Cucumis (Naudin, 1859)

De PlantUse Français
Aller à : navigation, rechercher

Naudin Charles, 1859. Essai d'une monographie des espèces et des variétés du genre Cucumis. Ann. Sci. Nat., série 4 Bot., 11 : 5-87. en ligne à Madrid



[5]

Le nouveau mémoire que je soumets au jugement des botanistes est conçu dans les mêmes idées que celui que j'ai publié il y a trois ans sur le genre Cucurbita. Comme lui, il a pour objet de rectifier des erreurs de détermination, de circonscrire plus nettement des espèces mal définies et d'établir par de nouvelles preuves ce que j'ai déjà essayé de démontrer: qu'il se forme aux dépens de certains types spécifiques des races ou sous-espèces douées d'une stabilité remarquable et quelquefois plus différentes les unes des autres, dans leur faciès général, que ne le sont entre elles des espèces réellement distinctes. Cette vérité, une fois reconnue, exercera peut-être quelque influence sur les botanistes descripteurs, en les rendant plus scrupuleux dans le choix des caractères qu'ils assignent à ce qu'ils considèrent comme des espèces; peut-être aussi provoquera-t-elle la révision de travaux descriptifs dans lesquels on s'accorde à penser que les espèces ont été trop multipliées.

De même que le mémoire cité tout à l'heure, celui-ci a élé pré-


[6]

j'avais à écrire l'histoire. Ceux qui sont habitués à feuilleter les herbiers savent combien les Cucurbitacées y sont difficiles à distinguer les unes des autres, ce qui tient, d'une part, à ce que les échantillons desséchés sont rarement complets, d'autre part, à ce que l'amplitude des variations d'un assez grand nombre d'espèces y dépasse de beaucoup la mesure à laquelle la plupart des autres familles de plantes nous ont accoutumés. Il y a plus : même avec les plantes vivantes sous les yeux, et lorsqu'on est en mesure de les comparer les unes aux autres dans les diverses phases de leur végétation , on hésite quelquefois encore à prononcer sur l'identité ou la différence spécifique de telles ou telles formes voisines, et pour lever les doutes, on est contraint de recourir au croisement et d'en observer les résultats pendant un certain nombre de générations, .l'ai souvent employé ce moyen pour me renseigner sur la valeur de certaines espèces, et je crois l'avoir fait avec quelque succès.

Avant d'aller plus loin, je dois prévenir les lecteurs que je tiens pour bonnes espèces toutes les formes qui, non-seulement refusent de se croiser les unes avec les autres, ou celles dont la postérité hybride est frappée de stérilité, mais celles aussi dont les hybrides, quoique fertiles, présentent des anomalies sensibles dans leur manière de végéter, ou dont la descendance mixte revient avec plus ou moins de rapidité aux types originaires des deux parents ou seulement de l'un d'eux.

On conçoit sans peine qu'un travail préparatoire de cette nature ait du me demander beaucoup de temps. Je l'ai effectivement poursuivi sans relâche pendant quatre années consécutives, c'est-à-dire de 1855 à '1858 inclusivement. Je ne crois pas exagérer en portant à près de deux mille le nombre d'individus appartenant aux diverses espèces du genre Cucumis, et principalement au Melon, qui ont été cultivés au Muséum et attentivement observés pendant ces quaire années. Celle vaste collection, qui comprend en outre beaucoup de Cucurbitacées nouvelles ou incomplètement connues, est due surtout aux efforts de M. Decaisnc, dont je me plais à reconnaître ici la coopération par les encouragements qu'il m'a


[7]

donnés, par ses-conseils et l'usage qu'il a fait de son influencé dans le inoncle botanique pour procurer ces piaules à l'établissement. Sous ce rapport, rien n'a été négligé : les jardins botaniques de l'Europe et de ses colonies, les Sociétés d'horticulture de France et d'Angleterre, les grandes maisons de commerce de graines, les horticulteurs en renom, les botanistes voyageurs, les fonctionnaires du gouvernement à l'étranger et même de simples amateurs d'horticulture, ont été invités à nous fournir les matériaux de ce travail. Partout nos demandes ont été accueillies avec faveur, et, grâce à ce concours empressé de personnes dévouées à la science, la collection de Cucurbitacées vivantes du Muséum est devenue la plus riche de l'Europe. Qu'il me soit permis, tout en exprimant ici collectivement ma reconnaissance à ces nombreux auxiliaires, de citer dès maintenant, comme ceux auxquels je dois le plus, le docteur Lindley, qui a été notre actif, intermédiaire vis-à-vis de la Société horticulturale de Londres, et MM. Hooker père et fils, qui, outre la communication de précieuses espèces exotiques, ont mis à ma disposition, avec une générosité et une complaisance sans égales, leurs admirables collections de Kew.

Malgré les nombreuses recherches dont les Cucurbitacées ont été l'objet de la part des botanistes, on peut affirmer qu'elles sont encore une des familles les plus mal étudiées et les moins connues. Non-seulement il en reste beaucoup dans les herbiers à décrire et à classer, mais nous savons en outre que de vastes régions où ces plantes abondent ont été à peine entrevues par les collecteurs. Tels sont, par exemple, presque toute l'Afrique équatoriale, la Cafrerie, Bornéo, la Nouvelle-Guinée, le nord de l'Australie, etc., et il est hors de doute que les investigations futures des botanistes dans ces pays à peu près inexplorés accroîtront considérablement le nombre de ces plantes. Pour celte raison, il ne me paraît pas possible, avec les seuls matériaux que nous possédons aujourd'hui, d'entreprendre une monographie générale de la famille, mais je crois aussi qu'en attendant des circonstances plus favorables, il ne sera pas sans utilité de remanier les travaux partiels qui existent déjà et qui sont pour la plupart fort imparfaits, sauf à \ o i r mes propres corrodions exiger


[8]

elles-mêmes des retouches à mesure que la quantité croissante de matériaux et des observations plus nombreuses et plus exactes apporteront de nouveaux éléments à la circonscription des espèces et des genres.

La plupart des Cucurbilacées à ovaire triloculaire et à loges polyspermes, au moins celles qui me sont connues, sont si voisines les unes des autres par leur organisation qu'on pourrait à la rigueur n'en faire qu'un genre unique, qui ne serait guère plus hétérogène que certains grands genreslinnéens encore conservés aujourd 'hui (1). Cette analogie est si grande que j'ai peine à comprendre comment elle a échappé à M. Seringe, lorsqu'il a proposé la classification que nous trouvons exposée dans son Mémoire sur les Curcurbilacées, où les genres les plus visiblement analogues sont distribués dans des groupes différents et où, au contraire, les genres les plus discordants par la structure de l'ovaire, ainsi que par la position et le nombre des ovules se trouvent rapprochés. Cette classification n'a été que faiblement améliorée par les modifications qu'elle a reçues dans le Prodrome et celle qu'a adoptée Endlicher ne vaut pas beaucoup mieux. Quoi qu'il en soit, les Cucurbilacées à ovaire triloculaire et à loges polyspermes forment un groupe si nombreux, que c'est certainement avec raison qu'on lésa réparties dans un assez grand nombre de genres qui devront, pour la plupart au moins, être conservés, mais dont il faudra généralement modifier les diagnoses, en n'y réunissant que les espèces dont l'uniformité de structure est évidente. En procédant

________ (1) Tel est, entre autres, le genre Euphorbia, dont les espèces offrent les plus étranges diversités de taille et d'aspect. Quelle distance, par exemple, entre VEuphorbia chamœsyce et l'E. melnformis, ou ces gigantesques Euphorbes cactoïdes de l'Afrique centrale, dont les troncs séculaires le disputent en grosseur à ceux des Baobabs ! Les espèces des genres Cucurbila, Cucumis, Citrullus, Ecbalmm, Benincasa, Bryonia, Coccinia, Luffa, Momordica, Lagenaria, Trichosanlhes, etc., se ressemblent infiniment plus que ces différentes Euphorbes, et elles ne s'éloignent pas beaucoup plus les unes des autres par la structure de leurs Heurs et de leurs fruits. Les caractères génériques par lesquels on les sépare sont en réalité très secondaires, et c'est ce qui explique comment la plupart de ces espèces ont successivement passé par plusieurs genres avant d'arriver à la place où elles doivent rester définitivement.


[9]

ainsi on formera des groupes, peut-être faiblement caractérisés comme genres, mais certainement très naturels. Tel sera, je l'espère, celui des Cucumis, limité aux seules espèces décrites ou indiquées ici, et formulé dans la diagnose suivante d'où j'exclurai, autant que possible, les caractères qui leur sont communs avec tous les autres genres du même groupe.

CUCUMIS.

Cucumeris species Linnœi et auctorum. Rigocarpus Nesker.

Calyx florum masculorum tubuloso-campanulatus. Stamina 3 libera, duo integra bilocularia, alterum dimidiatum uniloculare; antherarum loculis flexuosis; connectivo supra lóculos in appendiceli! papillosam bilobam bifìdamve (in stamine dimidiato simplicem) producto; polline lsevi, sicco ovoideo trisulco, humefaclo globoso porisque tribus dehiscente. Stigma (e tribus partialibus confeclum) obtusum, sphseroideum.

Herbœ annuœ aut radice crassa perennantes, in locis aprìcis regionum calidarum fere tolius orbis indigena?, quœdam efferata; flagellis humifusis [ut videtur raro et forlassis nunquam scandentibus), asperis hispidisve; cirrhis simpiicibus; foliis palmato-2>- b-l-lobis dissectisque dissectisque, interdum omnino reniformibus, margine crenulatis aut denticulaiis ; floribus moncecis (forlassis et abortu diœcis), luleis; masculis in axiliis foliorum solitariis aut sœpius abbreviamone pedunculi communis fasciculatis ; femineis solitariis ; pepone inermi aut echinato; seminibus ovalibus, magis minusve compressis compressis, sœpius immarginatis immarginatis, spurco-albis aut (laventibus.

Aucun des caractères quej'assigne ici aux Cucumis ne leur est exclusivement propre; il n'en est pas un qui ne se retrouve dans quelqu'un des autres genres voisins voisins, mais les Cucumis sont les seules Cucurbitacées où ces caractères soient réunis. Le plus distinclif de tous, celui qui est pour ainsi dire déterminant, est le prolongement du eonnectif au-dessus des anthères, où il forme une sorte d'appendice papilleux très remarquable. Les vrilles ont aussi une certaine valeur comme caractère de genre;


[10]

elles sont toujours simples ici, et souvent même assez peu développées, eu égard à la longueur des sarments. J'ajoute que le port, malgré les grandes diversités d'aspect que présentent les feuilles, est à peu près le même dans toutes les espèces du genre et suffit souvent à un œil exercé pour le faire reconnaître au premier abord.

Nous ne connaissons encore qu'une partie des espèces du genre Cucumis, car sans parler de celles qui restent probablement à découvrir, il en est plusieurs que je n'ai fait qu'entrevoir, parce qu'elles n'existent dans les herbiers qu'à l'état d'échantillons fort incomplets. D'autres encore, qui sont mentionnées par les auteurs, me sont totalement inconnues. Celles qui sont décrites ici peuvent être réparties en deux groupes assez naturels, caractérisés, l'un par des fruits armés d'aiguillons ou de piquants, l'autre par des fruits simplement velus ou tout à fait glabres ; mais cette division perdra de sa valeur lorsqu'il se présentera, comme je n'en doute guère, des espèces intermédiaires, c'est-àdire dont le fruit sera hérissé de poils accrescenls déjà trop gros ou trop fermes pour être considérés comme de simples poils, et cependant trop menus ou trop mous pour pouvoir être rangés parmi les aiguillons.

A. Cucnmeres fructibiis spinosis, muricatis aut saltem tnbcrculatis^

Cucumis metuliferus

1. CUCUMIS METULIFERUS.

C. metuliferus E. Meyer (ubi descriptus? ). — Linnœa, t. X I I (1 838), p. 406. — Cal. hort. imts. Par., quolannis.

C. annuas, ramosissimus, intense virens; flagellis angulatis, hispidissimis ; foliis paimato-trilobis, basi cordatis, lobis angulatis ; ovario pilis jam robustis et fere spinuliforniibus muricato ; pepone obtuse trihedro, tuberculis crassis conicis acerrime spinosis armalo, maturo intense coccineo, pulpa virente, sapore cucumerino non amaro.

Speciem, ut creditur ex Africa australi oriundam, in herbariis nunquain vidimus. Jam mullos annos colilur in horto Parisiensi.


[11]

Flagella sesquimetralia et quod excetlit. Folia 5-7 centim. longa et lata, propemodum in formam foliorum Cucumeris salivi conflata sed multo minora lobisque minus produclis. Flores utriusque sexus pro plantas statura pauci; fœminei saspius in ramulis secundariis axillares, florum Melo- Melonis magnitudine fere nis œmuli. Pepo ovo gallinaceo vix major, ulrinque obtusus, manifeste trihedrus, spinis crassis, distanlibus, cenlimetrum longis, apice indurato pungentibus-echinatus, maturatione intense r u b e r ; pulpa semifluida, pallide virente, subacidula id est sapore Cucumeris sativi. Semina obsolete marginata, spurco-alba.

Cette curieuse espèce n'a, que je sache, été décrite nulle part; et comme je n'en ai vu aucun échantillon récolté à l'état sauvage, j'ignore sur quel fondement on s'appuie pour l'attribuera l'Afrique australe (1). Jusqu'ici elle reste la plus distincte du genre, n'ayant d'affinité spécifique avec aucune autre espèce connue, et ne manifestant non plus aucune tendance à varier. Ses feuilles anguleuses, et surtout ses fruits si caractérisés, la feront toujours aisément reconnaître.

Cucumis anguria

2. CUCUMIS ANGURIA.

C. AnguriaUnn., Spec. 1 446.— Willd., Spec, 64 2. — Seringe, in DC. Prodi-., I l l , 3 0 1 .— Schknhr, Handbuch, III, 297. — Roemer, Synops. monogr., II, p. 79.—Vellozo, Fior, ftumin., X, tab. 84. — Gilii et Xuarez, Osservai, fitolog., pars prima, p. 58, tab. 9. — Descourtilz, Fior. Ant., t. V, p. 97, pi. 329. — Vélins du Mus., t. LXI, tab. 18.

C. echinatus Mœnch, Method., 654.

C. angurioides Rœm., loc. cit.

(4) Peut-être est-ce le C. metuliférus qui a été, à diverses reprises, rencontré par M. Livingstone dans ses pérégrinations à travers la Cafrerie. Je lis dans une note extraite de ses voyages [Livingstone's missionary Travels, ole.) par le docteur Lindley, et insérée dans le Gardeners' Chronicle (année I 858, p. 486), la phrase suivante : « The plant to which I at present refer is one of the Cucur- » bilaceœ, which bears a small scarlet-coloured eatable Cucumber. » Dans un autre endroit de son livre, il parle encore d'une Cucurbitacée dont le fruit, rouge écarlate, est long de quatre pouces sur un pouce et demi d'épaisseur, et qui est indifféremment doux ou amer, comestible ou vénéneux. Je regrette que le docteur Livingstone ne soit pas plus explicite à ce sujet, ce qui permettrait peut-être de lever les doutes relativement à l'habitat du C. meluliferus.


[12]

C. sylvestris americanus, Anguria folio Plukenet, Phylogr., 1.1, part. 2, lab. 470, 6g, 3.

Anguria americana, fructu echinato eduli Tournef.. Instit. rei herb., p. -106, tab. 33. — Miller, Icônes, p. 22, lab. 33.

Guarerva Oba, seu Cucumer asininus Pison, p. 264. ? Cucumis echinatus, Colomjnthidis folio Hermann, Parad. bal., tab. 134.

Non C. Anguria Reusch.

C. annuus; jlagellis angulalis, asperis; foliis sublus villoso-, hispidulis, profuncle 5-lobis, lobis interdum sed potissimum intermedio lobulatis, omnibus obtusis, sinubus rolundatis; floribus femineis longe pedunculalis, ovario muricato; peponibus ovoideis, rigide aculeolalis, pulpa acidula aut insìpida non autem amara.

Habitat in Antillis et America continente tropica et subtropica, prsesertim orientali, ibique frequens in olitoriis colitur. In Brasilia, circa Bahiam (Blanchet, n. 1010, in Herb. Deless.); Antillis (Plée,Herb. Mus. P a r . ) ; imperio Novo-Granatensi (Moritz, n. 17Z|3, et Triana, n. 5137, in Herb. Mus. Par.); Florida australi, circa Key West (Rugel, in Herb. Mus. Par.).

Species patria americana, ubertate et fructuum edulium sapore cucumerino insignis. Flagella modice ramosa, sesqui-bimetralia, angulata, aspera, pennam anserinam crassitie œquantia aut etiam crassiora. Folia 8-1 ti centim. longa et fere tantumdem lata, sœpe minora, profunde 5-loba, lobo intermedio obovato, nonnunquam sub apice trilobulato, pagina superiore asperula, inferiore villosiore et hispidula. Flores masculi solitarii-terni aut plures, pedunculis filiformibus ; feminei floribus Cucumeris Meìonis magnitudine subasquales, pedunculis cylindricis robustis prò genere longissimis (id est sesquidecimetrum ssepe metientibus) suffulti. Pepones ovoidei, ovum gallinaceum crassitudine vix non a3mulantes, aculeolis robustis rigidisque echinati, unicolores aut longitudinaliter fasciati, maturalione pallide flaventes. Caro albapulpaquedulcis coctae comedunlur.

Le C. Anguria est un nouvel exemple de ces anomalies de géographie botanique par suite desquelles des genres 1res naturels se trouvent dispersés sur de grandes étendues de pays et scindés par de larges mers. On pourrait dire cependant que, par son fruit épineux, il se rattache à ses congénères d'Afrique dont il est


[13]

l'analogue le plus occidental, Je dois avouer même que j'ai douté quelque temps qu'il fût bien d'origine américaine, el que je l'ai supposé avoir été introduit d'Afrique dans le Nouveau monde par les nègres, ainsi que cela est arrivé pour beaucoup d'autres plantes qui s'y sont naturalisées. Cependant, comme je n'ai trouvé dans les herbiers aucune espèce africaine de Cucumis qui pût être identifiée avec lui, et que d'un autre côté il est indiqué dans les plus anciens auteurs qui ont traité des plantes d'Amérique, je le tiens aujourd'hui pour une espèce véritablement indigène de cette partie du monde; fait qui n'est, après tout, pas plus étonnant que celui de la présence de deux Cucurbita (C. perennis et C. digitata) dans l'Amérique du Nord.

La pulpe du fruit, dont la taille et la forme varient quelque peu, n'est nullement amère; quoique douée d'une légère âpr'eté, au moins dans les échantillons que nous avons récoltés au Muséum, elle se rapproche beaucoup de celle du Concombre, à laquelle cependant elle reste inférieure; aussi la plante est-elle considérée comme potagère dans une grande partie de l'Amérique et elle y est fréquemment cultivée. D'après ce que nous a dit M. Triaua, elle est commune à la Nouvelle-Grenade, où les fruits sont d'un usage vulgaire clans l'alimentation. Un seul pied, cultivé au Muséum en 1858, de graines que nous avait données M. Vilmorin, a produit une centaine de fruits parfaitement mûrs. Cette abondante production, jointe à l'innocuité des fruits, pourrait la faire introduire dans les jardins potagers de l'Europe ; il semble même qu'on en ait tiré, sous ce rapport, quelque parti en Italie, dans le siècle dernier, comme nous rapprennent Gilii et Xuarez, dans un opuscule, aujourd'hui fort rare (Osservazioni filologiche, etc.) et qui fait partie de la bibliothèque de M. Delessert et de celle de l'Institut,

C'est à tort que Seringe trouve au C Anguria de grandes affinités avec le C. Prophetarum. 11 ne connaissait certainement ni l'une ni l'autre de ces deux espèces. Les seules avec lesquelles on pourrait êtreexposé à le confondre sont leC. Finora, d'Abyssinie, et le C. africanus, du Cap de "Bonne-Espérance : mais dans le premier, la racine est vivace et l'aspect assez différent; dans le


[14]

second, les feuilles sont plus petites et beaucoup plus découpées, et dans tous les deux les fruits sont amers. Jusqu'ici l'espèce américaine me parait parfaitement tranchée et facile à distinguer aux caractères que je lui ai assignés plus haut. Comme la plupart des espèces-du genre, elle offre cependant des variations assez sensibles : ainsi les feuilles peuvent en être plus grandes ou plus petites, les lobes plus larges ou plus étroits, etc.; mais la différence la plus notable que j'aie observée entre les divers individus est dans la longueur du pédoncule, qui, démesurément long dans la plupart, peut cependant se raccourcir au point d'être de même longueur ou même plus court que le fruit. Ce dernier a communément la taille d'un œuf de poule; il est quelquefois bariolé dans le sens longitudinal de bandes alternativement vertes et jaunâtres, mais il parait plus fréquemment unicolore, et dans ce cas la teinte en est le jaune très pâle, presque blanc, surtout dans les fruits qui ont mûri à l'ombre. Forskal, dans sa Flore d'Egypte et d'Arabie, mentionne en quelques mots un C. Anguria qui croîtrait à la Mecque. Sa description, qui se borne à ceci : « Folta tripartito-dentata. Fructus echinatus ovalis, » peut s'appliquer à plusieurs espèces du genre. J'ai tout lieu de croire cependant qu'il s'agit ici du C. Prophetarum, si commun dans toute l'Arabie, et nullement de l'espèce américaine. •

Cucumis prophetarum

3. CUCUMIS PROPHETARUM.

C. Prophetarum Linn., Spec, 4436. — Amœnilales acad., IV, 295. — Non C. Prophetarum Jacq. nec posteriorum.

C. arabicus Delile, in Cat. Hort. monspel.

C. amarus Stocks, in Herb. Hook.

? C. Anguria Forsk., Fior, œgyptiaco-arabica, p. 4 68. C.annuus, ramosissimus,pro genere microphyllus, totus albens aut cinerescens, undique scabrellus; flagellis angulatis, ad nodos geniculalis; foliis rigidulis, palmato-S-o-lobis; cirrhis brevibus; peponibus ovoideis, aculeolatis, maturatone flaventibus; pulpa amara aut amaricante.

In Ægypto, secus littora Maris rubri (Figari); Arabia petraea, loco


[15]

dicto Wadi Rebran (Schimper, Botta); in Monte Sina et circa urbem Mascate (Aucher-Éloy, Herb. d'Or., n. 2857 et /1503); in Arabia felici, prope Aden (Thomson); Africa centrali, prope Kouka (Vogel). Reperitur etiam in provincia Scinde Indise orientalis (Jos. Dalt. Hooker).

Planta in locis aridioribus aut petrosis pusilla, in solo fertili auteui multo vegetior et tune orbem diametro bimetralem ramisque intricatis dense foliosum explens. Flagella gracilia, angulata et striata, ad nodos haud inconspicue geniculata, scabra et albida. Folia multiformia, nunc sed rarius fere ovata et cordiformia, saapius 3-loba, margine denticulalo crispula, rigidula, tactu aspera, magis minusve albentia, erecta, 2-ù centim. longa et lata ; sinubus inter lobos rotundatis, petiolo fragili. Flores fœminei ut videlur pauci, in diebotomiis ramorum solilarii, longiuscule pedunculati, floribus Cucumeris Melonis magnitudine vix non asquales, ovario subtiliter muricato ; masculi fœmineis minores, axillares, solitariilerni aut plures ; omnes sulfurei. Pepones ovum columbinum, rarius gallinaceum, crassitudine semulantes, aculeolis robuslis sed non aut vix pungentibus armati, fasciis decem alterna tini viridibus et albis longitudinaliler variegati, demum undique flaventes ; carne (saltem in speciminibus cultis) amaricante non autem amarissima.

