Scille (Cazin 1868)

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Sceau de Salomon
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Scolopendre
PLANCHE XXXVII : 1. Saxifrage. 2. Scabieuse. 3. Sceau de Salomon. 4. Scille. 5. Scolopendre.


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Nom accepté : Drimia maritima


SCILLE. Scilla maritima. L.

Scilla vulgaris radice rubra. C. Bauh. — Scilla officinalis. Blak. — Scilla. Dod. — Ornithogalum maritimum. Lam. — Ornithogalum maritimum, seu scilla radice rubra. Tourn.

Scille maritime, — scille officinale, — grande scille, — squille rouge, — oignon marin, — ornithogale marine, — cliarpentaire, — scipoule.

LILIACÉES. — HYACINTHÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L.


Cette plante vivace (Pl. XXXVII) croît sur les plages sablonneuses de la Méditerranée et de l'Océan ; elle est abondante en Bretagne et en Normandie, et surtout à Quilleboeuf (Hanin). Elle est aussi et plus particulièrement spontanée en Barbarie, en Syrie, en Espagne, en Sicile.

Description. — Racine : bulbe ovoïde, charnu, composé de plusieurs tuniques épaisses, blanches ou rougeâtres, recouvert extérieurement d'une membrane mince, d'un brun foncé, quelquefois de la grosseur de la tête d'un enfant. — Hampe : antérieure aux feuilles, simple, cylindrique, droite et élancée, atteignant quelquefois 1 mètre 50 centimètres. — Feuilles : toutes radicales, amples, lisses, ovales-lancéolées, d'un vert foncé, longues de 25 à 40 centimètres. — Fleurs : nombreuses, blanches, pédonculées, réunies en un long épi terminal, un peu conique, couvrant la moitié supérieure de la hampe, accompagnées à leur base de nombreuses bractées linéaires et simulées (août-septembre). — Calice pétaloïde à six divisions profondes, ouvertes en étoile. — Point de corolle. — Six étamines de la longueur du calice, sur lequel elles sont insérées. — Un


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ovaire supérieur arrondi. — Un style terminé par un stigmate simple. — Fruit : capsule trigone, presque ovale, à trois loges et à trois valves, contenant quelques semences arrondies.

Parties usitées. — Le bulbe ou oignon.

Récolte. — On récolte le bulbe de scille en automne, époque où il est dans toute sa force, tandis qu'au printemps il est plus sucré. On en détache les écailles ou squames. Les plus extérieures, qui sont trop sèches, et les plus intérieures, qui sont muqueuses et presque inertes, sont rejetées. On ne conserve que les intermédiaires. Pour les sécher, il faut les isoler, les enfiler dans une corde et les exposer au soleil ou à l'étuve. Lorquc la dessiccation est bien complète, on les serre dans des boîtes, dans un lieu sec : l'humidité les fait moisir. Elles doivent être desséchées promptement. Elles sont d'une couleur rosée, transparentes, fragiles, attirant l'humidité quand elles sont sèches. Aujourd'hui on tire de Marseille la scille coupée en lanières et toute sèche, ce qui est préférable, dit-on, à cause de la grande chaleur de ce pays. Mais on peut partout la faire sécher à l'étuve. On a conseillé de la pulvériser pour mieux la conserver ; mais trop vieille, la poudre perd aussi de ses propriétés. La poudre de scille n'est pas facile à préparer. Comme les squames, elle devient aussi humide et s'altère si elle n'est pas conservée dans un lieu sec. La dessiccation fait perdre à la scille son odeur piquante et irritante. Elle a moins d'âcreté ; mais elle conserve toute son amertume. On distingue dans le commerce deux variétés de scille : l'une, plus commune et plus usitée, a les écailles rouges et se nomme scille mâle, scille d'Espagne (scilla radice rubrà. C. Bauh.) ; l'autre a les squames blanches et est appelée scille femelle, scille d'Italie (scilla radice albà. C. Bauh.). La première est seule employée en France ; en Angleterre, au contraire, on n'emploie que la variété blanche, qui, dit-on, est moins active.

[Culture. — La scille n'est cultivée que dans les jardins botaniques ou d'agrément. Elle préfère les terrains sablonneux ; on la propage par semis faits au printemps, et on repique les plantes en place en juin.]

