Ortie (Cazin 1868)

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Orpin
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Oseille


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Ortie brûlante

Nom accepté : Urtica urens


ORTIE. Urtica. L.

Urtica urens minor. C. Bauh., Tourn. — Urtica minor. Lam. — Urtica minor acrior. Lob. — Urtica urens minima. Dod. - Urtica minor annua. J. Bauh.

Ortie brûlante, — ortie piquante, — ortie grièche, — petite ortie.

URTICÉES. Fam. nat. — MONOÉCIE TÉTRANDRIE. L.


Cette plante annuelle, que tout le monde connaît, croît partout, parmi les décombres, aux lieux incultes et abandonnés, le long des haies, dans les jardins.

Description. — Racine pivotante. — Tige de 30 à 50 centimètres, carrée, simple, garnie de poils brûlants. — Feuilles opposées, pétiolées, ovales-oblongues, profondément dentées, couvertes de poils très-brûlants, à stipules caduques.— Fleurs verdâtres, monoïques, très-petites, les mâles et les femelles réunies dans une même grappe (mai à octobre). — Calice quadriparti. — Quatre étamines dans les fleurs mâles ; segments du calice inégaux dans les fleurs femelles, avec un ovaire surmonté d'un stigmate sessile. - Akène recouvert par le calice. — Graines à tête soudée avec l'endocarpe, ovales (et non ovoïdes), aplaties, de couleur de paille, luisantes et petites.

Parties usitées. — Toute la plante.

Récolte. — On peut recueillir l'ortie brûlante pendant tout l'été pour l'employer fraîche ou pour la faire sécher. Sèche, ses aiguillons paraissent encore, mais ils ne piquent plus.

[Culture. — L'ortie sauvage suffit aux besoins de la consommation ; on la propage par semis des graines, elle croît dans tous les terrains.]

Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de cette plante est faible ; sa saveur, d'abord herbacée, est ensuite aigrelette et astringente. Analysée par Saladin[1], elle a fourni du carbonate acide d'ammoniaque, surtout dans les glandes de la base des aiguillons ; une matière azotée, de la chlorophylle unie à un peu de cire, du muqueux, une matière colorante noirâtre, du tannin uni à de l'acide gallique, du nitrate de potasse.

Le prurit, la cuisson et la douleur qu'on éprouve en touchant des orties, ou en frappant une partie avec cette plante verte (urtication), sont causés par un suc âcre, irritant et caustique contenu dans une petite vésicule située et adhérente à la base de poils raides, minces et aigus, dont les feuilles sont hérissées sur toutes leurs faces. Lorsque la pointe de ces aiguillons pénètre dans la peau, la vésicule qui lui sert de base est comprimée, le fluide qu'elle contient traverse ses aiguillons, qui l'insinuent ainsi dans la peau.

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  1. Journal de chimie médicale, 1830, L VI, p. 492.


Ortie dioïque

Nom accepté : Urtica dioica


ORTIE DIOIQUE. — GRANDE OKTIE, ORTIE COMMUNE, ORTIE VIVACE. Urtica dioïca, L. — Urtica urens maxima, C. Bauh., Tourn. — Urtica communis, Lob. — Urtica urens altera, Dod. — Croît partout dans les lieux incultes, buissons, etc. Elle est plus commune que la précédente.

Description. — Tiges de 60 à 90 centimètres, tétragones, pubescentes. - Feuilles opposées, lancéolées, cordiformes, marquées de grosses dents sur les bords, un


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peu semblables à celles de la mélisse. — Fleurs dioïques, en grappes pendantes ; aiguillons moins forts que ceux de l'ortie brûlante, et la cuisson qu'ils causent sur la peau moins prononcée que celle produite par la piqûre de celle-ci.

Parties usitées. — Les mêmes que celles de la précédente.

Récolte. — Elle est aussi la même.

[Culture. — Comme la précédente.]