Ce n'est pas sans surprise que j'ai reconnu que cette espèce, si différente de celle à laquelle nous étions habitués à donner le nom de C. Prophetarum, est cependant le véritable C. Prophetarum de Linné. L'examen que j'ai fait, en compagnie de M. Joseph Dalton Hooker, de l'échantillon authentique de l'herbier de Linné, qui est devenu, comme on sait, la propriété de la Société linnéenne de Londres, ne m'a laissé aucun doute à ce sujet. J'ajoute que la description du C. Prophetarum par le célèbre botaniste suédois, tout incomplète qu'elle est, s'applique parfaitement à cette espèce, tandis qu'elle ne convient nullement au prétendu C Prophetarum de Jacquin. La méprise de ce dernier s'est toutefois si bien accréditée que, depuis lui jusqu'à ce jour, l'espèce linnéenne, quoiqu'elle ait de temps à autre reparu dans les jardins, n'a jamais été reconnue. C'est elle que le professeur Delile, qui la cultivait à Monlpellier, désignait dans ses catalogues sous le nom de C. arabicus, et à laquelle le botaniste Slocks a plus récemment donné celui d'amarus.

Variable comme la plupart des espèces du genre, l e C Prophe^


[16]

tarum reste cependant fort distinct et ne saurait être confondu avec aucun autre. Un des caractères qui le font le mieux reconnaître au premier abord est la teinte grise ou même blanchâtre de ses feuilles, qui est due aux fines aspérités dont elles sont couvertes. Ces feuilles n'ont ordinairement guère plus de 2 à k centimètres de long et de large, souvent même elles sont plus petites, mais elles ont presque le double de ces dimensions dans un fort bel échantillon rapporté par Vogel de l'Afrique centrale (Kouka), et qui fait partie de l'herbier de sir William Hooker. Par la diversité de leurs formes elles rappellent assez bien les variations que nous observons dans celles des Melons, mais elles sont plus fréquemment à trois lobes qu'à cinq, et ces lobes, variables dans leurs proportions relatives, sont quelquefois eux-mêmes lobules. Nous savons déjà que cette mobilité des formes est propre à beaucoup de Cucurbitacées, surtout à celles dont l'aire géographique est fort étendue.

Nous cultivons depuis quelques années le C. Prophetarum, de graines qui nous ont été envoyées du Caire par M. Figari-bey. 11 s'est montré franchement annuel ; mais je dois dire que dans certains échantillons de l'herbier de sir William Hooker la racine semblerait assez grosse et assez ligneuse pour vivre plus d'une année. Cette espèce serait-elle annuelle ou vivace suivant les lieux et les climats? C'est ce que je ne saurais dire, mais le fait ne me semble pas impossible.

Cucumis figarei

4. CUCUMIS FlGAREI.

C. Figarei Delil., in Cat. Hort. Monsp. — C. ficifolius Ach. Rich., in Tent. Fior. Abijss., t. I, p. 294, tab. 53 bis. — C. abyssiniens ejusd. loc. cil:.

C. radice perennans, totus intense virens et scaber; flagellis ramosis, gracilibus, angulatis; foliis 3-5-/o6w, rarius 1-lobis, lobis obtusis (raro acutis).sinubus rotundatis; floribus fœmineis quam masculi majorions, ovario pilis basi incrassalis muricato; pepane echinato aut pustulato, inmaturitaie flavenle, pulpa amara.

Habitat in Nubia (Delile) ; Abyssinia, lucis depressis montosisque ad


[17]

altiludinem bis mille metrorum (Schimper, Quartin-Dillon, Petit, Rochet d'Héricourt) ; Arabia Felici (Botta).

Planta adeo polymorpha ut vis in unam eamdemque speciem ejus varietà tes coadunandas quis credat. In omnibus solus servatur character radiéis fusiformis e collo flagella quotannis emittenlis. Singulatim quas nobis innotescunl hie describentur, scilicet :

a. C. Figarei ficifolius, omnium maximus; (lagellis á-ã ã-metralibus ; -foliis 3-5-lobis, '10-12 centim. longis et latis, lobis obtusissimis, Ficus Caricai foliorum magnitudine forma et vestitu fere aemulis ; floribus foemineis pedúnculo longo, robusto, haud raro decimetrali suffullis ; pepone ovum gallinaceum crassilie subsequante, sparsim tuberculato aut rarius echinato, nonnunquam tuberculis obsoletis fere omnino inermi. Variat etiam fructuum pedunculis 3-15-centimetralibus. —I n tota Abyssinia ut videtur frequens (Schimper)-, occurrit quoque in Arabia Felici (Botta).

b. C. Figarei microphyìlus microphyìlus, pro , specie pusillus, scaberrimus; flagellis semimetrum longis, foliorum forma magnitudine et colore Cticumcrem Prophetarum Linn. (non Jacq.) fere mentiens ; pepone ovum columbinum vix excedente, muricato aut tuberculis tenuibus subobsolelis punctulato, pedúnculo circiter longitudine fructus aut etiam breviore. — In petrosis aridis Abyssinite (Rochet d'Héricourt).

c. C. Figarei cyrtopodus ; foliis ut plurimum (lobo intermedio lobulato) 7-lobis, 6-8 centim. longis et latis, villoso-hispidis, lobis obtusis rotundatisve; floribus foemineis pro specie parvis, axillaribus, pedúnculo gracili brevissimo (id est 2-10 millim. longo) suffultis, ovario hispidulo ; pepone (nondum adulto) vix muricato. Fortassis species propria est, sed foliorum forma et radice fusiformi cum caiteris varietatibus convenit. — In Abyssinia, locis dictis Kiéa et Scholoda (Quartin-Dillon et Petit).

d. C. Figarei echinophorus echinophorus. Folia 3-5-loba, lobis sinubusque rotundatis, foliis varietatis a forma respondentia sed illis ut plurimum minora et colore subcinerescente nonnihil dissimilia. Flores foeminei quam in illa etiam multo minores, pedunculis longis gracilibus insidentes; ovario setis densis longis (fere ut in Cucumcre dipsáceo) hirsuto. Pepones magnitudine ovi columbini, longe echinati; pedúnculo Zi-6-eenlimetrali. — In Arabia Felici (Botta).

e. C. Figarei disseclus. Flagella quam in praocedentibus graciliora. Folia magnitudine varia, fere usque ad basim limbi in lobos 5 angustos cunéalos inlerdumque sublineares apice denticulatos et sa;pe acutos divisa; lobo intermedio lateralibus productiore sajpius lobulato. Pepones


[18]

ovum columbinum crassitudine œquantes aul superantes, longe echinusati, pedúnculo gracili 3-6-centimelrali suHülti.-— Prope pagum Gœulleb, secus ripas fluminis Tacazé (Schimper).

J'ai longtemps hésité avant de réunir ces cinq variétés, si dis— lemblables entre elles au premier abord ; mais après avoir observé ce qui se passe dans d'autres espèces du genre, et tenant compte des formes intermédiaires qui les relient les unes aux autres, je ne puis faire mieux, pour le moment, quédeles considérer comme toutes issues d'un même type originel, n'affirmant pas toutefois qu'une étude comparative faite sur les plantes vivantes, et éclairée par le croisement, n'oblige pas quelque jour à en séparer une ou deux comme espèces distinctes. Celle sur laquelle je conserve le plus de doutes est la variété cyrtopodus dont Achille Richard a fait ses C. ficifolius et abyssiniens, tout en la confondant avec les autres variétés. La brièveté des pédoncules des Heurs femelles et la finesse des poils qui revêlent les ovaires et les jeunes fruits, et qui semblent ne pas devoir se convertir en aiguillons ni en tubercules, me porteraient volontiers à en faire une espèce à part ; malheureusement, sur aucun de nos échantillons il n'existe de fruits adultes. D'un autre côté, l'aspect général de la plante rappelle celui de la variété ficifolius ; les feuilles en sont cependant un peu plus profondément lobées : mais nous savons par expérience que, dans les Cucurbitacées en général, et dans le genre Cucumis en particulier, ce caractère n'a pour ainsi dire aucune valeur. Cette forme est à examiner de nouyeau.

La variété dissectus paraît, au premier abord, plus éloignée encore du ficifolius, et cependant je crois pouvoir l'y rattacher avec plus de certitude que la précédente. Si l'aspect en est tout autre, en revanche les fleurs femelles et les fruits adultes diffèrent à peine de ceux de celle variété. Ils sont seulement un peu plus petits et plus épineux. Il existe au surplus une forme à peu près intermédiaire entre les deux, et qui me parait justifier leur réunion sous un même nom spécifique, au moins jusqu'à ce qu'une observation plus complète vienne lever tous les doutes à ce sujet. Il en sera de même de la variété echinophorus, qui qui, avec les


[19]

légères différences que j'ai signalées dans sa description, se rapproche de très près du fîcifolius proprement dit. Quant à la variété microcarpus, qu'au premier abord on pourrait très aisément confondre avec le C. Prophetarum, dont elle a la petite taille et l'aspect général, une épreuve décisive a tranché la question. Des graines tirées d'un fruit bien conservé de cette variété ont été semées en 1858; j'en ai obtenu plusieurs plantes qui, bien que sous une taille un peu réduite, ont reproduit toutes les formes de la variété ficifolius, qui est le type, ou, si l'on aime mieux, la forme la plus commune et la mieux connue de l'espèce et celle que nous cultivons au Muséum depuis plusieurs années. Les graines nous en ont été apportées par Rochet d'Héricourt, au dire de qui la racine de la plante passe en Abyssinie pour le spécifique de la rage. Malheureusement, des expériences faites à Paris par les soins de l'Académie de médecine n'ont pas confirmé cette propriété. Le Cucumis Figarei n'est rien de plus qu'un violent purgatif, comme toutes les Cucurbilacées à sucs amers; encore sous ce rapport semble-t-il devoir être inférieur à la Coloquinte officinale, dont l'amertume est beaucoup plus prononcée.

Il y a plus de vingt ans que le C. Figarei est cultivé à Montpellier, où il paraît avoir été introduit par le professeur Delile. Nous avons dù lui conserver le nom que ce botaniste lui avait donné, et sous lequel il l'annonçait tous les ans dans les catalogues du Jardin botanique de cette ville.

L'espèce dont le C. Figarei semble se rapprocher le plus est le C. Prophetarum de Linné (non celui de Jacquin); cependant les nombreux essais de croisement que j'ai tentés entre ces deux plantes ont toujours été infructueux. J'ai fait nouer plusieurs fois les ovaires du C. Figarei à l'aide du pollen des C. mijriocarpus et satims, mais les fruits ainsi obtenus, quoique bien développés et mûris, n'ont jamais contenu de graines embryonées. J'ai observé en 1857 un vigoureux pied de la variété ficifolius qui manifestait une tendance prononcée à la monœcie. C'est à peine si je pus y découvrir sept à huit fleurs maies dans tout le courant de l'été, tandis que les fleurs femelles s'y montrèrent au nombre


[20]

de plusieurs centaines et probablement de plus de mille. Cette plante fut entièrement stérile; j'en obtins cependant un fruit unique, mais dépourvu de graines, dont la fleur avait été fécondée artificiellement par le pollen du C. myriocarpus. La même expérience avait déjà été faite en 1856 et avec un résultat tout semblable.

Cucumis africanus

5. CUCUMIS AFRICANUS.

C. afriemms Linn. fil., Suppl., 423. —Seringe, in DC. Prodr., III, 301. — Rocm., Synops. monogr., I I , p. 78. —Thunberg, Prodr. fior. Cap., 36. •—• Schrad. in Linnœa, X I I (anno -1 83S), p. 416.

C. africanus echinalus major, vulgo hystrix vegetabilis; Hermann, Farad. bal. t p. 138; ut videtur non C. echinalus Colocynthidis folio Herm. loc. cil, tab. 134.

Non C. africanus Lindi., in Bot. Reg., tab. 980.

C. animus? totus scaber; flagellis angulatis ; foliis profunde 5-lobis, lobis {liaucl raro lobulatis) sinubusque rotundatis, lobo intermedio lateralibus longiore; peponibus ovoideis, echinatis, magnitudine ovi columbini; pulpa amara, fortassis nonnunquam didci.

In Africa australi; Porl-Nalal (Drege, in Herb. Deless.; Pappe, in Herb. Hooker.).

Radix, si Hermannio creditur, annua. Folia i-5 centira. longa, paulo longiora quam latiora, in lobos magis minusve profundos apice rotundatos dissechi dissechi. Fructus ut videtur pauci, . echinati, sapore amaro (Hermann) aut dulci (Schrader).

J'aurais peut-être dû reléguer cette espèce parmi les Incertæ, car elle est effectivement une des plus mal connues du genre et une des plus difficiles à déterminer. Cependant, ayant trouvé dans les herbiers de sir William Hooker et de M. Delessert quelques échantillons de l'Afrique australe auxquels semble s'appliquer assez bien la description détaillée d'Hermann, j'ai cru devoir en dire quelques mots, ne fut-ce que pour appeler sur elle l'attention des botanistes auxquels les circonstances permettront de l'examiner avec plus de succès. Par suite du peu de ressources


[21]

quej'ai trouvées dans les herbiers et des discordances des auteurs qui en ont parlé, je ne puis même savoir si la plante que Linné fils appelait*?, africanus était identique avec celles d'Hermann, car ce dernier distingue deux formes différentes, et si toutes trois ou seulement l'une d'elles sont les mêmes que la plante de Thunberg ou celle de Schräder. Rœmer paraît n'être pas éloigné d'identifier les6\ africanus echinatus majorai C. echinatus Colocynthidis folio d'Hermann avec le C. Anguria, et cela probablement parce que Schräder déclare que la pulpe du fruit, dans le C. africanus, est douce et non point amère. Je ne puis, pour ma part, me ranger à l'opinion de Rœmer, d'abord parce qu'une des deux plantes d'Hermann est africaine, ensuite parce que, malgré l'opinion de Schräder, le fruit en est très amer. Hermann est fort explicite à ce sujet, ainsi qu'on en peut juger par ses propres expressions : « Vint catharticam possidere hanc Plantavi Plantavi, ex insigni ejus acredine et amaritie, Colocynthidis instar, faucibus diu inhœrenle et nauseami procreante, atque etiam odore viroso forsan non temere judicatur. »Y aurait-il là plusieurs espèces confondues par les auteurs, ou bien la même espèce offrirait-elle un nouvel exemple de cet étrange polymorphisme qui est commun à plusieurs de ses congénères? C'est ce qu'il me paraît à peu près impossible de décider avec les seuls matériaux qui sont actuellement à notre disposition. Néanmoins, j'incline à croire qu'Hermann n'a pas su distinguer deux espèces certainement différentes, et que son C. echinatus Colocynthidis folio qu'il n'a vu que cultivé, qui différait du C. africanus echinatus major que par des fruits beaucoup plus grands et dont on ignorait l'origine (hune inter Melones in horto mar esiano adolescentem observavi, qui tantum fructibus longe majorions a superiori specie differebat. Semina unde aliata erant incomperlum est. Herrn., loc. cit.), n'était pas autre chose que le C. Anguria, qui a été introduit déjà assez anciennement en Europe.


[22]

Cucumis myriocarpus

6. CUCUMIS MYRIOCARPUS.

C. Prophetanm Jacq. Hort. Vindob., tab. 9. — Blackw. Herb., ta.b. S89. — Schkuhr, Handbuch, III, p. 297, tab. 31 5. — Seringe, in DC. Prodr., I I I , 301. — Spach, Hist. végét. phanér., t. VI, p. 2I2. — Non C. Prophetarum Linn.

C. annuus, -pro genere micranthus et microcarpus, fructuum feracissimus feracissimus; flagellis redis, subteretibus ; foliis viridibus, 3-5-7- lobis, lobis sinubusque rolundatis; fructibus subglobosis, moîliter echinatis, caducis; pedunculo gracili; pulpa amara.

Habitat in Africa australi. Specimina vidimus in Herbario Hookeriano foliis profunde 7-lobis insignia, prope Somerset et secus (lumen Fat River, in regione capensi collecta (Burke, Bowler). Fortassis quoque in Arabia et Africa septentrionali indigenus est. Flagella bimetralia et amplius, non manifeste angulata, crassitudine circiter calami scriptorii, passim radicantia. Folia erecta, viridia, ut plurimum 5-loba, Zj-8 centim. longa, fere tantumdem lata ; lobis duobus inferioribus nonnunquam subobsoletis , omnibus obtusis rotundatisque, intermedio cœteris latiore et productiore ; pagina superiore fere glabra, inferiore pilis rigidulis setulisque exasperata exasperata-, -, petiolo circiter decimetrali. Flores masculi axillares, fasciculati aut solitarii, floribus Rrrjonice dioicœ minores; fceminei nunquam e flagellis primariis sed e ramulis la- laternlibus orti, ternlibus in axillis foliorum solitarii, pedunculo filiformi circiter centimetrali suffulti, ovario setis remotiusculis horrido. Pepones in planta adulta numerosissimi (haud raro quadringenti et quingenti), vix non omnino globosi, baccam Ribis Grossularia! paulosuperantes, setis crassis mollibus echinati, longitudinaliter fasciis viridibus alternatim dilutioribus et saturatioribus variegati, demum pallide flaventes et in tempore maturationis a pedunculo debili sponte secedentes. Pulpa incolor fere aquea et amara. Planta in hortis fréquenter colitur.

Cette espèce, aujourd'hui si commune dans nos jardins botaniques, où elle porte depuis Jacquin le nom de C. Prophetarum, semble avoir été confondue par Linné avec le C. Anguria, au moins à en juger par un échantillon unique et très incomplet de son herbier. A part l'erreur qu'il a commise en la prenant pour


[23]

le C. Prophetarum de Linné, Jaoquiri l'a décrite et figurée très exactement dans VHortus Vindobonensis. Conformément à la loi qui règle la nomenclature botanique, j'ai dû rendre à la plante de Linné le nom qui lui appartient, et chercher pour celle deJacquin une dénomination nouvelle. Je n'en ai pas trouvé de plus convenable que celle de myriocarpus, qui fait ressortir un de ses caractères les plus saillants, cl, qui suffirait à lui seul pour la faire distinguer au premier coup d'reil de toutes ses congénères. Si l'on se rappelle en outre que les pédoncules des fruits sont ici très grêles, presque filifoi mes, et que les fruits, même avant leur maturité, s'en détachent à la moindre secousse, il ne sera plus possible de la confondre avec aucune autre. C'est effectivement une des espèces les mieux caractérisées du genre, et probablement une de celles qui varient le moins. Elle en est aussi une des plus rustiques, car, à Paris, .elle se sème d'elle-même et reparaît tous les ans sur les terrains vagues du Muséum où ses fruits ont été abandonnés l'année précédente. Jacquin avait: fait la même observation à Vienne, vers le milieu du siècle dernier.

Cucumis dissectifolius

7. CUCUMIS DISSECTIFOLIUS.

C. flagellis gracilibus, angulatis, ad nodos vix aut minime geniculatis, glabellis aul sparsim basi pilorum persistente exasperatis ; foliis profunde palmaio~5-l-lobis, lobis sœpius angustis lobulatis dentatisque acutis, sinubus autem rotundatis, lobo intermedio cœteris ut plurimum multo productiore, pagina superiore villosa aut glabrata, inferiore flirto flirto-scaberrima ; peponibus ovoideis, molliter muricatis.

Habitat in Africa australi; prope Graham Town (Ward)et secus ripas fluminis dicti Mooye Rivier (Burke, Gat., n. 276 et A88). Sicca specimina tantum vidi in Herbario Hookeriano.

Planta mihi non satis nota, sed a reliquis ut videtur diversissima. Flagella metrum excedentia (nonne potins multimetralia?), cirrhis 1 0 - 1 5 centim. longis insignia ideoque fortassis scandentia. Folia petiolo breviusculo suffulta mirum in modum variant : in lobos 5 vel 7 divergentes profunde dissecta sunt qui lobulis acutis dentibusve magnis instructi


[24]

in acumen desinimi, sinubus omnibus rotundalis. Nec minus inter se discrepant magnitudine; quœdam enim h centim. vixmetiuntur, dum alia decimetrum longitudine multo excedunt. Nervi in pagina superiore pube densa albicante obducti primo intuitu quasi marmorati videntur, sed occurrunt etiam omnino glabrati ; in inferiore setis rigidis ssepius horrescunt. Flores masculi fasciculati aut solitarii, adspectu omnino cucumerini ; fœminei solitarii, axillares, floribus Cucumeris Melonis forma et statura baud absimiles, ovario tamen setis crassioribus densis rigidis jam muricato. Pepo ovoideus, ovum columbinum crassitudine asmulans, echinatus, longitudinaliter albo et viridi fasciatus, peponi Cucumeris Prophetarum fere simillimus.

Quoique je n'aie pas pu analyser les Heurs mâles de cette espèce pour m'assurer si les étamines y offrent le caractère essentiel des Cucumis, je ne doute cependant presque pas qu'elle n'appartienne bien réellement à ce genre. Je ne la connais au surplus que par des échantillons d'herbier, ce qui suffit rarement, dans la famille qui nous occupe, pour déterminer avec précision les caractères d'une espèce. Elle m'a toutefois paru fort distincte, et je ne vois pas avec laquelle des espèces décrites ici on pourrait la confondre. Les lobes généralement étroits, allongés et toujours aigus de ses feuilles, joints aux sinus toujours arrondis qui les séparent, me paraissent devoir la faire aisément distinguer de ses congénères les plus voisines. Dans tous les cas, cette espèce, ainsi que quelques autres que je n'ai fait qu'entrevoir, ne pourra être bien connue que lorsqu'on aura pu la cultiver et l'observer à l'état vivant.

Cucumis heptadactylus

8. CUCUMIS HEPTADACTYLUS.

C. radice perennami (lagellis angulalis, ad nodos geniculalis, hispidulis scabrisque ; foliis breviter petiolatis, palmato-digitatis, id est limbo fere usque ad basim in lobos 5-7 angustos divergentesque diviso; peponibus ovoideis, aculeolalis.

Habitat in Africa australi (Zeyher, Cal., n. 590 et 591), prope Colesberg secus ripas fluminis Caledon Rivier (Burke) et Port-Natal (Drege, Cat. herb., n. 8183). Sicca specimina occurrunt in Herb. Hook., Deless. et Mus. Par.


[25]

Species forma foliorum insignis, undique hispidula et scaberrima. Flagella gracilia, angulata et striata, manifeste geniculata, ut videtur parum ramosa. Folia adspectu nonnihil variabilia, absque petiolo 5-10 centim. longa, in lobos saepius 7 angustos, lineares, simplices apice, acutos, marginibus magis minusve involutos divisa; pagina superiore, quum patet, fere glabra, inferiore asperrima. Flores masculi axillares, fasciculati aut pedunculo brevi communi insidentes; fceminei flore Cucumeris Melonis vix minores, ovario pilis crassiusculis muricato. Pepo ovoideus, ovum columbinum crassitudine a3mulans aut etiam superans, longitudinaliter albo et viridi fasciatus, spinis crassiusculis non autem pungentibus armatus.

Duplex occurrit forma in herbariis, scilicet una foliorum lobis angustissimis omnino involutis et tunc quasi subuliformibus, altera lobis latiorihus nec aut vix margine involutis.

Cette remarquable espèce, qui n'a, que je sache, jamais été introduite vivante en Europe, m'est par cela même imparfaitement connue. D'après un court fragment de sa racine qui existe dans l'herbier du Muséum, je serais tenté de croire qu'elle est vivace, ce que d'ailleurs je suis loin d'affirmer. J'ignore de même si ses fruits sont doux ou amers, et surtout dans quelles limites elle peut varier. Dans tous les cas, elle paraît fort tranchée comme espèce; on la reconnaîtra surtout à ses feuilles profondément digitées.

Cucumis dipsaceus

9. CUCUMIS DIPSACEUS.

C. dipsaceus Ehrenb. — Spacb, Risi, végét. phanér. phanér., V I , p. 211. — Roem., Synops. monogr., II, p. 75.

C. Bardana Fenzl, in Kotschy, Iter nub., n" 99.

Momordica dasycarpa Hochstett., in Schimp., lier abyss., sedioli, n° 1419.

C.annuus,ramosissimus, lœte virens et quasi lutescens ; flagellis angulatis, hispidissimis hispidissimis; foliis sœpius reniformi-obcordatis, non- nonnunquam obsolete nunquam 8-5 5-lobis, -margine crenato crenato-denticulatis -; floribus fœmineis breviuscule pedunculatis pedunculatis, ovario pilis rigidulis densissimis hirsuto; pepone ovoideo-cylindrico, molliter aculeolato, unicolore; pulpa aviarissima.