Propriétés physiques et chimigues. — Le bulbe de scille exhale, lorsqu'on le coupe par tranches à l'état frais, une vapeur âcre et subtile, analogue à celle de l'oignon, qui irrite les yeux et le nez, et qui fait venir des ampoules aux doigts, si on le manie trop longtemps. Sa saveur, d'abord mucilagineuse, devient bientôt amère et âcre. Le bulbe de scille contient, d'après Vogel[1] et Tilloy[2], un principe fugace, volatil, âcre, irritant; une matière amère, résinoïde, nommée scillitine, de la gomme, du tannin, des sels, de la fibre, une matière grasse sucrée. — La scillitine est incristallisable, sa saveur est amère et âcre. Elle est soluble dans l'alcool, dans l'eau et dans l'alcool éthéré ; elle est insoluble dans l'éther pur. (Elle représente une grande partie des propriétés de la scille, qui en contient 1 pour 100.

Marais a donné récemment une autre analyse : mucilage, 30 ; sucre, 15 ; tannin, 8 ; matières colorantes, 12 ; matière grasse, 1 ; scilliline, 1 ; sels 5 et des traces d'iode. Ce que cet auteur appelle scillitine est une matière cristallisable, à réaction alcaline. Suivant Naudet, les propriétés vénéneuses de cette substance seraient dues à la skuléine, corps particulier qu'on peut aussi en isoler.)


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Poudre, de 5 à 50 centigr., en pilules, dans un véhicule liquide, etc.
Teinture (1 sur 5 d'alcool a 60 degrés, de 1 à 8 gr., en potion.
Vin (3 sur 50 de vin), de 15 à 60 gr.
Vinaigre (1 sur 12 de vinaigre blanc fort), de 5 à 10 gr., en potion.
Oxymel (1 de vinaigre scillitique sur 4 de miel), de 15 à 30 gr., en potion.
Mellite. (Voyez Codex de 1866, page 493.)
Extrait alcoolique (1 de scille sèche sur 8 d'alcool à 60 degrés), 5 à 10 centigr., en pilules.
Extrait aqueux, par infusion (l de scille fraîche sur 4 d'eau), rarement employé, 5 à 20 centigr., en pilules.
A L'EXTÉRIEUR. — De 10 à 60 centigr., en friction ou par la méthode endermique.

Décoction, de 8 à 15 gr., en lavement de 350 gr. d'eau.
Teinture, de 10 à 15 gr., en frictions à l'hypogastre, à l'intérieur des cuisses, etc.
Vin, de 30 à 60 gr., en lotions.
Vinaigre, de 10 à 30 gr., en lotions.
Pulpe, en cataplasme, comme rubéfiant, maturatif.
Pommade (1 de poudre sur 2 d'axonge), de 4 à 15 gr., en frictions.
Oxymel, de 30 à 60 gr., en gargarisme.

La scille entre dans l'élixir pectoral de Wedel, la poudre composée de Stahl, les trochisques d'Andromaque, le looch antiasthmatique de Mesué, et dans beaucoup d'autres préparations entièrement discréditées.


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  1. Bulletin de pharmacie, t. IV, p. 538.
  2. Journal de pharmacie, t. XII, p. 635.


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A haute dose, la scille agit à la manière des poisons narcotico-âcres ; elle produit des nausées, des vomissements, de la cardialgie, des coliques, l'hématurie, la strangurie, la superpurgation, l'inflammation et la gangrène de l'estomac et des intestins, des mouvements convulsifs et la mort. C'est un médicament qu'il faut employer avec prudence. Lange[1] dit qu'une femme attaquée de tympanite, à laquelle un charlatan en fit prendre une trop grande dose, en mourut ; on lui trouva l'estomac enflammé. Orfila a constaté ces dangereux effets de la scille sur des chiens, môme appliquée à l'extérieur dans l'épaisseur des chairs. Elle est un poison pour plusieurs autres espèces d'animaux, tels que les chats, les rats, etc.

On combat l'empoisonnement par la scille au moyen de boissons adoucissantes prises en grande quantité, et surtout par les opiacés dans la période nerveuse ; on peut y joindre le camphre, qui a été proposé comme contre-poison de ce bulbe.