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. Saladin[1] a trouvé dans cette plante du nitrate de chaux, de l'hydrochlorate de soude, du phosphate de potasse, de l'acétate de chaux, du ligneux, de la silice, de l'oxyde de fer.

On mange les jeunes pousses d'ortie dans quelques pays. Murray dit qu'elles sont laxatives si on en prend trop. Comme nourriture des bestiaux, la grande ortie est cultivée en Suède de temps immémorial. C'est une nourriture saine et assurée, car elle est précoce et facile à cultiver ; le sol le plus aride lui est propre ; elle ne demande aucun soin ; elle supporte toutes les intempéries et se reproduit d'elle-même. On peut la couper deux ou trois fois dans un été, et tandis qu'au printemps la nourriture manque pour le bétail, cette plante est déjà en pleine croissance ; on la coupe jeune pour la donner en vert, ou on la laisse plus longtemps sur pied pour l'employer comme fourrage. Le lait des vaches qui s'en nourrissent est meilleur et plus abondant. On la dit propre à préserver les bestiaux des épizooties. Les volailles, qui sont très-avides de ses graines, pondent davantage si on en met dans leur pâtée. On mêle les feuilles hachées à la nourriture des dindonneaux. Dans certains pays on les donne bouillies aux cochons. Les maquignons en mêlent une certaine quantité à l'avoine pour donner aux chevaux un air vif et un poil brillant.

La tige fibreuse de la grande ortie peut fournir un bon fil et de bons tissus. Les Baskirs, les Kamtschadales, l'emploient à la fabrication des cordes, des toiles et des filets pour fe pêche. Les Hollandais en ont retiré, sous ce rapport, de grands avantages. I1 suit de la couper au milieu de l'été, et de la faire rouir en la traitant comme le chanvre. La racine, bouillie avec un peu d'alun, donne une belle couleur jaune. (La décoction jaunâtre obtenue par l'ébullition des orties, exposée à l'action de l'air, devient verte. La présence des alcalis favorise cette transformation. — Cette matière verte présente les caractères du vert de chrome. On s'en sert, vu son innocuité, pour colorer la liqueur d'absinthe)[2]. — La semence de la grande ortie, ainsi que celle de l'ortie brûlante, est oléagineuse. Il paraît que les Egyptiens, autrefois, en tiraient de l'huile pour l'usage alimentaire.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction des feuilles, 30 à 60gr. par kilogramme d'eau.
Suc exprimé (avec addition d'un peu d'eau), 60 à 125 gr.
Poudre des semences ou des fleurs, 4 à 8 gr. dans un véhicule approprié, en électuaire, pilules, etc.
Extrait (pilez dans un mortier de marbre les feuilles et les tiges, exprimez le suc, laissez dépurer par le repos et évaporez au bain-marie jusqu'à consistance de miel), 2 à 6 gr. et plus.

Sirop (suc d'ortie dépuré par l'ébullition et passé, sucre blanc, de chaque 1 partie ; faites cuire à une douce chaleur, en consistance sirupeuse), 30 à 60 gr.

A L'EXTÉRIEUR. — Herbe fraîche pour l'urtication ; fraîche ou sèche, en cataplasmes, fomentations, etc ; racine en décoction pour le même usage.
Alcoolature (Lubanski).
Il est indifférent d'employer la grande ou la petite ortie.


La grande ortie et l'ortie grièche ou petite ortie sont astringentes. On les a recommandées dans l'hémoptysie, l'hématémèse, la métrorrhagie, etc.

Zacutus Luzitanus, qui se distingua par son habileté pratique, s'exprime ainsi sur la vertu de l'ortie contre l'hémoptysie : « Qui sanguinem ex pectore rejectarunt, et a medicis tanquam deplorati sunt habiti, solo urticæ succo convaluerunt. Post multa autem machinata remedia, nullum ita contulit ut sanguis cohiberetur, ac urticæ succus, quem ad quinque vel sex dies ebiberunt : singulis scilicet diebus unc. IV jejuno stomacho : imo et ipsam urticam incoctam jure pulli aut vervecis sæpe comedebant[3].

