Ellébore (Cazin 1868)
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Ellébore blanc
Nom accepté : Veratrum album
Helleborus albus, flore subviridi. Bauh. — Veratrum flore subviridi. Tourn.
Varaire, — veratre blanc, — vraire, — varasco.
MÉLANTHACÉES. — COLCHICACÉES. Fam. nat. — POLYGAMIE MONOÉCIE. L.
Cette plante vivace (Pl. XVII) croît en Suisse, en Italie, dans les pâturages des hautes montagnes de la France, telles que celles de l'Auvergne, des Pyrénées, des Vosges, des Cévennes, du Jura, etc.
Description. — Racine épaisse, fusiforme, un peu charnue, pourvue de radicules blanches, allongées et réunies en touffes. — Tige droite, simple, cylindrique, un peu velue, haute d'environ 1 mètre 25 centimètres. — Feuilles alternes, grandes, lancéolées, engaînantes, glabres, munies de nervures nombreuses et parallèles. — Fleurs disposées en une ample panicule terminale, soutenues par de petites bractées, lancéolées (juillet-août). — Corolle d'un blanc verdâtre à six divisions égales, oblongues, lancéolées. - Six étamines ; trois styles courts avec trois stigmates simples et trois carpelles qui plus tard deviennent le fruit formé de trois follicules droites, allongées, un peu comprimées, s'ouvrant à leur bord intérieur, qui contiennent une grande quantité de semences s'attachant le long de la suture intérieure.
Parties usitées. — La racine.
[Culture. — L'ellébore blanc est rarement cultivé dans les jardins ; on le multiplie de graines que l'on sème immédiatement après leur maturité, ou par éclats de pieds que l'on fait au printemps.]
Récolte. — Cette racine nous est envoyée sèche de la Suisse. Dans cet état, elle est légère, en tronçons ; grisâtre en dehors, blanche en dedans, munie ou privée de ses radicules, qui la font ressembler à la racine d'asperges.
Propriétés physiques et chimiques. — Cette racine est d'une saveur d'abord douceâtre, puis âcre, amère et corrosive. Analysée par Caventou et Pelletier, elle a fourni du gallate acide de vératrine, une matière colorante jaune, de l'amidon, du ligneux, de la gomme, une substance grasse, composée d'élaïne, de steatine et d'un acide volatil.
La vératrine, découverte à peu près en même temps par Pelletier et Caventou, et qui se trouve aussi dans la cévadille et le colchique, est pulvérulente, blanche, inodore, produisant de violents éternuements lorsqu'elle pénètre dans les fosses nasales, d'une saveur très-âcre et excitant la salivation.
[Examinée au microscope, elle a un aspect cristallin, et elle se dépose en prismes à base rhombe de sa solution alcoolique ; d'après G. Merck, ces cristaux, au contact de l'air, prennent l'aspect de la porcelaine et deviennent opaques ; l'eau ne les dissout pas, mais elle les rend opaques ; les acides dissolvent la matière en donnant des solutions incolores ; cependant l'acide chlorhydrique concentré la colore en pourpre ; sa formule peut être représentée, d'après G. Merck : C64 H52 Az2 O16].
La varaire blanche contient encore une autre base découverte par E. Simon, et à laquelle on a donné le nom de jervine.
La jervine est blanche, cristalline, très-facilement fusible, peu soluble dans l'eau, très-soluble dans l'alcool [à 100 degrés elle perd quatre équivalents d'eau, elle fond au-dessus de cette température et se décompose vers 200 degrés ; d'après Will, elle peut être représentée par C69 H45 Az2 O5] ; elle forme, avec les acides sulfurique, nitrique et chlorhydrique, des sels fort peu solubles, même dans un excès d'acide. Simon a profité de la grande différence de solubilité des sulfates de vératrine et de jervine pour séparer ces deux bases l'une de l'autre (Soubeiran).
A L'INTÉRIEUR. — Poudre, 10 à 20 centigr., en pilules, ou dans un véhicule liquide. |
de macération), de 50 centigr. à 2 gr. progressivement, en potion. |
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Vin (1 sur 15 de vin blanc et 1 d'alcool à 21 degrés), 20 à 40 gr. (inusité). |
Solution (sulfate de vératrine, 5 centigr. ; eau distillée, 60 centigr.), proposée pour remplacer l'eau médicinale de Husson, par cuillerées à café. |
La racine d'ellébore blanc est la base de la teinture elléborée de la pharmacopée de Londres.
La racine d'ellébore blanc est un poison âcre très-violent ; pulvérisée et appliquée sur le tissu cellulaire, elle détermine des vomissements violents et diverses lésions du système nerveux auxquelles les animaux succombent promptement. A l'ouverture des cadavres, on observe des traces d'inflammation sur divers points de la membrane muqueuse du canal digestif et dans la plaie.
L'empoisonnement est encore plus effrayant si on introduit le poison dans les vaisseaux sanguins, ou si on l'applique sur les membranes séreuses, parce que l'absorption est plus prompte. Des cbiens, dans la veine jugulaire desquels on avait injecté de la décoction d'ellébore blanc, moururent subitement. (Schadel, Courlen, Wiborg, Scheele.)
