Aunée (Cazin 1868)
Sommaire
[114]
Aunée
Nom accepté : Inula helenium
Helenium vulgare. Bauh. — Helenium. Dod. — Aster helenium. Scop. — Aster omnium maximus, Helenium dictus. Tourn. — Helenium sive Enula campana. J.-B. Off. — Vulg.
Année officinale, — aunée commune, — inule campagne, — inule aunée, — inule héléniaire, — bélénine, — lionne, — œil-de-cheval, — laser de chiron.
Synanthérées. — Astérées. fam. nat. — Syngénésie polyg. superflue. L.
L'aunée (Pl. VI), plante vivace, grande et belle, ayant l’apparence en petit des hélianthes ou soleils, croît naturellement dans les prairies grasses et ombragées de l’Italie, de l’Angleterre, de la Hollande, de l’Allemagne, de la France. Elle est assez abondante dans les bois de Montmorency, de Senart, de Meudon, de Chevreuse. Elle est plus rare dans les départements du Nord, où on la cultive souvent dans les jardins, à cause de la beauté de ses fleurs, Elle tire son nom du mot aunaie, lieu planté d’aunes, où elle se plaît. Les anciens la faisaient naître des larmes d'Hélène, d'où son nom d’Helenium.
Description. — Racine grosse, charnue, rameuse, fauve ou brune à l’extérieur, blanche intérieurement. — Tige de 1 à 2 mètres, droite, ferme, pubescente, peu rameuse. — Feuilles radicales (non représentées sur la figure) très-amples, longues de 30 centimètres et plus, ovales-allongées, molles, crénelées, vertes et ridées en dessus, nerveuses, cotonneuses, blanchâtres en dessous ; feuilles caulinaires moins grandes, ovales-pointues, sessiles, pétiole canaliculé, un peu amplexicaules. Les unes et les autres alternes. — Fleurs jaunes, solitaires, radiées, terminales sur chaque division de la tige (juillet-août). — Involucre composé de plusieurs rangs de foliotes imbriquées, ovales, cotonneuses. — Réceptacle convexe, nu, alvéolé ; fleurons d’un beau jaune, hermaphrodites au centre, tubuleux, quinquifides, ayant leurs anthères terminées chacune à leur base par deux filets libres et pendants ; demi-fleurons de la circonférence nombreux, femelles, ligulés ; réceptacle nu, légèrement convexe, présentant de petites alvéoles recevant les fleurons. — Fruit consistant en plusieurs akènes oblongs, couronnés d’une aigrette simple, sessile et poilue.
Parties usitées. — La racine.
[Culture. — Demande une terre franche et même humide, elle se propage par semis, le plus souvent on en recueille les pieds dans les montagnes et on les transplante ; on peut aussi les multiplier par division des pieds opérée au printemps.]
Récolte. — La racine doit être récoltée à la deuxième ou troisième année. Quand elle est très-grosse, il faut la fendre, avant de la faire sécher, pour l’empêcher de pourrir. La couleur et l’odeur de cette racine se modifient par la dessiccation : elle devient grisâtre et prend l’arôme de la violette ou de l’iris ; mais ces changements n’altèrent en rien ses propriétés.
Propriétés physiques et chimiques. — La racine d’aunée exhale une odeur forte, pénétrante ; sa saveur est singulière, elle tient de l’amertume ; mais, en mâchant, elle devient aromatique, piquante ; contient une résine acre, une huile volatile, un stéaroptène (hélénine, camphre d’aunée), et une fécule particulière qui ne forme pas gelée avec l’eau, qui est soluble dans l’alcool bouillant, et qui ne prend pas la couleur bleue par l’iode (inuline, alantine, Tromsdorff), et environ 37 pour 100 d'extrac-
[115]
tif amer, de la gomme, de l'albumine et des sels à base de potasse, de chaux et de magnésie. L'eau et l'alcool dissolvent tous ses principes actifs.
(L’inuline existe dans plusieurs plantes et prend alors un nom tiré d'elles : datiscine (datisca caunabina), dahline (dahlia), etc.)
A L’INTÉRIEUR. — Décoction ou infusion, de 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau ; la décocfion, qui dissout la résine, est tres-âcre ; l’infusion est très-aromatique, ce qui rend la première plus convenable pour l’extérieur, et la seconde pour l'intérieur. |
Vin (1 de racine fraîche sur 20 de vin blanc), de 60 à 100 gr. |
La racine d’aunée est tonique, excitante, expectorante, emménagogue, diurétique, vermifuge. Elle est généralement regardée comme utile dans l’atonie des organes digestifs, les catarrhes vésicaux et pulmonaires chroniques, l’asthme humide, la diarrhée séreuse, l’aménorrhée, la leucorrhée, etc.
A l’extérieur, on l'emploie dans la gale et dans les dartres.