Habitat in Africa orientali et centrali. Secus littora maris Rubri (Ehrenberg) ; in Abyssinia,locis depressis necnonin montibus usque ad altitudi-


[26]

nem 1500 metrorum (Schimper, in Herb. Mus. Par., n. Iki9 et l A 2 i , .— Sabathier, Rochet d'Héricourt, l. e , n. 45 et 81); in regione Kordofana, locis petrosis monlis Arasch-Cool (Kotschy, Iter nubic, n. 99).

Flagella (in plantis cultis) sesqui-bimetralia, valde ramosa et foliosa, pilis rigidis fragilibus pungentibusque armata, angulata, baud inconspicue ad nodos geniculata, calamum scriptorium crassitudine semulantia. Folia longiuscule petiolata, 8-10 centim. longa et lata, interdum majora et minora, apice ut plurimum obtusa et rotundata, rarius subacuta, basi cordata, lobis sœpius nullis aut subobsoletis, utraque pagina sed inferiore prmsertim hispidula. Flores masculi solitarii-terni aut plures, floribus Cuaumeris Melonis forma et magnitudine haud absimiles ; fœminei in ramis primariis, secundariis tertiariisque axillares, ut plurimum solitarii, rarius bini, prò magnitudine planlse pauci, peduneulo circiter centimetrali aut subnullo. Pepones cylindrico-ovoidei, capitulum Dipsaci fullonum forma crassitudine et adspectu quodammodo referentes, e -viridi lutescentes; pulpa matura semifluida, amarissima.

Le C. dipsaceus, qui doit son nom à la grossière ressemblance de son fruit avec le capitule d'un Dipsacus, est une des plantes les mieux connues et les mieux caractérisées du genre. On le cultive depuis longtemps au Muséum, et probablement dans tous les jaiv clins botaniques de l'Europe, Dans son habitus général, il a quelque chose de l'aspect de certaines variétés de Melons, mais sa teinte, d'un vert clair et tirant un peu sur le jaune, suffirait déjà, même en l'absence des fruits, pour l'en faire distinguer au premier coup d'oeil. Ses sarments, ainsi que les pétioles des feuilles, sont hérissés de poils roides, cassants, assez acérés pour s'introduire dans la peau des mains qui les manient sans précaution, et y faire naître un prurit incommode. Le fruit est tout à fait caractéristique; sa grande amertume pourrait sans doute le faire employer aux mêmes usages médicinaux que celui de la Coloquinte officinale et de VEcbalium, La seule variation que cetle espèce m'ait offerte, consistait en des feuilles plus sensiblement lobées que celles des échantillons ordinaires,


[27]

Cucumis sativus

10, CUCUMIS SATIVUS.

C. salivus Linn, et auctorum posteriorum. — Blackw., Herb., tab. 4. .— l.obel, Slirp,, 363, fig. 1 . — Dodon., Pempt., tab, 6 6 2 .— Morison, Hisl. I, lab. 6, (ig. 6. — Spach, Vëgét. phanér., VI, p. 210. — C. salivus Chiar, Forskl, Flora œgyptiaco-arabica, p. 4 69.

Nonne C. malabariensis, fruclu longo gracili, vulgo Mullen-Belleri, Rheede, Hort. Malab., VIII, tab. 6?

Gallice : le Concombre.

C. annuus, pro genere floribundus ; flagellis parum ramosis, angulatis, asperis; foliis hispidulis, palmato palmato-S-5-lobis, -lobis acutus acuminatisque; ovario sœpius fusiformi, nutricato; peponibus ut plurimum oblongis, obscure trigonis aut cylindricis, adultis nix non Semper inermibus levigatisque levigatisque; carne alba, firma, grate subacidula.

In Asia meridionali indigenus creditur, sedloco incerto.

Planta notissimi usus, a temporibus antiquissimis hortorum hospes, nunc in regionibus calidis temperatisque totius orbis propagata cocta crudaque editur. Caulis primarius in ipsa germinatione quadrangulus, Folia majuscula (id est 1 2 - 1 8 centim, longa et lata), insigniter angulakw lobata, lobo intermedio lateralibus ssepe productiore acutissimo. Flores masculi quam in Melonihus paulo majores et numerosiores numerosiores; fœminei breviuscule pedicellati, ovario pilis basi crassis rigidis semper muricato, in fructu juniore persistentibus, demum magis ac magis evanidis, ita ut pepo maturus nunc omnino lœvigatus nunc tantummodo obscure pustulatus évadât. Color ilii sœpius spurco-aürantiacus, nonnunquam albus, rarius uterque in maculas quasi marmoris intermixtas dispertitur. Placenta?, s e •minifera in nostratibus sœpius très, in varietate quadam indica quinque. Semina oblonga, immarginata, utrinque subacuta, albentia.

Le Concombre, un des légumes les plus délicats de nos jardins, paraît avoir été soumis à la culture dès les temps les plus reculés. On ne peut guère douter qu'il n'ait été connu des Grecs et des Romains (1), qui l'auront sans doute reçu des peuples de l'Orient.

(1) Voir à ce sujet ce qu'en dit M. Alph. De Candolle dans sa Géogaphie botanique raisonnée, t. II, p. 909.


[28]

Quoiqu'il ne soit mentionné nulle part à l'état sauvage, il est extrêmement probable qu'il appartient originairement à la région tropicale de l'Asie. Aujourd'hui il est répandu chez tous les peuples des pays chauds et tempérés, où quelques mois lui suffisent pour développer et mûrir ses fruits. Nulle part sa culture n'est plus en honneur qu'en Angleterre.

C'est, après le C. metuliferus, l'espèce du genre la plus uniforme dans ses caractères, cependant elle subit aussi des variations assez notables, dont il suffira d'indiquer ici les principales. Nous les réduirons à quatre, savoir :

1° Le Concombre très petit de Russie, plante hâtive, dont le fruit, de forme ovoïde, lisse et de couleur orangé terne à sa maturité, n'est guère plus gros qu'un œuf de poule. Cette forme n'a pas une grande stabilité et retourne assez souvent à la suivante.

2° Le Concombre long ordinaire, à fruits cylindriques ou obscurément trigones, lisses, d'un orangé terne, plus ou moins allongés et arrondis à leurs extrémités. C'est la variété la plus commune en tous pays. Elle donne quelques varianles qui portent sur le volume des fruits. Les plus beaux peuvent atteindre à 0 m,40 de longueur et même davantage ,40 ; ce qui me paraît, du reste, bien plus le fait d'une culture soignée qu'un véritable caractère de variété.

3° Le Concombre blanc, fréquemment cultivé à Paris, et qui se distingue à ses fruits presque blancs, généralement plus gros et proportionnellement plus courts que ceux de la variété ordinaire. Quoique assez constante, celte Corme retourne quelquefois au Concombre ordinaire, soit par croisement avec lui, soit spontanément. Une des sous-variétés les plus estimées à Paris est le Concombre blanc de Bonneuil.

4° Le Concombre du Sikkim, qui est la variété la plus remarquable par sa taille et le volume.de ses fruits. Les feuilles en sont presque aussi grandes que celles du Potiron et montrent assez souvent 7 et même 9 lobes. Les fruits, à peu près de la grosseur et de la forme des beaux melons de Cavaillon, sont ovoïdes-allongés, très réguliers, à contour arrondi et contiennent habituellement cinq placentas au lieu de trois; la chair en est blanche et


[29]

très épaisse, et la peau finement marbrée de blanc jaunâtre et de roux. Je ne connais cette variété que par un dessin colorié qui est en la possession de M. Jos. Dalton Hooker et par quelques fragments desséchés de l'herbier de Kew. D'après ce savant voyageur, le Concombre du Sikkim est cultivé dans toute l'Inde anglaise, mais particulièrement dans la province dont il porte ici le nom. C'est un excellent légume que les indigènes mangent indifféremment cuit et cru ; il serait à désirer qu'on l'introduisît dans les potagers de l'Europe. Quelques personnes croient encore que les Concombres altèrent la qualité des Melons lorsqu'ils sont cultivés dans leur voisinage, en contribuant à les féconder. C'est une erreur, comme celle qui attribuait des propriétés semblables au pollen des Courges. Les deux espèces sont si différentes par leurs caractères botaniques, que tout croisement entre elles semble impossible, et qu'effectivement on n'a jamais signalé un seul hybride né de leur rapprochement, bien que, depuis des siècles, elles soient cultivées pour ainsi dire côte à côte. C'est en vain que j'ai moi-même essayé d'en obtenir par des essais répétés d'hybridation. Les meilleures races de Melons dégénèrent avec une grande facilité, par suite d'une culture négligée ou dans de mauvaises conditions cliinatériques ; il en est même, ainsi que nous le verrons bientôt, qui, par la qualité de leur chair, autant que par leur faciès extérieur, ne diffèrent en rien du Concombre proprement dit, avec lequel on les confond quelquefois : mais c'est là un fait inhérent à la nature polymorphe du Melon, et qui n'est nullement le résultat de la fécondation d'une espèce par l'autre.

Il me paraît probable que le Mullen-Belleri de Rheede ( Hort. malab., t. VIII, p. H , pl. 6) est un vrai Concombre. Peut-être en est-ce la forme sauvage. Les Portugais de l'Inde lui donnent le nom de Pepinho do Mato.


[30]

B. Cucumeres fructibus inermîbus, pubescentibus mit glabrafis.

Cucumis hardwickii

11. CUCUMIS HARDWICKII.

C. Hardwickii Royle, Illustr. Himal., t. I, p. 2 2 0 , tab. 47, Gg. 3.

C. annuus? undiqus hispidus et scaber; foliis palmato-angulatis, basi cordatis, lobu 3 aut 5, rarius 7, acutis; ovario hirto (non muricato?) ; pepone ovoideo, lœvi, longitudinaliter aïbo etviridi variegato ; pulpa amarissima.

In India septentrionali, ubi ah incolis dicitur Puhari Indrayun, id est Colocynthis agreslis (Royle) ; in provincia Sikkim, ad altitudinem circiter 1600 metrorum (Jos. Dalt. Hooker et Thomson) ; in regione Kumaon, montibus média? altitudinis (R. Strachey et J. E. Winterbottom).

Je ne connais cette espèce que par la figure et la description, d'ailleurs très incomplète, de Royle, et par quelques échantillons sans fleurs ni fruits de l'herbier de sir William Hooker. A en juger par la figure dont je viens de parler, elle semble très caractérisée ; mais la grande ressemblance de son feuillage avec celui du Concombre laisse encore subsister quelque doute relativement à sa spécificité propre, et l'on est tenté de se demander si ce ne serait pas là la forme sauvage de cette plante si universellement cultivée. Pas plus ici qu'ailleurs, l'amertume du fruit et ses bariolures ne peuvent être considérées comme un signe absolu d'espèce, et si de nouvelles observations faisaient reconnaître que l'ovaire et le jeune fruit sont muriqués, il deviendrait très possible, presque probable, que les deux espèces n'en font qu'une.

Cucumis trigonus

12. CUCUMIS TRIGONUS.

C. trigonus Roxbg., Flor. Ind., III, p. 72°2, necnon in East India Comp. Mus Mus., tab. 4 6 3 . — Wight et Arnt., Flor. penins. Ind. or., p. 1 0 6 0 . — W i g h t , Icônes, II, tab. 497. — Rœmer, Synops. monogr., II, p. 78. — Walp., Annul. sxjsl., II, p. 2 0 1 . ,

C. pyriformis Roxbg., in East. Ind. Comp. Mus., tab. 4 6 4 .


[31]

C. pseudo-Colocynthis Royle, in Plant. Himal., Ili, p. 220, tab. 47, tìg. 2. — Roemer, (oc. cit., p. 79. — Walp., loc. cit., p. 201.

C. eriocarpus Boiss. et Noè, Diagnos. plant. nov., ser. II, fascio. 2, p. 59. — Grenier, Florida massiliensis advena, p. 30.

C. villosus Boiss. et Noè, olim in Litt.

C. radice perennans, undìque scaber ; flagellis passim radicantibus, gracilibus, facile sesquimetralibus, parum ramosis ; cirrhis brevibus; foliis intense viridibus, multiformibus, 3-5-7/oòù, rarius dissectis, scepìus fere rotundatis; floribus fosmineis paucis, quam masculi majoribus, ovario pilis longis densis haud raro lanatis obducto, nonnunquam villoso - sericeo ; pepone parvo, gradativi calvescente, pulpa amara.

Frequens in India tam septentrionali quam meridionali, occidentem versus ad Persiani Mesopotamiamque pertingens. In peninsula India? orientalis (Wight et Arnt., Herb. propr., n. 1103. — Jacquemont, n. 3ò9 et 516, in Herb. Mus. Par.); Pondichéry (Jules Lépine) ; Madras (Hunter) ; in montibus Nil~Ghiri, provinciis Maissor et Carnatic seque ac in regione gangetica (J. Dalton Hooker et Thomson) ; provincia Pendjab (Edgeworth) ; Belutchistania (Frère); valle dieta Cachcmyre (Jacquemont, n. 1092); India septentrionali (Royle) ; Mesopotamia (Aucher-Éloy, Cat., 2860); prope Bagdad (Noè).

Planta mire variabilis, hinc cum minoribus Melonis varietatibus facile confundenda, illinc Colocynthidem nonnunquam foliis ultra modum dissectis mentiens, ab bac tamen staminum fabrica, ab illis radice perennante discernenda. Flagella prò longitudine gracilia, permani columbinam crassitie vix superantia, angulata, pilis rigidis breviusculis exasperata. Folia 3 6 centim. longa et lata interdumque majora, basi cordata, ssepissime 5-loba ; lobis obtusis, rotundatis quandoque (sed rarius) subacutis, crenulatis, simplicibus vel in lobulos iterum divisis, sinubus rotundatis, lobo intermedio nunc cseteris productiore nunc illis subsequali foliumque fere orbiculatum efficiente ; in quibusdam speciminibus quasi triangularia et 7-loba occurrunt. Flores masculi solito Cucumerum more in axillis foliorum pauci; foeminei, e ramulis lateralibus orti, pedunculo longiusculo gracili suffulti, ovario sajpius dense bispido aut lanato ideoque albente, rarius sericeo-villoso, florem Cucumeris Melonis corollas magnitudine et colore temulantes. Pepo sphajroideus aul ovoideus, nonnunquam obtuse trihedrus, crassitudine circiter ovi columbini aut paulo major, fasciis


[32]

decem viridibus alternatim saturatioribus et dilulioribus longitudinaliler variegatus, maturatione pallide lutescens. Pulpa secundum Royleum amara.

Cette espèce, qui est, paraît-il, abondamment répandue sur presque toute l'Asie méridionale et que l'immense étendue de son habitat rend sujette à d'énormes variations, a fréquemment induit en erreur ou tenu dans le doute les botanistes qui ont eu à en parler. C'est elle que Roxburgh a fait représenter, d'une manière trèsreconnaissable, dans le recueil de figures inédites et sans texte, intitulé East India Company Muséum, sous les noms de C. pyriformis et-de C. trigonus. MM. Wigbt et Arnott ayant adopté ce dernier nom, j'ai dû me ranger à leur avis, bien que j'eusse préféré celui de C. pseudo-Colocynthis employé par Royle, et qui a du moins l'avantage de ne pas faire naître dans l'esprit l'idée erronée que le fruit est ici nécessairement trigone, ce qui n'arrive que par exception comme dans beaucoup d'autres Cucurbitacées. Au surplus Roxburgh ne distinguait pas nettement cette espèce; non-seulement il la fait figurer sous deux noms différents, mais en outre, dans sa description du C. trigonus, il semble avoir eu en vue quelqu'une de ces petites variétés du Melon vaguement décrites, soit par lui, soit par d'autres botanistes, sous les noms de C. maderaspatanus, C. pubescenselC. turbinatus. M. Wigbt lui-même n'a pas été à l'abri de cette erreur, puisque la plante de son herbier, cataloguée sous le n° 1 1 0 4 , et qui porte dans l'herbier du Muséum le nom de C. trigonus, n'est aussi qu'une de ces petites variétés de Melons. Cette confusion d'espèces m'autorisait peut-être à faire le changement que j'indiquais tout à l'heure; néanmoins comme ce dernier auteur a donné dans ses Icônes une assez bonne figure de la plante ù laquelle il applique le nom de trigonus, j'ai cru devoir m'en tenir à la règle qui veut que la préférence soit donnée au nom le plus ancien.

Toute la plante est d'un vert mat intense, mais il paraît que, sous ce rapport aussi, elle offre des variations assez notables. Ses premières feuilles sont généralement trilobées; celles qui leur succèdent sont plus souvent à cinq lobes, d'abord courts et obtus,


[33]

puis séparés paroles sinus de plus en plus profonds qui, lorsqu'elle est adulte, peuvent arriver presque jusqu'à la base du limbe. Assez souvent, même lorsqu'elles sont profondément lobées, ces feuilles présentent un contour arrondi qui leur donne quelque ressemblance avec celles de notre Malva rotunclifolia. Dans certains échantillons, elles ont à peu de chose près l'aspect de feuilles de Melons, ordinairement très réduites: chez quelques-uns, le lobe médian, tantôt arrondi, tantôt lobule et subaigu, dépasse sensiblement les autres, comme cela a lieu dans la plupart des Melons Dudaïms; il en est enfin où elles s'allongent en se découpant profondément en lobes secondaires, au point de se rapprocher de celles de la Coloquinte officinale,dont elles se distinguent cependant à leur teinte plus foncée et à ce qu'elles sont moins rudes au loucher. 3e n'ai pas observé d'aussi grandes variations dans les fruits, jeunes ou adultes, qui m'ont paru ne différer que très peu dans la nombreuse série d'échantillons desséchés que j'ai eus sous les yeux.

Les individus de C. irigonus que nous avons élevés au Muséum en 1858 provenaient de graines envoyées de Pondichéry par M. Jules Lépine, pharmacien de la marine. Quoique semées tardivement, les plantes se sont bien développées et m'ont donné quelques fruits, dont deux seulement ont pu arriver à maturité. Je dois dire cependant qu'elles ont très peu fleuri, et que sans la précaution que j'ai eue de féconder artificiellement leurs fleurs femelles avec le pollen des fleurs mâles, il est plus que probable,qu'elles n'auraient pas.fructifié. J'attribue, peut-être prématurément, cette pauvreté de floraison à ce que ces plantes vivaces ne sont pas encore adultes la première année, circonstance d'ailleurs assez ordinaire chez les Cucurbitacées pérennantes. Leurs racines, longues et pivotantes, étaient à la fin de l'automne presque delà grosseur du petit doigt et d'une consistance demi-ligneuse, ce qui, joint à la présence de jeunes bourgeons qui se formaient à leur collet, mVparu suffisant pour les considérer comme vivaces : je ne serais pas étonné cependant que, dans certains individus et sous certains climats, elles pussent rester simplement annuelles; mais c'est un point sur lequel je ne suis pas suffisamment renseigné.


[34]

Je ne sais pas davantage à quel degré les fruits présentent l'amertume indiquée par Royle; toutefois je ferai observer que, dans les Cucurbitacées, la saveur des fruits ne peut pas être considérée comme un caractère spécifique absolu, plusieurs espèces aujourd'hui très connues produisant indifféremment des fruits doux et des fruits amers.

Le C. trigonus est certainement l'espèce que MM. Boissier et Noé ont décrite sous le nom de C. eriomrpus. J'en ai vu' un échantillon récolté près du nouveau port de Marseille, que M. Grenier m'a communiqué, et qui ne différait par rien d'essentiel des individus vivants du Muséum, non plus que de beaucoup d'échantillons desséchés de l'herbier. Peut-être faudra-t-il aussi réunir à cette espèce le prétendu Cucurbita micrantha de Ferdinand Müller, plante d'Australie, qui est très probablement un Cucumis, et qui paraît avoir de grandes analogies avec celui dont il vient d'être question.

Cucumis melo

13. CUCUMIS MELO.

C. Melo Linn., Spec., -1436,— Willd. Willd., Spec, IV, 613.—Spreng., Sysl.veg., 46. — Forste, Flor, œgypliaco-arabica, p. 4 68. — Seringe in DC. Prodr., I I I, p. 300. —Blackweîl, Herb., IV, tab. 329. — Sctakuhr, Handb. Handb., III, , p. 297. — Wight et Amt. Prodr., I, n° 4052. — -Rœmer, Synops. monogr., II, p. 6 8 .— Wagner, 13, 4 4 .— Vélins duMus., t. LXI, tab. 19- 3 3 .— Don, Gen. Syst. of Gard., III, p. 1 - 4 3 .— Descourtilz, Flor. Ant., V, tab. 324.'— Jacquin, Monogr. compl. du Melon, etc., 1 832, cum tabulis30. —• Spach, Ilist. végét. phanér., t. VI, p. 205.

C. deliciosus Roth, Cal., III, p. 327. — Seringe, lôc. cit., p, 300. — Rœmer, Synops. monogr., II, p. 72.

C. Cantalupensis Haberl. (ubi?). — Rœmer., loc. cit., p. 69. —- G. Cantalupo Rchb., Flor, exsicc. germ., p. 295.

C. persicus Rcem., loc. cil., p. 71. — Melo persicus Sageret.

C. perskodorus Seiz, in Verhandl. des Vereins sur Beförd. der Gartcnb., anno 1827, p. 379. — Linnœa, t. ÎI (1827), 489.

C. seroiinus Haberl. — Seiz, loc. cit., p. 376. — Linnœa, II (1827); p. 489.

C. cubensis Schrad.j in Linnœa, XII (1 838), p. 41 8.—Gurken- Mélone dus Cuba, Schrad., 1 833, — Rœmer, loc. cit., p. 75.


[35]

C. Conomon Thunbg, Jap., 324. — Seringe, loc. cit., 301. — Rcemer, loc. cit., p. 75.

C. flexuosus Linn.,Spec, 1437. — Seringe, loc. cil., p. 300. — Mill., Diel. — Schkuhr, Handbuch, III, p. 302. — C. Bauhin, Pinax, 310. — C. aiiguinus flexuosus, Park., Theatr.

C. sativus Fakus et C. sativus Smilli Forsk., Flor, œgyptiaco-arabka, p. 169.

C. Chate Linn., Spec, 1 837. — Forsk., Flor, œgyptiaco-arabka,-p. 1 6 8 .— Seringe, /oc. cit., p. 301. — Alp., JEgypt., tab. 4 0 .— C. Chala Mill., Diel. — Schkuhr, Handbuch, III, p. 301. — C. œgyptius rotundifolius, C. Bauhin, Pinax, 310. — Abdelawi Forsk., /oc cit. '

C. Momordica Roxbg. Roxbg., Flor. Ind., III, 729. — , Wight et Amt., Prodr. Flor, pen., 341. — Rœffi., loc. cit., p. 74. — Momordica saliva Roxbg., in East Ind. Comp. Mus., tab. us., 456. — Herb. Wight, propr., n" 1100.

C. utilissimus Roxbg., Flor, ind., p. 321, nec non in Easllnd. Comp. Mus., lab. 462. — Wight et Arnt., loc. eil., p. 342.

C. Dudaim Linn., S p e c , 1437.—Seringe, loc. cit. — Dillen, Hort. Ellh., tab. 177, 8g. 218. — Gilii et Xuares, Osservaz. fitolog., II, p. 43, tab. 7. — Andr. Repos., VIII, tab. B48. — Velins du Mus., t. LXI, tab. 24, 28, 26, 28. —; Morren, Belg, hört., t. II, p. 205, cum icone. — Spach, Hist, végét. phanér., VI, p. 209.

C. sativus Schemmam Forsk., Flor, œgyptiaco-arabica, p. 169.

C. Melorotundus Melorotundusparvus, parvus, C. Bauhin, Pinax, 311.

C. pictus Jacq., Hort: vindob. vindob., III, tab. 27.

C.'pedalißdus Schrad., in Linnœa, XII (1838), p. 418. — Rœm., loc. cit.

