Amandier (Cazin 1868)

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Alliaire
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Ambroisie


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Amandier

Nom accepté : Prunus dulcis


AMANDIER. Amygdalus communis. L.

Amygdalus sativa et sylvestris. Bauh. — Amygdalus sativa fructu majore. T.

ROSACÉES. — AMYGDALÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE MONOGYNIE. L.


Cet arbre, originaire de la Mauritanie, est cultivé en France et surtout en Provence. Il croît naturellement sur les côtes septentrionales de l'Afrique.

L'Ancien Testament fait mention des amandes. Hippocrate employait les amandes douces et amères. Théophraste en parle, et Dioscoride décrit la manière d’en obtenir l'huile.

Description. — Tige de 8 à dix mètres, droite. — Feuilles moins longues que celles du pêcher, alternes, pétiolées, étroites, pointues, bords finement serrés ; les dentelures de la base glanduleuses. — Fleurs comme celles du pêcher, mais à pétales plus grands et d’un blanc souvent mêlé de couleur de rose (les premières au printemps). — Fruit verdâtre, ovale, composé d’un brou médiocrement épais, ferme, peu succulent, au-dessous duquel se trouve un noyau ligneux, sillonné, renfermant une amande tendre, ovale, terminée en pointe, à son sommet, d’une saveur douce ou amère selon l’une des deux variétés de l’arbre dont elle provient, et qui est la seule partie employée en médecine. La seule distinction botanique qu’on puisse établir entre ces deux variétés, c'est que dans la variété amère le style est de la même longueur que les étamines, et


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que les pétioles sont maculés de points glanduleux, tandis que dans la variété douce le style est beaucoup plus long que les étamines, et que les glandes, au lieu d’être sur les pétioles, sont à la base des dents des feuilles.


Amandes douces

Nom accepté : Prunus dulcis


AMANDES DOUCES. Amygdalæ dulces.


Dans le commerce, suivant que les amandes sont grosses, moyennes ou petites, on les désigne sous les noms spécifiques de gros flots, flots et en sorte. Les meilleures sont celles qui sont grosses, bien entières, non vermoulues, à cassure blanche et sans odeur. Lorsqu'elles sont vieilles, leur cassure est jaunâtre et leur goût est âcre.

Propriétés chimiques. — Les amandes douces contiennent pour 100 environ 54 d’huile fine, 24 d'une variété d'albumine soluble nommée émulsine ou synaptase, puis du sucre, de la gomme et un parenchyme. C'est l’émulsine qui, dans l'émulsion d'amandes, tient l'huile en suspension. Elle dissout et rend miscible à l'eau le camphre, la résine de jalap et autres substances résineuses avec lesquelles elle est triturée. Elle peut s’unir à l'eau au moyen d'un blanc ou d'un jaune d œuf.

L'huile d'amandes douces doit être récemment préparée, parce qu'elle rancit facilement, et qu'elle irrite alors au lieu d'adoucir. Extraite à froid, elle se conserve plus longtemps.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L’INTÉRIEUR. — Émulsion au lait d’amandes, 30 gr. d’amandes douces dépouillées de leur pellicule, pilées avec un peu d’eau froide et de sucre dans un mortier de marbre, réduites en pâte que l’on délaie avec 1 kilogr. d’eau, à laquelle on ajoute 30 gr. de sirop ou de sucre. On passe à travers une étamine.

Sirop d'amandes douces (sirop d'orgeat), préparé à l’aide de l'émulsion et du sucre, à prendre dans l'eau, en potion, etc.
Huile, 15 à 30 gr. dans une solution ou potion gommeuse.
A L'EXTÉRIEUR. — Huile, en lavement, embrocation, liniment.


Les amandes douces servent à faire des loochs, et concurremment avec les amandes amères, à composer le sirop d'orgeat. — Je prescris souvent le bouillon de veau et d'amandes douces coupées par morceaux, comme adoucissant et rafraîchissant. On préparait aussi, par la distillation des amandes non écorcées, une eau mucilagineuse ayant l’odeur de la fleur d’acacia. [L’amandé ou émulsion d'amandes se fait dans les ménages en privant l’amande douce de son enveloppe (épisperme) ; pour cela, on la fait tremper dans de l’eau tiède ; après quelque temps la pellicule s'enlève par simple pression entre les doigts ; l’amande est alors fortement pressée dans un mortier de marbre avec un peu de sucre, et lorsque la pâte est bien homogène, on délaye dans l’eau et on passe ; on l'administre pure ou mélangée.]

