Coquelicot (Cazin 1868)

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Conyze
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Coriandre


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Nom accepté : Papaver rhoeas

COQUELICOT. Papaver rheas. L.

Papaver erraticum majus. Bauh., T. — Papaver erraticum vel rheas. Black. — Papaver rubrum. Brunf. — Papaver rubrum erraticum. Pharm.

Pavot coquelicot, — pavot des champs, — pavot rouge, — ponceau, — mahon.

PAPAVÉRACÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE MONOGYNIE. L.


Le coquelicot croît spontanément, et se trouve surtout dans les champs de blé, où il est nuisible.

Description. — Racines grêles, pivotantes, presque simples, blanchâtres, un peu fibreuses. — Tiges droites, rameuses, hautes de 40 à 70 centimètres, légèrement pileuses, rudes au toucher. — Feuilles alternes, presque ailées, découpées en lanières assez longues, velues, aiguës, dentées ou pinnatifides. — Fleurs grandes, terminales, solitaires, d'un rouge vif avec une tache noire à la base, longuement pédonculées (mai-juillet). — Calice pubescent à deux folioles ovales, concaves et caduques. — Corolle à quatre pétales d'un rouge éclatant, souvent marqués à leur base d'une tache noire. - Etamines nombreuses, filiformes. — Anthères biloculaires, noirâtres. — Ovaire supère, simple. — Style nul. — Stigmate sessile, noirâtre, à dix rayons persistants. — Fruit : capsule glabre, ovale, globuleuse, renfermant de petites semences brunâtres réniformes, très-nombreuses.

Parties usitées. — Les pétales et les capsules.

[Culture. — On a obtenu par la culture un nombre considérable de variétés de coquelicots, de couleurs variables, à fleurs sessiles ou doubles ; pour la médecine on n'emploie que le coquelicot à fleur rouge, qui est si commun dans les champs, qu'il est parfaitement inutile de le cultiver ; on pourrait l'obtenir par semis faits au printemps en terre légère ; comme les pétales sont très-caducs, il faut les récolter avant le complet épanouissement de la fleur.]


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Récolte. — La récolte des pétales se fait pendant tout le temps que dure la floraison. On les fait sécher immédiatement après en les étendant, sans les froisser, sur du papier et on les porte à l'étuve. Quand on les a fait sécher avec soin, leur couleur vive se change en rouge terne ; dans le cas contraire, ils noircissent. On doit les conserver dans des vases clos et à l'abri de l'humidité, qui les ferait moisir.

Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs fraîches exhalent une odeur vireuse analogue à celle de l'opium ; leur saveur est mucilagineuse et un peu amère. « Lorsqu'on incise cette plante, dit Chaumeton, il en découle un suc laiteux, gomino-résineux, soluble en partie dans l'eau, en partie dans l'alcool, et qui, par son odeur et sa saveur, à la plus grande analogie avec l'opium. Ce suc est beaucoup plus abondant dans le fruit que dans les autres parties de la plante. Quatre onces (120 gr.) de capsules de coquelicot ont fourni, au rapport de Murray, par la décoction et l'évaporation, cinq dragmes (20 gr.) d'un extrait opiacé. Samuel Crumpe, médecin anglais, a extrait du coquelicot un opium semblable à celui d'Egypte. Gatereau le préfère à l'opium exotique. Loiseleur-Deslongchamps a préparé en 1810, par contusion et expression de toute la plante, un extrait qui, d'après une seule expérience, lui a paru agir à peu près comme celui préparé par la décoction des têtes, et aux mêmes doses.

Les pétales de coquelicot ont fourni à l'analyse, d'après Beetz et Ludwic, un principe colorant rouge, une matière astringente, de l'oxyde de fer et de manganèse, une résine molle, de l'acide gallique et malique, de l'acide sulfurique et hydrochlorique, de la cire, de la gomme, de la potasse, de la chaux, de la fibrine. Reffort[1] et Chevallier croient, de plus, y avoir découvert des indices de morphine, fait encore douteux.

[D'après L. Meier, le coquelicot contient deux acides qu'il a nommés rhéadique et papavérique ; ils sont tous les deux rouges, amorphes et mal déterminés.]


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — En infusion, 3 à 4 pincées par kilogramme d'eau.
Teinture, 1 à 2 gr., en potion.
Extrait des capsules, 10 à 40 centigr.
Eau distillée, 30 à 100 gr., en potion.

Sirop, 10 à 30 gr. (très-usité).
Suc, 20 centigr. à 3 gr.
Les fleurs de coquelicot entrent dans les espèces béchiques ou pectorales pour un quart.


Calmant, légèrement narcotique et sudorifique, le coquelicot convient dans le catarrhe pulmonaire, les fièvres éruptives, les tranchées des enfants, la coqueluche, etc.

Chez les malades qui ne supportent point les effets de l'opium sans éprouver des accidents graves, j'emploie le coquelicot avec avantage. Il produit alors le même effet que l'opium, eu égard à l'extrême susceptibilité des organes et à une sorte d'idiosyncrasie qui ne permet pas l'administration de ce dernier médicament, même à la dose la plus légère. Il convient aussi aux enfants pour la même raison.

D'après Boulduc[2], l'extrait des capsules de coquelicot aurait les avantages de l'opium sans en avoir les inconvénients. Il le prescrivait à la dose de 10 à 20 centigr. Chomel employait comme très-utile dans les affections de poitrine, une décoction faite avec douze têtes de coquelicot, une poignée d'orge et suffisante quantité de réglisse dans 3 pintes d'eau (1 kilogr. 1/2). L'infusion des fleurs de coquelicot, suivant cet auteur, administrée le troisième et le quatrième jour d'une pleurésie, rend la sueur plus abondante lorsqu'elle se présente. Il dit que lorsqu'on a saigné brusquement deux ou trois fois dans cette maladie, la sueur survient ordinairement, et que, pour peu que cette crise soit aidée, la maladie se termine avec succès. Celse faisait préparer des pilules d'extrait de coquelicot préparées avec la plante entière cuite dans du vin de raisin sec. Ces pilules, dit cet auteur, procurent le sommeil, apaisent les douleurs d'oreilles, arrêtent la dysenterie, étant prises dans du vin, etc. Ces effets sont évidemment analogues à ceux de l'opium.

Fouquet administrait le suc à la dose de 20 centigr. à 1 gr. dans la coque-

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  1. Journal de pharmacie, t. XVI, p. 547.
  2. Histoire de l'Académie des sciences, 1712, p. 66.


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luche et les maladies convulsives. Baglivi associait l'infusion des fleurs à celle des semences de lin dans la pleurésie.

On a prétendu, d'après l'analyse chimique[1], que le coquelicot ne contient pas de morphine, et qu'il n'a aucune propriété médicale. Je répondrai à cette assertion par un fait irrécusable : un de mes enfants, âgé de trois ans, atteint de coqueluche, ayant pris le soir 16 gr. de sirop de coquelicot, eut pendant toute la nuit des hallucinations continuelles. La même dose, répétée quatre jours après, produisit le même effet. La répugnance traditionnelle des paysans pour cette plante est sans doute originairement fondée sur l'observation de faits analogues.

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  1. Dorvault, l'Officine, 5e édition, p. 238.