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  1. Journal de chimie médicale, 1830, L VI, p. 492.
  2. Revue populaire des sciences, 1863.
  3. Opera omnia, 1694.


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Lazerne, Scopoli, Geoffroy, Desbois (de Rochefort) ont aussi vanté cette plante contre l'hémoptysie ; Peyroux et Lange contre la ménorrhagie. Rivière[1] en faisait usage dans le flux immodéré des règles, à la dose de 16 gr. « C'est, dit Chomel, le remède le plus certain contre l'hémoptysie et toutes les hémorrhagies ; je l'ai prescrit, contre la première maladie, à plusieurs personnes, et toujours avec succès. » — « Succus interne sumptus egregium stipticum est, dit Wauters en proposant cette plante comme succédanée du cachou. Joseph Frank[2] la recommande dans l'hémoptysie. Sydenham l'employait contre l'avortement et les hémorrhagies utérines" Cocchius[3] va jusqu'à la regarder comme propre à dissiper efficacement les tubercules des poumons : « Vim ignis adstrictoriam et vere balsamicam imitatur in sepulta intra pectus tuberculorum diæresi... »

Le suc des orties, dit Lieutaud, introduit dans le nez, arrête les hémorrhagies ; la racine a le même effet.

L'ortie était tombée, comme tant d'autres plantes indigènes, dans un oubli non mérité, lorsque Ginestet, médecin à Cordes-Tolosanes, présenta à l'Académie de médecine[4] un mémoire sur l'efficacité de cette plante dans le traitement des hémorrhagies de l'utérus. Ce praticien rapporte cinq cas d'hémorrhagies utérines qui furent presque instantanément arrêtées par l'usage de ce suc, administré à la dose de 60 à 125 gr. Mérat, dans le rapport fait à l'Académie sur ces observations, s'exprime en ces termes : « On ne peut qu'être émerveillé du succès du suc d'ortie contre des affections aussi graves. Nous avons à dessein rapporté celle des trois espèces d'hémorrhagies, parmi lesquelles celle qui succède à l'accouchement est très-souvent mortelle. Combien de reconnaissance ne devrait-on pas à celui qui a remis en pratique un tel moyen ? Nous n'avons nulle raison de douter de la véracité de ces faits, et si nous n'avons pas répété l'emploi du suc d'ortie, c'est faute d'occasion ; rien n'est plus facile, puisque la plante abonde partout, et que les hémorrhagies utérines ne sont pas rares dans une certaine classe de femmes. »

Plus tard, Ginestet communiqua à l'Académie un nouveau fait constatant la propriété hémostatique du suc d'ortie dans une hémorrhagie utérine qui durait depuis deux mois, et qui avait résisté à tous les autres moyens employés. Ce praticien assure avoir employé le même moyen avec succès dans l'hématémèse, l'épistaxis et d'autres flux de sang. Ducasse, de Toulouse[5] s'est bien trouvé de l'emploi du suc dans les hémorrhagies utérines et dans le traitement des leucorrhées chroniques. Ginestet (in Mérat et Delens) n'a pas été aussi heureux que le professeur de Toulouse dans le cas de leucorhée. Enfin, Mérat a joint son témoignage aux faits rapportés par Ginestet : ce médicament lui a réussi dans un cas très-grave d'épistaxis survenu chez une jeune femme au moment d'accoucher, et qui avait résisté à la plupart des moyens employés en pareil cas.

Attilio Menicucçi, de Rome, rapporte qu'il a fait usage de cette plante (urtica urens) dès les premières années de sa pratique, comme d'un moyen hémostatique dont il a retiré les résultats les plus satisfaisants. Il l'a employée, en outre, avec succès, pour les relâchements de l'utérus, en introduisant dans le vagin une éponge imprégnée du suc de cette plante mêlé d'eau tiède[6].