Les effets toxiques de cette racine sont moins intenses et plus tardifs lorqu'on l'introduit dans l'estomac. La phlogose locale ne suffit pas pour rendre raison, dans ce cas, de la mort qui arrive constamment par l'administration d'une certaine dose. Il est à remarquer, cependant, que si les animaux ont conservé la faculté de vomir, ils peuvent ne pas succomber sous l'influence d'uue petite quantité de poison.
Les symptômes de l'empoisonnement par l'ellébore blanc chez les animaux sont les suivants : respiration pénible et lente, ralentissement des battements du pouls, nausées, vomissements de matières bilieuses et muqueuses ; ptyalisme, station et progression très-difficiles, tremblement dans les muscles des membres postérieurs, et quelquefois dans ceux des membres antérieurs : alors la circulation et la respiration peuvent s'accélérer ; sortie de la langue hors de la bouche, faiblesse excessive, l'animal restant couché sur le flanc. Le plus ordinairement, cessation des vomissements ; alors convulsions augmentant de temps à autre, et bientôt suivies de l'opisthotonos, de l'emprosthotonos et de la mort.
Dans certaines circonstances, il y a intermittence du pouls, gêne de la respiration et diminution notable de la chaleur intérieure et extérieure.
Chez les animaux qui n'ont pas été tués immédiatement, on trouve les poumons lourds, gorgés de sang, et offrant à la surface plusieurs taches brunes ; quelquefois ils sont emphysémateux ; la trachée-artère et ses grandes ramifications ne sont point altérées (Shabel) ; les cavités du cœur, particulièrement à droite, sont distendues par du sang noir, se fluidifiant peu de temps après la mort, mais se coagulant ranidement par le contact de l'air.
Les vaisseaux biliaires et la vésicule du fiel sont remplis de bile ; l'intestin
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grêle en contient aussi une certaine quantité ; le foie est souvent gorgé de sang ; la membrane muqueuse de l'estomac et d'une partie des intestins est rouge.
Chez l'homme, la racine d'ellébore blanc, prise à la dose de 1 gr. 20 centigrammes ou plus, cause une vive irritation du tube digestif, des vomissements copieux, la suffocation, des convulsions, la perte de la voix, une sueur froide, une faiblesse extrême du pouls, le hoquet, la mort. Cette racine appliquée à l'abdomen, occasionne un vomissement violent (Ettmuller). Employée sous la forme d'un suppositoire, elle produit le même effet (Schreder). On dit que séchée, pulvérisée et aspirée par le nez comme sternutatoire, elle a causé des avortements, des métrorrbagies, des hémorrhagies nasales, des suffocations, et même la mort.
Considérée dans son emploi thérapeutique, la racine d'ellébore blanc est un vomitif et un purgatif drastique violents. Réduite en poudre, elle est fortement sternutatoire. Appliquée sur la peau, elle agit comme caustique.
Les anciens, et notamment Hippocrate, Galien, Celse, Dioscoride, parlent de cette racine comme ayant été fréquemment employée pour provoquer l'évacuation des matières contenues dans l'estomac et les intestins. A une époque plus rapprochée de nous, on l'a donnée dans la manie, la mélancolie, l'hypocondrie, l'idiotisme, la démence, la léthargie, la paralysie, la sciatique, l'épilepsie, l'arthritis, la goutte, les affections cutanées chroniques rebelles, la lèpre, l'éléphantiasis, l'alopécie, la rage, la suppression des menstrues, le goître, les affections scrofuleuses, squirrheuses, etc.
D'après de nouvelles observations dues à Greding, Wendt, Avenbrugger, Smith, Hahnemann, Reil, Voigtel, etc., elle paraît surtout indiquée comme propre à rétablir l'équilibre des fonctions organiques, lorsqu'il a été rompu par un grand ébranlement du système nerveux et spécialement des plexus ganglionnaires abdominaux.
Les évacuations abondantes que la racine de cet ellébore produit ont quelquefois favorisé la guérison de l'hydropisie ; mais, ainsi que l'observe le judicieux Murray, la violence de son action a donné la mort à plusieurs hydropiques. Comme j'ai toujours pu remplir les mêmes indications avec d'autres plantes sans exposer les malades à de tels dangers, je me suis abstenu de l'usage de l'ellébore blanc à l'intérieur.
Cependant, Gesner, qui a essayé les propriétés de cette plante sur lui-même, a trouvé le moyen d'enchaîner cette substance trop énergique, et de guérir par son usage des obstructions abdominales. Voici comme il procédait : Racine sèche et pulvérisée d'ellébore blanc, 8 gr. ; faites digérer pendant un mois dans 170 gr. de vin spiritueux, que l'on administre à la dose de 1 gr. 23 centigr., non dans l'intention de purger, mais de résoudre les embarras des viscères. Gilibert indique ce remède comme un des meilleurs fondants ; sous cette forme, on l'a employé dans les dartres, la teigne, la lèpre et l'éléphantiasis.
Roques pense que cette plante mérite d'être conservée parmi les plantes héroïques ; il ajoute que ses propriétés vénéneuses ne sauraient être un motif de réprobation, lorsqu'on emploie tous les jours les poisons métalliques les plus violents. La vératrine, d'ailleurs, est aujourd'hui adoptée comme médicament.
