice persistant. Graines petites, oblongues.
Chair épaisse, blanche, pulpeuse et aqueuse, d'une saveur sucrée et fortement parfumée, tenant de l'Ananas et de la Goyave et exhalant une odeur extrêmement suave et pénétrante, même avant la maturité des frnits.
Une autre espèce récoltée par Sellow près de la ville de San-Francisco de Paulo, dans la même province et nommée par Berg F. obovata, diffère par sa plus petite taille, ses rameaux comprimés, ses feuilles pellucides et ponctuées, n'a pas encore été introduite. Ses fruits sont inconnus.
Nous voici donc en possession d'un nouvel arbre fruitier pour la « Côte d'azur » et les régions chaudes du bassin de la Méditerranée, voire même d'autres contrées de la France coloniale. Le seul pied que je possède va être mis en multiplication et dès l'automne prochain on pourra en obtenir de jeunes plantes de M. F. Morel, horticulteur, rue du Souvenir, à Lyon-Vaise (Rhône).
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