A petite dose fréquemmment répétée, cette racine excite principalement les reins et augmente la sécrétion urinaire. Elle a été considérée à juste titre, par les anciens et les modernes, comme le plus puissant, des diurétiques. Sous ce rapport, on l'a employée avec beaucoup de succès dans l'anasarque, l'hydrothorax, les infiltrations séreuses en général. Cependant elle ne produit aucun effet dans l'hydropysie enkystée des ovaires, et réussit rarement dans l'ascite. « Que peut cette plante, dit Alibert, contre les squirrosités, les tubercules, les kystes, les concrétions ou autres altérations des organes, qui produisent les épanchements hydropiques ? » Je réponds à cela que lorsque l'hydropisie n'est pas le résultat d'une lésion organique incurable, la guérison peut avoir lieu après l'écoulement des eaux, et que, dans le cas contraire, on obtient toujours du soulagement, une guérison apparente, qui fait gagner du temps et console le malade en le livrant aux douces illusions de l'espérance.

Dans les hydropisies de nature sthénique, telles que celles qui se développent à la suite de la suppression de quelque flux sanguin, chez des personnes d'une forte complexion, ayant le pouls dur, la peau tendue et résistant à la pression des doigts, la scille et tous les diurétiques stimulants sont évidemment contre-indiqués. Ces cas réclament l'emploi des émissions sanguines, des boissons délayantes et acidulés, du petit lait, des diurétiques doux et sédatifs, de la digitale et du nitre. Les hydropisies compliquées de phénomènes fébriles ou phlegmasiques repoussent aussi l'emploi de la scille.

(Hirtz[2] ne voit pas dans l'acuité de la maladie et la congestion rénale une contre-indication à son administration dans l'albuminurie. Ce thérapeutiste distingué, rassemblant plusieurs faits des plus concluants, a voulu établir que l'anurie et l'hydropisie constituent un des dangers de la maladie et une des indications les plus pressantes. Par le raisonnement et par les faits, il montre que les diurétiques ne peuvent exercer aucun des effets nuisibles que la théorie leur attribue. La scille enlève une des plus graves complications, l'hydropisie, et, bien plus, en prolongeant la vie et le temps d'action curative, en dégorgeant le rein et peut-être aussi en facilitant l'absorption des médicaments entravée par l'ascite, elle prépare la guérison radicale.

La scille exerce une action très-marquée sur la muqueuse pulmonaire, et évoque l'expectoration dans les affections de poitrine où des mucosités tenaces engouent les ramifications bronchiques ; elle convient, à ce litre, à la fin des pneumonies, dans certains catarrhes chroniques, dans l'asthme humide, l'infiltration pulmonaire, etc., lorsque, toutefois, il y a absence

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  1. Rem. domest., p. 176.
  2. Bulletin de thérapeutique, 29 février 1804, p. 150.


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d'irritation et de fièvre. On en a aussi recommandé l'usage dans certaines maladies des voies urinaires exemptes de douleur et d'inflammation, telles que la néphrite calculeuse, l'albuminurie, le catarrhe chronique de la vessie.

Giacomini[1] regarde la scille comme douée d'une vertu hyposthénisante cardio-vasculaire, et, selon lui, les propriétés diurétiques et expectorantes, etc., ne sont que des effets secondaires et subordonnés à son action primitive.

Si la scille convient chez les sujets lymphatiques, d'une sensibilité obtuse et lorqu'il n'y a plus de chaleur, d'irritation ni de fièvre, elle est évidemment contre-indiquée chez les sujets irritables et très-nerveux, ou qui ont une disposition imminente aux phlegmasies, aux hémorrhagies, à la phthisie sèche ou nerveuse ; dans les cas de fièvre, d'inflammation, d'excitation des voies digestives, de douleurs vives, etc. Ce n'est pas seulement par une trop forte dose que ce médicament peut être nuisible : il peut encore devenir funeste, même à petite dose, soit par une disposition idiosyncrasique des organes qui en reçoivent l'action, soit à l'occasion de l'état d'irritation morbide latente de ces mêmes organes. Quarin rapporte un cas où douze grains de scille suffirent pour causer la mort. Roques dit qu'une once (30 gr.) de vin scillitique a excité, chez un malade affecté d'œdème, une chaleur vive à l'estomac, des coliques, des spasmes et des vomissements douloureux. Ce malade avait oublié de mêler ce vin avec une tisane apéritive dont il faisait habituellement usage. Ces symptômes cédèrent à quelques doses de sirop diacode. I1 est donc prudent de ne commencer que par doses légères, qu'on augmente graduellement ; quand des nausées se manifestent, on doit les diminuer.