La racine d'ellébore blanc a été mise en usage à l'extérieur contre certaines maladies chroniques de la peau. Swediaur employait dans le prurigo et le porrigo favosa, la lotion suivante : Racine d'ellébore blanc, 15 gr. ; eau bouillante, 1 kilogr. ; passez après refroidissement, et ajoutez à la solution 135 gr. de teinture d'ellébore blanc. Biet s'est servi dans le traitement de la gale, chez les personnes qui redoutaient les préparations sulfureuses, d'une pommade composée de 4 gr. de poudre de racine d'ellébore blanc, de 32 gr. d'axonge et 2 gouttes d'essence de bergamote, pour deux frictions, matin
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et soir. Quarante malades ont été guéris en treize jours (durée moyenne) sans accidents. Ce moyen est très-usité en Allemagne et en Angleterre.
(Hartmann[1] a obtenu un effet remarquable de la décoction concentrée d'ellébore blanc contre le prurit de la vulve.)
Dans le cas de menstruation difficile, Stevenson[2] conseille de pratiquer des frictions sur le sacrum avec une pommade de vératre (15 gr. pour 180 gr. d'axonge.)
La teinture d'ellébore blanc a été employée en frictions avec un succès remarquable contre les taches hépatiques. On connaît l'extrême ténacité du pityriasis versicolor, et l'inefficacité des moyens généralement employés contre cette affection. Spengles[3] est parvenu à la guérir en quelques jours au moyen de l'emploi à l'extérieur de la teinture d'ellébore blanc. Trois cas remarquables rapportés par l'auteur ne laissent aucun doute sur l'efficacité de ce moyen, dont on chercherait en vain à expliquer le mode d'action.
Plistonicus faisait des suppositoires avec l'ellébore blanc, et excitait ainsi le vomissement. Dioclès en faisait des pessaires pour introduire dans le vagin, et produire le même effet. Dans les affections goutteuses des extrémités, les médecins de l'antiquité arrosaient les pieds avec l'ellébore en décoction dans l'eau de mer ; ces lotions produisaient des vomissements qui diminuaient les douleurs des articulations.
[Quelques auteurs ont pensé que le veratrum viride ou ellébore d'Amérique, que l'on a tant vanté dans ces derniers temps, sous la forme de teinture contre les maladies inflammatoires, telles que la pneumonie, la pleurésie, le rhumatisme aigu, la manie aiguë, et surtout la péritonite puerpérale, et enfin contre les palpitations du coeur, l'éclampsie, la chorée, etc., etc., n'est qu'une variété du V. album ; mais la racine de l'ellébore d'Amérique ou veratrum viride, qu'il faut bien se garder de confondre avec ce que nous appelons ellébore vert (elleborus viridis, renonculacées), qui a été décrite par E. Cutter, diffère essentiellement de notre racine d'ellébore blanc ; mais il est très-probable qu'elles jouissent toutes les deux des mêmes propriétés.]
VÉRATRINE. — D'après les expériences de Magendie, la vératrine exerce sur l'économie animale une action analogue à celle des végétaux d'où on la retire.
(Appliquée à l'extérieur, elle agit comme rubéfiant ; introduite dans les fosses nasales, elle détermine de violents éternuments souvent suivis de céphalalgie ; à petite dose à l'intérieur, elle excite des nausées, des vomissements, des selles abondantes.)
Il résulte des expériences de Faivre et C. Leblanc[4] que la vératrine exerce trois actions distinctes sur l'organisme animal, suivant les doses plus ou moins fortes de cette substance : la première action a lieu d'une manière bien marquée sur le tube digestif ; la seconde sur les organes de la circulation et de la respiration, et la troisième sur le système nerveux et les muscles de la vie animale. — PREMIÈRE PÉRIODE. Augmentation de la sensibilité, de la contractilité et des sécrétions du tube digestif ; coliques plus ou moins violentes, suivant les doses employées ; vive agitation chez les chevaux et les chiens ; phénomènes de contractilité musculaire, intestins contractés, mouvements péristaltiques notablement accélérés ; augmentation de la sécrétion des glandes salivaires et des follicules intestinaux, soit qu'on injecte la vératrine dans les urines, soit qu'on la dépose dans le tissu
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- ↑ Annales de Roulers, 21e livr., 1858.
- ↑ Revue médicale, février 1841.
- ↑ Neue medizinisch-chirurgische Zeitung, 1851, et Bulletin de thérapeutique, t. XLII, p. 43.
- ↑ Mémoire communiqué à l'Académie des sciences, décembre 1854.
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cellulaire sous-cutané. — DEUXIÈME PÉRIODE. Abattement, prostration des forces, ralentissement de la circulation (état non signalé par M. Magendie et qui a porté plusieurs praticiens à n'attribuer à la vératrine que la propriété de ralentir la circulation), souvent l'irrégularité du pouls. Les chiens se tiennent difficilement sur leurs pattes, se couchent. Les chevaux sont abattus et témoignent une dépression des forces. — TROISIÈME PÉRIODE. Par l'influence de doses plus considérables, extension et raideur des membres, muscles du thorax et de l'abdomen contractés, respiration anxieuse et pénible, trismus, accès tétaniques d'abord courts et à de grands intervalles ensuite plus longs, plus rapprochés et accompagnés de l'augmentation de la sensibilité au point de provoquer de nouvelles contractions en touchant l'animal ; obstacle au renouvellement du sang se prononçant de plus en plus ; mort par asphyxie après une demi-heure ou une heure, ou diminution progressive des symptômes si l'animal résiste à l'action toxique de la vératrine.