C. reginœ Schrad., loc. cit. — Königs-Melone Schrad., 1 8 3 2 .

C. Schraderianus Rœm Rœm. , . loc. cit., p. 73.

C. odoralissimus Mœnch., Method., 654. — Rœm., loc. cit., p. 72.

C. cicatrisalus J. Ellert. Stocks, in Hook. Keio Gard. Misc., IV, p. 148. - Walp., Ann. bot. Syst., IV, p. 864.

C, pubeseens Willd., Spec, IV, 6 I 4 . — Wight, Icônes plant. Ind. or., t. II, tab. 496. — Wight et Arnt., Prodr:, I, p. 3 4 2 .— Roxbg., Flor. Ind., III, pi 723, et in East Ind. Comp. Mus., tab. 465,— Seringe, in DC. Prodr., III, 3 0 1 .— Royle, Illustr. Himal., I, p. 220, tab. 47, fig. 1. — Rœm., be. cit., IL p. 73. — Asa Gray, United Slates explor. Exped., t. I, p. 6 4 6 .— Herb. Wight, propr., n" 1102.

C. maderaspalanus Roxbg., Flor, ind., Ill, p. 723, et in East India Comp. Mus., tab. 465. — Non C. maderaspatanus Linn, nec Plukenett;

C. iurbinatus Roxbg., Flor, tnd., Ill, 723.

C. Chilo Morren, in lielgiq. horl., t. I (änno 1850-51 ) , cum iconfl.


[36]

C. mooutotw'Willd., Spee. IV, p . 614. — Seringe, Mém. sur Ics Cucurbit., tab. 3 , necnon in DC. P r o d e , III, p. 3 0 2 .

C ambigua Fenzl., in Kotscliy Ilernubic, n° 3 5 2 (partim).

Mclons de poche, Melons de la reine Anne, Melon des Canaries, Queen's pocket Melo», etc, Morren, Beìgiq. horl., t. II, p. 2 0 5 , cum icone.

Concombre du Liban, Morren, loc. cit.,l. Il, p. 1 SO, cum icone.

C. animus, tolus hirsutus hispidulusve aut scaber; (lagellis obscure angulatis, demum quasi teretibus glabralisque; foliis basi cordatis, nunc reniformibus nunc $-5-1-lobis, sinubus rotundalis ; ovariis pubescentibus hirsutisque ; peponibus multiformibus, pubentibus aut glabratis nunquam echimdatis; carne scepius dulcì, raro subamaricante.

Ex Asia meridionali oriunclus et in multis locis Indiai adhucdum copiose spontaneus. Ut videtur in diversis Africa} partibus efferatus -viget (ibique etiam fortassis indigenus est) ; nunc in temperate calidisque totius orbis colitur.

Planta omnium congenerum maxime variabilis, non adeo tamen ut illius fere innumerai formai in unam speciem non contrahantur. Mira est quidera foliorum et habitus diversitas, sed'multo magis fructuum qui dum in speciminibus sylvestribus ovum gallinaceum imo et columbinum nonnunquam vix oequant, in quibusdam varietatibus cultura saginatis pepones Cucurbitarum maximi ponderis mole aimulantur. Nec staturai cedunt figura, color et sapor, ut mox in lucem veniet. Flagella vulgo sesquimetralia, rarius multimetralia, in prima aitate magis minusve angulala et aspera, basi digitum saipius crassa ibique fereteretia et glabrata, in paucis varietatibus bispida pilisve rigidis subspinulosa. Folia ut plurirnum 12-lù centim. longa et lata, nec raro majora aut multo minora, margine crenulata, nonnunquam omnino reniformia et lobis destituta, saipius varie lobata; lobis obtusis, rarissime acutis aut subacuminatis, sinubus rotundatis. Flores masculi in axillis foliorum solitarii-aggregati ; feminei solitarii, e flagellis primariis raro, e ramulis lateralibus contra frequentissime nascentes, brevius longiusve pedunculati, interdum hermaphroditi, id est staminibus fertilibus instructi ; ovario dense hirsuto quandoque sericeovilloso, nunquam autem echinulato. Pepones globosi, ovoidei, fusiformes aut in moduni serpentis elongati et c ntorti, reticulati aut laeves, saipe etiam silicati, unicolores aut multis modis maculati et variegati, in maiuritate grate aromatici vel inodori; carne auranliacà, alba aut virente,


[37]

saccharata aut, insipida, nonnunquam nauseosa et amaricante, Semina majora et minora, immargïnata, flaventia et spurco-alba. La longue synonymie que je viens de mettre sous les yeux du lecteur (1), et que j'espère justifier par ce qui va suivre, donne déjà à entendre que le Melon est une plante excessivement polymorphe. Parmi ces prétendues espèces il en est. plusieurs que leurs caractères tranchés et en apparence très constants semblaient rendre inattaquables, et peut-être plus d'un botaniste rcfuscra-l-il encore clé les admettre comme identiques. Je ne dissimule pas qu'influencé par les opinions de mes devanciers, en cette matière, j'ai moi-même longtemps hésité à réunir au Melon proprement dit des formes que Linné, deCandolle et d'autres autorités non moins imposantes en avaient séparées-, mais enfin, vaincu par l'évidence, j'ai dû rompre avec les idées reçues. J'ai vil effectivement, dans une culture de quelques années, la plupart de ces formes réputées spécifiques perdre successivement leurs caractères, soit d'elles-mêmes, soit par leur croisement les unes avec les autres, et subir par là les altérations les plus étranges. Nous retrouvons donc ici, et peut-être sur une échelle encore plus vaste, les métamorphoses que Duchesne a signalées dans la Courge commune (Cucurbila Pepo) et que je crois avoir confirmées par mes propres observations. Ici comme là, certaines races se conservent depuis des siècles, toujours semblables à elles-mêmes, malgré les changements de lieux et de climats, ou, si elles se modifient sous ces influences, c'est pour faire naître de nouvelles variétés qui, le plus souvent, ne rentrent pas dans celles que l'on connaissait déjà. Mais quelque différentes qu'elles soient les unes des autres, ces races se croisent avec la plus grande facilité, et il en résulte des formes métisses, toujours fécondes, dont la descendance mixte accuse la double origine. Ce sont là, si je ne me trompe, les caractères distinctifs de l'espèce, qui est bien moins, dans

(I) L'ordre que j'ai suivi dans l'exposé de celte synonymie n'est pas chronologique; j'ai cru plus naturel de le conformer à celui d'après lequel j'ai classé les races et les variétés de Melons auxquelles se rapportent ces dénominations diverses, ainsi qu'on le verra plus loin.


[38]

l'état actuel des choses, un type uniforme nettement circonscrit qu'un groupe déformes analogues et dérivées, dont l'origine commune ne peut être contestée par aucune raison plausible.

Je ne saurais trop appeler les réflexions des botanistes sur ce phénomène remarquable que je regarde, peut-être prématurément, comme l'indice du procédé suivi par la nature dans la création de ce que nous appelons des espèces. Si l'on lient compte de ce fait, qu'il est extrêmement rare que les espèces soient absolument isolées ; que, dans l'immense majorité des cas, elles se rattachent par toute leur structure et plus ou moins intimement à d'autres espèces, formant ainsi des associations naturelles auxquelles nous appliquons les désignations collectives de sous-genres, genres et familles, qui tendent à exprimer leur plus ou moins d'analogies réciproques ; si l'on se rappelle en outre que très souvent de nombreuses formes spécifiques de même genre ou de même famille sont encore, après toutes les dislocations de la surface du globe, cantonnées sur une même aire géographique, on pourra difficilement s'empêcher de croire à la parenté réelle de ces formes, que l'esprit rattache à un type idéal antérieur à l'époque actuelle et successivement, divisé dans le cours des âges. C'est ainsi que d'une langue mère, ordinairement disparue, dérivent plusieurs autres langues secondaires, semblables entre elles sous beaucoup de rapports et. néanmoins différentes individuellement. Dans tous les cas, il répugne à la logique d'admettre que le grand phénomène des analogies entre les êtres organisés d'un même règne, et surtout d'une même famille, soit un fait sans cause matérielle, et instinctivement on est conduit à y voir la conséquence d'une communauté d'origine, c'est-à-dire d'une parenté plus ou moins éloignée, plus ou moins proche , suivant le degré même de ces analogies. Cette manière de voir est sans doute purement hypothétique; mais l'opinion contraire, celle de la création primitive, indépendante et en quelque sorte simultanée de toutes les formes que nous qualifions espèces, ne l'est pas moins ; elle a de plus le désavantage de ne rendre compte ni du phénomène des analogies, ni ries agrégations de formes congénères dans ces régions déterminées de la surface terrestre dont je parlais tout à l'heure.


[39]

On a beaucoup dispute sur la patrie primitive du Melon. Les uns, Willdénow en tête, le font venir du pays des Calmouks; d'autres, et avec eux M. Alphonse De Gandolle ( 1 ) , inclinent à voir dans la région caucasique et, la ïartarie le séjour primitif do l'espèce. J'ai peine à comprendre qu'une plante si frileuse, si visiblement tropicale par son tempérament, ait pu être attribuée à des pays qui tiennent de leurs latitudes et de leur situation éminem - ment continentale des hivers au moins aussi rigoureux que ceux de l'Europe moyenne. Dans de telles conditions climatériques, il suffirait d'un printemps exceptionnellement froid pour anéantir l'espèce, puisque nous la voyons constamment succomber à la moindre gelée, et même dépérir pour peu que des températures basses de quelques degrés au-dessus de zéro se prolongent. Pour moi, la patrie du Melon ne fait pas l'ombre d'un doute ; c'est l'Inde, du pied de l'Himalaya au cap Comorin, où on le rencontre si fréquemment à l'état sauvage, qu'il en a été rapporté par presque tous les botanistes qui ont visité ce pays, mais sans qu'aucun d'eux l'ait reconnu : aussi le trouvons-nous décrit dans les ouvrages des botanistes anglo-indiens et de quelques autres sous les noms de Cucumis pubescens, C. turbinatuset Cmaderaspatanus, variétés qui n'ont pas toujours été suffisamment distinguées du C. trigonus, espèce totalement différente. Cette forme sauvage du Melon nous a été envoyée de Pondrchéry par M. Jules Lépine, pharmacien do la marine, sous le nom de Bryonia. Cultivée au Muséum en 1858, elle nous a, d'une part, présenté tous les caractères des Cucumis pubescens et maderaspatanus, et de l'autre, elle n'a pas plus différé des diverses races de Melons déjà connues que celles-ci ne différaient entre elles. Il suffit au surplus de comparer, dans les herbiers de l'Inde, une série tant soit peu nombreuse d'échantillons de ces prétendues espèces, pour reconnaître , non-seulement qu'elles sont identiques entre elles, mais encore qu'elles ne sont qu'un des membres de l'espèce si polymorphe du Melon.

J'ai moins de données sur la diffusion de l'espèce dans le sens oriental-occidental. Peut-être s elend-clle de la Chine méridionale

(1) Géographie botanique raisonnèe, t. I I , p. 9 0 7 .


[40]

au golfe Persique et à l'Arabie, ce qui est au moins fort possible; mais il y a dès maintenant quelque apparence qu'elle n'est pas étrangère à l'Afrique, et que c'est la forme sauvage provenue de cette région qui a été décrite par Willdenow, et plus tard par Seringe, sous le nom de C. maculatus. Depuis plusieurs années, on cultivait au Muséum, sous la désignation impropre de C. Figarei, une petite variété de Melon, non comestible, qui répond assez exactement à la description et àla figure du C. maculatus (l) et que je ne puis faire autrement que de rapporter à ce dernier. Le nom de Figarei, qu'elle portait ici, me donna à penser que son introduction en France pouvait être due au savant directeur du jardin botanique du Caire, et que ce dernier serait peut-être en mesure de nous procurer des renseignements à ce sujet. J'écrivis en conséquence à M. Figari-bey, qui me répondit ce qui suit : « Votre petit Melon, qu'il ne faut pas confondre avec le véritable Cucumis Figarei de Delile, est originaire de l'Abyssinie, de la région du Fazoql (haute Nubie), de Méroé et même de la basse Nubie (désert de Chigré); à une certaine époque, je l'ai cultivé au jardin botanique du Caire, et les graines m'en avaient été envoyées de la haute Nubie. Je ne crois pas que cette espèce ait des emplois culinaires dans son pays natal. » Cette assertion d'un botaniste très versé dans la connaissance des plantes de la vallée du Nil est déjà une forte présomption en faveur de l'indigénat,ou tout au moins de la naturalisation ancienne du Melon dans cette partie de l'Afrique.

Le voyageur Kotschy nous fournit une autre donnée qui appuie également cette hypothèse. Je trouve dans sa collection de plantes africaines, connue sous le nom d'Iter nubicum, un échantillon de Cucumis du Sennaar, catalogué sous le n° 352, et qui est visiblement un Melon. M. le professeur Fenzl en a fait le C. ambigua (2), mais il soupçonnait déjà son analogie avec le groupe des

(1) Voyez la Notice de Serhige dans la collection des Mémoires de la Société à"histoire naturelle de Genève, . I I .

(2) M. Fenzl a très probablement confondu ici deux espèces distinctes. Le C. ambigua do l'herbier de M. Dolessert est évidemment un Melon ; celui de l'herbier du Aluséum est une autre espèce du même genre, qui m'est totalement inconnue. Il est bien entendu que j e ne parle ici que du premier.


[41]

Melons, puisqu'il ajoute en note, sur l'étiquette, ÔËÚ ë. Chaie Linn.; ÔËÚ. G. maculafus Willd.? Il est à regretter que Kotschy ne nous donne pas de détails sur le fruit de sa plante; néanmoins il me parait probable, à en juger par l'aspect de l'échantillon desséché que j'ai eu sous les yeux, qu'elle n'est autre que la variété désignée sous le nom de C. maculatus. C'est probablement aussi à cette forme qu'il faut rattacher la plante du.cap Vert et de la côte occidentale d'Afrique, que M. Asa Gray ( United ùtates exploring Expédition, t. I, p. 6u6) a assimilée au C. pubescens. Tous ces faits n'établissent sans doute pas d'une manière péremptoire que le Melon sauvage ait appartenu primitivement à l'Afrique, mais on ne peut nier qu'il y ait à cela quelque probabilité. Au surplus, si cette probabilité se changeait un jour en certitude, l'aire géograpbique du Melon, si étendue qu'elle fût, n'aurait rien de plus étonnant que celles de* beaucoup d'autres Cucurbitacées, celle par exemple du C. Prophetarum., trouvé dans le Soudan et dans le nord de l'Inde, ou du Citndlus Colocynthis, que nous savons aujourd'hui exister sur l'immense espace qui s'étend du midi de l'Espagne et des îles du cap Vert à la côte duMalabar.

On s'est encore demandé, et ceci ne manquait pas non plus d'intérêt, si les anciens peuples du midi de l'Europe ont connu le Melon. Je crois avoir lu à peu près tout ce qui a trait à cette question, et je me vois obligé dédire que je la regarde comme insoluble par cette voie. Il n'y a à cet égard que des conjectures à faire. M. Alphonse De Candolle (1), après une savante discussion des passages des auteurs grecs, latins, arabes et hindous, où il est fait mention des Cucurbitacées alimentaires, et en s'aidant de données philologiques, arrive à penser que non-seulement les anciens ne connaissaient pas le Melon, mais même que la culture de l'espèce est de date comparativement récente dans l'Asie méridionale. J'admets volontiers, avec M. De Candolle, que les anciens peuples du bassin méditerranéen, et même ceux de l'Asie occidentale, n'étaient pas en possession de ces excellentes variétés qui sont aujourd'hui communes en Europe, telles que les Cantaloups,

(1) Géographie botanique raisonnée, t. I I , p. 905 et suivantes.


[42]

les Suerins ou même nos simples Melons brodés, dont leurs écrivains eussent certainement conservé le souvenir, si elles avaient existé chez eux de leur temps ; mais de ces races perfectionnées, et probablement modernes, aux variétés inférieures, presque sauvages et tout aussi insipides que le Concombre, il y a loin; et si ces dernières existaient déjà, avant l'ère chrétienne, en Egypte, en Arabie, en Grèce et même en Italie, comme plusieurs considérations portent à le croire, les peuples de ces divers pays les ont presque indubitablement confondues avec le Concombre dont elles avaient d'ailleurs tous les usages. On oublie trop, dans ces sortes de recherches, que les anciens avaient de tout autres idées que nous sur l'espèce; que pour eux, le point de vue botanique, aujourd'hui si capital, n'était rien, et que le point de vue économique au contraire était tout. Il n'y a donc rien à inférer, ni pour ni contre la question qui nous occupe, de quelques phrases d'anciens auteurs où les expressions de Melones, Pepones, Melopepones, Cucumeres, etc., peuvent également s'appliquer à des espèces botaniques et à de simples variétés du Melon, delà Courge, du Concombre, et surtout de la Pastèque, qui est certainement africaine (1), et qui, selon toute probabilité, a été cultivée en Egypte depuis les temps les plus anciens.

Les considérations qui me l'ont conjecturer que la culture du Melon, et ici j'entends parler de l'espèce prise dans le sens botanique, est fort ancienne, au moins dans les contrées les plus chaudes de l'ancien continent, principalement de l'Asie, c'est d'abord qu'il y est indigène, comme je crois pouvoir le démontrer plus loin; ensuite que, même à l'état sauvage, ses fruits sont encore mangeables, et qu'ils sont récoltés comme tels par les habitants de ces divers pays (2). D'un autre côté, dès le seizième siècle, c'est-à-dire depuis l'époque où les voyages lointains commencent

(1) Elle existe dans toute l'Afrique, et elle abonde à l'état sauvage en Cafrerie, si nous en croyons le récit du missionnaire Livingstone. Le Citrullus amarus de la région du Cap n'en est même, à mon avis, qu'une variété. -

(2) Roxburgh est formel à cet égard. Il dit, en parlant de son Cucumis turbinatus (Flor. Ind., t. I I I , p. 723): « The fruit of this sort is eaten by the natives.» lit un peu plus loin (p. 724), à propos du C. maderaspalanus : « The fruit of this


[43]

à être de mode en Europe, nous trouvons le Melon cultivé sur une immense échelle par tous les peuples de l'Afrique et par tous ceux de l'Asie auxquels le climat permet cette culture, depuis les bords de la Méditerranée jusqu'à ceux de l'Océan oriental. M. De Candolle reconnaît lui-même que la culture du Melon paraît assez ancienne au Japon. Or, comment supposer qu'une plante si universellement répandue soit d'invention récente, en Asie surtout, où toutes les domestications d'animaux et de végétaux se perdent dans la nuit des temps ? Mais il y a encore une autre raisou, et celle-ci toute biologique, pour rejeter fort loin dans le passé le commencement de la culture du Melon : c'est le nombre véritablement illimité des variétés qu'il a produites, et les énormes différences que présentent entre elles plusieurs de ces variétés, et qui sont telles, que tous les botanistes modernes en ont méconnu l'identité spécifique. Des altérations si profondes du type primitif de l'espèce ne sauraient être le résultat d'une domestication récente.

Il me paraît donc, sinon absolument démontré, du moins infiniment probable, que la culture du Melon est aussi ancienne en Asie que celle de tous les autres végétaux alimentaires ; je regarde encore comme probable que les Égyptiens l'ont connu, et qu'ils ont eu de tout temps ces races inférieures do Melons que nous voyons cultivées aujourd'hui en Egypte, ou tout, au moins des variétés analogues, soit qu'ils les aient reçues de l'Inde par les Arabes, soit qu'ils les aient tirées de quelque race indigène de l'Afrique. Cette question d'origine pourrait d'ailleurs se présenter sous un autre aspect : il ne s'agirait plus de savoir où et à quelle époque l'espèce proprement dite du Melon a été pour la première fois soumise à la culture, mais d'où nous sont venues nos races classiques actuelles, les Cantaloups, les Melons brodés, les Dudaïms, etc. Ici encore nous trouvons de grandes obscurités, mais moindres

» sort is used in food by the natives and much esteemed, yet they never take the » trouble to cultivate the plant. » Au contraire, en parlant du C. Irigonus que nous savons être une tout autre espèce, il dit : « They are not eaten in thèse parts. »


[44]

peut-être que celles qui entourent la première domestication de l'espèce. En restreignant ainsi la question, de nombreuses probabilités se réunissent en faveur de la Perse et de la région eaueasique voisine, où, de l'avis de tous les voyageurs, on-récolte les meilleurs Melons connus. Le.fait est hors de doute pour le Cantaloup, apporté d'Arménie en Italie par des moines, dans la seconde moitié du seizième siècle, et cultivé pour la première fois en Europe, au voisinage de Rome, dans un château de plaisance des papes, du nom de Cantaluppi. Les Dudaïms sont certainement originaires de Perse , ainsi que l'attestent tous les documents. Nous avons moins de données sur la provenance de nos Melons brodés, mais on ne conçoit guère de quelle autre région que l'Orient ils auraient pu nous parvenir. Peut-être cependant faut-il admettre comme possible l'hypothèse émise par Jacquin, que celle race est un produit de la culture française, c'est-à-dire une modification comparativement récente de quelque autre variété antérieurement introduite en Europe. Ce qui me fait paraître celle hypothèse très admissible, c'est que j'ai plus d'une Ibis assisté à des transformations de ce genre, entre autres à celle d'un Melon d'Orient lisse et à chair verte, désigné sous le nom de Hunter's long Bockhara, en un Melon brodé à chair rouge, qui ne différait en quoi que ce fût de nos maraîchers ordinaires.

Bien que certaines races de Melons soient si stables et si netlcr ment caractérisées, lorsqu'elles sont pures, qu'elles semblent au premier abord constituer autant d'espèces différentes, la classification des variétés aujourd'hui connues n'en est pas moins extrêmement difficile. Cela tient à ce que d'innombrables formes intermédiaires, la plupart, sans doute, nées de croisements, s'étagent entre toutes ces races, et fontde l'ensemble un enchaînement complexe, pour ainsi dire sans solution de continuité, dont le sectionnement devient, presque tout arbilraire. Je vais néanmoins essayer ce travail en groupant autour de chaque race principale les variétés qui s'en rapprochent le plus et qui paraissent n'en être que des altérations. Mes souvenirs, à cet égard, ont été fixés par des dessins coloriés que j'ai faits de toutes les variétés cultivées au Muséum, et qui resteront, reliés en un volume, dans la biblio-


[45]

ihèque de l'établissement (1), où pourront les consulter ceux qui, après moi, voudront reprendre ou continuer l'étude des Melons. Ce recueil est loin sans doute de renfermer toutes les variétés existantes, ou même toutes celles qu'on trouve signalées dans les divers auteurs, mais j'ai lieu de croire qu'il contient les plus essentielles et qu'il y aura comparativement peu à y ajouter pour le rendre complet.

Partant donc de la donnée queje viens d'indiquer, je diviserai les innombrables formes du Melon en dix tribus principales, ou races plus ou moins persistantes et généralement assez caractérisées dans leurs formes typiques pour qu'on les reconnaisse sans peine. Les unes seront riches en sous-variétés ou formes dégénérées ; les autres seront réduites au seul type de la race, soit parce que celle-ci ne se sera pas subdivisée, soit, ce qui est plus probable, parce que ses variations me sont restées inconnues. Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, que cette classification sera arbitraire en beaucoup de points ; il existe effectivement, et il se forme encore de nos jours une multitude de ¡formes bâtardes qui, par cela même qu'elles semblent participer des traits de plusieurs races, ne ressemblent exactement à aucune.

Il n'y a rien qui ne varie dans l'espèce du Melon : sa qualité de plante annuelle, l'absence d'aiguillons sur le fruit, à quelque âge qu'on l'examine, et jusqu'à un certain point la forme des feuilles, sont les seuls caractères véritablement spécifiques que j'aie trouvés à lui assigner. Par son fruit, qui n'est jamais hérissé de piquants, on le distinguera toujours sans peine des espèces de la première section ; par sa racine annuelle, il ne pourra jamais être confondu avec le C. trigonus, où cet organe est persistant et vivaee; enfin, par la forme de ses feuilles, soit reniformes, soit à lobes arrondis, il se sépare nettement du C. Eardwickii, dont le fruit lisse rappelle, au moins d'après la ligure de Royle, celui de plusieurs petites variétés de Melons. J'ai cependant observé deux ou trois variétés dont les feuilles lobées avaient une certaine tendance à

(1) Des dessins semblables ont été faits pour les Courges, et ont été de même déposés à la bibliothèque du Muséum.