J'ai employé le suc d'ortie avec un succès presque constant comme hémostatique dans l'hémoptysie, et surtout dans les pertes utérines. Entre

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  1. Cent. IV, obs. LXXXIV.
  2. Pathologie interne, t. II, p. 479.
  3. Vindiciæ cort. peruv. Lugd. Batav., 1750.
  4. Bulletin de l'Académie royale de médecine, 1845, t. IX, p. 1015.
  5. Comptes-rendus des travaux de la Société de médecine de Toulouse, mai 1845, p. 93.
  6. Abeille médicale, 1846, t. III, p. 129.


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antres cas, je citerai le suivant: « La femme Sueur, âgée de trente-cinq ans, d'un tempérament lymphatique, fut atteinte, au mois de juin 1843, d'une hémorrhagie utérine contre laquelle on avait depuis quinze jours employé inutilement divers moyens. La malade était dans l'épuisement ; le pouls était faible, la face décolorée, le moindre exercice impossible. Je lui fis prendre un verre (100 gr. environ) de suc d'ortie, matin et soir. Dès le second jour, l'écoulement sanguin diminua de moitié ; le quatrième jour, la perte était entièrement arrêtée. Cette malade prit chaque matin, pendant quinze jours, pour rétablir ses forces, 4 onces (120 gr.) de bière de petite centaurée et de racine de tormentille.

(Des observations nouvelles, publiées dans el Siglo medico 1865, n° 604 et 605, viennent établir l'efficacité de ce moyen thérapeutique).

J'ai vu des paysans arrêter l'hémorrhagie nasale en introduisant dans les narines un morceau de coton imbibé de suc d'ortie. Je croyais d'abord que le tamponnement était ici le véritable hémostatique ; mais, depuis, j'ai vu ce suc arrêter seul l'hémorrhagie.

Le suc d'ortie a été proposé pour combattre la polyurie. D'après les observations de Friard[1], la décoction d'ortie amenant la suppression des urines, on peut l'employer avec succès dans cette maladie (ce qui mérite confirmation). Ce médecin fait prendre par cuillerées, d'heure en heure, un mélange de 120 gr. de suc d'ortie et d'une once de sirop de karabé. On conçoit que le sirop de karabé peut être remplacé par le sirop de pavot et un aromate indigène quelconque.

On trouve dans les anciennes matières médicales que l'infusion et le suc d'ortie brûlant ont été conseillés contre les rhumatismes, la goutte, la gravelle, la petite vérole, la rougeole, les catarrhes chroniques, l'asthme humide, la pleurésie, etc. Gesner préconisait la racine d'ortie contre l'ictère, sans indiquer les variétés de cette maladie où elle convient. J'ai vu employer avec avantage par des paysans, dans la gravelle, l'hydropisie, la jaunisse, la décoction de racines d'ortie et d'oseille (de chaque 30 gr. pour 1 kilogr. 1/2 réduit à 1 kilogr.).

Les anciens, au rapport de Matthiole, considéraient la semence d'ortie comme dangereuse. Sérapion prétend que 20 à 30 gr. des semences de la grande ortie purgent avec excès. Parmi les modernes, la graine d'ortie brûlante, suspectée par les uns d'être vénéneuse, est regardée par les autres comme emménagogue, purgative, diurétique, vermifuge et même fébrifuge. « Ses semences, ainsi que celles de l’urtica dioïca, exigent, dit Bulliard des précautions dans l'emploi. »

Linné, Vogel, Richter ont vanté l'emploi des fleurs et des semences d'ortie dans les flux diarrhéiques, dans certaines affections des voies urinaires. Faber[2] emploie l'ortie dioïque contre la diarrhée et la dysenterie.