La vératrine n'agit pas toujours aussi régulièrement. Quelquefois son action plus ou moins marquée sur le tube digestif se continue, soit pendant la période hyposthénisante ou de dépression du système sanguin, soit pendant la période hypersténisante ou d'excitation du système nerveux. Ces deux dernières périodes peuvent aussi avoir une durée et une intensité variables. Si la dose de vératrine est toxique, son action s'exercera directement sur le système nerveux et produira rapidement le tétanos, l'asphyxie et la mort (Koelliker[1], d'après des expériences sur les batraciens, établit que l'alcaloïde qui nous occupe est un excitant de la moelle épinière, et qu'il produit le tétanos et la paralysie du cœur)[2].
On peut conclure de ces résultats de l'expérimentation : 1° que la vératrine, en irritant le tube intestinal, y détermine des contractions et en augmente les sécrétions; 2° qu'elle a la propriété de ralentir la circulation ; 3° qu'elle excite le système nerveux de la vie animale et le système musculaire de manière à la rapprocher de la noix vomique.
(Cet agent possède donc deux actions : une primitive, locale ; l'autre secondaire.
La thérapeutique a cherché à les mettre à profit ; on a tenté de provoquer le vomissement par la vératrine, dans les cas d'empoisonnements, etc. ; mais, outre que le résultat désiré n'est pas constamment obtenu, l'absorption du médicament peut ajouter dans certains cas à la gravité de l'accident que l'on veut traiter. Comme purgatif, on l'a essayée contre les hydropisies ; l'action secondaire sédative du système circulatoire trouve ses applications dans toutes les maladies hypersthéniques de ce système, les affections fébriles, les phlogoses en général.
L'influence sur le système nerveux a été utilisée dans les altérations qui ont ce système pour siège, dans les névralgies, les paralysies, etc., etc.
On a en outre reconnu à la vératrine une action expectorante bien prononcée (Norwood) et une action altérante au moins égale à celle du calomel et de l'iodure de potassium).
En résumé, la vératrine a été préconisée dans certaines affections nerveuses, dans la paralysie, les névralgies, le rhumatisme, la goutte, l'otite, l'otalgie, l'iritis, etc., et, par une action analogue à celle de la strychnine, dans les paralysies, l'amaurose récente, l'opacité de la cornée, la cataracte, la paracousie, la surdité, etc.
Cet alcaloïde est souvent employé concurremment ou alternativement avec l'aconitine.
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- ↑ Archive für Pathologie, 1858.
- ↑ Consultez le Journal de chimie et de pharmacie, 1856, t. XXIX, le travail de van Praag, Études toxicologiques et pharmacodynamiques sur la vératrine.
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Comme le colchique, dans les affections goutteuses, la vératrine s'est montrée efficace dans le traitement du rhumatisme articulaire aigu. C'est à Piédagnel[1] que l'on doit les premiers essais de ce médicament dans cette dernière affection, où son action contro-stimulante est analogue à celle du sulfate de quinine à haute dose, auquel, à mérite égal, elle devra être préférée, à cause de la modicité de son prix, dans la médecine rurale et dans celle des ouvriers et des pauvres de nos cités populeuses.
Voici le mode d'administration employé par Piédagnel : une pilule de 5 milligr. de vératrine le premier jour, deux le deuxième jour, en augmentant chaque jour d'une pilule jusqu'au nombre de sept ou rarement huit. Lorsqu'il y a amélioration notable, ce qui a lieu ordinairement au quatrième, cinquième ou sixième jour, on s'arrête à la dose de la veille. On continue à cette dose un ou deux jours, puis on diminue graduellement, et à proportion de la diminution des accidents eux-mêmes, pour cesser, lorsqu'après quatre ou six jours d'attente, la guérison se maintient. Ces pilules sont données dans une cuillerée d'eau sucrée ou de tisane, à des intervalles proportionnés au nombre désigné pour chaque jour. — S'il y a intolérance manifestée par l'irritation des voies digestives (coliques, diarrhée, etc.), il faut diminuer les doses ou suspendre cette médication, dont l'effet hyposthénisant doit se montrer immédiatement sur le système sanguin, et calmer en même temps la fièvre, la douleur et l'inflammation. C'est un résultat tout à fait semblable à celui qu'on obtient par l'emploi de l'aconit. (Cette tentative a reçu pleine consécration par les travaux de Trousseau, Turnbull, Bouchut (chez les enfants), etc. Aran a publié[2] une intéressante observation d'endopéricardite rhumatismale chez une jeune fille de douze ans, guérie par la vératrine (toutes les quatre heures une des pilules suivantes : vératrine, 5 centigr. ; suc et gomme, Q.S. ; 30 pilules.)
Aran[3] a non-seulement mis en usage avec succès la vératrine dans le rhumatisme articulaire aigu, mais aussi dans la pneumonie, en la donnant jusqu'à la tolérance comme le tartre stibié, dont l'emploi, mieux connu, doit être préféré. (Elle a été, depuis cette époque, fréquemment usitée dans ce cas. Ghiglia[4] associe 5 milligr. de vératrine à 5 centigr. d'extrait thébaïque, et forme une pilule dont il répète l'administration de six à douze fois, dans les vingt-quatre heures.)