Les amandes douces sont très-usitées comme aliment et comme médicament. On les sert vertes et sèches sur nos tables. On en fait des gâteaux, des biscuits, des massepains, des macarons, des dragées, des pralines, du nougat, un blanc-manger, etc. Dillon propose une boisson analogue au café, en faisant rôtir des amandes avec du seigle. Les amandes torréfiées sont prescrites aussi aux convalescents, soit entières, mangées avec du pain, soit en potages, après avoir été pulvérisées et mêlées avec de l’orge. Assez difficiles à digérer, elles ne doivent pas être prises en grande quantité par les personnes dont l’estomac est faible.

(Pavy[1] propose de remplacer dans le régime des diabétiques le pain de gluten par le biscuit d’amandes. Les amandes contenant 6 pour 100 de sucre, il les en prive en versant sur leur poudre de l’eau bouillante légèrement acidulée par l'acide tartrique. La farine, ainsi traitée, est jointe à des œufs, et sert à faire des biscuits très-nutritifs, sans principes sucrés ni féculents.)

Le lait d'amandes est adoucissant, rafraîchissant, calmant. On l’emploie dans les fièvres, les inflammations des voies urinaires et gastro-intestinales, les phlegmasies cutanées, les irritations nerveuses, les affections catarrhales

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  1. Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1863, p. 180.


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aiguës, etc., surtout dans les redoublements fébriles, vers le soir, afin que les nuits soient moins agitées. L’émulsion est plus calmante quand à l'eau simple on substitue l'eau distillée ou la décoction de laitue. Dans les irritations inflammatoires de la poitrine, on remplace avantageusement le sucre par le sirop de guimauve ou de violette, et quand il y a toux douloureuse, par le sirop de pavot blanc. Pour la rendre plus antiphlogistique, surtout dans les irritations phlegmasiques des voies urinaires, on y ajoute du nitrate de potasse.

L’émulsion d'amandes douces soulage les maladies du cœur, et particulièrement les palpitations qui tiennent à un état d’irritation et de spasme. Roques guérit, au moyen de cette émulsion et du bouillon de poulet, aux laitues pour tout aliment, un négociant de Bordeaux atteint de violentes palpitations de cette nature, dues à des causes morales.

Le lait d’amandes est très-utile dans les inflammations chroniques des viscères abdominaux, qui s’aggravent presque toujours sous l'influence d'une nourriture trop succulente. « Donnez au malade, dit Roques, du bouillon de poulet coupé avec du lait d’amandes. Je ne saurais dire combien cette boisson, à la fois nutritive et tempérante, m’a été utile pour soutenir doucement les forces et pour terminer des inflammations d'une nature rebelle.

Le lait d’amandes coupé avec le lait de vache est une excellente boisson nutritive à la suite des maladies inflammatoires, lorsque l’estomac ne peut encore digérer les aliments solides. Cette boisson convient aussi aux phthisiques qui éprouvent de la chaleur et de l'irritation.

L’émulsion d'amandes douces, quand l'estomac la supporte bien, doit être prise en grande quantité pour produire un bon effet. Quand il y a une vive irritation, de la chaleur, de la soif, il faut en administrer au moins 1 kilogramme par jour.

L’huile d'amandes douces est adoucissante et légèrement laxative. Elle peut s'unir à l'eau au moyen d'un jaune d'œuf. On la donne aux enfants atteints de coliques, de vers intestinaux, de volvulus, ou même de convulsions. (Suivant le professeur Coze père (conversation particulière), l'émulsion possède une action spéciale sur le gros intestin et devient précieuse contre les affections inflammatoires de cette partie du tube digestif.) Elle est utile contre les toux sèches et nerveuses, la strangurie, les douleurs néphrétiques, les calculs rénaux. Elle a souvent suffi, suivant Roques, pour arrêter l’action délétère des plantes vénéneuses, des champignons imprégnés de principes caustiques.