L'usage de cette racine remonte à la plus haute antiquité. Hippocrate, Galien et Dioscoride signalent ses bons effets sur l’utérus, sur les voies urinaires, et sur l'appareil respiratoire. Elle a toujours occupé une place distinguée dans les pharmacologies et les traités de thérapeutique. Alibert en faisait un fréquent usage dans le vin. Cependant Trousseau et Pidoux n’en ont pas fait mention dans leur Traité de thérapeutique et de matière médicale (5e édition).
Comme la plupart des substances amères et aromatiques, la racine d’aunée remédie à l'atonie de l'estomac et des intestins. Cette propriété s’étend ensuite à d’autres appareils d'organes suivant les dispositions de ces appareils. C’est ainsi qu'elle peut provoquer le flux menstruel, la sécrétion des urines, les sueurs, l'expectoration, etc. Son action sur les voies respiratoires, quand la toux est humide et l’expectoration abondante, s’observe constamment. Trohchin prescrivait, pour favoriser et tarir l'expectoration, l'infusion miellée de racine d'aunée et d'anis étoile. L’anis étoilé peut être remplacé par notre anis indigène. (Dehaen préconise contre la coqueluche soit le vin, soit le vinaigre d’aunée par cuillerées à café.)
Delens a lu à la Société de médecine pratique de Paris une notice sur l'efficacité de la racine d’aunée contre la leucorrhée et les maladies scrofuleuses (1836).
Depuis que ces faits ont été publiés, j’ai eu souvent occasion d'employer la racine d’aunée dans la leucorrhée, et toujours j'en ai retiré de grands avantages. Une jeune fille de la campagne, d’un tempérament lymphatique, ayant eu des engorgements glanduleux au col dans son enfance, était atteinte de flueurs blanches abondantes depuis près de deux ans. Elle était dans un grand état de débilité ; des tiraillements d’estomac, de l’inappétence avaient lieu. Je lui fis prendre chaque matin une décoction de racine d’aunée (12 gr. dans 125 à 130 gr. d'eau). Au bout de huit jours, l'écoulement était diminué de moitié, l’estomac faisait ses fonctions, les forces revenaient, et un mois après je vis cette malade entièrement guérie. On peut rapprocher cette observation de celle que j’ai rapportée à l’article Absinthe, page 4.
Vitet avait déjà conseillé, contre les fleurs blanches atoniques, la conserve d’aunée à la dose d’un gros (4 gr.) une heure avant chaque repas. Delens croyait avoir découvert la vertu antileucorrhéique de l’aunée : nihil novi sub sole.
[116]
Bodart prescrivait journellement l’extrait d’aunée avec succès dans les affections chlorotiques, en l'associant au sirop de nerprun. Sous cette forme, dit cet auteur, elle remplit parfaitement l’indication de l’aloès.
On a employé la racine d’aunée dans les fièvres exanthématiques, lorsque l'éruption languit par asthénie. On l’a supposée utile dans les fièvres adynamiques et ataxiques (typhoïdes) et dans la peste même. (Faivre d’Esnans y a recours dans les convalescences des maladies graves, et n’a qu'à se louer de son usage.) Hermann prétend qu’elle dissipe le tremblement des membres produit par le mercure.
L’aunée est une plante indigène très-précieuse, et dont je fais un grand usage dans ma pratique. Je donne l’infusion de la racine dans l'eau contre la débilité générale. Je la fais infuser quelquefois dans le vin, ou tout simplement dans la bière, lorsque le vin est trop cher pour les pauvres, auxquels je l’administre souvent. Dans la chlorose, je donne l'infusion aqueuse coupée avec autant d’eau de clous rouillés : elle me réussit très-bien dans ce cas. La même infusion, à laquelle j’ajoute 30 gr. de suc d'oignon pour 180 à 250 gr. d’infusion, avec une suffisante quantité de miel, forme une potion expectorante et diurétique très-efficace dans le catarrhe pulmonaire à sa période d’atonie, dans la bronchorrhée, qu’elle tarit promptement, dans l'hydrothorax et l'anasarque.
Knakstedt[1] a publié dans les mémoires de l'Institut de Saint-Pétersbourg, une notice où il établit que l’usage de cette racine, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur, serait un remède très-efficace contre les dartres, la gale, et d'autres affections cutanées.