[46]

présenter ces formes anguleuses caractéristiques du C. Hardwickii et du Concombre ; mais c'est là une rare exception, et encore les lobes en étaient-ils moins aigus et moins accuminés qu'ils ne le sont communément dans ces deux espèces. Quant à la grosseur et à la forme du fruit, son mode de coloration, l'aspect de sa surface lisse, réticulée ou verruqueuse, glabre ou velue, à côtes ou sans côtes, son adhérence permanente au pédoncule ou sa tendance à s'en détacher à la maturité, l'épaisseur de la chair, sa couleur, son arôme eî sa saveur, la grandeur relative des graines, etc., ce sont là autant de caractères fugaces qui servent tout au plus à distinguer les races entre elles. 11 est des variétés de Melons, le Melon turquin ou de Cauvrestan, par exemple, chez lesquelles le fruit arrive à la taille des plus grandes Courges ; il en est d'autres où il n'atteint pas même le volume d'une prune moyenne; unicolore chez les uns, et alors il peut être vert, blanc, jaune, orangé ou même tout à fait rouge, il est, chez une multitude d'autres variétés, bariolé ou marbré de taches dont la couleur est différente de celle du fond. Tout à fait sphérique ou sphérique déprimé dans les vrais Dudaïms, il devient grêle, flexueux, long quelquefois de plus d'un mètre dans le Melon serpent. La chair en est jaune orangé ou rouge, d'une saveur et d'un parfum délicieux dans le Cantaloup, le Moscatello, quelques variétés de Melons brodés, etc.; elle est au contraire presque incolore, fade ou même nauséabonde clans le Chaté, les Dudaïms, le Melon de Figari et quelques autres, bien que ces derniers, le Melon de Figari surtout, exhalent une odeur suave; enfin elle est absolument blanche, inodore et d'une saveur de Concombre des plus prononcées dans le Melon cucumériforme qui n'est comestible que cuit. Quoique le feuillage et l'aspect général des plantes présentent aussi de grandes variations * c'est principalement sur les modifications du fruit, d'ailleurs beaucoup plus faciles à saisir^ que je baserai la classification qu'on va lire.


[47]

Melons cantaloups

Ire tribu. — MELONS CANTALOUPS (C. Melo cantalupensis).

Les Cantaloups constituent un groupe assez bien caractérisé, quoique par quelques-unes de leurs variétés ils passent insensiblement à celui des Melons brodés. Les plantes y sont généralement fortes, à feuillage grand, souvent lobé et d'un vert intense; les fleurs femelles (les mailles des jardiniers parisiens) y sont souvent pourvues d'étamines fertiles, ce qui, en diminuant les chances de croisement avec les autres races, contribue à maintenir leur type assez franc. Les fruits, dans les variétés principales, sont de première grandeur ; leur forme varie de celle d'une sphère très déprimée à celle d'un ovoïde oblong, atténué du côté postérieur, à côtes plus ou moins prononcées et séparées par des sillons étroits, à peau lisse ou verruqueuse, jamais réticulée, si ce n'est dans les formes dégénérées du type. La chair en est épaisse, d'un rouge orangé, fine, fondante et sucrée. Tous ces Melons passent au jaune, rarement au rougeâtre, en mûrissant, et ils exhalent alors une odeur suave. Nous distinguerons dans ce groupe :

1° Les Cantaloups Prescott, subdivisés eux-mêmes en plusieurs sous-variétés. Lorsqu'ils sont bien francs, ils se montrent fortement déprimés d'avant en arrière, profondément sillonnés, à peau verruqueuse, d'un vert gris, unicolore ou mouchetée de taches de vert plus foncé, quelquefois tout entière d'un vert presque noir. La chair est d'un beau rouge orangé et d'une saveur exquise. Ces Melons sont presque le3 seuls que l'on cultive pour le marché de Paris, et cela avec d'autant plus de raison qu'outre leur grosseur, qui est en général au-dessus de la moyenne, ils ont l'inappréciable avantage d'être rarement médiocreg, pour peu que la culture en soit bien conduite, et que les conditions climatologiques ne soient pas trop défavorables. Le seul reproche qu'on puisse leur faire est l'épaisseur de leur écorce, qui est à peine moindre que celle de la chair comestible. On distingue, comme sous-variétés, les gros et petit Prescott fond noir et fond blanc qui ne diffèrent guère que par le volume et la couleur de la peau \ lë


[48]

Prescolt couronné, dont l'ombilic, largement ouvert comme dans les Potirons turbans, laisse saillir au dehors la partie carpellaire du fruit : cette variété est considérée comme inférieure aux précédentes; le Cantaloup boule deSiam, plus déprimé, un peu moins gros et moins estimé que le Prescolt fond blanc.

2° Les Cantaloups communs, qui, au lieu d'être déprimés comme les Prescotts, prennent généralement une forme obovoïde. lis sont de première grandeur, quelquefois plus volumineux que les plus grands Prescotts, assez souvent verruqueux, sans broderie, à écorce presque aussi épaisse que dans les variétés précédentes, et de qualité moins sûre. Nous signalons dans ce groupe le gros Cantaloup noir de Hollande, qui atteint la taille d'une belle citrouille, mais dont la chair est souvent médiocre; le Cantaloup turquin ou Melon quintal (1), simple variété du précédent, dont il ne diffère que par une forme un peu plus oblongue et des fruits encore plus volumineux ; le Cantaloup de Portugal ou gros Cantaloup monstrueux, dont le fruit, en ovoïde court, ne le cède pas en volume à ceux des deux précédents : d'après Jacquin, son poids peut s'élever à 25 kilogrammes ou davantage; le Cantaloup d'Alger, qui est de même forme et présente comme lui des mouchetures de vert foncé sur fond gris; il est toutefois d'un volume moindre, mais nous l'avons trouvé comparable, pour la qualité de la chair, aux meilleurs Prescotts ; le Cantaloup du Mogol, qui est aussi un fruit de très grande taille et dont la forme obovoïde est plus allongée que celle des précédents; il présente des sousvarictés vciTuqucuscs et d'autres parfaitement lisses. Sa couleur est le vert foncé uniforme, tournant au jaune pâle à la maturité. La qualité en est moyenne.

3° Le Moscatello, qui passe, aux yeux de quelques amateurs, pour le meilleur de tous les Melons, mais qui ne m'a pas paru supérieur aux Prescotts ; il est vrai que je n'ai pu en juger que sur des échantillons dont la maturité était trop avancée. Je les ai

(1) Je soupçonne que c'est la variété désignée par M. Jacques, ancien jardinier en chef du domaine de Nouilly, sous le nom de Melon de Cauvrestan, el dont il assure que le fruit peut acquérir un poids de plus de 30 kilogrammes. Je n'affirme cependant pas leur identité.


[49]

reçus de M. Le Marchand de la Faveric, membre de la Société d'horticulture de la Seine-Inférieure, qui m'avertissait en même temps que la saison avait été peu favorable, en Normandie, à la culture de celle variété. C'est un Melon de taille moyenne, ovoïde, à côtes, légèrement tuberculeux, d'un beau jaune orangé à la maturité, et parsemé de macules rougeâtres ou plutôt de couleur de rouille. La chair en est orangée, très fine, fondante, sucrée et parfumée, à écorce comparativement peu épaisse. Par son aspect cl toutes ses qualités, le Moscatello appartient indubitablement au groupe des Cantaloups.

4° Le Melon d'Archangel, dont la graine nous a été donnée par M. Vilmorin. C'est un Melon de moyenne grosseur, à côtes, presque rond, à peau verruqueusc, sans broderie, d'un vert assez foncé avant la maturité, passant au jaune roux en mûrissant. La chair en est rouge, épaisse, fondante et très sucrée; elle m'a paru de première qualité, du moins en 1858. Je crois que c'est une variété à recommander.

5° Le Cantaloup noir des Carmes, à fruit petit ou tout au plus moyen (environ 12 à 15 centimètres de diamètre), presque sphérique, à côtes, à peau lisse, d'un vert noirâtre, puis passant à l'orangé terne en mûrissant. Ce fruit est d'excellente qualité clans les bonnes années et lorsqu'il est pris à point, mais il peut aussi être fort médiocre. Pour ce motif, comme aussi pour sa petite taille, ce n'est guère qu'une variété de fantaisie, aussi rie l'ai-je jamais vu sur les marchés de Paris.

6° Le Cantaloup de vingt-huit jours, qu'on peut considérer comme un diminutif des Cantaloups communs. Nous l'avons cultivé plusieurs années de suite au Muséum, de graines tirées de chez M. Vilmorin. La plante est comparativement peu développée, et les fruits sont toujours petits (10 à 12 centimètres au plus dans leur diamètre anléro-postérieur), en ovoïde très court ou presque sphériques, à côtes peu prononcées et à peau lisse. Comme ceux de toutes les petites variétés de Melon, ce fruit ne présente pas de vide intérieur; la chair eu est rouge, parfumée et souvent excellente; toutefois son principal mérite est sa grande précocité relative : il ne lui faut guère que trente-cinq à trente-six jours, à


[50]

partir de la fécondation, pour se développer et mûrir. Celle variété est toute de fantaisie.

On rattache encore aux Melons Cantaloups plusieurs autres sousvariétés d'importance secondaire, que je regarde comme de simples dégénérescences du type des Prescotts : tels sont \e petit Cantaloup hâtif, qui ne diffère des Prescotts proprement dits que par l'exiguïté de sa taille, dont le volume dépasse à peine celui des deux poings, mais qui est comparativement précoce, seule qualité qui puisse le recommander; le Cantaloup hâtif d'Angleterre, plus petit encore et quelquefois couvert d'une broderie peu serrée; le Cantaloup orange, dont on connaît plusieurs variantes très peu stables, à fruits petits et hâtifs comme ceux des précédents, tantôt lisses, tantôt réticulés; enfin les Cantaloups à chair verte, lisses ou brodés, que je ne connais que par le texte et les figures de Jacquin, et dont la chair, blanc verdàtre, fait une remarquable exception dans le groupe des Cantaloups, si tant est qu'on doive les y rapporter. Ils font visiblement le passage aux Melons brodés et aux Sucrins.

Melons brodés

IIe tribu — MELONS BRODÉS (C. Melo reticulatus).

Ce groupe est moins nettement circonscrit que le précédent, avec lequel nous venons de voir qu'il se lie par quelques intermédiaires. Ses connexions avec le groupe des Sucrins et celui des Melons d'hiver sont bien plus nombreuses, et l'on est souvent embarrassé pour savoir auquel des trois il convient de rattacher une multitude de formes indécises qu'on trouve çâ et là cultivées dans les jardins particuliers, mais qui sont négligées par les maraîchers de profession. Avec Jacquin, je considère comme le type de ce groupe :

1° Le Melon maraîcher proprement dit, nommé aussi Gros Morin et Tête de Maure, Il est de taille moyenne ou Un peu au-dessus. Sa forme est caractéristique : c'est un sphéroïde parfait^ déprimé d'avant en arrière, sans côtes, couvert d'une réticulation un peu grosse et très serrée, qui donne au fruit un aspect grisâtre, même à la maturité, bien que la teinte jaune dé la peau se laisse


[51]

encore apercevoir à travers les mailles de la broderie. La chair en est très épaisse, d'un bel orangé, filandreuse mais très fondante, quelquefois de première qualité, plus souvent médiocre, parfois tout à fait insipide. Ce Melon, qui a eu jadis en France tous les honneurs de la culture, et qu'on trouve encore chez quelques maraîchers de Paris, fend de plus en plus à disparaître pour céder la place aux Cantaloups, moins riches en chair, il est vrai, mais bien supérieurs en qualité, et, comme nous l'avons dit plus haut, trompant rarement l'attente du cultivateur. Le Melon maraîcher dégénère facilement en un Melon ovoïde, à côtes, mais toujours très brodé. Cette variante est même fort commune.

2° Le Melon de Coulommiers, de première grandeur, et cultive encore sur une grande échelle aux environs de Paris. Son volume est celui d'une belle Citrouille de To\iraine (de 30 à Û0 centimètres dans son plus grand diamètre), de forme ovoïde, à côtes plates, peu prononcées, ou tout à fait sans côtes, généra* lement couvert d'une broderie peu serrée. De même que dans le précédent, la chair est très épaisse, mais moins filandreuse, et de qualité moyenne; nous l'avons toutefois récolté excellent au Muséum, en 1857. Ce n'est qu'une simple variété du Melon maraîcher, ainsi que le Melon de Ronfleur, qui se cultive en plein champ en Normandie, principalement pour l'exportation en Angleterre, et le Melon de Langeais ou Melon de Tours, plus voisin du Maraîcher par sa forme et sa grosse broderie. Je regarde comme n'en étant qu'une simple variante le Melon presque sphérique et très brodé auquel Jacquin donne le nom de Sucrin de Tours. C'est à peine si l'on peut en distinguer, comme sous-variété, le Melon de Gardanne ou d'Avignon, qui est cultivé en Provence, et qui rappelle par sa taille, sa forme et la qualité de sa chair, notre Melon de Coulommiers. Je passe sous silence beaucoup d'autres sous-variétés secondaires nées des différences de climat et des procédés de culture. Tous ces Melons dégénèrent d'ailleurs promptementsoit par l'effet de ces différences, soit phjg habituellement par leur croisement avec d'autres variétés. J'ai vu, en 1858, le Melon de Coulommiers se transformer en un Melon court, lisse ou à peine réticulé, à chair presque blanche


[52]

et 1res analogue par sa saveur à celle des Sucrins proprement dits.

3° Le Melon Hunter's long Bockhara, dont la graine nous a été remise par M. Vilmorin. C'est un fruit moyen ou au-dessous de la moyenne, de l'orme ovoïde ou obovoïde allongée, à côtes plates, couvert d'une broderie assez serrée, quelquefois presque nulle, passant au jaune en mûrissant. La chair en est verte, très fine, fondante, sucrée, de première qualité, mais peu aromatique, ainsi qu'il arrive habituellement pour les Melons à chair blanche ou verte. La peau est extrêmement mince. Ce Melon, qui est impropre au marché, à cause de son petit volume, peut constituer une excellente variété d'amateur, mais il parait dégénérer assez promplcment par son croisement avec d'autres variétés; je l'ai vu, en 1858, se transformer complètement en un Melon maraîcher à côtes et à chair rouge, et perdre en même temps toutes les qualités qui le distinguent lorsqu'il est de race pure.

4° Le Melon de la Caroline à chair verte, ou Muscade de la Caroline. J'ai trouvé cette variété cultivée au Muséum, mais probablement dégénérée. Par la forme et le volume, elle différait à peine du Melon de Coulommiers ordinaire, et portait une broderie assez serrée. Malgré ce que son nom nous faisait supposer, la chair en était rouge et d'ailleurs d'assez bonne qualité. D'après Jacquin, qui classe ce Melon parmi les Sucrins, la chair est verte ou verdâtre, ce qui n'a rien qui doive étonner. II est effectivement assez commun d'observer ces changements de couleur dans les Melons de ce groupe et de plusieurs autres. Dans tous les cas, ce Melon rentre évidemment dans la section des Melons brodés.

5° Le Melon de George IV, variété anglaise qui nous a été envoyée par la Société horliculturale de Londres. Elle semble tenir également des Cantaloups et des Maraîchers. C'est un fruit presque sphérique, de moyenne grosseur (12 à 14 centimètres de diamètre) , à ombilic large et un peu saillant, mais non découvert comme dans les Cantaloups Preseolt, à côtes assez prononcées et offrant des vestiges de réliculalion sur leur milieu. Eu mûrissant, il prend une teinte rosée ou vaguement rougeàlre. La chair


[53]

en est ronge, parfumée, sucrée et fondante. 11 peut passer pour un des meilleurs Melons du groupe.

6° Le Melon de Chypre, qui nous est venu de chez M. Vilmorin. C'est un fruit moyen ou petit, de forme ovoïde, à côtes, réticulé, à chair rouge. Il m'a paru n'être qu'une dégénérescence du Maraîcher à côtes ordinaire. Cependant Jacquin le dit excellent. Ces contradictions d'opinions n'ont rien qui doive surprendre, lorsqu'il s'agit de plantes aussi capricieuses et aussi variables que les Melons.

7° Le Melon doré, ou Dorado d'Espagne, qu'on pourrait presque tout aussi bien classer dans le groupe suivant. Il est de moyenne grosseur, de forme ovoïde régulière, à côtes peu sensibles, à peau lisse ou présentant des gerçures qui forment une réticulaiion à mailles larges, passant du vert au jaune orangé en mûrissant. La chair en est blanc verdàtre, avec une légère teinte orangée nu voisinage des placentas; elle est très fine, fondante et sucrée. Au total, c'est une assez bonne variété d'amateur. Très près du Melon doré se place un Melon de Lombajsdie, connu sous le nom de Melone bianco del Dalo, qui en diffère à peine.

Je rattache aux Melons brodés plusieurs petites variétés qui, sans en avoir exactement les caractères, s'en rapprochent du moins par leur forme. Ce sont : 1° Le Melon de Christiania, envoyé au Muséum parla Société horticulturalcde Londres, à fruits petits (10 à 12 centimètres de diamètre), à peu près sphériques, peu odorants, à côtes bien dessinées, à peau lisse et sans broderie, tournant au jaune à la maturité. La chair en est verte près de l'écorce, légèrement orangée du côté intérieur, sucrée, fondante, et se rapprochant, par la saveur, de celle des Melons à chair verte. 2° Le Melon jaune du Caboul, donné par M. Vilmorin, dont les fruits, de petite taille, sont sphériques, plus ou moins déprimés, à côtes peu prononcées, avec ou sans broderie, à chair faiblement rougeâtre, Ce Melon a été médiocre dans nos cultures. 3° Le Melon vert du Japon, presque tout semblable au précédent parle volume, la forme, la couleur et la qualité de la chair, mais sans, (race de broderie, li° Le Melon de Perse de Ilogers (Rogers' ' Persian Melon), de la Sociélé hprticullurale de Londres, presque


[54]

exactement semblable au Melon de Christiania, mais beaucoup moins bon. 5° Enfin le petit Melon noir de Montpellier, dont la graine nous a été donnée par M. Martiris, professeur à la Faculté de médecine de cette ville. Ce fruit n'est guère plus gros que le poing, tout à fait spbérique, à côtes peu saillantes, d'un vert noir qui ebange à peine de teinte à la maturité, et dont la chair est rouge et très sucrée. A ces petites variétés, qui me paraissent n'avoir qu'un intérêt local, je pourrais ajouter plusieurs formes nouvelles qui sont nées spontanément dans nos cultures, entre autres un Melon brodé et couronné comme certains Cantaloups, accusant probablement par là une origne métisse; mais cette énuméralion de formes, sans stabilité comme sans valeur horticole, me parait avoir trop peu d'intérêt pour la continuer.

IIIe tribu, — MELONS SUCRINS (C. Melo saccharinus), Jacquin, dans sa monographie des Melons, réunit celte catégorie aux Melons brodés; on ne peut nier qu'entre ces derniers et les Sucrins il n'y ait de nombreuses analogies ; néanmoins ils me paraissent assez distincts dans leur ensemble pour devoir être séparés dans une classification qu'on cberche à rendre le moins arbitraire possible. Ce groupe.des Sucrins, qui se lie aux Melons brodés par plusieurs intermédiaires, nous mènera de même, par une pente insensible, aux Melons du groupe suivant, celui des Melons d'hiver ou de Cavaillon.

De même que nous avons vu quelques Melons brodés à chair blanche ou verte, nous verrons aussi des Sucrins à chair rouge, bien que leur type le plus parfait soit à chair blanche. Parmi les premiers, nous distinguerons :

1° Le Sucrin à petites graines, ou Sucrin Je Provins, qui nous a été communiqué par M. Vilmorin. Le fruit est de petite ou de moyenne (aille, obovoïde ou presque spbérique, sans côtes ou à côtes peu sensibles, très lisse, d'un vert gris, quelquefois moucheté de taches vertes, à peau assez mince et à chair très épaisse. Cette chair est rouge, line, fondante, sucrée, parfumée, en un mot


[55]

d'une qualité exquise, lorsque la race est pure, et on lui trouve quelque chose de la saveur de celle des Sucrins à chair blanche dont elle a aussi l'odeur pénétrante. Les graines de ce Melon sont remarquablement petites, ce qui lui a valu le nom sous lequel il est le plus connu.La plante est assez hâtive, et elle porte aisément trois ou quatre fruits. Cette variété est, à mon avis, une des meilleures que nous possédions.

Très près du Sucrin à petites graines, je range un Melon qui nous a été apporté de Lombardie sous le nom de Melone piccolo giallo délia Padovana, dont le fruit, assez petit, pyriforme, sans côtes, à peau vert grisâtre et à chair rouge, n'a malheureusement pas complètement mûri dans notre culture, la plante s'étant montrée extrêmement tardive; je le connais encore trop peu pour pouvoir en indiquer la qualité.

2° Les Sucrins proprement dits, ou les vrais Sucrins, dont la chair est blanche ou vërdâtre. Ce sont des Melons de moyenne grandeur (18 à 25 centimètres de diamètre longitudinal), d'une belle forme ovoïde ou obovoïde, à côtes ou sans côtes, lisses, grisâtres, quelquefois réticulés ou mouchetés de vert plus foncé qui passe à l'orangé pâle au moment de la maturité. Leur parfum, sui generis, est plus doux et cependant plus pénétrant que celui des Cantaloups; la peau en est peu épaisse, et la chair fine, fondante et très sucrée. Ces Melons tiennent incontestablement le premier rang parmi ceux à chair blanche, et. beaucoup de personnes les préfèrent même aux Cantaloups. Les jardiniers les subdivisent en Melons blancs durs, Ananas à chair verte et à chair blanche, Melons de Grammont, etc., qui peuvent sans inconvénient être ramenés à une seule et même variété. C'est à cette race des Sucrins à chair blanche qu'appartient un Melon qui nous a été adressé de Berlin par M. Koch, directeur du jardin botanique de celle ville, sous le nom de Melone Dultma vom Kaukasus (Melon Dultma du Caucase), et qui ne m'a paru différer en rien de notre Blanc dur ordinaire. 11 en a été de même d'un autre Melon également envoyé par M. Koch sous le nom de Hybride der Camilla- Melone und mongolische Gurke (Hybride du Melon Camilla et de la Courge de Mongolie). Je n'ai pas besoin de faire remarquer


[56]

que ce nom impliquait évidemment une erreur, si toutefois la Courge de Mongolie dont il est question ici n'est pas un véritable Melon.

A la suite des Sucrins, et comme diminutifs de cette belle race, je signalerai plusieurs variétés secondaires qui me paraissent s'y rattacher assez étroitement. Ce sont : 1° Le Melon hybride do Perse (Persian hybrid Melon) de la Société horticulturale de Londres, dont les fruits ovoïdes, lisses et mouchetés, ne sont guère plus gros que le poing; le Melon Viclovy of Bath, également d'origine anglaise, de même forme et plus petit encore que le précédent ; les Melons Egyplian green fleshed, Em'peror's green fleshed et Chinese silver nelted Melon, communiqués aussi par la Société horticulturale de Londres, et tous trois absolument identiques de formes et de qualités; ils sont de petite taille (10 à 11 centimètres de diamètre), sphériques ou courtement obovoïdes, à peau d'un vert gris, lisse ou légèrement réticulée; enfin les Melons Sifion scarlet fleshed et Masulapiam Melon, de même origine, tous deux parfaitement semblables, absolument sphériques, lisses, presque blancs, de la taille d'une pêche ordinaire. Tous ces petits Melons, auxquels on peut encore ajouter le Melon de Smyrne, de Jacquin, ont la chair plus ou moins verte, même le Sifton scarlet fleshed, dont le nom pourrait induire en e r r e u r ; elle est sucrée et fondante, comme dans tous les Melons de ce groupe, mais elle est si peuabondante, par suite de l'exiguïté des fruits, qu'on ne saurait recommander la culture de ces diverses variétés autrement que comme objets de fantaisie ou de simple curiosité.