« Il est très-utile, dit Hufeland, dans toutes les espèces d’hématurie, de prendre matin et soir une cuillerée à bouche d’huile d’amandes douces ou d'œillette. »

J'emploie souvent, dans la bronchite aiguë et les toux opiniâtres, le mélange à parties égales d’huile d'amandes douces, de miel et de jaune d'œuf. Les enfants prennent très-facilement cette marmelade par cuillerées à café. En la délayant dans une suffisante quantité de décoction de fleurs de guimauve ou de coquelicot, on en fait un looch domestique peu coûteux et préférable au looch pectoral du Codex.

Cullat de Puigien[1] a indiqué un thé d’un nouveau genre fait avec des coquilles d’amandes ; voici comme on le prépare : Prenez une poignée de coquilles d’amandes, concassez-les, faites-les bouillir dans 1 litre d'eau pendent une bonne heure ; filtrez ensuite à travers un linge de coton fin. Cette boisson, saine et balsamique, se distingue par un goût de vanille très-agréable. Lemaître, de Carpentras, la recommande, mêlée avec du lait, contre les inflammations de poitrine. (Mignot l'a expérimentée contre la co-

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  1. Journal des connaissances utiles, année 1834, p. 41.


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queluche[1], et il conclut de ses essais qu'administrée dès que l'état spasmodique commence à prédominer, elle diminue la violence des quintes. C’est là non un agent curatif, mais un sédatif dont le concours peut être avantageux.)

A l’extérieur, l'huile d'amandes douces amollit, adoucit les tissus. Elle est utile en embrocation dans quelques névralgies, dans les inflammations externes, les brûlures au premier degré, sur certaines tumeurs, (et pour diminuer la tension de la peau dans les érysipèles de la face. Scouttetten en fait, dans la scarlatine et la rougeole, des frictions sur tout le corps. Elles diminuent les démangeaisons et préserveraient de l’anasarque, suivant cet observateur)[2]. Charles Leroy en tirait un grand avantage en frictions sur le bas-ventre dans les inflammations abdominales et dans les constipations opiniâtres. On trempe la main dans l’huile chauffée à un certain degré, et on en frotte le ventre en tous sens. Quand l’huile de la main est absorbée, on la trempe de nouveau, et l'on refrotte. On continue cette opération pendent un quart d'heure ou une demi-heure. « J’ai vu, dit Duplanil, cité par Buchan, le ventre se lâcher à la première tentative ; mais souvent il faut réitérer cette opération trois ou quatre fois, à une heure de distance l’une de l’autre. » Les bains tièdes, pris dans l’intervalle des frictions huileuses, rendent l'effet de ces dernières plus efficace et plus prompt.

Les parfumeurs vendent, sous le nom de pâte d’amandes, le résidu des amandes qui ont déjà servi à l’expression de l'huile, desséché et réduit en farine. On connaît son utilité pour nettoyer et adoucir la peau. En y ajoutant une certaine portion d’amandes amères, cette farine est beaucoup plus détersive et pourrait servir comme médicament externe, sous forme de cataplasme, contre certaines phlogoses cutanées et certaines taches du visage.


Amandes amères

Nom accepté : Prunus dulcis


AMANDES AMÈRES. Amygdalæ amaræ.


Les amandes amères, sauf le goût, doivent présenter les mêmes caractères physiques que les amandes douces.

Propriétés chimiques. — Les amandes amères contiennent moins d’huile fixe que les amandes douces, mais plus d'émulsine (ou synaptase) que celles-ci. Elles contiennent, en outre, environ de 1 à 2,2 pour 100 d’un principe particulier nommé amygdaline. C’est cette substance et la synaptase qui, au contact de l'eau, donnent naissance à l’huile essentielle (hydrure de benzoïle), et à une certaine quantité d'acide cyanhydrique. Ces produits résultent de la réaction de la synaptase sur l’amygdalite, laquelle, comme nous venons de le dire, ne peut s’opérer que par l'intermédiaire de l'eau. Il se forme encore, en même temps, de l'acide formique et du sucre.

L’huile essentielle d’amandes amères est, comme celle de laurier-cerise, incolore, d'une saveur amère et brûlante, d'une odeur qui rappelle celle de l'acide cyanhydrique.

Suivant Kruger de Roslock[3], les amandes amères peuvent donner un 96e de leur poids d’huile essentielle. Cette huile contient beaucoup d’acide prussique anhydre. Schrader[4] a tiré 8.5 pour 100 d’huile essentielle récemment obtenue. Goppert[5] a démontré 14.33 pour 100 d’acide cyanhydrique dans l’huile bien préparée. Ainsi que celle de laurier-cerise, elle s’altère facilement. L'essence se transforme en acide benzoïque. Il est donc nécessaire de la renouveler souvent, ou mieux, de lui substituer les amandes douces et l’amygdalite, d’après la formule de Liébig et Wœlher, indiquée ci-dessous.