Bardsley, de Manchester[5] a tenté quelques essais thérapeutiques avec les sels de vératrine. L'acétate de cette base, administré par 125 milligr. (1/4 de grain) d'abord, et porté par degrés jusqu'à 75 ou 100 milligr. (1 grain 1/2 à 2 grains par jour) en plusieurs fois, lui a réussi dans un cas d'hydropisie, et lui a paru aussi utile dans le rhumatisme chronique, la sciatique et la goutte, que le colchique. Sur vingt-quatre rhumatisants, sept ont été guéris, dix soulagés, sept autres n'en ont éprouvé aucun bien. Après l'ingestion de ce médicament, le pouls devenait plus lent et plus faible, et quand on forçait la dose, il survenait des nausées, des vomissements, enfin des selles séreuses, abondantes, salutaires surtout dans la goutte.
La teinture, l'huile simple ou composée et la pommade de vératrine sont employées en frictions dans les névralgies, le rhumatisme articulaire aigu, (les affections oculaires d'origine nerveuse, les cataractes, les iritis, etc. dans les douleurs de la dysménorrhée. Vannaire[6] a obtenu de bons effets de la pommade de vératrine (10/100e) employée avec frictions sur la région ombilicale. Lafarge a expérimenté la vératrine (1/10 à 1/15 de milligr.)
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- ↑ Bulletin de thérapeutique, t. XLIII, p. 141.
- ↑ Journal de médecine et de chirurgie pratiques, janvier 1859.
- ↑ Bulletin de thérapeutique, t. XLV, p. 385.
- ↑ Bulletin de thérapeutique, juillet 1859.
- ↑ Dierbach, Die neuesten Entdeckungen, etc., t. I, p. 262.
- ↑ Bulletin de thérapeutique, février 1861.
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en inoculation contre les névralgies. — Pour les injections sous-cutanées, ce médicament, difficilement soluble dans l'eau, n'est mêlé à ce véhicule que préalablement dissous dans l'alcool, l'éther, ou le chloroforme. On prend pour une injection quatre gouttes d'une solution de 5 centigr. dans 8 gr. de liquide. L'effet local est un peu douloureux à cause de la nature du véhicule ; puis, il ne tarde pas à se manifester un abaissement du pouls qui arrive beaucoup plus promptement et plus sûrement qu'avec la digitaline. Si la dose est un peu forte ou le sujet sensible, il survient des nausées, et même le vomissement, de la salivation, et plus tard des spasmes dans des rayons de nerfs plus ou moins étendus. Quelquefois on rencontre une dépression marquée du système nerveux. Erlenmeyer s'est surtout bien trouvé de ces injections dans les palpitations nerveuses et l'activité excessive du cœur.)
Ellébore noir
Nom accepté : Helleborus niger
Helleborus niger flore roseo. Bauh. — Helleborus niger angustifloribus foliis. Tourn.
Rose de Noël, — herbe de feu, — ellébore à fleurs roses.
RENONCULACÉES. — ELLÉBORÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE POLYGYNIE. L.
Cette plante vivace (Pl. XVIII) croît dans les montagnes d'Italie, de la Suisse et dans le midi de la France, les Pyrénées, etc. On la cultive partout ailleurs, dans les jardins, pour la beauté de ses fleurs hyémales.
Description. — Racine : souche noirâtre d'où partent des fibres épaisses, charnues. — Tiges : hampes droites, nues, épaisses, cylindriques, quelquefois un peu rougeâtres, longues d'environ un décimètre. — Feuilles radicales longuement pétiolées, amples, glabres, divisées en sept ou huit digitations pédicellées, lancéolées, aiguës et dentées. — Fleurs d'un blanc rosé, très-ouvertes, terminales, d'environ 4 centimètres de diamètre (décembre-janvier). — Calice à cinq folioles pétaliformes, ovales, obtuses, grandes et colorées. — Corolle beaucoup plus courte que le calice, formée de dix à douze pétales tubulés, d'un jaune verdâtre, terminés à leur bord extérieur par une petite languette spatulée, obtuse. — Etamines très-nombreuses, plus longues que la corolle; six à huit pistils. — Fruit composé de cinq à six follicules ovales, mucronées, arquées à un de leurs bords et s'ouvrant à deux valves.
Parties usitées. — La racine.
[Culture. — L'ellébore noir demande un terrain sec et découvert, une terre franche, légère, exposition à mi-soleil ; on la cultive par éclats, ou de graines semées aussitôt après leur maturité ; elles donnent des variétés plus ou moins rares qui fleurissent la troisième année.]
Récolte. — On peut recueillir en automne la racine d'ellébore noir que l'on cultive dans les jardins. Celle du commerce est ordinairement envoyée sèche de la Suisse. Elle doit être séchée promptement. Les effets plus ou moins prononcés de cette racine dépendent de son degré de fraîcheur ou de siccité. Si l'on veut compter sur son efficacité, il faut, pour ses diverses préparations, l'employer à l'état frais, ou du moins ne pas attendre que la vétusté l'ait privée de ses principes les plus actifs. La poudre d'ellébore doit être enfermée dans des vases bien bouchés, car elle s'altère facilement.