Melons d'hiver

IVe tribu. — Les MELONS D'HIVER, OU MELONS SANS ODEUR (C. Melo inodorus).

Faute de pouvoir faire mieux, je suis forcé d'accepter cette classe, très vaste et très arbitraire, telle qu'elle a été proposée par Jacquin. On y trouvera réunies des variétés fort différentes d'aspect et de qualité, mais qui, du moins, auront le caractère commun d'être peu odorantes ou même tout à fait, dépourvues d'arome. La chair y est plus communément blanche, vcrdàlre ou


[57]

d'un rose pâïo que rouge orangé, et la saveur beaucoup moins relevée que dans les variétés des groupes précédents. Jaequin donne à cet ensemble le nom de Melons d'Orient; on pourrait tout aussi bien les appeler Melons du Midi, attendu que ce sont eux que l'on cultive le plus dans le midi de l'Europe, en Afrique, en Egypte, en Perse et dans l'Inde. La plupart de ces Melons dégénèrent dans la région moyenne de l'Europe, et à plus forte raison dans le Nord, absolument comme nos excellents Cantaloups perdent toutes leurs qualités dans les pays chauds. 11 est probable que beaucoup de variétés encore inconnues de l'Asie méridionale, et particulièrement de la Chine, rentreront dans ce groupe.

Le plus beau représentant européen de cette section est:

1° Notre Melon d'hiver de Provence, connu aussi à Paris sous le nom de Melon de Cavaillon, et qui est très répandu dans toute la région méditerranéenne. Il a donné naissance à beaucoup de sous-variétés, la plupart désignées par des noms de localités. Sa forme typique est un ovoïde régulier, sans côtes, à peau lisse, mais souvent un peu réticulée par des gerçures, ordinairement unicolore, le plus souvent d'un vert foncé presque noir, qui se modifie à peine par la maturité du fruit, quelquefois aussi d'un jaune plus ou moins vif. Le volume est en général moyen (20 à 25 centimètres dans le sens antéro-postérieur), mais, dans de bonnes conditions de culture, il peut acquérir celui d'une belle Citrouille moyenne (de 30 à 35 centimètres). La peau en est mince et la chair très épaisse, terme, blanche, jaune paie ou verdâtre, suivant la variété, sans parfum, mais fondante et très sucrée. Ce Melon est fort estimé dans le midi de la France et de l'Europe, où on le cultive sur une immense échelle et où il encombre les marchés pendant une partie de l'été et de l'automne. Lorsqu'il a mûri sous un climat sec, il peut se garder plusieurs mois, et l'on en fait communément des réserves pour l'hiver. Cette aptitude à se conserver lui est commune avec plusieurs autres variétés du même groupe.

Le Melon de Cavaillon vient mal A Paris, quelque soin qu'on lui donne; du reste, comme au total il est. inférieur aux Cantaloups et aux Sucrins, très peu de personnes le cultivent, et encore n'est-ce


[58]

guère pour elles qu'un objet de curiosité. On en voit cependant quelques-uns, venus du Midi, aux étalages des fruitiers et des marchands de comestibles, ainsi qu'à nos Expositions d'horticultures automnales. Peut-être les faciles et rapides communications qui s'établissent par les voies ferrées en rendront-elles un jour la consommation plus habituelle dans les pays du Nord. Depuis plusieurs années nous cultivons ce Melon au Muséum, et toujours avec un médiocre succès. Je l'ai vu se modifier d'une manière remarquable en se transformant en un Melon sphérique, d'un jaune pale à l'extérieur, réticulé et à chair rouge, dont la saveur se rapprochait tellement do celle du Sucrin à petites graines, qu'il eût été difficile de l'en distinguer, si l'origine de cette forme nouvelle n'eût pas été connue. C'est un argument de plus en faveur de l'unité de l'espèce. A côté du Melon de Cavaillon, se place:

2° Le Melon de Perse proprement dit, qui en est effectivement très voisin, malgré son aspect tout différent au premier abord. C'est un fruit oblong, de forme généralement obovoïde, de taillé moyenne, jaune assez vif même dans la jeunesse, très élégamment marbré de taches d'un vert noirâtre qui passent à la couleur de rouille ou au rouge orangé lorsque la maturité commence. Ce Melon est tout aussi inodore que le précédent; la chair en est verdâtre et de première qualité. J e l'ai vu se modifier en prenant une forme plus ramassée, une taille plus forte, et en perdant les marbrures de sa peau restée uniformément jaune. Cette belle variété de Melon nous a été communiquée par M. "Vilmorin ; on ne doit pas la confondre avec une autre, qui en est peut-être sortie et qui circule dans le commerce sous le nom italien de Melone di Persia. Celle-ci est plus petite, tout à fait ovoïde, à peau presque blanche, un peu gercée. Je rattache au Melon de Perse proprement dit une variété qui nous a été envoyée de Berlin par M. Koch, sous le nom de Grüne Melone von Smyrna, et qui, dans le fait, ne différait en rien de la variation unicolore dont j'ai parlé ci-dessus.

3° Le Melon muscade des Etats-Unis, qui est intermédiaire entre le Melon d'hiver et le Melon de Perse, légèrement odo-


[59]

rant, à chair verdiïtre. On le dit de très bonne qualité; mais ceux que nous avons récoltés au Muséum étaient plus que médiocres, Nous l'avons reçu de M. Vilmorin, dont l'autorité nous garantit le nom que nous lui conservons ici.

4° Les Melons de Malte, qu'on pourrait jusqu'à un certain point appeler des Melons d'hiver raccourcis. Ils se divisent comme ces derniers en plusieurs sous-variétés qui ne diffèrent guère que par la couleur de la peau et celle de la chair. Ils sont, généralement de taille moyenne ou au-dessous de la moyenne (42 à 15 centimètres de diamètre), plus ou moins sphériques ousphériques déprimés, sans côtes, à peau lisse, quelquefois un peu réticulée autour de l'ombilic, unicolorc, verleou jaune. La chair est épaisse, orangée, rosée ou verdàtrc, sucrée, fondante, à peu près semblable par la saveur avec celle du Melon d'hiver proprement dit. Les variétés les plus répandues sont le Melon de Malle d'hiver à chair rouge et le Melon de Malte d'hiver ci chair blanche, qui se métamorphosent assez souvent l'un en l'autre, elle Melon de Malle d'été à chair verte. Très cultivés dans le midi de l'Europe, surtout en Sicile et en Italie, ces Melons ne sont chez nous que des variétés d'amateurs.

Je passe sous silence une multitude de sous-variétés très peu stables, issues pour la plupart: des variétés précédentes, et qu'on trouve énumérées dans les auteurs qui ont traité du Melon sous le point de vue horticole, et j'arrive tout de suite à une catégorie de Melons qui se rattachent assez naturellement à ceux qui précèdent. Ce sont :

5° Les Melons indo-persans, originaires, comme leur nom l'indique , de l'Asie méridionale, et qui s'avancent à l'ouest jusqu'en Turquie. Ces Melons, bien qu'introduits en Europe sous des noms différents, sont très analogues les uns aux autres, on pourrait presque dire identiques, et leurs différences ne sont probablement que des variations sans persistance d'une seule et même race. Dans le nombre, je mentionnerai le petit Melon couronné de Turquie, rapporté de l'Asie Mineure par Mi Balansa, à peu près sphérique, de la grosseur d'une orange, très lisse, à peau d'un jaune pâle, avec une large couronne autour de l'ombilic, à chair


[60]

vertlâtre légèrement nuancée de jaune orangé du côté des graines: les Melons G'armack ou Germelt et Karasangie, qui sont obo~ voïdes, ovoïdes, sphériques ou sphériques déprimés, à eûtes peu perceptibles, légèrement brodés, à peau jaune pâle, marbrée de tacbes rougeâlres, à ebair rosée; leur taille est un peu au-dessous de la moyenne (15 centimètres environ de diamètre transversal, 10 à 12 dans le sens antéro-postérieur); le Melon Jiley's golden Bail, ou Boule d'or de Jiley, sphérique déprimé et à peu près de même volume que les précédents, sans côtes, à peau jaune et très lisse, à chair jaunâtre; le Melon Jalibie,àe moyenne grosseur, en sphère très déprimée, à côtes larges, peu saillantes, tout couvert d'une réticulation fine et serrée qui lui donne un aspect grisâtre, â ombilic subéreux et très dilaté, â chair d'un blanc rosé; le Melon réticulé du Caboul, de forme ovoïde, sans côtes, à peau jaune et finement réticulée, à chair blanc jaunâtre; les Melons de Sirdah, de Jellalabad, de Cashan, Hossinger, Houzainie, Souskie, Gorgab, Latefy, Trentham Persian, originaires des mêmes contrées, et qui peuvent â peine être distingués, soit les uns des autres, soit du Melon réticulé du Caboul, à chair cassante, blanc jaunâtre, rosée ou faiblement rouge. Tous ces Melons, et quelques autres analogues que je passe sous silence, ont été cultivés au Muséum, en 1858, de graines envoyées, les unes par la Société horlieulturale do Londres, les autres par divers amateurs anglais, et en particulier parM.Harry Veitch, célèbre horticulteur des environs de Londres. Quoique ayant en apparence bien réussi, que la culture en ait été soignée et l'année favorable, tous, sans exception, ont été de qualité très inférieure à Paris. La chair en était, juteuse, peu sucrée, sans parfum, et souvent même elle laissait dans la gorge un arrière-goùt désagréable. Celte expérience semble confirmer ce que l'on a observé plus d'une fois, que les Melons d'Orient dégénèrent pour la plupart en Europe, du moins dans l'Europe moyenne. 11 serait possible, en effet, qu'il en lut autrement, dans le Midi, là où le climat a de certaines analogies avec celui de l'Asie occidentale. Ce qui appuierait celle supposition, c'est le résultat. 1res différent obtenu de la culture de ces variétés indo-persanes à Bordeaux, par M, Durrieu, directeur du


[61]

jardin botanique de cette ville et grand connaisseur en fait de Melons, avec qui j'avais partagé les graines envoyées d'Angleterre. Soit effet de la nature du sol, soit effet du climat ou par toute autre cause, les Melons Jalibie, Souskie et Gorgab ont été trouvés bons et même excellents; quant au Garmack, il s'est montré non-seulement supérieur à ceux de la même collection, mais même à toutes les autres variétés cultivées. «Ce Melon, nous écrivait M. Durrieu sur la fin de l'année dernière, a la chair blanche, épaisse, excessivement sucrée, très fondante, bien qu'un peu cassante; son parfum est délicieux. C'est un Melon exquis, le premier de la collection, comme de tous ceux qui me sont connus. » Le docteur Lindley, dans l'intéressant mémoire qu'il a publié en 1826, sur quelques variétés de Melons de Perse (1), compte effectivement le Melon Garmack (ou Germek, comme il le nomme) parmi les meilleures variétés. Il le place cependant après les Melons Keiseng, Gérie, Darie et de Sine, quatre variétés qui me sont inconnues, mais qui, d'après la description qu'il en fait, appartiennent évidemment à la catégorie des Melons indo-persans.

6°. Les Melons fades d'Afrique, section tout arbitraire, dans laquelle je range, faute de pouvoir les classer ailleurs, des Melons de toute l'orme et de toute grandeur, qui sont peut-être le résidu de plusieurs races primitivement distinctes, mais dégénérées par le fait du climat de l'Afrique ou par le manque de culture. Ces Melons, malgré les dissemblances qu'ils peuvent présenter les uns avec les autres, ont cependant-un caractère commun, c'est celui de la fadeur de la chair, qui est presque toujours d'une coloration pale, quelquefois juteuse et un peu sucrée, plus souvent insipide, pâteuse et sans consistance. La plupart des Melons d'Egypte dont les graines nous ont été envoyées par M. Figari ont présenté ces caractères ; dans d'autres, la pulpe, quoique légèrement sucrée, laissait dans la bouche un arrière-goût presque vireux et des plus désagréables. Je signalerai dans le nombre, comme étant les plus remarquables par leur taille et leur

(I) An Account of ten varieties of Persian Melons, by M' John Lindley, F.L.S., notice insérée dans les Mémoires de la Société linnéenne do Londres, 1826.


[62]

belle tonne: 1° Le Melon C hammam Roumi,àoïû le nom semble indiquer une origine européenne. C'est un fruit de la taille d'un beau Melon maraîcher, tout à fait sphérique, à côtes peu saillantes, finement réticulé, à chair épaisse et toute verte ; si ce n'était que son bois et son feuillage ressemblent presque de tout point à ceux du Melon Chaté, je le regarderais comme une dégénérescence de notre Melon brodé. 2» Le Melon Facqous, frès gros, ovoïde-oblong (de 40 à 45 centimètres de longueur), sans côtes, moucheté, marbré ou bariolé de vert foncé sur fond vert pâle, jaunissant à la maturité, à chair d'un blanc rougeâtre, pâteuse, et tout à tait insipide. Je ne puis pas séparer de ce groupe le Melon Chalé, dont Linné et tous les auteurs qui l'ont suivi ont fait une espèce, sous le nom de Cucumis Chate. Il est remarquable par la grosseur et la roideur de ses sarments, ainsi que par ses feuilles réniformes, velues et comme grisâtres, qui lui donnent un aspect assez particulier pour le faire remarquer dans une collection de Melons. D'après Forskal, qui l'a décrit le premier sous le nom A'Jbdélawi, le fruit est allongé etfusiforme, déjà analogue à ce qui se présente chez quelques Melons-serpents raccourcis ; mais cette forme ne semble pas lui être plus essentielle que toute autre. Deux ans de suite, je l'ai cultivé au Muséum de graines tirées, les unes de chez M. Vilmorin, les autres directement d'Egypte, par l'intermédiaire de M. Figari. Les plantes ont bien présenté, quoique encore à des degrés divers, les caractères assignés à l'Abdélawi de Forskal, mais les fruits en ont été assez différents* J'en ai récolté de sphériques, très déprimés d'avant en arrière, à côtes plates, à peau finement réticulée et quelque peu bariolée de rougeâtre ; d'autres tout blancs et réticulés; d*autres encore de forme obovoïde, lisses, à côtes, marbrés de rougeâtre sur fond jaune pâle, tous caractères qui se sont modifiés d'une année à l'autre. Dans les uns, la chair était jaune rougeâtre ; dans d'autres, elle était blanche avec des tons verdàtres, molle, fondante, mais à peine plus sucrée que celle du Concombre ; ce qui surtout la rendait immangeable crue, était un arrière-goût vireùx et natl^ séabond. Peut-être ces Melons sont-ils moins mauvais en Egypte, où, d'après M. Figari, ils se mangent également cuits et crus. Un


[63]

caractère que j'oubliais de signaler, et qui se retrouve dans un grand nombre de ces fruits de mauvaise qualité, c'est l'adhérence d'une partie de la pulpe autour des graines, adhérence qui est telle, qu'on a de la peine à les en séparer par la malaxation et le lavage. La même particularité s'observe dans quelques autres Cucurbitacées, par exemple dans les Momordica, où, au moment de la maturité, chaque graine est enveloppée d'une couche de matière pulpeuse du plus beau rouge, que quelques observateurs superficiels ont prise, bien à tort,, pour un arille. Ici encore doit se placer un Melon assez singulier, dont les graines nous ont été apportées de l'oasis de Brizina, en Algérie, par l'infatigable explorateur de ce pays, M.Cosson. C'est un très gros fruit, de forme oblongue, elliptique ou obovoïde, à côtes nulles ou peu marquées, à peau très fine, très lisse, luisante, d'un vert noir, finement pointilléede gris. Sa maturité s'annonce bien moins par la teinte jaune qu'il prend quelquefois que par sa rupture et sa dislocation spontanées et presque subites. On le voit, lorsque le soleil est ardent, et souvent sans qu'aucun signe, ni de couleur, ni d'odeur, ait pu faire soupçonner une maturité prochaine, se diviser par de profondes crevasses qui le découpent en lambeaux, et s'affaisser sur lui-même. Toute sa chair est à ce moment si pâteuse et si peu consistante, que les fragments, même d'un médiocre volume, que l'on soulève entre les doigts, se rompent par leur propre poids. Cette chair est faiblement rougeâtre, presque insipide ou rappelant la saveur du Concombre. Je sup* pose que ce Melon ne se mange que cuit, et avant qu'il ait atteint sa maturité. C'est évidemment quelque variété analogue que Roxburgh a décrite comme une espèce distincte sous le nom de C. Momordica, parce que le fruit se déchirait de lui-même, comme il le fait clans les Momordiques.

Melons-serpents

Ve tribu. — Les MELONS - SERPENTS (C. Melo flexuosus).

Les Melons-serpents, dont tous les auteurs, y compris Linné, ont fait une espèce particulière, se placent naturellement à la suite des Melons sans saveur que je viens d'énuniérer. Ils n'en diffèrent


[64]

que par un plus grand allongement de leurs Fruits, qui, dans les Cormes typiques, dépassent fréquemment un mètre de longueur, sans être pour cela plus gros que le bras d'un enfant. Souvent même leur calibre est à peine supérieur à celui du pouce d'un homme, et comme ils sont plus ou moins contournés, ils offrent une certaine ressemblance avec les fruits du Trichosanthes anguina. On en connaît à fond gris et à fond vert noirâtre, qui sont tantôt lisses, tantôt sillonnés clans le sens longitudinal ; ils passent au jaune en mûrissant, et exhalent'alors un parfum de Melon assez prononcé. La chair en est molle, même pâteuse, lorsque la maturité est avancée; sa teinte ordinaire est le rougeâtre ou le rose pale. Par la saveur elle se rapproche beaucoup de celle du Concombre; cependant elle est quelquefois mangeable pour les personnes peu difficiles.

Dans ces variétés, les plantes elles-mêmes semblent participer de la tendance à l'allongement qui est si prononcée dans les fruits. Les sarments en sont grêles, très appliqués contre le sol, à entrenœuds plus longs qu'ils ne le sont communément dans les autres Melons; les feuilles, ordinairement lobées, se font aussi remarquer par la prédominance du lobe médian, qui fait quelquefois à lui seul plus de la moitié de la longueur totale du limbe. Les pédoncules des fleurs femelles s'allongent de même ; mais le phénomène est surtout prononcé sur les ovaires, qui sontfusiformes ou cylindriques, et qui, dans les variétés les mieux caractérisées, sont déjà longs de 10 à 12 centimètres au moment de la floraison. Mais, pas plus ici qu'ailleurs, ces caractères n'ont une grande uniformité, ni une grande fixité ; on les voit se modifier d'une année à l'autre, et les fruits, en particulier, revenir quelquefois subitement de la forme grêle d'un serpent à celle d'un simple fuseau plus ou moins allongé, très voisine de celle des Concombres ordinaires et même de beaucoup de Melons des groupes précédents. Une des altérations les plus remarquables est celle à laquelle Sageref a donné le nom de Melon-trompe, et dont la forme est intermédiaire entre celles du Melon-serpent proprement dit, et des Melons ovoïdes-allongés. Je l'ai vue se former spontanément au Muséum (1857), dans un semis de graines de la variété la mieux


[65]

caractérisée du Melon-serpent. Ce fruit avait environ 80 centimètres de long sur 27 à 28 de tour dans sa plus grande épaisseur; il était d'un vert foncé et portait de nombreuses et profondes rides longitudinales. Une de ses graines m'a donné, en 1858, une variété nouvelle et très différente que je dois signaler comme preuve du peu de constance de ces formes : c'était un petit Melon à peau blanche, ovoïde ovoïde-oblong, -sensiblement trigone comme certains Concombres, et long au plus de 15 à 17 centimètres. La chair en était rouge et légèrement aigrelette. Sageret avait déjà observé des modifications analogues dans les Melons-serpents, et il les attribuait, probablement avec raison, à leur croisement avec diverses autres races de Melons. J'ai cultivé, en 1858, un Melon dontla graine m'avait été remise par M. LeMarchand delaFaverie, et que cet amateur distingué m'assurait être un métis de Melonserpenl fécondé par le Chïto. Le résultat de notre culture n'a ni contredit ni confirmé cette assertion ; j ' e n ai obtenu des fruits de diverses formes : les uns ovoïdes et à côtes, les autres allongés, fusiformes, couronnés au sommet et d'une teinte jaune pâle. La chair en était rougeàlre, molle et aussi insipide que celle du Melonserpent proprement dit.

Malgré la facilité avec laquelle ses formes s'altèrent d'une génération à l'autre, quand il est cultivé au voisinage d'autres races, le Melon-serpent paraît avoir une origine assez ancienne. Il est mentionné par Gaspard Bauhin (Pinaœ, 310), Lobel (Stirpes, p. 363, fig. 21, Dodoens (Pemptades, 66, fig. 2), Morison (Hist.,, I , pl. vi, fig. 7 ) ; enfin par George Don, et par MM. Wight et Arnott, qui l'admettent aussi comme espèce. D'après Don, on le cultiverait beaucoup au Japon, où ses fruits seraient délicieux (1); c'est, ajoutc-t-il, le Banket,- Meloen des Hollandais. On peut douter cependant qu'il s'agisse bien du Melon-serpent, attendu qu'il en compare les fruits à une grosse poire, ce qui ne s'accorde guère avec, la forme classique de cette variété.

(1) « Fruit I lie size of a large pear, eatable and delicious. Il is cultivated » about Nangasaki and elsewhere in Japan; is ripe in juno and is called by tlia » Dutch Bankvl-Mdoen. » (Don, General Sysl. ofGard., t. I l l , p. 27.)


[66]

Quoi qu'il en soit, je regarde le Melon-serpent comme une modification née de la culture et probablement introduite toute formée en Europe, où elle s'est conservée par le procédé artificiel de la sélection, seul moyen qui puisse de même maintenir intactes les belles races de Melons comestibles qui font aujourd'hui l'honneur de nos jardins potagers.

Melons acidulés

VIe tribu. — Le MELON CUCUMÉRIFORME DE L'INDE

(G, Meló acidulus).

Voici une des plus curieuses modifications dont l'espèce du Melon soit susceptible. La graine nous en a été envoyée^ au commencement de 1858, de Pondichéry, par M. Jules Lépine, sous le nom de Concombre; erreur bien excusable, même chez un botaniste, tant il y a de ressemblance entre les fruits de cette variété et ceux du Concombre proprement dit. Le feuillage de la plante est moyen, d'un vert clair ; les sarments en sont cylindriques, presque glabres ; les ovaires, fusiformes, couverts d'une pubescence soyeuse si courte et si intimement appliquée sur eux, qu'au premier abord on les croirait glabres. Les fruits sont oblongs, elliptiques ou pyriforines très allongés, cylindriques ou vaguement trigones, de la taille d'un Concombre ordinaire (de 18 à 25 centimètres de long), sans côtes, parfaitement lisses, de couleur orangée terne même bien avant la maturité, tantôt unicolores, tantôt marbrés de taches roussâtres et absolument inodores. La chair en est toute blanche, ferme, cassante, ayant exactement l'aspect et la saveur de celle du Concombre, avec cet arrière-goût légèrement aigrelet qu'on y remarque ; de là le nom de C. Meló acidulas, par lequel j'ai cru de^ voir désigner cette nouvelle variété. On conçoit qu'un fruit de cette nature ne soit comestible que cuit. Nous en avons du reste fait l'expérience : préparé à la manière du Concombre blanc, il en a eu tout à fait l'apparence et la saveur.

N'ayant encore cultivé le Melon ciicumêriforme que pendant une année, je ne puis pas encore dire s'il a beaucoup de fixité, ni quelles modifications il peut subir par son croisement avec les autres races ou par le fait de sa culture sous le climat de notre pays;


[67]

Melons chitos

VIIe tribu. — Le MELON CHITO (C. Melo Chito Ndn, C. Chito Morren).

