Laitue (Cazin 1868)

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Laiteron
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Lamier
PLANCHE XXIII : 1. Laiche des sables. 2. Laitue vireuse. 3. Lierre terrestre. 4. Lin cathartique. 5. Laminaire digitée.


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Laitues

Nom accepté : Lactuca sativa


LAITUE. Lactuca sativa. L.

Herbe des sages, des philosophes (Galien).

SYNANTHÉRÉES. — CHICORACÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE ÉGALE. L.


Cette plante annuelle, créée pour ainsi dire par l'industrie humaine, et dont on ne connaît pas bien l'origine sauvage, est cultivée dans tous les jardins et connue de tout le monde. On en connaît trois espèces bien distinctes et très-constantes : la laitue pommée, la laitue romaine et la laitue frisée.

Parties usitées. — Tiges, feuilles et fruits.

Récolte. — Les tiges et les feuilles sont employées fraîches ; les semences sont récoltées à leur maturité.

[Culture. — Il existe un nombre considérable de variétés de laitue ; on les sème à diverses époques selon qu'elles sont plus ou moins hâtives, on les repique en place et on les arrose fortement et fréquemment.]

Propriétés physiques et chimiques. — Cette plante contient un suc propre, renfermant, suivant Quevenne, un principe amer soluble dans l'eau et l'alcool, insoluble dans l'éther ; de l'albumine, du caoutchouc, de la cire, un acide indéterminé, quelques sels. — L'eau distillée de laitue précipite en grande partie l'extrait d'opium, qui se dissout au contraire dans l'eau distillée simple. Ainsi, versée dans une solution concentrée d'extrait d'opium, l'eau distillée de laitue y produit très-abondamment une sorte de coagulum gris foncé, qui se dépose au fond du vase. La solution aqueuse d'opium brut éprouve un effet analogue par le même mélange, quoique moins fortement que l'extrait. Ce fait est important à recueillir pour les médecins qui prescrivent ce mélange et qui pourraient l'attribuer à la négligence du pharmacien ou à l'impureté de l'opium.


LACTUCARIUM. Suc laiteux épaissi qui s'écoule naturellement d'incisions pratiquées à la tige de la laitue cultivée. On a prétendu que ce produit était plus actif que la thridace. Voici comment on l'obtient. A l'époque de la floraison, des ouvrières pratiquent des incisions horizontales à la plante, et recueillent dans un verre le suc qui s'en écoule. Ce suc se coagule très-promptement ; on le divise en petits pains ou par tranches, on l'expose dans cet état au soleil ; il se dessèche rapidement, en perdant 71 pour 100 de son poids, et en se couvrant quelquefois d'efflorescences de mannite. On lui donne la forme de petits pains qui sont d'environ 30 à 50 gr. A l'intérieur, la teinte de ce produit est plus ou moins brune ; sa cassure est résineuse et jaunâtre lorsque la dessiccation a été rapide : dans le cas contraire, elle est d'un brun plus ou moins foncé. Il a une odeur forte et caractéristique, une saveur très-amère. Divisé dans l'eau, le lactucarium donne une solution qui prend sous l'influence des alcalis une teinte rose caractéristique ; et l'amertume ne tarde pas à disparaître complètement, sans qu'un acide puisse le faire revenir. Autrement l'eau dissout peu de la substance du lactucarium, la matière soluble étant fortement retenue par de la cire et de la résine. Mais il n'en est pas de même avec l'alcool. L'alcool à 56 degrés, toutefois, est celui qui a paru à Aubergier le plus apte à s'emparer de la matière active du lactucarium. Le lactucarium contient : lactucine (matière amère neutre, cristallisable) ; asparamide ; mannite (matière prenant une couleur verte par les sels de fer) ; résine indifférente ; acide ulmique ? cérine ? myricin ; pectine ; albumine. Oxalate acide de potasse; malate de potasse; nitrate de potasse ; sulfate de potasse ; chlorure de potassium ; phosphate de chaux ; phosphate de magnésie ; oxydes de fer, de manganèse ; silice (Aubergier). (Il règne encore trop d'obscurité sur la réelle existence de la lactucine, les avis sont trop partagés sur sa définition, pour que nous accordions à ce prétendu principe plus qu'une citation. Elle a été plus spécialement étudiée par Mouchon, de Lyon.)

Substances incompatibles. — Les alcalis.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. - Décoction des feuilles et de la tige, 30 à 60 gr. et plus.
Eau distillée (1 sur 2 d'eau), 60 à 120 gr. (doit être préparée avec la plante en fleurs) et comme excipient de potions calmantes.
Suc exprimé, 8 à 15 gr. et plus.
Extrait, 2 à 8 gr. et plus, en potion, pilules, etc.

