Bourse à pasteur (Cazin 1868)
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Nom accepté : Capsella bursa-pastoris
Bursa pastoris major folio sinuato. C. Bauh., T. — Bursa pastoris. J. Bauh. Pastora bursa. Dod. — Thlaspi fatuum. Gesn. — Bursa pastoris major vulgaris. Park. — Sanguinaria.
Bourse à berger, — boursette, — tabouret, — mollette, — malette, — malette à berger, — thlaspi. — capselle, — moutarde sauvage, — moutarde de Mithridate.
CRUCIFÈRES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILICULEUSE.
La bourse à pasteur (Pl. X), plante annuelle, est très-commune partout, sur le bord des chemins, dans les champs, les décombres, etc.
Description. — Racine pivotante, filiforme, blanche. — Tiges solitaires ou nombreuses, de 1 à 6 décimètres, dressées, cylindriques, pubescentes en bas, simples ou rameuses. — Feuilles d'un vert glauque, pubescentes, ciliées ; les radicales disposées en rosette, pinnatifides, à lobes triangulaires ou linéaires ; les supérieures entières, sagittées, amplexicaules, les radicales sinuées en lyre. — Fleurs petites, blanches, régulières, hermaphrodites, s'allongeant à mesure que la floraison avance, disposées en corymbe terminal (tout l'été). — Calice à quatre sépales dressés, libres, caducs. - Corolle à quatre pétales égaux, libres, en croix. — Etamines au nombre de six, tétradynames, dépourvues d'appendices. — Style très-court. — Stigmate entier. — Anthères bilobées, intorses. — Fruits (silicules) secs, triangulaires, obcordés, comprimés perpendiculairement à la cloison, terminés par le style ; valves naviculaires, non ailées ; cloison linéaire, étroite. — Graines oblongues, comprimées, rougeâtres, nombreuses, sans périsperme ; embryon huileux, plié, à cotylédons plans ; radicule dorsale. [Cette plante est très-polymorphe selon les terrrains où elle croît.]
Parties usitées. — L'herbe.
[Culture. — La bourse à pasteur est tellement répandue, que celle que l'on trouve à l'état sauvage est plus que suffisante pour la consommation ; on la propage par graines et elle pousse dans tous les terrains ; elle est plus active et plus âcre lorsqu'elle est jeune.]
Récolte. — La bourse à pasteur doit être récoltée avant la floraison, et employée verte. La dessiccation lui fait perdre ses propriétés.
Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — L'odeur de la bourse à pasteur est nulle, et sa saveur rappelle faiblement celle des crucifères. Elle ne noircit pas le sulfate de fer. Elle renferme un principe résineux amer. L'eau, et surtout l'alcool, s'emparent de ce principe de la plante employée fraîche.
(Neuberger[1] s'occupe de l'introduction de l'huile de thlaspi dans le commerce. Il a, dans ses essais, obtenu un rendement industriel de 21 pour 100. Cette huile s'épure facilement et brûle bien. Les tourteaux, qui renferment 3.56 pour 100 d'azote, sont mangés par les moutons. La variété de thlaspi qui fournit le plus est celle à graine brune et ronde.)
A L'INTÉRIEUR. — Suc préparé à froid, 100 à 180 gr. |
Vin (herbe fraîche, 180 gr. ; vin de Bordeaus, 1 litre ; alcool de thlaspi, 60 gr. ; huit jours de macération, passer avec expression et titrer), une cuillerée à bouche d'heure en heure. |
Ces diverses préparations, indiquées par Hannon[2], constituent un luxe pharmaceutique inutile dans la thérapeutique indigène. Le suc, l'infusion ou la décoction,
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le vin ou la bière de thlaspi peuvent suffire à tous les besoins et atteindre le but qu'on se propose : la médecine à bon marché. La semence de bourse à pasteur entre dans la composition de la thériaque.
La bourse à pasteur est astringente. Elle peut être employée dans les diarrhées, les dysenteries, les hémorrhagies passives, lorsqu'on ne veut produire qu'une astringence modérée et graduée, pour ensuite faire usage des médicaments plus actifs.
Les anciens faisaient grand cas de la bourse à pasteur. Dioscoride la recommande dans le traitement de l'hémoptysie. Dodoens considère le suc ou la décoction de cette plante, administrés à l'intérieur ou en cataplasme, en bain, etc., comme très-efficaces dans les hémorrhagies. Boerhaave l'a préconisée comme astringente. Murray, qui n'en parle que brièvement, ne croit guère à ses propriétés, par la seule raison qu'elle ne noircit pas la solution de sulfate de fer. Plusieurs médecins l'ont regardée comme spécifique dans l'hématurie. Lieutaud la prescrit dans cette dernière maladie et dans l'hémoptysie, dans les autres hémorrhagies et pour prévenir les pollutions nocturnes. Oh lui attribue aussi, et c'est avec fondement, dit-il, la vertu fébrifuge.
