Alleluia (Cazin 1868)

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Alkékenge
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Alliaire
PLANCHE III : 1. Alkékenge. 2. Alléluia. 3. Alliaire. 4. Alcée. 5. Angélique.


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Nom accepté : Oxalis acetosella


ALLELUIA. Oxalis acetosella. L.

Oxys flore albo. T. — Trifolium acetosum vulgare. Bauh. — Oxytriphyllum. Trag. — Panis cuculi. Off.

Surelle, — oxalide, — pain de coucou, — oseille de bûcheron, — oseille de Pâques, — trèfle aigre, — oseille à trois feuilles.

OXALIDACÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE PENTAGYNIE. L.


Cette plante vivace (Pl. III), commune dans presque tous les pays de l'Eu-


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rope, croît abondamment dans les bois, au pied des arbres, dans les lieux ombragés, le long des haies.

Description. — Racine : fibres qui partent de renflements d'une tige souterraine rampante. — Feuilles nées de l'extrémité de la souche par cinq ou six, longuement pétiolées et formant gazon, trifoliées, folioles obcordées, pubescentes surtout en dessous, où leur couleur est blanchâtre. — Fleurs blanches, solitaires sur des hampes droites et un peu moins longues que les pétioles (mars et avril). — Calice campanulé, pentifide. — Corolle trois fois plus grande, campaniforme, à cinq pétales obovales offrant trois appendices à leur base ; dix étamines, dont cinq longues et cinq courtes, hypogynes et réunies par la base de leurs filets. — Ovaire surmonté de cinq styles divergents. — Capsules à cinq loges polyspermes.

Récolte. — Elle se fait au moment de la floraison, vers le temps de Pâques, d’où lui vient le nom d’Alleluia. La plante perd une partie de sa saveur acide par la dessiccation ; mais on peut se la procurer pendant toute la belle saison et l'employer à l'état frais.

Parties usitées. — Toute la plante.

[Culture. — Elle n'est cultivée que dans les jardins de botanique ; on la sème au printemps en planches ou en bordures ; elle aime l'ombre.]

Propriétés physiques et chimiques. — Inodore, d'une saveur acide fort agréable, cette plante renferme beaucoup d'eau, du mucilage et une grande quantité d'oxalate de potasse. C'est surtout en Suisse, où elle est très-commune, que l'oxalite sert, concurremment avec les rumex acetosa et acetosella, à l'extraction du sel d'oseille (bioxalate de potasse, oxalate acide de potasse, bi, quadri ou suroxalate de potasse, oxalium, sel à détacher), très-usité pour enlever les taches d'encre, dans l'art tinctorial pour aviver la couleur du carthame, et dans quelques fabriques de toiles peintes. Le sel d'oseille est blanc, eu petits cristaux aigus, piquants, opaques, plus-acides que ceux de la crème de tartre auxquels ils ressemblent, inaltérables à l'air, peu solubles dans l'eau.

Substances incompatibles. — Les sels de chaux qui, mêlés au sel d'oseille, forment de suite un oxalate insoluble.

L'acide oxalique s'obtient en décomposant l'oxalate de potasse par l'acétate de plomb ; on traite le précipité par l'acide hydrosulfurique, et on fait cristalliser la liqueur. Mais celui du commerce est obtenu par la réaction de l'acide azotique sur le sucre ou l'amidon.]


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L’INTÉRIEUR. — Décoction, 30 gr. ou une poignée dans 500 gr. d'eau ou de petit lait
Suc exprimé, de 30 à 60 gr.
Sirop, de 30 à 60 gr. dans une potion.
Conserve, de 2 à 8 gr.

Plante fraîche, mangée en salade, dans les bouillons.
Oxalate de potasse, 1 à 2 gr. dans 500 gr. d'eau, avec Q. S. de sucre pour limonade.
[L'oxalate de potasse entre dans les pastilles contre la soif.


L'alleluia est rafraîchissante, tempérante, antiputride, antiscorbutique, diurétique. Elle convient dans les affections bilieuses, inflammatoires, putrides, les embarras gastriques. Johan Frank[1], qui s'en est servi avec succès dans le traitement d'une épidémie de fièvres malignes pétechiales, lui donne les plus grands éloges. Dans ma pratique, je fais avec l'alleluia une limonade des plus agréables ; elle remplace celle que l'on compose avec le citron, que l'on n'a pas toujours sous la main et que le pauvre ne peut se procurer. Cette limonade apaise la soif et l'ardeur fébrile, favorise la sécrétion des urines et lâche quelquefois le ventre. J'ai remarqué qu'elle aide à l'action des purgatifs. L'hiver, je me sers de la limonade d'oxalate de potasse.

Le scorbut est une des maladies où l'oxalide a été le plus employé. Les équipages du capitaine Baudin ayant trouvé cette plante en abondance au Port Vestern, et en ayant usé copieusement, virent disparaître les traces du scorbut dont ils étaient atteints[2].

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  1. Herba alléluia, botanice considerata, etc., Ulmæ, 1709.
  2. Annales du Muséum, t. XVII, p. 94


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Chamberet[1] observe avec raison que cette plante, quoique recommandée dans les maladies inflammatoires des voies urinaires, peut être nuisible à certains calculeux, à cause de l’oxalate de potasse qu'elle contient.]