Semence en poudre, 2 à 4 gr.
A L'EXTÉRIEUR. — Décoction de quantité suffisante pour collyre, topique sédatif, cataplasmes.

THRIDACE. — Prenez de la laitue montée, près de fleurir ; enlevez les feuilles, qui servent à préparer l'eau distillée de cette plante ;


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pilez les tiges dans un mortier ; passez le suc à travers un linge, et faites-le évaporer à l'étuve, en couches minces dans des assiettes.
A L'INTÉRIEUR. — Sirop de thridace (7 sur 60 d'eau et 500 de sirop de sucre bouillant), 15 à 60 gr. en potion, tisane, etc. — Très-employé.
Teinture de thridace, 1 à 4 gr. et plus, en potion.
A L'EXTÉRIEUR. — 50 centigr. à 2 gr. en collyre, lavement, etc.

LACTUCARIUM. — A L'INTÉRIEUR. — Pilules de lactucarium, 25 centigr. à 1 gr.
Pilules d'extrait alcoolique, 15 à 30 centigr. et plus.
[Aubergier, qui a su tirer un grand parti du lactucarium, l'associe depuis longtemps

avec l'opium. C'est à celui-ci que les prétendues préparations du lactucarium doivent leurs propriétés. Voici la formule du sirop, qui a été adoptée par la commission du Codex sous le nom de :

Sirop de lactucarium opiacé. — Extrait alcoolique de lactucarium, 1 gr. 50 centigr. ; extrait d'opium, 75 centigr. ; sucre blanc 2000 gr. ; eau de fleurs d'oranger, 40 gr. ; eau distillée, 9 gr. 5 centigr. ; acide citrique, 75 centigr. Dissolvez l'opium avec l'eau de fleurs d'oranger et filtrez.]
Teinture alcoolique (1 sur 16 d'alcool) 50 centigr. à 2 gr. en potion.

A L'EXTÉRIEUR. — 50 centigr. à 2 gr. en collyre.
Teinture, 4 à 15 gr. en frictions.


La laitue est émolliente, calmante, antispasmodique, diurétique et légèrement hypnotique. Elle est fréquemment employée dans les phlegmasies aiguës, les névroses (hystérie, hypochondrie, dysménorrhée nerveuse, mélancolie, toux spasmodique, gastralgies, etc.). Martial, qui était quelquefois admis à la table des grands, avait recours à la laitue pour se rafraîchir les entrailles. Il l'appelait le repos de la bonne chère : Grataque nobilium requies lactuca ciborum.

Les propriétés calmantes de la laitue étaient connues des anciens. Hippocrate en faisait usage. Celse la plaçait à côté de l'opium et la donnait aux phthisiques. Galien, vieux et fatigué de ses longs travaux, la mangeait en salade le soir afin de se procurer un bon sommeil. Cette manière de terminer le souper fut longtemps en usage chez les Romains, et a pu être transmise, pendant la guerre des Gaules, aux communes rurales de nos provinces dit Nord (ancienne Morinie), où elle existe encore. Suétone rapporte qu'on éleva une statue à Musa, médecin d'Auguste, pour avoir guéri cet empereur de la mélancolie, en lui faisant manger de la laitue. Elle est souvent l'excipient des potions calmantes. Les vertus thérapeutiques de cette plante étaient depuis longtemps oubliées lorsque Lanzoni, médecin du XVIIe siècle, les remit en honneur. Ce médecin cite le fait d'un homme âgé de quarante ans, qui s'était guéri d'une affection hypocondriaque invétérée, en mangeant de la laitue à midi et au soir[1]. On lit dans les Mémoires de la marquise Créquy[2], qu'Emilie de Breteuil, marquise Duchâtelet, parvint à guérir son fils d'une affection convulsive en lui faisant avaler des flots de suc de laitue. J'ai vu la décoction concentrée de laitue pommée ou de laitue romaine, vulgairement appelée chicon, prise en grande quantité, produire une diurèse qui faisait disparaître en peu de jours l'anasarque. Cette même décoction m'a réussi dans la néphrite calculeuse et surtout dans l'ictère. Une jeune fille, âgée de dix-huit ans, domestique, bien réglée, jouissant habituellement d'une bonne santé, était atteinte depuis trois mois d'une jaunisse très-prononcée, sans engorgement hépatique, mais parfois avec douleur et tension à l'épigastre. Elle avait employé inutilement les laxatifs (la crème de tartre, à la dose de 15 gr. tous les deux jours, l'eau de Sedlitz, la magnésie), les diurétiques (tisane de racine d'asperge, de chardon-roland, nitrée), les fondants (pilules de savon, de rhubarbe, d'extrait de pissenlit). Une forte décoction de laitue, prise chaque jour, à la dose d'un litre, dissipa la maladie en moins de huit jours. Depuis le mois de juillet 1833, époque où j'ai recueilli ce fait, cette jeune fille a continué de jouir d'une bonne santé. — Les anciens croyaient que la laitue avait une propriété déprimante sur

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  1. Ephem. germ., déc. 3, ann. II, obs. 34.
  2. Tome I, p. 106.