J'ai vu employer et réussir quelquefois, contre l'incontinence nocturne d'urine, chez les enfants, un remède populaire ainsi composé : semence d'ortie pilée, 16 gr. ; farine de seigle, 60 gr. ; mêlez et faites, avec un peu d'eau chaude ou froide et du miel, une pâte dont vous formerez six petits gâteaux que vous ferez cuire au four ou au foyer, sur une pierre plate. On fait manger un de ces gâteaux tous les soirs pendant huit, quinze ou vingt jours.

Zanetti, médecin à l'armée d'Italie[3], assure avoir employé les fleurs de la grande et de la petite ortie en substance, infusées dans le vin, contre les fièvres intermittentes, tierces, double-tierces, quartes, et contre la fièvre pernicieuse. Le succès, dit ce médecin, était souvent plus prompt qu'avec

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  1. Formulaire éclectique, par d'Etilly, 1839.
  2. Würtembergisches Correspondenzblatt.
  3. Extrait d'une lettre insérée dans l'Ami des arts, 17 novembre 1796.


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l'écorce du Pérou. On ne doit jamais dépasser la dose de 4 gr., répétée deux ou trois fois par jour. Ce remède, suivant ce même médecin, est très-propre à relever les forces dans l'épuisement qui caractérise la fièvre pernicieuse. Il exige les mêmes précautions dans son administration que le quinquina ; enfin, il l'emporte sur l'écorce du Pérou, soit comme tonique, soit comme fébrifuge. Il est à désirer que de nouveaux essais viennent justifier de tels éloges. Wauters cite la semence d'ortie comme fébrifuge parmi les succédanés du quinquina.

Bullar[1] a remarqué que les maladies de peau, celles surtout qni sont accompagnées d'un état cachectique, cèdent promptement à l'emploi de la décoction et de l'extrait de grande ortie (urtica dioica)[2]. Bullar cite particulièrement l'eczéma chronique, l’eczéma impétigenodes, la lepra vulgaris, le psoriasis diffusa et le lichen agrius. Il recommande en même temps l'emploi d'un régime convenable et de lotions quotidiennes sur tout le corps avec du savon et de l'eau. Si la langue est chargée, on commencera le traitement par les mercuriaux et les purgatifs doux. Chez les enfants, on se sert principalement de sirop préparé avec l'extrait d'ortie. Chez les adultes, on donne la décoction (30 gr. de feuilles et de tiges dans 1,500 gr. réduits au deux tiers) pour boisson ordinaire. L'extrait se donne à la dose de 50 centigr. à 1 gr.

Le suc et la décoction d'ortie ont été employés en gargarisme ou en collutoire dans l'angine, la stomacace, l'engorgement des gencives, etc. On fait, avec les feuilles de cette plante, cuites et réduites en bouillie, des cataplasmes résolutifs et détersifs, pour appliquer sur les tumeurs lymphatiques et les ulcères de mauvais caractère. Les mêmes feuilles, pilées avec un peu de sel, sont efficaces contre la gangrène et les ulcères putrides.

Je ne l'ai jamais mise en usage dans ces affections ; mais je l'ai vu employer avec avantage dans la chirurgie vétérinaire pour satisfaire à ces diverses indications, et surtout comme résolutive et détersive, en cataplasme.

Tout le monde sait qu'on se sert de l'ortie pour produire sur la peau l'urtication dans quelques maladies (apoplexie, léthargie, répercussions exanthémateuses, rhumatismes chroniques, paralysie, anaphrodisie, choléra asiatique, fièvres graves, typhoïdes, etc.). Ce moyen, regardé par les anciens comme un puissant révulsif, a été conseillé par Celse[3] et par Arétée[4], dans la paralysie, le coma, etc. Du temps de Pétrone (satyricon) les libertins épuisés réveillaient les désirs vénériens par l'urtication, et Faventinus ne doute pas qu'elle ne soit un moyen de remédier à la stérilité. Spiritus[5] a remis en pratique l'usage avantageux qu'on faisait autrefois de l'urtication appliquée sur les cuisses ou les jambes pour rappeler l'écoulement des règles. Pour pratiquer l'urtication, on prend, avec la main couverte d'un gant épais, une poignée d'ortie récemment cueillie (de préférence l'ortie brûlante, comme plus active), et l'on en fouette la partie sur laquelle on veut la produire. Il s'y développe de nombreuses échauboulures et une sorte d'érysipèle avec chaleur brûlante, insupportable. On réitère cette flagellation lorsque son effet est dissipé, et on l'entretient ainsi autant que l'indication l'exige. Ce moyen révulsif, que l'on emploie rarement dans la médecine urbaine, se présente sous la main à la campagne, ou je l'ai fréquemment mis en usage. Je dois dire, en passant, qu'il m'a réussi dans la plupart des cas où il est indiqué, mais que, malgré l'éloge qu'en ont fait