A l'extérieur, elle est maturative comme l'oseille commune. Je l’ai quelquefois appliquée sur les tumeurs scrofuleuses et des abcès froids, pour les résoudre ou en hâter la suppuration ; mais j'ai employé dans ces cas, avec plus d'avantage, la petite oseille sauvage, conseillée par Pinel. Elle est plus active, et se trouve partout dans les pâturages et le long des haies.

L'OXALATE DE POTASSE et L'ACIDE OXALIQUE pris à haute dose produisent l'empoisonnement. L'action corrosive de l'acide oxalique a été constatée en Angleterre, où, pendant longtemps, on s'en est servi pour faire des limonades. Royston rapporte l'observation d'une femme qui mourut au bout de quarante minutes après avoir pris 15 gr. d'acide oxalique pour du sulfate de magnésie. Thomson publia ensuite l'histoire d'un semblable empoisonnement. Dès lors, on ne douta plus que cet acide ne fût un poison, et cette opinion fut encore confirmée par les observations et les expériences de Percy, Orfila, Christison, Coindet et Dupuy. La quantité d'acide oxalique qui a produit les empoisonnements variait depuis 12 gr. jusqu'à 60 gr., et avait été ordinairement prise à jeun. Sur onze cas, deux individus seuls ont été sauvés, trois survécurent une heure à l'ingestion de l'acide, les autres moururent en beaucoup moins de temps. Une personne qui avait avalé 24 gr. de cet acide périt au bout de quinze minutes ; une autre vécut à peine dix minutes après avoir pris ce poison ; ainsi, la rapidité de l'empoisonnement est toujours en rapport avec la dose d'acide et le temps qu'il séjourne dans l'estomac.

Les symptômes de cet empoisonnement sont les suivants : quelquefois douleur brûlante à la gorge, mais toujours à l’estomac, ordinairement suivie de vomissements violents qui continuent jusqu’aux approches de la mort ; quelquefois vomissements faibles ou nuls ; matières vomies, pour l'ordinaire, d'une couleur foncée ou sanguinolentes ; pouls devenant imperceptible et restant tel pendant plusieurs heures ; froid glacial, sueur gluante ; doigts et ongles livides. Quelquefois engourdissement et sentiment de fourmillement aux extrémités longtemps après la disparition des symptômes violents ; d'autres fois, insensibilité quelque temps avant la mort, ou agitation, convulsions ; mort, en général, en moins d'une heure et quelquefois en peu de minutes.

Les expérimentations de Christison et de Coindet ont porté ces médecins à conclure : 1° que l’acide oxalique très-concentré, introduit à haute dose dans l'estomac, irrite ou corrode cet organe, et détermine la mort par l'affection sympathique du système nerveux ; — 2° que lorsqu'il est étendu d'eau, il est absorbé et porte son influence sur les organes éloignés ; il n'agit ni en irritant l'estomac, ni sympathiquement ; toutes choses égales, d'ailleurs, son action est plus rapide lorsqu'il est étendu d'eau que lorsqu'il est concentré ; — 3° qu'on ne peut le retrouver dans aucun des liquides de l'animal, quoiqu'il soit absorbé, probablement parce qu'il est décomposé en passant par les poumons, et que ses éléments se combinent avec le sang ; — 4° qu'il agit directement comme sédatif, en portant d'abord son influence sur la moelle épinière et le cerveau, ensuite, et secondairement, sur les poumons et le cœur. Enfin, la cause immédiate de la mort est quelquefois une paralysie du cœur, d'autrefois une asphyxie, ou enfin ces deux affections réunies. [Les accidents nerveux, suivant Réveil, sont comparables à ceux que détermine la strychnine.]

L'effet des vomitifs n'est point assez prompt contre cet empoisonnement. Les boissons aqueuses nuisent en facilitant l'absorption, à moins qu'on ne

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  1. Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXIX, p. 55.


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fasse vomir promptement le malade par des moyens mécaniques. On peut neutraliser le poison dans l'estomac avec le carbonate de chaux ou la magnésie calcinée, qui forment tous deux avec lui des sels insolubles. L'action toxique peut être diminuée par ces combinaisons ; mais, suivant Christison et Coindet, elle n'est jamais entièrement changée ou détruite. On combat les symptômes inflammatoires secondaires par les antiphlogistiques.

[Dans les cas d'empoisonnement par l'acide oxalique, il faut toujours rechercher à isoler l'acide libre ; on se sert pour cela d'alcool bouillant qui le dissout parfaitement et qui est sans action sur les oxalates et les autres sels.]

L'OXALATE DE POTASSE (sel d'oseille) avait déjà été signalé par Welti comme pouvant être employé efficacement dans la métro-péritonite puerpérale, lorsque Von Brenner[1] publia deux observations dans lesquelles l'emploi de ce sel neutre fut suivi d'un succès remarquable.

Le même médicament a été prescrit par l'auteur, avec non moins d'efficacité, dans des cas de métrite et de péritonite simples, dans l'inflammation des ovaires, ainsi que dans les menstruations difficiles.

L'ACIDE OXALIQUE, provenant de l'oxalide, dit Nardo (in Merat et Delens), a des propriétés plus antiphlogistiques qu'aucun autre acide végétal ; il convient, suivant ce médecin, dans les douleurs qui accompagnent les affections inflammatoires, notamment dans celles de l'angine, de la gastrite, de la stomatite ; son usage pourrait même rendre les saignées moins nécessaires.

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  1. Annales médicales de la Flandre occidentale.