Amatus Luzitanus dit avoir employé avec le plus grand succès contre la gale un onguent composé d’une demi-livre (250 gr.) de racine d’aunée fraîche, et de 5 onces (150 gr.) de graisse de porc, et avec lequel il faisait frictionner tout le corps : Est enim admirandœ virtutis unguentum hoc, ut incantamento ejus opus simile videatur, dit cet auteur. Contre la gale, « chez les enfants, dit Hufeland, la pommade d’aunée est un moyen excellent, incapable de nuire, et qui souvent surpasse tous les autres en efficacité ; on en fait chaque jour des frictions sur les parties qui sont le siège de l’éruption. » Ce médecin se servait de la formule suivante : 3 onces (90 gr.) de racines d’aunée bouillies dans une suffisante quantité d’eau de fontaine, ajoutant ensuite une certaine quantité d'axonge. Bruckmann[2] a également préconisé l’aunée contre la gale ; sa formule diffère peu de celle d’Hufeland. Wolf[3] vante l’emploi extérieur de cette racine contre la maladie qui nous occupe. Rayer assure que dans plusieurs contrées la racine d’aunée, réduite en pulpe, et incorporée avec de la graisse, est employée en frictions contre la gale. Les lotions avec une forte décoction de cette racine sont aussi antipsoriques. La racine fraîche, pilée et réduite en pâte fine, a été employée avec succès par Bodart, pour déterger les ulcères anciens, et surtout les ulcères indolents, causés par la diathèse scrofuleuse.
Je n’ai qu'un seul cas de gale guérie par des lotions faites avec une forte décoction de racine d'aunée, chez un garçon de dix ans. Ces lotions étaient faites tous les soirs pendant un quart d’heure. La guérison fut obtenue en huit jours. Cette gale n'existait que depuis un mois environ.
(L’extrait d’aunée en injections a présenté quelques avantages dans l'otite chronique et l'otorrhée.)
Les vétérinaires emploient l’aunée dans les affections chroniques de la poitrine, et lui reconnaissent des vertus excitantes dans certains parts labo-
____________________
- ↑ Bulletin de la Société philomatique, t. I, p. 184.
- ↑ Mercure général de l'Europe, année 1787, p. 130.
- ↑ De viribus inulœ helenii in scabie persananda, épist. Leipzig, 1787.
[117]
rieux) (en poudre de 64 à 128 gr. pour les grands animaux ; de 16 à 32 gr. pour les moutons).
Inule odorante
Nom accepté : Pulicaria odora
INULE ODORANTE (Inula odora), croît dans le midi de l'Europe et en Provence.
Description. — Feuilles radicales grandes, ovales, un peu obtuses, rétrécies en pétiole ; feuilles supérieures ovales, lancéolées, amplexicaules ; chargées tontes, de poils blanchâtres à leur revers.
La racine, très-aromatique, exhale une odeur balsamique et jouit des mêmes propriétés que celle de l’inula helenium. Il en est de même des I. suaveolens, bifrons, britannica, graveolens, etc.
Aunée dysentérique
Nom accepté : Pulicaria dysenterica
Conysa media, asteris flore luteo. Dioscor., Bauh. — Conysa média vulgaris. Cluc. — Aster autumnalis pratensis, conysœ folio.Tourn. Aster dysentericus. Scop. — Conysa media, seu arnica. — Pulicaria dysenterica. Gært. — Suedensis. Off., Murr.
Inule dysentérique, — inule conysière, — conyse moyenne, — inule tonique, — conyse des prés, — herbe de Saint-Roch, — aunée des prés.
Cette plante croît abondamment dans les lieux humides, au bord des fossés et des rivières.
Description. — Racine oblongue, épaisse, garnie de fibres capillaires, brune en dehors, blanchâtre intérieurement. — Tige droite, cylindrique, haute de 25 à 30 centimètres, velue, paniculée. — Feuilles assez grandes, amplexicaules, oblongues, d'un vert pâle en dessus, blanchâtres et cotonneuses on dessous. — Fleurs jaunes, pédonculées, disposées en corymbe au sommet des rameaux ; involucre hémisphérique. (Août-septembre.)
La racine, les feuilles et les fleurs sont usitées.
L'aunée dysentérique, d'une saveur âcre, un peu aromatique et amère, a été vantée contre la diarrhée et la dysenterie. Les Russes, au rapport de Linné, l'ont employée avec succès dans une dysenterie épidémique dont leur armée fut atteinte pendant leur expédition contre la Turquie. Elle a réussi à Dubois, de Tournay, dans deux cas, dont l’un de dysenterie et l'autre de diarrhée. Il faisait prendre la décoction des fleurs (30 gr. pour 1 kilogr. d'eau) par tasses dans la journée. J’ai administré, en 1846, l'inule dysentérique en décoction (racine et sommités) par tasses, dans un cas de diarrhée qui durait depuis un mois. Dès le deuxième jour, il y avait une amélioration sensible, et le cinquième jour le malade était guéri. Depuis, je l'ai employée dans deux autres cas analogues, où les astringents étaient indiqués, et j'en ai retiré le même avantage. Les propriétés de cette plante ne sont point imaginaires. Gleditsch[1] et plusieurs autres médecins de Berlin lui ont prodigué des éloges dans le traitement des hémorrhagies.
____________________
- ↑ Acta Berol., t. X, p. 87.