Cette plante, dont on avait exagéré les propriétés[1], était discréditée lorsque Lejeune vint attirer sur elle l'attention des praticiens. Dans une lettre écrite à Loiseleur-Deslongchamps, en date du 7 décembre 1822, le médecin belge affirme qu'il a obtenu de bons résultats de l'emploi de la bourse à pasteur dans les maladies de poitrine, surtout dans les hémoptysies. (Mérat et Delens.)
Lange s'est efforcé de prouver que la bourse à pasteur a rendu d'éminents services dans beaucoup de cas de métrorrhagie passive, et de menstruation surabondante chez des personnes d'une constitution faible et d'un tempérament lymphatique. Voici comme Lange administre ce médicament : on fait bouillir une demi-poignée de la plante entière dans trois tasses d'eau jusqu'à réduction d'un tiers. Le malade en prend une tasse à la fois. Or, il arrive qu'au bout d'une heure l'hémorrhagie diminue à ce point qu'il devient inutile de recourir à une seconde tasse. S'il s'agit d'une menstruation trop abondante, Lange parvient souvent à modérer l'écoulement sanguin, et même à le prévenir, en administrant le médicament dès le début. Il suffit, en général, d'user de cette médication à deux ou trois époques menstruelles pour qu'après cela le flux périodique reparaisse dans des conditions normales. Lange croit, d'ailleurs, devoir faire observer que la bourse à pasteur n'a donné lieu à aucun accident, et qu'elle s'est montrée utile alors qu'on avait employé inutilement les astringents de toute nature[2].
J'ai eu l'occasion, l'année dernière, de vérifier les bons effets de la bourse à pasteur chez une demoiselle âgée de dix-huit ans, lymphatique et nerveuse, dont les menstrues, très-abondantes et ayant une durée de dix à douze jours, amenait un état de débilité que les toniques et l'usage du fer dans les intervalles ne pouvaient combattre, à cause du peu de temps laissé entre les pertes utérines. La décoction de bourse à pasteur (une poignée d'herbe fraîche pour 1 kil. d'eau), prise par tasses de deux heures en deux heures, arrête peu à peu l'écoulement dans l'espace de deux jours. On peut ensuite opposer avec succès à la chloro-anémie, le régime analeptique et l’usage du fer réduit par l'hydrogène.
Lange prétend que la bourse à pasteur provoque les règles, si leur retard dépend de l'inertie de l'utérus. Comme rien ne décèle dans cette plante une
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- ↑ De Meza, De effectu Bursæ pastoris ad compescendam hemorrhagiam externe adhibitæ. (Acta reg. soc. med. Hafniensis, III, 386.)
- ↑ Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1844, p. 36.
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grande puissance tonique, et que les effets antihémorrhagiques et emmenagogues que nous venons de signaler s'expliquent difficilement, peut-on admettre une action spéciale de l'un de ses principes constituants sur l'utérus ? (D'un autre côté, Delpierre, de Béthune, l'accuse de produire l'avortement chez les vaches. — Où est la vérité ?)
Dubois, de Tournai, assure avoir guéri une femme de soixante-cinq ans qui, depuis plusieurs années, urinait du sang en abondance, et n'avait été soulagée par aucun moyen, en lui administrant la décoction de bourse à pasteur. Le même remède lui a réussi dans un cas d'hémoptysie abondante chez un phthisique. — (Rademaker, et, d'après lui, Hees, ont annoncé les bons effets de l'alcoolature de thlaspi contre la gravelle ; son usage amènerait l'expulsion du sable et des graviers)[1].
On a attribué à la bourse à pasteur, appliquée en épicarpe, la propriété de guérir les fièvres intermittentes. On ajoute quelquefois à ce topique populaire et assez insignifiant des feuilles de plantain, un peu de safran et de camphre, le tout pilé ensemble.
Devons-nous dire que cette plante a encore été employée en topique et broyée sur les hémorrhoïdes, les douleurs rhumatismales, sur les plaies récentes, tant pour arrêter l'hemorrhagie que pour prévenir l'inflammation ?... Buchan raconte qu'un militaire lui avait enseigné comme un secret de famille, l'usage de cataplasmes de tabouret contre les panaris. On a aussi avancé que, pilée et introduite dans les narines, et appliquée sur la nuque et sous les aisselles, elle arrête l'hemorrhagie nasale. Ray recommande, dans ce cas, l'introduction dans les narines d'un tampon de coton imbibé de suc de bourse à pasteur.
Les semences excitent la salivation.
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- ↑ Annales de Roulers, n° 1, 1859.