Il faut, de temps en temps, suspendre l'usage de la scille ; car longtemps continué, même en très-petite quantité, cet usage trouble les digestions et produit une sorte de gastrite, ce qui arrive également par l'action prolongée des amers sur la muqueuse gastro-intestinale.

Associée à la digitale, la scille est employée dans les maladies du cœur, l'hydropéricarde, les palpitations, pour ralentir le pouls et produire en même temps une diurèse abondante. Ce mélange convient surtout s'il y a dyspnée, étouffement, etc., symptômes souvent dus à l'infiltration du tissu pulmonaire. Unie au calomeî, cette racine devient plus diurétique et agit plus efficacement sur les absorbants. Bertrand la mêle à l'oxyde noir de fer pour combattre les hydropisies atoniques. Dans la vue de diminuer son action trop irritante, ou de modifier ses propriétés suivant l'indication, on l'unit encore à l'opium, à l'ipécacuanha, à la gomme ammoniaque, à la scammonée, au vin d'Espagne, au savon, aux aromates, aux antispasmodiques, aux mucilagineux, etc.

Employée en frictions, la scille agit également comme diurétique. La teinture est ordinairement préférée pour ce mode d'administration. On en use depuis 4 gr. jusqu'à 8 chaque fois. Une plus grande quantité pourrait causer des accidents analogues à ceux que produit le médicament pris à l'intérieur. On se sert souvent pour ces frictions de parties égales de teinture de scille et de celle de digitale, auxquelles on ajoute quelquefois autant d'huile essentielle de térébenthine. Je me suis très-bien trouvé de ce dernier mélange en frictions sur la région lombaire, sur l'hypogastre et à l'intérieur des cuisses, dans l'albuminurie chronique, la leucophlegmatie, l'hydrothorax, etc., surtout lorsque l'état des voies digestives s'opposait à l'usage intérieur de la scille et des autres diurétiques irritants. Les lavements de décoction de scille peuvent agir efficacement comme révulsifs. Schmu-

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  1. Trad. de la pharmacologie, p.,182.


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cker[1] les a conseillés dans les commotions cérébrales et dans les blessures graves de la tête. Après les émissions sanguines et les aspersions d'eau froide, où l'on ajoute du vinaigre et de l'hydrochlorate d'ammoniaque, ces lavements peuvent agir énergiquement et fort utilement sur le gros intestin. Larrey[2] appliquait des cataplasmes de bulbes de scille, cuits sous la cendre, sur les bubons pestilentiels pour en hâter la suppuration. Dom Manuel Serrano[3] a fait disparaître deux fois un hygroma chronique, par l'emploi exclusif de fomentations de vin scillitique préparé avec 60 gr. de scille macérée pendant 48 heures dans 1,000 gr. de vin blanc. Il suffit d'appliquer sur la tumeur des compresses trempées dans ce liquide et très-souvent répétées, de les maintenir au moyen de quelques tours de bande purement contentifs, sans qu'il soit nécessaire que le malade garde le repos. C'est là un moyen de plus à ajouter à la liste des topiques (à la tête desquels se trouve la teinture d'iode), dont l'action suffit pour déterminer la résorption du liquide contenu dans les bourses séreuses.

La SCILLITINE est très-vénéneuse ; à la dose de 5 centigr., elle tue les chiens ; elle est en même temps purgative et vomitive ; secondairement elle a une action légèrement narcotique. Elle est inusitée, mais pourrait être employée de la même manière que la digitaline, mais avec une circonspection plus grande encore. Mandet, pharmacien à Tarare [4], a composé avec la scillitine dépouillée de son élément irritant, associée à l'extrait hydro-alcoolique de digitale, un sirop, des pilules et des granules, qui paraissent réunir tous les avantages d'une bonne médication diurétique et sédative, dans les cas pathologiques qui réclament l'emploi combiné de la scille et de la digitale. La dose de sirop de scillitine composé est de trois à cinq cuillerées à café par jour ; les pilules s'administrent à la dose de trois à cinq. La dose des granules de scillitine simple, comme tonique expectorant, est de trois à six par jour ; comme tonique diurétique, dans certains cas d'hydropisie, de six à douze par jour. Les granules contiennent chacun 1 milligr. de scillitine privée de tout principe irritant.

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  1. Dissert. de scilla.
  2. Mémoires de chirurgie militaire.
  3. La Union medica et Journal de médecine de Bruxelles, 1851.
  4. Mémoire sur l'emploi thérapeutique de la scillitine.