L'eau distillée d’amandes amères contient une grande portion d'huile essentielle en excès que l'on sépare par la filtration. Chargée d’huile essentielle, cette eau pourrait être très-dangereuse, prise à l’intérieur. [D’après les conseils de la commission de

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  1. Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1812, p. 360.
  2. Union médicale, 31 mai 1859
  3. Buchner’s, Repertorium für die Pharmacie, t. XII, p. 135.
  4. Fechner’s, Repertorium der Organischen Chemie, t. II, p. 65.
  5. Rutt’s, Magazine für die gezammte Heilkunde, t. XXXII, p. 500.


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rédaction du nouveau Codex, on ne fera plus désormais usage en médecine que d’eau de laurier-cerise et d’amandes amères titrées, c’est-à-dire renfermant une proportion fixe et invariable d’acide cyanhydrique (le chiffre 1/1000 sera probablement adopté). Le dosage de l’acide cyanhydrique dans ces eaux se pratique au moyen d'une solution titrée de sulfate de cuivre que l’on verse goutte à goutte dans l'eau rendue ammoniacale jusqu'à ce qu'il y ait coloration bleue (Buignet). Chaque équivalent de cuivre employé correspond à 2 équivalents d’acide cyanhydrique.]

L’huile fine extraite par expression des amandes amères n'a, ordinairement, aucune des propriétés vénéneuses du fruit. [Le plus souvent l’huile d'amandes douces du commerce est préparée avec les amandes amères, parce que le résidu ou tourteau trouve de nombreuses applications en parfumerie.]

L’AMYGDALINE est une matière blanche, cristalline, d'une saveur d'abord sucrée, rappelant bientôt celle des amandes amères. Soluble dans l’eau et dans l'alcool chauds, elle se cristallise par le refroidissement.

Substances incompatibles avec les amandes amères et leurs diverses préparations : les acides minéraux, les sulfates de fer, le soufre, le chlore, l’azotate d'argent, les iodures en général, les oxydes de mercure, le calomel ou protochlorure de mercure. Cette dernière substance, mêlée aux préparations d’amandes amères ou à l’eau de laurier-cerise, forme deux poisons redoutables : du deutochlorure (sublimé corrosif) et du cyanure de mercure. Le monde médical a connu l’empoisonnement qui eut lieu, il y a quelques années, chez une demoiselle de Montpellier, à laquelle on avait administré ce mélange comme médicament.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L’INTÉRIEUR. — Nombre, 2 à 4 mangées ou dans un looch, dans une émulsion d'amandes douces.
Lait d’amandes amères (amandes douces et amères, de chaque, 4 à .6 gr. ; eau de rivière, 500 gr. ; sucre, 60 gr.), à prendre dans les 24 heures
Eau distillée (1 sur 2 d’eau), 1 à 10 gr. en potion, julep, etc., par jour (une cuillerée à bouche d’heure eu heure).
Huile essentielle purifiée (hydrure de benzoîle). peu employée, 1 à 5 centigr., avec précaution.
Huile essentielle non purifiée, de 1 à 3 centigr., en potion, julep, émulsion, etc.
[Mais il vaut mieux ne pas en faire usage, à cause des quantités variables d’acide cyanhydrique qu'elle peut renfermer. On la purifie par distillation au contact de la potasse et du perchlorure de fer]
A L’EXTÉRIEUR, — Eau distilée pour lotions, fomentations.
Huile essentielle non purifiée, de 2 à 4 gr., en liniment, lotions, embrocations.
Tourteau en cataplasme.
Amygdaline, mixture de Liebig et Walher.