Toutes les races ou variétés de Melons que nous avons examinées jusqu'ici, à l'exception peut-être de la dernière, sur laquelle je n'ai pas encore assez de renseignements, ne sont, selon toute probabilité, que des produits artificiels nés d'une culture séculaire et clans des conditions infiniment variées de sols et de climats. Celles qui vont suivre me paraissent, au contraire, des races naturelles, c'est-à-dire formées spontanément, en vertu de la tendance innée des types spécifiques à se subdiviser en types secondaires, et n'avoir été que peu ou même pas du tout modifiées par l'influence de l'homme. Je base celte opinion sur ce que leurs formes sont en même temps beaucoup mieux arrêtées et beaucoup plus stables que celles des autres variétés. Elles sont ou tout à fait sauvages, ou encore très voisines de cet état ; néanmoins, elles s'altèrent à la longue par la culture, et, comme elles conservent la faculté de se croiser avec les autres, races quelques-unes s'y rattachent déjà par de nombreux intermédiaires.

Le Melon Chito paraît avoir été introduit assez récemment en Europe, car je ne retrouve rien dans les auteurs des xvi% XVII E et même xvm° siècle qui puisse me faire supposer qu'il y ait été connu à ces diverses époques. Seringe lui-même n'en parle pas. La première description en a été faite tout récemment par M. Morren, dans le journal d'horticulture intitulé Belgique horticole (1), sous le nom de Cucumis Chito, ce qui annonce qu'il le considérait comme une espèce botanique. C'est probablement ce Melon qui a été représenté par Atibriet dans les Vélins du Muséum, t. LX1, ii° 32, et qui est rapporté, je ne sais par qui, dans un étiquetage manuscrit, au Melo rotundusparvus de G. Bauhin (Pinax, 311). Mi Morren le dit introduit de la Havane en Belgique, d'où il s'est depuis propagé dans divers jardins de l'Europe. Il semble d'ail-

Tome I , année .4850-1 S o i , p, âOâ, aveu une assez bonne figure coloriée. 68

leurs être assez habituellement cultivé eu Amérique, car nous l'avons nous-mème reçu de la Nouvelle-Grenade par l'intermédiaire de M. Triana, ce qui toutefois n'implique pas une origine américaine. Sans savoir au juste d'où il a pu être tiré primitivement, il me paraît très vraisemblable qu'après avoir passé de l'Inde continentale dans les colonies espagnoles ou portugaises de l'Asie, il aura été transporté directement de là en Amérique. Je ne suis même pas éloigné de voir dans les variétés nommées par Roxburgb C. turbinatus, et par Roylc C. aromalicus, la véritable souche du Melon Chito.

Nous en avons cultivé plusieurs pieds au Muséum en 1858, tous issus des graines venues de la Nouvelle-Grenade. Les plantes ont été fort remarquables par leur faciès général, qui était tel qu'un observateur superficiel eût pu facilement y voir une espèce totalement distincte du Melon. Les sarments, longs au moins de 1 mètre 1/2, en étaient extrêmement ramifiés ; le feuillage, petit, long et large au plus de 6 à 7 centimètres, presque cordiforme, à lobes à peine saillants , était d'un vert clair, qui lirait quelque peu sur le jaune. Ces plantes, d'ailleurs parfaitement semblables entre elles, ont été tardives et n'ont guère fructifié qu'à l'arrière- saison, c'est-à-dire dans le courant de septembre. Les fruits en ont été presque spbériques, de la grosseur d'un abricot moyen, très lisses, d'abord verts, puis d'un beau jaune à la maturité, et d'une odeur douce, mais prononcée. La chair en était peu épaisse, d'un blanc jaunâtre, assez sucrée pour être mangeable, quoique bien loin de répondre à ce que M. Morren en avait fait espérer. Ce n'est en définitive qu'une race de simple curiosité, mais qui a de l'intérêt pour le botaniste comme un des remarquables exemples du polymorphisme de l'espèce qui nous occupe.

J'ai reçu de M. Le Marchand de la Laverie des graines de Chito qui avaient une autre origine, et qui venaient, probablement des plantes introduites de la Havane en Belgique. J'en ai semé quelques- unes qui n'ont pas levé ; le reste a été envoyé à M. Durricu, qui a eu plus de succès dans son jardin de Bordeaux. Voici les renseignements qu'il m'a transmis relativement à ses plantes : «Fruits très petits, de forme ovoïde-elliptique, à peau lisse, jaune, por-


[69]

tant (les bariolures vertes, étroites et régulières. Chair mince, pâle, assez sucrée et fondante; arôme prononcé, pieu agréable. Insignifiant comme fruit. » Tous ces caractères paraissent s'accorder assez bien avec ce que Roxburgh nous apprend de ses C. turbinatus et maderaspatanus qui croissent spontanément dans l'Inde, que les indigènes n'y cultivent pas, et dont cependant ils estiment beaucoup les fruits à cause de leur saveur sucrée et de leur par* fum. D'après M. Triana, les fruits du Chito sont comestibles en Amérique.

Pour terminer ce que j'avais à dire de ce Melon, j'ajouterai que j'ai reçu de M. Koch (de Berlin) des graines étiquetées : Hybride von Chito-Melone und schwarzer Portugiesischer, c'està- dire, hybride du Chito et du Cantaloup noir de Portugal. J'en ai obtenu de fortes plantes, à feuillage grand, arrondi, d'un vert foncé,dont les fruits ont été des Melons de moyenne taille, oblongs, sans côtes, très velus même à l'état adulte, d'un vert foncé qui a tourné au jaune à la maturité. La chair en était de couleur abricot, filandreuse, mais fondante et assez sucrée. 11 est bien entendu que je ne garantis pas l'hybridité attribuée à la plante qui avait fourni les graines.

Melons dudaïms

VIIIe tribu. — Les MELONS DUDAÏMS ( C. Melo Diulaim Ndn. — Melo rotundus parvus G. Bauhin. — C. Dudaim Linn. — C. sativus Schemmam Forsk. — C. piclus Jacq. — C. pedatifidus et C. Reginœ Schrad. — C. Schrdderianus Rœm.— C, odoratissimus Mfcnch. •— Melon de poche, Melon de la reine Anne, Melon des Canaries, etc., Morren. — Melon de senteur, Citrouille odorante, Pomme de Brahma, etc., Hort.).

Les Dudaïms, si l'on s'en lient à la forme type, constituent une des races les mieux caractérisées et les plus stables dans l'espèce du Melon; mais comme ils se croisent facilement avec toutes les autres, ils ne tardent pas à dégénérer et à perdre leurs caractères lorsqu'on les cultive quelques années de suite dans leur voisinage. On voit alors naître des métis qui, par leurs variations illimitées de forme, de taille et de couleur, rappellent toutes les


[70]

modifications que nous avons observées ci-dessus dans les Melons comestibles.

Je regarde comme le type de celte race la variété si connue dont le fruit sphérique ou légèrement déprimé d'avant en arrière passe en mûrissant au jaune orangé plus ou moins vif, avec des macules ou des bariolures longitudinales d'un rouge terne, et qui exhale alors une odeur de Melon extrêmement prononcée. Celle odeur est même quelquefois si forte, que certaines personnes se trouvent incommodées de la présence d'un ou deux fruits de cette variété dans un appartement. Sa taille varie du volume d'un petit abricot à celui d'une orange; il se détache du pédoncule presque dès les premiers symptômes de maturité, et il con? serve encore en ce moment sa pubescenee primitive qui forme une sorte de velours à sa surface. La chair en est peu épaisse, d'un blanc jaunâtre ou légèrement rosée, faiblement sucrée et laissant toujours un arrière-goût qui suffit pour la rendre immangeable. Cet arrière-goût déplaisant se retrouve dans tous les métis que le Dudaïm produit avec les autres Melons, quelque excellente qu'en soit la variété. On devra donc l'éloigner des melonnières quand on licndra à conserver aux bonnes races de Melons les.qm-. lites qui les distinguent.

Cette première forme du Melon Dudaïm, que je crois encore voisine de l'état sauvage, se conserve très franche lorsqu'elle n'est pas exposée à se croiser, soit avec les Melons ordinaires, soit avec quelque variété dégénérée de sa propre race. Elle varie cependant par le fait seul de la culture et du climat, mais sans perdre ses caractères essentiels; ses fruits peuvent s'allonger ou se raccourcir, passer de la forme déprimée à. la forme obovoïde, diminuer de grosseur ou prendre un volume plus considérable; j'en ai vu qui approchaient de celui d'un Melon brodé ordinaire, ce qui est du reste un cas extrême et assez rare, mais toujours la coloration, l'arôme et la qualité de la chair restaient ce qu'ils sontdans la forme typique. Une particularité à noter, est la variation de grandeur des graines, suivant les échantillons : dans les plus petits, elles ne sont souvent guère plus grandes que celles du Ç. Prophelarum; dans ceux de grande taille au contraire, et sur-.


[71]

tout dans les variétés métisses, elles égalent à peu près celles de beaucoup de variétés de Melons. On voit donc reparaître ici le fait que j'ai déjà signalé dans l'espèce du Cucurbila Pepo,' où les graines sont également très variables de grandeur suivant la race et le volume des fruits. Leur coloration varie de même du blanc sale au jaune assez vif.

Le Dudaïm de race pure offre même dans sa végétation certains caractères qui peuvent, jusqu'à un certain point, le faire reconnaître par un œil exercé. Les feuilles en sont assez souvent un peu plus longues que larges, vaguement triangulaires et comme chagrinées dans le premier âge; leur teinte est un vert clair dans lequel on distingue une imperceptible teinte jaunâtre qui rappelle celle du C. dipsaceus. Ces caractères toutefois ne sont pas toujours assez prononcés pour être sensibles, et d'ailleurs on les retrouve dans plus d'une variété de Melons comestibles. Ils disparaissent d'une génération à l'autre par le croisement avec les autres races de Melons.

On conçoit aisément que, dans les produits métis du. Dudaïm, les altérations du type doivent varier en raison des caractères particuliers des Melons qui sont entrés dans le croisement; aussi, comme je le disais tout à l'heure, les voit-on reproduire toutes les variations du Melon lui-même. On en jugera par l'énumération de quelques-unes de ces formes bâtardes qui se sont produites dans nos cultures; je ne cite que les plus remarquables :

1° Des fruits ovoïdes-allongés, très lisses, sans côtes, d'une teinte blanc sale uniforme, sans marbrures, à chair rouge, épaisse et très sucrée ;

2° Des fruits, tantôt sphériques, tantôt ovoïdes, d'un jaune pâle uniforme, les uns à chair blanche, les autres à chair rouge;

3° Des fruits de forme obovoïde très allongée, blanc verdàtre, marbrés de fauve, à chair verte tout à fait insipide;

4° Des fruits sphériques d'un vert noir, passant au jaune en mûrissant, à côtes prononcées, déjà tout à fait semblables à ceux de quelques Melons des petites variétés ;


[72]

5° Des fruits spbériques, à peau blanchâtre, (rèsréliculés, à chair rouge et sucrée ;

6° Des fruits sphériques déprimés, à côtes, marbrés de vert sur fond blanc, avec une large couronne autour de l'ombilic, tout à fait semblables, en un mot, à de petits Cantaloups par la forme et la coloration;

7° Enfin des fruits ovoïdes, à côtes prononcées, de même grandeur et de même forme qu'un Melon brodé ordinaire, les uns lisses, les autres réticulés.

Dans ces diverses variétés métisses, ainsi que dans beaucoup d'autres que je passe sous silence, la chair, même lorsqu'elle était le plus sucrée, conservait invariablement l'arrière-goût désagréable dont j'ai parlé plus haut. Cet arrière-goût, toutefois, n'est pas exclusivement propre aux Dudaïms; on le retrouve, plus ou moins prononcé, dans un bon nombre de ces Melons de races inférieures de l'ÉgypIe et du Levant, même lorsqu'ils n'ont encore été altérés par aucun mélange.

Sageret (Mémoire sur les Cucurbitacées) avait déjà remarqué ces faciles alliances du Melon Dudaïm avec les Melons ordinaires, mais il n'en persistait pas moins à en faire une espèce distincte. Je ne partage pas son opinion à cet égard, et je n'admets pas non plus avec.lui (loc. cit., p. 93) qu'il puisse y avoir utilité à croiser les Melons comestibles avec les Dudaïms et le Cbaté, pour en obtenir des variétés nouvelles. Je crois, au contraire, que les jardiniers maraîchers et autres feront bien de proscrire sévèrement ces mauvaises races dont l'influence la plus certaine est d'abâtardir les bonnes. Hors de là, le Dudaïm bien franc mérite, pour la gentillesse de ses fruits qui peuvent servir à orner les desserts, de trouver place dans quelque coin écarté du jardin, mais il ne saurait jamais être pour nous qu'un objet de simple agrément ou de curiosité.

Probablement à cause de son arôme si développé, le Dudaïm est en grand honneur clans la plupart des pays musulmans. Il abonde en Perse, en Egypte et dans tout le nord de l'Afrique, et je l'ai même vu vendre sur les marchés de l'Algérie. Les Espagnols l'ont depuis longtemps porté dans leurs colonies d'Ame-


[73]

rique, où ils lui donnent le nom de Melonsilo de olor, ainsi que nous l'apprennent Gilii et Xuares. On en trouve d'assez bonnes ligures dans divers auteurs, et en particulier dans les Vélins du Muséum (tome LXI, sous les numéros 2ft, 2 5 , 2 6 et 2 8 ) .

Melons de Perse

IXe tribu. — Le MELON ROUGE DE PERSE ( C . Melo erythrœus Ndn).

Quoique rappelant d'assez près les Dudaïms, cette variété, que je ne connais du reste que par une seule année de culture, et dont, par conséquent, je n'ai pas encore pu constater la persistance, me paraît cependant assez tranchée pour que je la classe à part. Nous l'avons reçue d'un amateur anglais, M. Bucton, d'Hatfields, dans le Hampshirc, qui nous l'a fait parvenir par M. Lindley, sous le nom de Small Apple-Melon from Persia. Ce qui nous la rend particulièrement intéressante, c'est qu'elle est pour nous le premier exemple d'un Melon qui revêt cette vive couleur écarlate qu'on trouve si fréquemment dans les fruits des Cucurbilacées, et que nous voyons apparaître même dans quelques races de Potirons (le Turban rouge et le Potiron marron, par exemple), où elle n'est toutefois qu'exceptionnelle. Dans le Melon rouge de Perse, la plante n'offre pas l'aspect propre au Dudaî'm de race p u r e ; les feuilles en sont moyennes, d'un vert foncé, à 3 ou 5 lobes courts et arrondis. Le fruit est presque sphérique, de la grosseur d'une petite orange, sans vestiges décotes, très lisse, d'un vert noir dans la jeunesse, mais passant à Pécarlate un peu sombre en mûrissant. L'odeur en est presque nulle et la chair blanche et à peine sucrée. D'après le donateur des graines, ce Melon ne serait pas comestible en Perse; je ne vois pas non plus qu'il puisse être chez nous autre chose qu'un objet de simple curiosité.

Melons sauvages

Xe tribu. — Les MELONS SAUVAGES (C. Melo agrestis Ndn).

Je réunis ici, au moins provisoirement, toutes ces petites variétés de Melons qu'on trouve aujourd'hui à l'état sauvage, soit dans les contrées que je regarde comme le berceau certain de l'espèce,


[74]

soit dans celles qui, leur étant analogues parle climat, ont pu permettre au Melon de s'y naturaliser, si même il n'y était pas déjà indigène. On ne peut guère mettre en doute que, semblable en cela à une multitude de Cucurbitacées, le Melon n'ait, dès le commencement de sa culture, offert à l'homme des variétés naturelles fort tranchées, et je ne serais pas éloigné de croire que chacune de nos grandes races actuelles de Melons cultivés, telles par exemple que les Cantaloups, les Melons d'hiver, etc., se rattachent primitivement à autant de variétés distinctes qui se sont modifiées parallèlement les unes aux autres pendant des siècles de culture. Quoi qu'il en soit de-cette hypothèse, nous pouvons dès maintenant former deux groupes de toutes les variétés de Melons restés ou retournés à l'état sauvage, variétés dont le nombre s'accroîtra sans doute lorsque nous connaîtrons mieux la végétation de ces immenses régions- tropicales de l'Asie et de l'Afrique, les unes insuffisamment explorées, les antres encore totalement inconnues. Ces deux groupes seront :

1" Les Melons sauvages de l'Inde, que tous les botanistes angloindiens s'accordent à rapporter aux Cucumis pubescens de Willdenow, C. turbinatus et C. maderaspatanus de Roxburgh, ce dernier ne devant pas être confondu avec la plante linnéenne de même nom, qui est devenue successivement le Bryonia, puis le Mukia scabrella. Ces Melons ne sont pas absolument uniformes dans leur aspect, ce qui tient sans doute à la diversité des lieux, et ils ont été une fréquente cause d'embarras pour les nomenclateurs; il suffit toutefois d'en comparer un certain nombre d'exemplaires, soit entre eux, soit avec quelques-unes de nos races cultivées, pour reconnaître qu'ils ne font avec ces dernières qu'une seule et même espèce. Les feuilles en sont tantôt reniformes, tantôt à 3 ou 5 lobes, quelquefois aussi grandes que dans la plupart de nos variétés communes, souvent aussi beaucoup plus petites, et parfois même se rapprochant assez de celles du C. trigonus pour qu'on ait de la peine à les en distinguer. Leur seul caractère un peu tranché, et encore y a-t-il de nombreux intermédiaires qui en atténuent la valeur, est la petitesse relative des fruits, qui, dans


[75]

certains échantillons, ne sont, guère plus gros qu'une prune de mirabelle, tandis que dans d'autres ils atteignent ou même dépassent le volume d'un citron ordinaire. Ils sont généralement ovoïdeselliptiques, sans côtes, très lisses, plus ou moins velus dans le premier âge, généralement glabres à l'état adulte, parcourus dans le sens longitudinal par dix bariolures ou séries de marbrures vertes sur fond plus clair, qui passent au jaune orangé à la maturité, le fond restant jaune pfde. Ils exhalent alors une faible odeur de Melon,, ou sont tout à fait inodores. La chair en est presque nulle, blanche, insipide ou faiblement sucrée; je l'ai trouvée légèrement amère dans quelques-uns des échantillons que j'ai cultivés au Muséum, en 1858. On peut voir d'assez bonnes figures coloriées de ces variétés dans les Plantes de l'Himalaya de Royle, dans les dessins inédits de Roxburgh (East India Company Muséum), ainsi que dans la collection de sir William Hooker où il en existe une très authentique, de la main mémo de Roxburgh.

D'après cet auteur, le C. maderaspatanus n'est jamais cultivé, bienqueles indigènes de l'Inde en récoltent les fruits qu'ils ont en grande estime; il ne dit pas si son C. turbinatus, qui est également comestible pour ces moines peuples, malgré la petitesse de son fruit dont il assimile le volume à celui d'un œuf de perdrix, est cultivé ou non, mais rien n'empêcherait qu'il le fût sur quelques points sans cesser d'être sauvage sur d'autres. J'ai supposé, plus haut, que le Melon Chito pourrait en avoir tiré son origine, j'avoue cependant que la même supposition est possible pour cette autre variante à laquelle Royle a donné un instant le nom de C. aromaticus (1), et qu'il a plus tard réunie au C. pubescens et même au C. turbinatus, à moins que l'on n'aime mieux en faire la souche de nos Dudaïms. Pour MM. Wighl et Arnott les C. pubescens et maderaspatanus ne font qu'un, mais ils en séparent encore le C, turlrinaius, probablement plus guidés en cela par l'autorité de Roxburgh que parleur propre observation. C'est très probablement aussi à une forme voisine de celle-ci que Stocks a donné le nom de C. cicatrisatus, qui est, paraît-il, à l'état de culture, et

(1) Royle, Illuslr.of Bot. Himal., t. I l , p. 220.


[76]

dont les fruits un peu plus gros approchent déjà de ceux de quelques- unes dos variétés de Melons plus communément cultivées.

L'habitat connu du Melon sauvage dans l'Inde est, ainsi que je l'ai dit en commençant, fort étendu. On en jugera par le relevé que j'en ai fait dans l'herbier de sirW. Hooker, qui en contient un grand nombre d'échantillons, la plupart récoltés par M. Thomson, l'infatigable explorateur de l'Inde anglaise, et qui est aujourd'hui directeur du jardin botanique de Calcutta. Les localités sont, dans le nord de l'Inde, les districts de Bhyrowal et de Gurwal, la vallée de Sulledjeet les environs de Cawnpore, le Pendjab, les alentours de Moradabad, les plaines gangétiques supérieures, jusqu'à 1000 mètres d'altitude; dans l'Inde méridionale, les monts Nilgherries et les provinces de Mysore et de Carnatic J'ai déjà dit que cette forme sauvage,du Melon nous a été envoyée de Pondichéry par M. Jules Lépine. À ces diverses localités il faut joindre le Bcloutchistan, d'aprèsM. Frère, cll'îledeCeylan, d'après M.Thwaites, ainsi qu'en font foi des échantillons du même herbier ; il convient encore d'y ajouter celles qui sont indiquées par Boxburgh, Wallich et Royle. Je regarde comme fort probable qu'on rencontrera de même le Melon sauvage dans le pays des Birmans et en Cochinehine, peut-être même dans la Chine méridionale, si toutefois la culture, qui a presque tout envahi dans ce dernier pays, no l'en a pas fait disparaître.

Les botanistes de profession ne sont pas les seuls qui aient rencontré le Melon sauvage dans l'Inde ; il a été aussi aperçu par d'autres voyageurs, et, chose remarquable, il s'en est trouvé parmi eux qui n'ont pas hésité à en reconnaître l'espèce. Le Gardeners' Chronicle, excellent journal d'horticulture et de botanique appliquée, m'en fournit un exemple. Un de ses abonnés, ancien officier dans les armées de l'Inde, et qui se désigne par les initiales J . H. H . , lui a adressé, en 1857 (page 153), une intéressante notice sur les Melons de l'Inde, qu'à cause de sa longueur je ne puis pas rapporter textuellement ici, mais dont j'extrairai du moins le passage suivant : « Le Melon, dit-il, se trouve à l'état sauvage dans l'Inde ; je l'ai vu croître dans les sols les plus secs et les plus infertiles. Il germe au début de la saison pluvieuse, c'est-


[77]

à-dirc en juin ou juillet, suivant les années. En quelques jours, il couvre -déjà la terre de sa verdure, et ses fruits commencent à mûrir dans le courant de septembre. Les plus beaux échantillons de ces Melons sauvages ont le volume d'un œuf de cane; ils sont de forme oblongue, sans trace de côtés, glabres, et d'un jaune vif à la maturité, et ils exhalent alors un parfum de Melon assez prononcé. La chair en est blanchâtre, mais d'une saveur aigrelette et légèrement sucrée. » Dans une autre communication faite au même journal (année 1858, p. 130), cet abonné, revenant à la question qui nous occupe, dit encore : « Rien n'est plus fréquent que de rencontrer le Melon à l'état sauvage, dans l'Inde, à l'époque des moussons, et dans les localités les plus arides et les plus dépourvues de végétation. Il sort de terre après les premières pluies ; ses fruits, dont la grosseur varie de la taille d'une prune à celle d'un bel œuf de poule, mûrissent en septembre et en octobre, après quoi les plantes disparaissent entièrement Mon opinion, et je la fonde sur des observations personnelles, est que le Melon est originaire des régions tropicales, et que la saison naturelle où il croît est celle des pluies périodiques de l'été. Je regarde les modifications qu'il présente dans nos races domestiques comme le résultat d'une longue culture sous des climats plus ou moins différents de celui de son pays originaire.» L'estimable auteur de ces communications avait conservé des graines de ces Melons sauvages, et il voulut bien nous les adresser par l'intermédiaire de M. Lindley; malheureusement elles dataient déjà de dixhuit ans, et elles avaient sans doute perdu leur faculté germinative, car j'ai eu le regret de n'en voir lever aucune. Au surplus, lavariélé sauvage dont il parle est évidemment identique avec celle que j'ai cultivée au Muséum. D'après tous ces faits, je crois que les botanistes n'auront aucune difficulté à admettre que l'Inde est bien réellement la patrie du Melon, et que cette espèce y existe encore à l'état sauvage.