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  1. Annales de Roulers et Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. III, p. 48.
  2. Les deux orties ont les mêmes propriétés : les pharmaciens et les herboristes n'y font point de distinction en les faisant cueillir.
  3. Caract. acut., lib. I, c. II.
  4. De re med., lib. III, c. XVII.
  5. Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. IX, p. 77.


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Marchand[1] et d'autres médecins, je n'en ai retiré qu'un faible avantage dans la période algide du choléra épidémique,

(Trousseau, dans sa Clinique[2], s'exprime ainsi à propos de l'urtication dans les fièvres éruptives compliquées : « Lorsqu'au quatrième jour je voyais se manifester des signes du catarrhe, alors que l'exanthème morbilleux aurait dû apparaître, je faisais fustiger le corps du malade deux ou trois fois dans les vingt-quatre heures, de façon à produire sur la peau une abondante éruption. Cette urtication, moins douloureuse qu'on ne l'imagine, produit un effet immédiat. Bien que la fièvre ne cède pas, l'oppression diminue graduellement à mesure que la fluxion vers le tégument externe se prononce. Un fait étrange, c'est qu'au second jour de ce traitement, l'éruption ortiée, alors même qu'on emploie la petite ortie (urtica urens), plus active que la grande (urtica dioïca), est notablement moindre, et à la fin, après trois ou quatre jours, l'urtication ne produit plus aucun effet. Cela tient, non à ce que la vie s'éteignant chez l'individu, le venin n'agit plus sur un organisme qui ne réagit pas, mais à ce que cet organisme s'est habitué à l'action de ce venin comme nous le voyons s'habituer à l'action d'autres poisons.

Il arrive, chez le sujet soumis à plusieurs reprises successives à l'urtication, ce qui arrive aux filles de la campagne, qui, après un certain temps, prennent et portent impunément, sur leurs bras nus ces mêmes orties qui, les premiers jours, agissaient énergiquement sur leur peau. En dernière analyse, l'urtication, dans le catarrhe morbilleux des enfants, nous rend quelques services, et nous en rend plus encore chez les adultes : cela dépend probablement de ce que chez ceux-ci l'affection pulmonaire est moins grave que chez ceux-là. »

Lukomski[3] obtient une prompte guérison des brûlures en appliquant sur les parties souffrantes des linges imbibés d'alcoolature d'ortie. Trois ou quatre fois par jour, on mouille, avec cette liqueur diluée dans une ou deux fois son volume d'eau, la compresse sans l'enlever, afin de causer moins de douleur.

Malgré cette précaution, ce traitement doit être très-pénible).

D'après tout ce que nous venons de rapporter sur l'ortie, n'a-t-on pas lieu de s'étonner que Cullen, Peyrilhe, Alibert et plusieurs autres médecins, aient exclu cette plante de la liste des médicaments ?... Quand parfois la science, outrepassant le doute philosophique, tombe dans le scepticisme, elle a ses préjugés comme l'ignorance et la crédulité.

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  1. Séance de l'Académie de médecine de Paris, 10 juillet 1832.
  2. Deuxième édition, t. I, p. 142.
  3. Journal de chimie médicale, 1858, p. 304.