Dans le commerce, l'ellébore noir est souvent mêlé avec plusieurs autres racines qui lui sont ainsi substituées à l'insu du médecin qui le prescrit. On y trouve celles de l’helleborus foetidus, de l’helleborus viridis, des veratrum album et nigrum, de l’astrantium major, de l’adonis vernalis, de l’aconitum napellus, de l’arnica montana, de l’actæa spicata, etc. Cette falsification, ou plutôt cette négligence, est sans doute la cause principale de la diversité des opinions sur les effets de l'ellébore noir et sur les doses auxquels il convient de l'administrer. La racine de ce dernier, dans le commerce, est d'un brun noirâtre à l'extérieur, et blanche ou grisâtre en dedans. Elle se compose de tronçons de la longueur et de la grosseur du petit doigt, irréguliers, couverts de radicules, et parsemés d'anneaux circulaires. On voit sous son écorce un cercle de points blancs indiquant la naissance des radicules.
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Propriétés physiques et chimiques. — La racine d'ellébore noir est plus ou moins âcre et détermine sur la langue un sentiment de stupeur. Elle contient, d'après Feneulle et Capron, une huile volatile, une huile grasse, une matière résineuse, de la cire, un principe amer, un acide odorant, du muqueux, de l'ulmine, du gallate de notasse, du gallate acide de chaux, un sel à base d'ammoniaque. Orfila regarde comme la partie la plus active, la plus vénéneuse, celle qui se dissout dans l'eau. (Schroff[1] ne lui reconnaît aucun principe volatil actif ; la racine fraîche et la racine desséchée produisent les mêmes effets.) La teinture alcoolique de noix de galle ne détruit pas ses propriétés délétères, non plus que celles de l'ellébore blanc.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction des racines, de 1 à 6 gr. par kilogramme d'eau. |
made (4 à 8 gr. de poudre de racine pour 30 gr. d'axonge), en frictions. |
La racine de l'ellébore noir est un purgatif drastique qui peut produire l'empoisonnement si on le donne à trop forte dose. A l'état frais, sa racine, appliquée sur une plaie saignante pendant quelques instants, détermine le vomissement ; aucune des substances vénéneuses employées jusqu'à ce jour ne produit aussi promptement cet effet, au rapport d'Orfila. Administrée à forte dose, cette plante peut causer une superpurgation, des vomissements opiniâtres, l'inflammation du tube digestif, des selles sanguinolentes, un froid excessif et la mort. Elle agit à peu près de la même manière que l'ellébore blanc, mais moins violemment. L'empoisonnement par cette substance réclame le même traitement.
(Schroff a fait une étude approfondie de la valeur réelle des ellébores. Il a observé qu'en employant celui qui nous occupe à des doses progressivement croissantes chez les lapins, on remarque un amaigrissement graduel malgré la conservation de l'appétit, et enfin la mort. Chez l'homme, il n'a constaté aucun effet dans les premiers jours ; mais l'action ne tarda pas à se prononcer et s'accroître après chaque administration du médicament. Les effets de l'ellébore se cumulent manifestement ; ils peuvent être divisés en deux catégories : 1° pesanteur de tête, vertiges, bourdonnements d'oreilles, dilatation des pupilles ; sommeil lourd et agité, troublé par des rêves ; ralentissement du pouls, lassitude, anxiété, etc. ; 2° parfois augmentation de la sécrétion salivaire et urinaire, vomissements, douleurs stomacales et intestinales, la diarrhée est exceptionnelle ; l'effet drastique qu'on attribue à cette plante n'a pas été constaté par Schroff.
La première catégorie de faits se rapporte à l'action d'un principe narcotique présumé ; la seconde à celle d'une substance âcre. L'extrait aqueux, moins actif que l'alcoolique, contient surtout le principe narcotique ; le second les contient tous deux.
Dans le cas où l'ellébore noir entraîne la mort, celle-ci paraît être due à la paralysie du cœur. Schroff a observé qu'alors l'excitabilité de cet organe, de l'estomac et de l'intestin grêle s'éteignent très-rapidement. C'est donc un poison cardiaque. Jamais il n'a observé l'inflammation gastro-intestinale admise en général. Dans le cas d'empoisonnement chronique, il y avait même une anémie remarquable des organes digestifs.)
A petite dose, les anciens comme les modernes ont employé l'ellébore
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- ↑ Archives générales de médecine, août 1859.
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noir dans les affections mentales non fébriles, dans les fièvres intermittentes, les affections vermineuses, la paralysie, l'hypocondrie, l'apoplexie, la léthargie, l'épilepsie, les céphalalgies nerveuses, l'hydropisie, le rhumatisme, la goutte, la chorée ; dans les maladies chroniques de la peau, telles que la lèpre, l'éléphantiasis, les dartres ; la suppression des règles ou des hémorrhoïdes, etc.
A très-petite dose et comme altérant, l'ellébore noir paraît exercer une action spéciale sur le système nerveux. On l'associe souvent, en cette qualité, à l'extrait de valériane et à la jusquiame dans les névralgies.
Les anciens faisaient grand cas de la racine d'ellébore contre la folie, Hippocrate la regardait comme le remède par excellence contre cette affection. Les historiens et les poètes ont célébré de tout temps les cures merveilleuses opérées par l'elléborisme dans l'île d'Antycire. On pense que la plante dont se servaient tes anciens était l’helleborus orientalis, dont les propriétés peuvent être très-différentes de celles de notre ellébore noir. Quoi qu'il en soit, l'action perturbatrice de ce dernier peut être efficace dans certains cas d'aliénation accompagnés d'une sorte d'inertie, de torpeur du canal digestif, et d'un état du cerveau et du système nerveux indiquant la nécessité d'une forte révulsion.