En est-il de même des archipels de l'océan Pacifique, des iles Fidji et de la Société, de Tahiti par exemple, oû M. Asa Gray (1)

(I) Uniled Slales oxploring Expédition , 1. I, p. 646. Voici les propres paroles


[78]

nuus apprend que le Cucumis pubescens de Willdenow a été rencontré parles botanistes du voyage de circumnavigation entrepris sous les auspices du gouvernement américain?C'est ce qu'il n'est pas encore possible de décider. En admettant que M. Asa Gray n'ait pas pris une nouvelle espèce pour celle de Willdenow (1), on trouve autant de probabilités pour la naturalisation du Melon dans ces îles à climat tropical que pour son indigénat. On conçoit, en effet, qu'un fruit, dont l'usage est si populaire et si universel dans l'Inde, ait dû se propager, même à une époque fort ancienne, dans les iles de la Sonde, et que, s'avançant de proche en proche par Bornéo et la Nouvelle-Guinée, il ait pu atteindre les archipels les plus reculés de la mer Pacifique. Mais il n'est pas moins possible non plus qu'il y soit véritablement indigène, dans le sens qu'on attache à ce mot, car toutes ces îles sont dans la circonscription géographique du genre Cucumis. Si cette supposition se confirmait, et si d'un autre côté il venait à être démontré que les archipels de l'océan Pacifique ne sont que les restes d'un continent submergé, il faudrait admettre que le type spécifique du Melon existait déjà à l'époque du grand cataclysme qui aurait si profondément bouleversé cette partie du globe.

de M. À. Gray.: « I find nothing to distinguish the specimens of the South sea » islands from Cucumis pubescens, except the smooth fruit, which in the form » collected at the Feedjee islands still shows traces of the pubescence that clothes » the ovary ; the fruit appears to be globular and scarcely an inch in diameter, in » the Tahitian form, the fruit is larger, oval, fully an inch and a half long, smooth » and even, with no trace of pubescence. The short lobes of the leaves are only » minutely denticulated. This would seem to be Forster's Cucumis bicirrha (of » wich no specimens are known to be extant) ; but the tendrils are all simple. »

( I ) Il ne serait pas impossible que M. Asa Gray eût commis ici une erreur analogue à celle des botanistes anglo-indiens, lorsqu'ils confondent le Cucumis trigonus avec les C. lurbinatus, pubescens et maderaspatanus, attendu qu'il paraît exister à Tahiti j et probablement dans quelques autres archipels voisins, un Cucumis qui, à un premier aperçu, ne semble môme pas éloigné du C. trigonus. Je ne puis encore en parler que d'après un seul échantillon sec qui nous a été adressé de Tahiti par M. Pancher, et cet échantillon est en trop mauvais état pour qu'on en puisse déterminer l'espèce, mais il suffit pour permettre de regarder comme possible la confusion de cette espèce avec quelques-unes des petites variétés sauvages du Melon.


[79]

2° Le petit Melon de Figari, ou Melon sauvage d'Afrique [C. maculatus? Seringe), dont la forme typique est obovoïdc, un peu atténuée en pointe vers le pédoncule. La plante est semblable à celle des Melons ordinaires, mais un peu plus petite dans toutes ses parties, à rameaux plus grêles et très hispides, à feuillage réniforme ou obscurément lobé et d'un vert foncé. Les fruits sont en général nombreux (de 10 à 20) sur un même pied, communément de la grosseur d'un œuf de poule, quelquefois moindres, rarement plus gros si le type de la race est bien pur, d'un vert noir tempéré par quelques bariolures plus claires avant la maturité, passant au jaune un peu pâle en mûrissant. Ils exhalent alors une odeur suave de Melon, mais qui ne correspond pas aux qualités de la chair. Celle-ci est blanche ou jaunâtre, fade, quoique un peu sucrée, et laisse un arrière-goût nauséabond fort analogue à celui que je trouve au Melon Chaté. Les fibrilles placentaires sont blanchâtres , mais elles tournent quelquefois à l'orangé pâle, et les graines sont entourées, comme dans le Chaté et quelques autres Melons, d'une pulpe transparente et visqueuse dont il est difficile de les séparer.

Le Melon deFigari est une des races les plus stables que je con* naisse dans l'espèce. Depuis nombre d'années qu'il est cultivé au Muséum, il se montre toujours semblable à lui-même ; mais parmi les individus assez nombreux de nos cultures, en 1858, il s'en est trouvé deux qui m'ont présenté pour la première fois des altéralions notables du type, et qui étaient un acheminement visible vers des formes plus ordinaires de Melons. Tous deux donnèrent des fruits dont le volume était cinq ou six fois plus considérable que de coutume : dans l'un, ils étaient, non plus pyriformes, mais ovoïdes-elliptiques, à peau lisse et d'un orangé vif à la maturité ; dans l'autre, au contraire, ils s'étaient raccourcis, avaient pris une forme ovoïde qui était justement l'inverse de la forme typique, et leur peau s'était couverte d'une broderie peu serrée, mais très caractérisée. La chair avait éprouvé de même quelques modifications :.elle s'était épaissie, était devenue plus fondante et plus sucrée, et les graines, qui, dans le type pur, sont très petites et presque blanches, avaient pris tout à fait la taille et la couleur


[80]

jaune décolles de la plupart des Melons comestibles. Que ces changements aient été dus à une variation toute spontanée de la race, ou, ce qui me paraît plus probable, à un croisement de cette race avec quelque autre variété de Melon, ce n'en est pas moins un fait à l'appui de mon opinion sur l'identité spécifique absolue du Melon de Figari et de toutes les autres races de Melons.

Ainsi que jel'ai dit plus haut, d'après les renseignements fournis par le savant directeur du jardin botanique du Caire, le Melon de Figari paraît indigène dans la vallée du Nil, dans la haute Egypte, en Nubie et eu Abyssinie. Peut-être, lorsque l'Afrique aura été mieux explorée, le retrouvera-t-on beaucoup plus loin vers le sud et vers l'ouest de ce continent, et, comme je l'ai déjà donné à entendre, il se pourrait que le Cueumis pubescens, indiqué par M. Asa Gray sur les terrains rocailleux et arides des îles du cap Vert, ne lut pas autre chose que cette petite race. Quoi qu'il en soit, je soupçonne le Melon de Figari de tenir de près à diverses variétés de Melons cultivées en Egypte, en Syrie et dans le nord de l'Afrique, variétés qui, avec un volume plus grand, présentent cependant de grandes analogies de forme et de qualité avec lui, étant pareillement obovoïdcs, coniques à la partie poste • ricure, lisses, sans côtes, souvent d'un vert noir dans la jeunesse, et ayant de même la chair fade et les graines enveloppées d'une pulpe tenace. Nous cultivons au Muséum, depuis bien des années, une variété dont l'origine nous est inconnue, qui tient pour ainsi dire exactement le milieu entre le Melon de Figari et les .Melons d'hiver, et qui n'est peut-être que le premier à un état de domestication plus avancé. Ne faut-il pas aussi rapporter à celte race le prétendu Concombre du Liban, décrit et figuré par Ch. Morrcn dans sa Belgique horticole (t. If, p. 180), qui est certainement un Melon, et qui en parait si voisin par la taille et la forme? Cette parenté du Melon de Figari avec certaines varietés de Melons comestibles d'Afrique et d'Arabie me paraît indubitable ; mais il reste à savoir s'il en est lui-même une forme dégénérée et retournée à l'état sauvage, ou si, au contraire, c'est de lui <pic ces variétés sont descendues en s'amélioranl graduellement par la culture. J'incline pour celle dernière opinion,-que-'


[81]

je fonde, entre autres, considérations, sur la remarquable stabilité de cette race.

Tout n'est, pas dit sur l'histoire du Melon ; sur le nombre, les caractères et les limites des diverses races qui en composent l'espèce, leur degré de persistance, les modifications qu'elles ont subies ou qu'elles sont aptes à subir encore par le fait de la domestication, etc.; mais c'est au temps et aux circonstances à compléter ce que je laisse inachevé sous ce rapport. Le but essentiel que je me suis proposé, et que les botanistes trouveront peutêtre que j'ai atteint, a été d'établir, par la double voie de l'expérimentation et de l'observation, l'identité spécifique de races et de variétés que jusqu'ici on avait cru devoir considérer comme autant d'espèces distinctes, apportant par là de nouvelles preuves du polymorphisme trop peu étudié de certains types spécifiques. Malgré l'état d'avancement de l'histoire naturelle, la question de l'espèce n'est pas résolue, et elle a pris dans ces dernières années un degré d'importance philosophique qu'on ne soupçonnait peutêtre pas au commencement de ce siècle ; je m'estimerai heureux si, de m'es recherches sur les plantes qui font l'objet de ce travail et des idées que j 'y ai émises, il sort quelques éléments nouveaux pour la solution de cette question fondamentale.

Dans un mémoire de la nature de celui-ci, j'ai dû m'abstenir, en parlant des espèces et des variétés domestiquées, de toucher au côté horticole de la question ; je n'aurais rien eu de neuf à apprendre aux habiles praticiens qui, soit en France, soit à l'étranger, se livrent avec tant de succès à leur culture, et c'est à peine si j'ai dû leur signaler celles qui sont réputées les meilleures sous notre climat. Je tiens cependant à faire ressortir ce point qui a un intérêt incontestable pour lejardinage : c'est que les qualités propres à la plupart des races de Melons semblent être inhérentes à de certaines conditions locales, hors desquelles elles disparaissent presque toujours. Il faut donc moins compter sur l'acquisition de races et de variétés nouvelles, pour un pays donné, que sur la conservation et l'amélioration de celles qui y sont devenues en quelque sorte indigènes par une longue culture, et dont l'expérience a constaté


[82]

le mérite. Sagerct, et quelques autres après lui, ont recommandé l'hybridation, ou plutôt le métissage des diverses variétés de Melons les unes par les autres, comme un moyen de les améliorer; je crois, au contraire, que ce procédé, qui a pour effet de substituer des variétés artificielles à celles qui sont nées spontanément des conditions locales, n'a guère d'autres chances que d'amener l'abâtardissement de ces dernières. Je regarde, comme un moyen bien plus rationnel et plus certain d'amélioration l'emploi de la sélection pure et simple, qui consiste, comme tout le monde le sait, à ne prendre pour reproducteurs, dans une variété donnée, que les échantillons chez lesquels les qualités à conserver ou à accroître sont le mieux exprimées. La pratique Tîst d'ailleurs ici d'accord avec la théorie : c'est par le choix scrupuleux des porte-graines, purs de tout alliage, et doués au plus haut degré des caractères typiques de leur race, que nos maraîchers sont parvenus à conserver et quelquefois même à perfectionner ces belles et excellentes variétés de Melons, de Potirons, de Choux et d'autres légumes, qui font l'honneur du jardinage parisien. Elles dégénéreraient promptement si leur reproduction était livrée au hasard des croisements, ou si une main inintelligente présidait au choix des porte-graines.

On a beaucoup écrit sur la culture du Melon, et quoiqu'il n'existe pas encore de traité général s'appliquant à tous les lieux et à toutes les races, nous possédons quelques traités particuliers où l'on trouvera à peu près tout ce qu'il est essentiel de savoir pour pratiquer cette culture en France et dans les pays de climats analogues. Pour les amateurs qui désireraient quelques renseignements à ce sujet, je citerai comme les plus utiles à lire, parmi les ouvrages français : 1° Le Mémoire sur les Cucurbitaeées, et principalement sur le Melon, de Sageret, qui a paru en 1826 ; 2° la Monographie complète du Melon, par Jacquin aîné, publiée en 1832 ; 3° LeMelon et sa culture, d'Ët. Calvel, en 1810 ; 4° le Traité de la culture du Melon, par le marquis de Chambray, en 1835 ; 5° Je Manuel du cultivateur de Melons, par Du puits de Maconnex, en 1 8 3 8 ; 6° entin le Traité complet de la culture des Melons, par Loisel, qui est le plus récent ouvrage de ce genre. Les publications


[83]

périodiques, tant françaises qu'étrangères, telles cpic le lion Jardinier, la Revue horticole, les Annales de la Sociélé d'horticulture de la Seine, etc., contiennent aussi quelques articles relatifs à ce sujet, et qu'il sera bon de consulter.

Pour compléter cette monographie du genre Cucumis, autant que cela m'est possible aujourd'hui, il me reste à signaler les espèces mal connues ou douteuses dont quelques-unes viendront sans doute, tôt ou tard, s'ajouter à celles qui sont décrites ici, comme aussi celles qui, ayant été prématurément rapportées à ce genre, ont dû ou doivent encore en être éliminées. Telles sont les suivantes :

A. Species vix cogiiitæ, Cucumeribus quædam adjungendæ, reliquæ dubii generis.

Cucumis arenarius

1. C. ARENARIUS Schrad,, in Linnœa, XII (anno 1838), p. 416. — Schum. et Thonn., Dansk. Vidensk. Selsk. Afhandl., IV, p. 200.— Walp., Repart, bot. Syst., II, 201. —Rœmer, Synops. monogr., II, p. 74.

J'ai trouyé dans l'herbier de sir William Hooker, à Kew, un Cucumis àe l'Afrique australe, étiqueté par M. Planchon : C. arenarius Schrad., fide Arnott, détermination à laquelle je n'ai rien à objecter, la plante de Scbrader m'élant totalement inconnue, aussi bien que celle de Schumacher et de Thonning. En attendant plus ample information, l'échantillon de Kew m'a paru avoir une grande ressemblance avec le C. cognata de M. Fenzl. Il offre ce caractère remarquable, que le fruit, qui est de la grosseur d'une prune moyenne, porte des poils roides et courts, un peu espacés, qui, malgré leur grosseur, ne peuvent pas encore passer pour de véritables aiguillons. Si ce caractère est constant, la plante serait intermédiaire entre les deux sections dans lesquelles j'ai distribué les espèces ci-dessus décrites. D'après Schrader (loc. cit.), le C arenarius serait à peine une variété du C. africanus. Nous savons déjà que cette dernière espèce est elle-même fort mal déterminée.

Cucumis cognata

2. C. COGNATA Fenzl, in Kotschy, lier nulncum, n" 1 07 (anno 1 839), Herb. Mus. Par. et Deless.

Véritable Cucumis, mais dont l'espèce ne saurait è(re reconnue


[84]

avec certitude sur les échantillons fort incomplets que j'en ai vus. Il se pourrait, comme je viens de le dire, qu'elle fût identique avec le C. arenarius de Schrader. Elle est, comme lui, de l'intérieur de l'Afrique.

Cucumis muelleri

3. C.? MUELLERI Nobis. — Cucurbita micrantha Ferd. Mùller, in Trans. phil. Soc. of Vict. — Hooker's Lond. Journ. ofBol.andKew gard. Mise, III e série, t. VIII, p. 68.

Cette espèce, que je rapporte encore avec quelque doute au genre Cucumis, parce que je ne la connais que par la description de M.Ferdinand Mùller, appartient cependant très probablement à ce genre; elle paraît même assez voisine du C. trigonus, et dans tous les cas elle n'est point un Cucurbita. J'ai cru pouvoir, au moins provisoirement, changer son nom spécifique de micrantha, qui n'aurait plus de signification dans le genre Cucumis, pour y substituer celui de l'habile et zélé botaniste qui l'a découverte en Australie.

Cucumis chrysocomus

4. C. CHRYSOCOMUS Schum. et Thonn,, loc. cit., IV, p. 201. — Rœm., loc. cil., 73. — Walp., Repcrt., II, p. 202.

C'est peut-être encore un véritable Cucumis, mais il est impossible de l'affirmer d'après les descriptions et sans avoir vu la plante.

Cucumis campechianus

5. C. CAMPECHIANU5 Humb. Bonpl. Kunlh, Nov. gen. Amer., II, p. 123. — Kunth, Syn. Plant, œquin. nov. orb., I, 428. — DC. Prodr., III, p. 302. —Rœmer, loc. cit., p. 77.

Autre espèce qu'il est aujourd'hui impossible de reconnaître. Peut-être n'est-ce qu'un Melon échappe des cultures. Le nom pourrait en être oublié sans inconvénient. J'en dirai autant de l'espèce suivante.

Cucumis jamaicensis

6. C. JAMAICENSIS Berl., ex Spreng., Sysl., III, p. 46. — DC. Prodr., III, 300. — Don, Gen. sysl. ofGard., III, p. 27. — Rœmer, loc. cit., p. 76.

Serait-ce encore le Melon? Je suis tenté de le croire d'après ce qu'en dit Don : « Jamaica Melon; cultus anno 1824. »


[85]

Cucumis muricatus

7. C. MURICATUS Willd., Spec, IV, p. 6-13. — DC, loc. cit., 301. — Rœmer, loc. cit., p. 74.

Espèce totalement inconnue. D'après les descriptions, on ne peut même pas affirmer qu'elle appartienne au genre.

Cucumis rigidus

8. C. RIGIDUS Ecklon, in Herb. Deless. et Hook. — Ern. Mey., ex auctoritate Walker Arnott, in Hook. hum. of Bot., \' e série, t. III, p. 278.

Plante du Cap, d'un aspect des plus singuliers, et qu'on doute, à cause de cela, pouvoir appartenir à ce genre. Si j'en juge par des échantillons très incomplets que j'ai trouvés dans les herbiers de sir William Hooker et de M. Delessert, elle serait dépourvue de vrilles et, au lieu de ramper sur le sol, ses rameaux seraient à peine décombants ou peut-être même dressés. Ses fleurs femelles rappellent tout à fait, par leur forme, celle des vrais Cucumis, mais je ne puis prendre aucun parti à son sujet, n'en ayant vu ni les fleurs mâles ni le fruit, qui toutefois paraît devoir être muriqué. Je ne la signale ici que pour appeler sur elle l'attention des botanistes qui seraient à même de l'observer à l'état vivant, A ces huit espèces on pourrait ajouler l'une des deux auxquelles M. Fenzl donne le nom de Cucumis ambigua (Kotschy, Iter nubicum), et qui est cataloguée dans les herbiers sous le n° 352. L'échantillon qui en existe au Muséum n'a ni fruits ni fleurs femelles, mais il est remarquable par le développement du lobe médian de ses feuilles, qui sont assez profondément lobées. 11 n'est pas impossible, à la rigueur, que ce soit là encore une forme du Melon sauvage; cependant l'aspect en est si différent au premier abord, que jusqu'à plus ample information, j'inclinerai à y voir une espèce distincte et nouvelle.


B. Species a Cucumere remotæ aut adhuedum removemdæ.

C. acutangulus Roxbg., Icon. ined., in East lndia Comp. Mus., tab. 438. = Luffa acutangula.

C. africanus Lindl.. in Bot. Beg. t XII, tab. 980, — non Linn. = Momordica Charantia.


[86]

C. agrcslis Blackw., Herb. Herb., tab. 1 OS , — hon Mill. = Ecbalium Elaterhim.

C. agreslis Mill., Diet., —, non Blackw. = Momordica Balsamina.

C. anguinus Linn., Spec., 1437. — Willd., Spec, 615. — Spreng., Syst., p. 47. — Roem., Synops. mpnogr., I I , p. 77. = Trichosanthes anguina.

C. angulatus Forsk., Flor, csgyptiaco-ardbica, p, 168. = Telfairia pedata?

C. Anguria Reusch, non Linn. = Luffa?

C. bicirrha Forst., mss. mss., ex Guillem, Zephyr, tail., p. 56. = Citrullus vulgaris ?

C. bryonoides Bisnagarica Bisnagarica, fructu parvo, ßorum cahjee muricato, Plukenet, Phytogr., tab. 26, fig. 4. = Mukia scabrella?

C- canadensis Herrn , Parad. bat., tab. 133. = Bryonia ?

C. Citrullus Seringe, in DC. Prodr., I l l , 301. = Citrullus vulgaris.

C. Colocynlhis Linn., Spec. 1 433. — Seringe, loc. cit., 3 0 2 . = Citrullus Colo- Colocynthis. cynthis.

C. dioicus Roxbg., Icon, ined., in East India Comp. Mus., tab. 213. = Goccinia indica.

C. dissectus Dene, in Herb. Timor., p. 121. = Citrullus vulgaris.

C. indicus striatus, opcrculo donatus, corlicoso putamine tectus tectus, Plukenet, Phytogr., II, tab. 172, fig. 1. = Luffa Plukenetiana.

C. integrifolius Roxbg., Icon, ined., loc.cil., tab. 1695 ?

C. intermedins Rcem. Rcem., Synops. monogr., II, p. 80. = Momordica Charanlia.

C. iineatus Bosc, J own. d'liist. «<*(., II, p. 2S1, tab. 37. — Seringe, loc. cit., 30 301. — . Don, Gen. syst, of Card., p. 27. = Luffa Petola.

C. macrocarpus Wenderoth, ex Mart. Reise, in Linnaa [Litteratw-Bericht fiir das Jahr 1830, p. 30). = Cucurbita Pepo?

C. maderaspatanus Linn. Spec, 1 438, — non Roxbg. = Mukia scabrella. .

C. maderaspatensis Plukenet, loc. cit., tab. 170, fig. 2. = Mukia scabrella.

C. malabaricus amarus, fructu sine costulis, Plukenet, loc. cit. —Cattu-Picinna, Rheedo, Hort, malab., VIII, p. 15, tab. 8 . = Luffa Petola.

C. malabaricus, fructu ex flavo rubenlo minor, Commel. in not. = Momordica Charantia.

C. mcgacarpxis Don, loc. cit., p. 28. — Roemer, loc. cit., p. 79. = Luffa Petola.

C. operculars Roxbg., Icon, ined., loc. cit., tab. 460. = Luffa Plukenetiana.

C. parva, repens, virginiana, fruclii minimo Banist. —Plukenet, Phytogr. II, tab. 85, fig. 5. = Melotliria Melotliriapendula, pendula,

C. pcnlandrus Rheede, Hort, malab., VIII, tab. 8.— Roxbg., Icon, ined., loc. cit.. tab. 459. = Luffa Pelola.


[87]

C. perenni» E . James, Exped. Rock, mounl., II, 345. — Seringe, in DC< Prodr., I I I , 302. = Cucurbita perennis.

C. puniceus Morison, Hist., Il, p. 33. = Momordica ?

C. puniceus indiens major, jHermann, Parad. bal, Prodr., 329. = Momordica Charantia?

C. puniceusindious puniceusindiousminor Herrn., minor Parad. bat. Prodr,, 329. = Momordica Cha~ rantia.

C. puniceus seylanicus major, Hermann, Hort. Leyd., 204 et app. 6 6 3 . = Momordica Charantia.

C. sativus Ara kis Forsk., Flor, œgypliaco-arabica, p. 169 ?

C, sativus Baltich Djebbal, Baltich Brulîos, et Baltich Ennemis, Forsk,, Flor. œgyptiaco-arabica, p. 169. = Citrullus vulgaris.

C.sepium Meyer, Primit. Flor. Esseq., 278. — Seringe, loc. cit., 3 0 1 . = Luffa?....

Cìslriatus Ach. Rieh , Tent. ßor. Abyss., I , 298. = Coccinia?

C. sylvestris virginiana, fruclu minimo spinoso, Plukenet, loc. cit. = Sicyos angulatus.

C. trilobalus Forsk., Flor, œgypliaco-arabica, p. 168 ?

C. triphyllus, fructu variegato, Plum. Plum., Descript, des plant, de l'Amer,, p, 8P, tab. 99. = Anguria trifoliata.

C. tuberosus Roxbg., Icon, ined., loc. cit., tab, 461. = Luffa? tuberosa.

C. tubiflortiBRoxbg. tubiflortiBRoxbg., Icon. ined., loc. cit., tab. 1696 ?

C. seylanicus seylanicusminor, minor, seminibus nigris Herrn,, Hort, Leyd., app. 9 6 4 . = Momordica Balsamina.

C'est à peine s'il est utile de eiter les espèces qui n'ont jamais été décrites et dont on ne connaît que les noms, telles que : C. chœta, C. Gurmia et C. missionis Wallieh ; C. glaber Walter; et C. hi malensis Royle. Le mieux serait peut-être de les oublier.