Amandes douce, 8 gr. ; eau, Q. S. ; amygdaline, 1 gr.
Faites avec les amandes et l’eau une émulsion ; faites-y dissoudre l’amygdaline. Cette mixture contient 5 centigr d'acide cyanhydrique anhydre, et 45 à 50 centigr. d’huile essentielle d’amandes amères [par cuillère d'heure en heure]. — L'amygdaline ainsi administrée donnera toujours une préparation identique. On pourra calculer la quantité d’acide cyanhydrique et d’huile essentielle d'amandes amères qui se forment par la réaction de l’émulsion et de l’eau sur l'amygdaline, tandis que les eaux distillées d'amandes amères et de laurier-cerise, lorsqu'elles ne sont pas titrées, varient de composition. A l’abri de l'air, elles se conservent très-bien.
Le lait d’amandes amères, préparé comme nous l'avons indiqué, est aussi une préparation à la fois simple, sûre et peu coûteuse. L’huile essentielle et l’acide cyanhydrique, qui se forment au contact de l’eau, n’ont pas le temps de s'altérer On doit toujours la préférer à l’eau distillée d'amandes amères ou de laurier-cerise.


Les propriétés toxiques des amandes amères étaient connues des anciens. De nos jours, les travaux de Wepfer, d'Orfila, de Brodie, Cullen, Christison, Villermé ont démontré que l’action de ce poison est tout à fait la même que celle de l'acide cyanhydrique.

Cette action varie suivant l’idiosyncrasie des sujets. Une petite dose peut produire des effets toxiques. Christison rapporte que le docteur Gregory ne pouvait manger la moindre quantité de ces fruits sans en éprouver les effets d’un véritable empoisonnement, auxquels succédait une éruption semblable à celle de l’urticaire. Une femme, sujette à des palpitations de cœur, fit, par les conseils d’une commère, usage des amandes amères ; elle commença à en manger une par jour, et en augmenta ensuite le nombre par degrés. Arrivée au n° 7 par jour, elle éprouva des faiblesses générales, des évanouisse-


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ments et une anxiété extrême[1]. Virey[2] parle des accidents que produisent souvent les macarons dans la composition desquels entrent beaucoup d’amandes amères.

Il faut ordinairement une plus grande quantité d’amandes pour causer l'empoisonnement. Une femme[3] a donné à son enfant, âgé de quatre ans, le suc d’une poignée d'amandes amères pour le guérir des vers. A l’instant, coliques, gonflement du ventre, vertiges, serrement des mâchoires, écume à la bouche, convulsions, mort dans l’espace de deux heures.

Ortila a fait périr un chien en lui faisant avaler vingt amandes amères. Wepfer a tué un chat en lui donnant 4 gr. d'amandes pilées. Cet auteur fait observer que l’empoisonnement est beaucoup plus actif, si l’on ne dépouille pas les amandes de leur enveloppe.

Le tourteau d’amandes amères, contenant tous les principes nécessaires à la formation de l'huile essentielle, est très-vénéneux. On lit dans les Ephèmèrides des curieux de la nature (déc. 1, ann. 8, p. 184), que plusieurs poules périrent pour avoir mangé de ce résidu.

L'huile essentielle d'amandes amères est beaucoup plus active. Davies[4] a fait périr un serin en deux minutes en lui déposant dans le bec une goutte de cette huile. La même quantité, mise dans la bouche d’une grenouille, causa immédiatement des accidents nerveux graves, et ce reptile n’échappa à la mort qu'en se plongeant dans l'eau.

Villermé, essayant le mode d'action des deux principes de l'huile essentielle d'amandes amères, reconnut que la portion cristallisable était douée de propriétés vénéneuses extrêmement actives, tandis que l’autre était tout à fait innocente. Une gouttelette de la première fit périr un moineau en vingt-cinq secondes et un cabiai dans l’espace de dix-huit minutes[5].

Brodie[6], faisant des expériences sur ce poison, en mit une petite quantité sur la langue, et éprouva des accidents nerveux assez graves. Mertzdoff[7] rapporte l'histoire d'un hypocondriaque qui prit 8 gr. d'huile essentielle d'amandes amères, et périt en une demi-heure.

Un droguiste, éprouvant une vive attaque de douleurs néphrétiques, boit d’un seul trait, au lieu d’esprit de nitre dulcifié, 15 grammes d'huile essentielle d'amandes amères. Tous les symptômes de l’empoisonnement sont portés au plus haut degré : syncopes, anxiété, faiblesse générale, pâleur mortelle, abaissement extrême du pouls et du rhythme de toutes les fonctions, refroidissement général. Chavasse est appelé, fait vomir le malade à l’aide du sulfate de zinc, qu’il donne jusqu'à la dose de 12 gr. et de l'eau chaude. Il réchauffe le corps à l’aide de bouteilles d’eau chaude, de sachets et de linges chauds ; il fait prendre un mélange d’eau-de-vie et d'ammoniaque étendus dans de l'eau. L’amélioration est instantanée, et le malade passe de la mort à la vie. On fait continuer la potion suivante : ammoniaque, 4 gr. ; teinture de cardamome, 30 gr. ; mixture de camphre, 210 gr. Le malade guérit[8].