Musa, Brassavole, Lorry, Vogel, ont fait l'éloge de notre ellébore noir contre les affections mentales. Gozzi[1] l'a vu réussir chez trois individus atteints de folie. Il administrait, matin et soir une pilule de 10 centigr. d'ellébore en poudre. Roques a obtenu des résultats avantageux de l'extrait de cette plante dans le délire fébrile, où il a paru agir comme hyposthénisant direct. Miquel, au rapport de Roques, a dissipé, comme par enchantement, un délire frénétique au moyen du même remède, administré à la dose de 15 centigr. toutes les trois heures.
La puissante dérivation attribuée à l'ellébore noir sur les organes digestifs l'a fait employer avec succès dans les hydropisies passives, lorsque, toutefois, il y avait absence de phlegmasie péritonéale ou de lésions organiques avec irritation. Freind et Brunner, d'après Avicenne, l'ont employé dans cette indication. Brunner faisait infuser une once (32 gr.) de racine fraîche de cette plante dans 4 livres (2 kilogr.) de vin généreux, avec une poignée d'absinthe ; il en faisait prendre un verre le matin â jeun.
Tous les médecins savent que l'ellébore noir fait la base des pilules toniques et antihydropiques de Bacher, lesquelles sont composées de 30 gr. d'ellébore noir, de pareille quantité d'extrait de myrrhe à l'eau et de 12 gr. de poudre de chardon bénit, dont on fait des pilules de 2 centigr. et demi. J'ai employé ces pilules avec avantage dans quelques cas d'anasarque où il n'existait aucune irritation inflammatoire des organes digestifs, et lorsque la maladie avait un caractère passif bien évident.
Hildanus s'est guéri lui-même, avec la racine d'ellébore noir, d'une fièvre quarte, et a obtenu le même succès sur d'autres malades. Il est quelquefois utile de rompre, par une violente perturbation, l'habitude morbide qui entretient les fièvres intermittentes anciennes. Au reste, dans ces cas, tout autre drastique produit le même effet, ainsi que je l'ai observé à l'occasion de l'emploi de la chélidoine chez une jeune fille atteinte depuis longtemps d'une fièvre quarte. (Voyez CHÉLIDOINE.)
Les anciens employaient fréquemment l'ellébore dans les maladies cutanées chroniques. Arétée et Celse, Halles et Hildanus le recommandent dans la lèpre, l'éléphantiasis, les affections herpétiques et psoriques.
J'ai fait prendre plusieurs fois, avec un succès remarquable, la mixture de Rosenstein dans les affections vermineuses. Cette mixture se compose de 1 gr. 20 centigr. d'extrait d'ellébore noir, de 50 centigr. de sulfate de fer,
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- ↑ Raccoglitore medico, 1846.
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de 32 gr. de chardon bénit et de 32 gr. de sirop de violette ou de miel. La dose de ce mélange est une cuillerée à bouche le matin à jeun, pour les enfants : on augmente ou l'on diminue cette dose, suivant l'âge et les circonstances. Baglivi considérait la décoction des feuilles d'ellébore noir comme le meilleur des vermifuges.
Suivant Mead, il n'y a pas de remède plus certain pour ramener l'écoulement menstruel que la teinture de la racine de cette plante, prise deux fois par jour, à la dose d'une petite cuillerée (une cuillerée à café) dans une tasse d'eau tiède. S'il faut l'en croire, ce moyen n'aurait jamais trompé son espérance. Juncker et Schulsius lui donnent les mêmes éloges pour provoquer les hémorrhoïdes.
Je me suis très-bien trouvé des pilules suivantes comme emménagogues : extrait d'ellébore noir, extrait de gentiane, de chaque, 2 gr. ; poudre de valériane, Q.S. ; divisez en 2 pilules dont on donne 2 matin et soir.
Il faut bien se garder d'administrer l'ellébore noir comme vomitif ou purgatif aux sujets sanguins ou trop irritables. On ne le donnera aux enfants, aux vieillards et aux femmes délicates qu'avec la plus grande circonspection. On s'en abstiendra toujours lorsqu'il existera une irritation inflammatoire ou nerveuse des organes digestifs. En imitant la prudence des anciens dans la manière de l'administrer, il pourra remplacer beaucoup de purgatifs exotiques. Comme altérant (diurétique, excitant, emménagogue, etc.), on ne doit pas dépasser la dose de 35 à 40 centigr. ; comme purgatif, on ne doit pas aller au-delà de 1 gr. 50 centigr. de poudre et de 1 gr. d'extrait, préparations le plus ordinairement employées. A l'extérieur, on emploie la pommade d'ellébore avec succès dans les dartres invétérées. La plante, appliquée fraîche sur la peau, y produit, dit-on, un effet vésicant. On l'a signalée comme un sternutatoire violent ; mais cette propriété est plus prononcée dans les varaires connues aussi sous le nom d'ellébores.
Il résulte des expériences de Dubois, de Tournay, que les fleurs d'ellébore noir ont une propriété rubéfiante très-marquée ; ces fleurs, écrasées et appliquées au bras pendant deux heures, y ont développé une plaque d'un rouge vif, recouverte de vésicules nombreuses, analogues à celles que produit la renoncule. Ce médecin a essayé sur lui-même l'application extérieure de la racine et des feuilles, et, dans aucun cas, il ne les a vues produire la moindre apparence de rubéfaction. (C'est sans doute à cause de cette propriété rubéfiante que Dioscoride faisait confectionner des pessaires emménagogues avec les fleurs d'ellébore noir.