(Un parfumeur de vingt-six ans, ayant avalé environ 1 once d'essence d'amandes amères, tombe immédiatement insensible, et ne tarde pas à expirer. A l’autopsie, on trouve la muqueuse gastrique d'un rouge pourpre intense ; on retira du cerveau, par distillation, une grande quantité d'acide cyanhydrique)[9].

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  1. Annales cliniques de Montpellier, t. I, p. 297.
  2. Journal de pharmacie, t. II, p. 204.
  3. Coulon, Recherches sur l'acide hydrocyanique.
  4. Epist. de amyadalis et oleo amararum œthereo, p. 8.
  5. Journal de pharmacie, t. VIII, p. 301.
  6. Transactions philosophiques, année 1811, p. 183.
  7. Journal complémentaire des sciences médicales, t. XVII, p. 366.
  8. Gazette des hôpitaux, 2 novembre 1839.
  9. Harley, Medical Times, 1862.


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(L’usage simultané de certaines substances et des amandes amères a pu amener des accidents. Ces faits sont importants à connaître, pour mettre les praticiens en garde et pour leur faire recommander l’abstention de certains aliments pendant l’emploi de ces substances médicamenteuses. Une enfant de douze ans, qui suivait depuis trois semaines un traitement par l’iodure de potassium, fut prise, deux jours de suite, à la même heure, de nausées violentes et de vomissements. Bronneuyn apprit que ces deux jours-là elle avait, trois heures avant que les accidents ne se déclarassent, mangé d’une crème faite avec une quantité d’amandes douces et d’amandes amères. La crème, d'ailleurs, était de bonne qualité. D’autres enfants de la même famille en avaient mangé autant que la malade sans en ressentir le moindre inconvénient. Bronneuyn conclut que l’iodure s'était converti en un cyanure de potassium toxique, et, pour compléter la démonstration, il fit boire à un chien du lait contenant de l’iodure de potassium ; puis il lui donna de la crème. Au bout de quelques heures, l'animal fut pris de vomissements, délire furieux, paralysie des jambes)[1]. Voyez Substances incompatibles.

Les symptômes et le traitement de l’empoisonnement par les amandes amères et par l’huile essentielle sont absolument les mêmes que ceux de l’empoisonnement par l'acide cyanhydrique, par les amandes de la pêche, par le laurier-cerise, etc. Il est évident qu’alors la mort arrive par l'extrême asthénie, si l'on n'administre pas de suite de fortes doses de stimulants diffusibles, tels que l'alcool et l'ammoniaque.

(Si l’alcool est utile contre l'empoisonnement par les amandes, celles-ci paraissent neutraliser les effets des boissons spiritueuses. Dioscoride conseille d’en manger de quatre à six avant un repas où la sobriété ne doit pas régner. Plutarque nous raconte que pareille précaution était souvent prise par le fils de Néron. L’opposition d'action (Giacomini) est démontrée par l’innocuité relative de la liqueur connue sous le nom de Rosolis d'amandes amères, qui est mieux tolérée que toute autre boisson à proportions égales d’alcool. L'influence hyposthénisante des amandes, d'après la doctrine italienne, fait contrepoids à l'hypersthénie qui résulte de l'ingestion de l'alcool.)

L’eau distillée d'amandes amères a une activité qu'elle doit à l'huile essentielle qu'elle contient, et celle-ci a pour principe vénéneux l'acide hydrocyanique. Il est facile, d'après les analyses de Krüger, de Schrœder, de Goppert (voyez Propriétés chimiques), de calculer les doses d’amandes amères qui pourront causer l’empoisonnement ; il suffira pour cela de connaître la portée toxique de l'acide cyanhydrique.

Comme l’acide hydrocyanique et l'eau cohobée de laurier-cerise, les amandes amères conviennent en thérapeutique, d’après les expériences de Borda, dans toutes les maladies dont le fond est d'excitation. Les anciens les prescrivaient contre les tranchées utérines, les flueurs blanches, la pneumonie, la pleurésie, etc. Boerhaave les recommande dans toutes les affections phlogistiques indistinctement ; — P. Frank, contre les affections éruptives de la peau ; — Bateman, dans les affections cutanées douloureuses ; — Thébesius[2], comme préservatif de l’hydrophobe (en faisant toutefois appliquer des ventouses scarifiées sur la morsure) ; — Cullen, Hufeland, contre les fièvres intermittentes.

Bergius conseille 1 ou 2 livres d’émulsion (500 à 1,000 gr.) d’amandes amères les jours apyrétiques des fièvres intermittentes. — Mylius[3] préfère les amandes amères à tous les autres succédanés du quinquina. Il prescrit une émulsion faite avec 6 ou 8 gr. d’amandes dans 100 ou 125 gr. d'eau pour

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  1. Gaz. med. Sta. Sardi, 1861.
  2. Act. nova nat. curios., t I, p. 181.
  3. Nouveau Journal de médecine, t. V, p. 120.


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une dose à prendre une heure avant l'accès. Il dit avoir guéri par ce moyen dix-sept malades dans l’espace de deux mois ; pour quelques-uns, il n’a fallu que trois doses, d'autres en ont pris jusqu'à onze.

Frank, de Posen, qui a répété avec succès les expériences de Bergius et de Mylius, ajoutait à l’émulsion 4 à 8 gr. d'extrait de petite centaurée.

Wauters rapporte un grand nombre d’observations recueillies dans les hôpitaux de Gand, en 1808 et 1809, et constatant l’efficacité de cette mixture comme succédané du quinquina dans les fièvres intermittentes. Le plus souvent, il suffisait de l’administrer deux ou trois fois pour couper la fièvre, qui, dans ces contrées, était alors endémico-épidémique et tout à fait due à l’intoxication paludéenne, qui attaqua si cruellement à Walcheren les armées anglaise et française.

Ce fébrifuge doit être prescrit avec prudence, surtout aux enfants, pour lesquels il faut toujours commencer par des doses légères, afin d’éviter les effets toxiques, si faciles à produire dans les premières années de la vie.

Dans certains cas, on donne les amandes amères entières, au nombre d’une à six par jour ; on en diminue le nombre ou on les suspend tout à fait quand il survient des vertiges ou des nausées. Ainsi administrées, elles m’ont souvent réussi dans les flueurs blanches accompagnées d'un état d'irritabilité de l’estomac et du système nerveux qui interdisait l'usage des amers et des ferrugineux.

On emploie les amandes amères contre les maladies vermineuses, les toux nerveuses, les accès d’asthme, la coqueluche, etc.

(Pendant une épidémie de cette dernière maladie, qui a régné à Dramburg (Prusse), Schubert a eu recours, avec le plus grand succès, à l'eau d'amandes amères administrée par gouttes, dont le nombre, d’abord de 2 toutes les trois heures, était progressivement élevé à 8 et 10)[1].

A l’extérieur, on les applique sur les ulcères douloureux, le cancer, sur quelques affections cutanées avec douleur. Leur émulsion est très-efficace pour calmer l’irritation de la peau et le prurit des affections dartreuses. Je l'ai employée avec avantage dans le prurit de la vulve. — « Le tourteau d'amandes amères a été appliqué avec un avantage très-marqué sous forme de cataplasme, chez une jeune personne prédisposée à la phthisie, et dont la peau de la pointe et de la base du nez était habituellement rouge, boursouflée et couverte de boutons[2]. »

La pulpe d’amandes amères, humectée d'eau de laurier-cerise, m'a été utile en cataplasme, pour calmer les douleurs névralgiques, les gastralgies, les douleurs hépatiques et néphrétiques causées par la présence des calculs, etc.

[Réveil emploie avec succès, dans les migraines et dans tous les cas où il s’agit de calmer des douleurs vives, des cataplasmes préparés avec de l’eau tiède et de la farine de tourteau d’amandes amères. Ces cataplasmes appliqués tièdes sont très-légèrement rubéfiants ; mais ils deviennent bientôt sédatifs et calmants.]

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  1. Geneeskundige Courant, 1858.
  2. Dictionnaire des dictionnaires de médecine, t. 1er, p. 195.