Les médecins vétérinaires font avec la racine d'ellébore noir des trochisques irritants qu'ils introduisent sous la peau, dans les ouvertures d'un séton, par exemple ; ils ont pour but de déterminer une inflammation dérivative et dirigent cette médication contre les maladies de poitrine graves du cheval et des ruminants).
Ellébore fétide
Nom accepté : Helleborus foetidus
Helleborus niger fœtidus. Bauh., Tourn. — Helleboraster. Black. — Helleboraster maximus. Ger.
Pied de griffon, — pas de loup, — pattes d'ours, — pied de lin, — herbe aux boeufs, herbe de cru, — parménie, — pommelée, — marfourée, — herbe au fi.
RENONCULACÉES. — ELLÉBORÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE POLYGYNIE. L.
L'ellébore fétide croît dans presque toute la France, sur les lisières des bois, dans les lieux stériles, ombragés et pierreux.
Description. - Racine sinueuse, à fibres de couleur sombre. — Tiges de 40 à 60 centimètres, fortes, dressées, nues intérieurement où elles présentent les marques des
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feuilles détruites, divisées et subdivisées supérieurement en rameaux florifères, persistantes pendant l'hiver. — Feuilles grandes, cannelées, pédiatres, entourant le milieu de la tige, d'un vert foncé, livide ; folioles longues, étroites, lancéolées, dentées en scie. — Fleurs nombreuses, terminales, pédonculées, penchées, en ombelles (février-mai ; cinq pétales ovales, concaves, persistants, d'un vert pâle, ayant les bords rougeâtres ; bractées ovales, entières, sessiles. — Etamines de la longueur des pétales. — Anthères blanches. — Trois ovaires ressemblant à ceux de l'ellébore noir.
(Culture et Récolte. — Comme l'ellébore noir.)
Cet ellébore, d'une odeur fétide, d'une saveur âcre et amère, si on l'emploie sans précaution, est aussi vénéneux que les deux espèces, dont je viens de parler, agit de la même manière, et l'empoisonnement qu'il cause réclame les mêmes moyens. Il peut être très-utile comme purgatif et vermifuge quand il est manié avec prudence. A l'exemple des anciens, qui excellaient dans l'art de diminuer l'action trop véhémente des substances les plus délétères, on peut faire macérer modérément ses feuilles dans le vinaigre, ou les humecter simplement avec cette liqueur, en exprimer ensuite le suc pour en faire un sirop avec le sucre ou le miel. Ainsi préparé, l'ellébore fétide ne cause ni nausées ni vomissements. On en administre une moyenne cuillerée le soir, et une ou deux le matin, pendant deux ou trois jours de suite, pour un enfant de cinq à six ans. On augmente ou l'on diminue la dose selon l'âge ou l'état du malade. Comme cette dose produit rarement des selles, on peut prendre ensuite un léger purgatif. J'ai employé la poudre des feuilles de cet ellébore à la dose de 50 à 80 centigr. dans quantité suffisante d'eau miellée, pour expulser les vers intestinaux. Ordinairement cette dose, proportionnée à l'âge des enfants, et que l'on répète tous les deux ou trois jours, purge suffisamment, tout en agissant très-efficacement comme vermicide. On peut aussi donner les feuilles en décoction (2 à 4 gr. pour 180 gr. d'eau), en diminuant ou en augmentant la dose suivant l'âge et les circonstances morbides, mais toujours en plusieurs fois et en observant ses effets.
Bisset dit que c'est un remède qui ne lui a jamais manqué à titre de vermifuge ; mais, ainsi que le fait remarquer Pinel[1], à cause des qualités très-âcres de cette plante, il faut commencer par de très-petites doses pour éviter l'effet irritant qu'elle peut produire sur des individus délicats et sensibles.
Cette propriété vermifuge était connue depuis longtemps. Ray en parle aussi d'après un autre auteur : Folia siccata et in pulvere exhibita cum melle et ficu, ad puerorum vermes commendat Gerardus.
La racine du pied de griffon est employée par les vétérinaires comme purgatif et pour former des sétons ; elle entretient une irritation et une suppuration continues.
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- ↑ Encyclopédie méthodique.
Ellébore vert
Nom accepté : Helleborus viridis
ELLÉBORE VERT. — ELLEBORUS VIRIDIS, L. — Ellébore noir de beaucoup d'herboristes, des jardins ; herbe à séton. — Croît aux environs de Paris, du Mans, en Picardie, etc., dans les haies et les vergers.
Description. — Racine brune en dehors, blanchâtre en dedans, chevelue. - Tiges annuelles, de 30 à 50 centimètres, droiles, un peu rameuses supérieurement, feuillées seulement à partir des rameaux. — Feuilles coriaces, grandes, lanceolées, linéaires ; les radicales longuement pétiolées, celles des rameaux sessiles, à dents profondes et écartées. — Fleurs d'un vert jaunâtre, 2-5, un peu penchées (mars-avril). - Calice un peu fermé.
On doit préférer, suivant Allioni, cette espèce à l'ellébore noir, parce qu'elle est plus active et qu'elle a plus de ressemblance avec l'ellébore des anciens, et que l'on peut se la procurer plus facilement.