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puissance génératrice, et qu'elle était nuisible à la fécondité. Ce préjugé s'est répandu chez les peuples modernes, et bien des gens se défient encore de la laitue comme du nénuphar. Il suffit, pour se rassurer à cet égard, de voir les villageois manger tous les soirs une ample salade de laitue au milieu d'une nombreuse famille.

A l'extérieur, on emploie la laitue cuite en cataplasme dans l'ophthalmie aiguë, dans les inflammations superficielles, l'érysipèle, etc. On en donne aussi la décoction en lavement dans les irritations intestinales.


La THRIDACE, quoique aussi active que le lactucarium, a été presque entièrement abandonnée, malgré les éloges qui lui ont été prodigués par François[1] qui, la croyant très-énergique, ne l'administrait qu'à la dose de 1 à 5 centigr. J'ai pu en administrer à grandes doses (15 gr. par jour) sans produire une sédation marquée, excepté toutefois chez les sujets qui, ne pouvant supporter sans inconvénient les moindres doses d'opium, sont très-accessibles à l'effet des calmants les moins actifs.


Le LACTUCARIUM, tel qu'on l'obtenait par incision, suivant le procédé de Coxe, était regardé par ce médecin et par Duncan[2] comme ayant beaucoup d'analogie avec l'opium, sans en avoir les inconvénients. Scudamore et Anderson disent l'avoir employé avec avantage dans la goutte ; Anderson, dans l'asthme spasmodique, la coqueluche, la gastralgie, le rhumatisme, la goutte, etc.; Rothamel[3], dans la dysenterie et le ténesme ; Bricheteau (in Mérat et Delens), dans les toux convulsives, etc. Quoi qu'on ait dit des propriétés de cette préparation, il faut avouer que ses effets n'ont point été confirmés par tous les praticiens : j'ai pu moi-même la donner à dose élevée sans être plus heureux qu'avec la thridace.

Le lactucarium d'Aubergier, quoique préparé avec le plus grand soin et exhalant une odeur vireuse insupportable, ne paraît pas non plus avoir répondu aux espérances qu'il avait fait concevoir. Quelques malades auxquels Trousseau et Pidoux l'avaient administré à la dose de 2 à 4 gr. ont éprouvé une sorte de calme ; mais il a été impossible à ces praticiens de lui trouver des propriétés qui méritassent les éloges qu'on lui avait donnés. Aussi ne comprennent-ils pas pourquoi Martin-Solon[4], expérimentateur éclairé et thérapeutiste habile, a pu dire que 30 gr. de sirop de laitue pouvaient équivaloir, pour les effets, à 15 gr. de sirop de pavot blanc.

Des observations recueillies par Caron, élève interne en médecine à l'hôpital Sainte-Marguerite, service de Marotte, ne sont pas de nature à donner une haute idée de ce médicament. Caron a lui-même distribué et fait prendre les pilules de lactucarium. Chacune de ces pilules contenait 10 centigr. d'extrait hydro-alcoolique. Cet extrait avait été préparé à la pharmacie centrale des hôpitaux par Aubergier, avec du lactucarium de sa récolte. Elles ont été données en plusieurs jours à seize malades, et les effets produits et scrupuleusement observés ont abouti aux conclusions suivantes : « Ces expériences confirment ce que l'on savait du peu d'activité du lactucarium : 20 centigr. d'extrait hydro-alcoolique ont été la plus petite dose qu'il eût fallu administrer pour obtenir un effet appréciable ; bientôt on a été forcé de doubler, de tripler et plus encore.

« Pour obtenir le même effet avec le sirop préparé suivant la formule qui a été adoptée par l'Académie de médecine, il faudrait faire prendre aux malades 100, 200, 300 gr. et plus de sirop. Si l'on voulait avoir une prépa-

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  1. Archives de médecine, juin 1825.
  2. Journal d'Edimbourg, t. XVIII, p. 113.
  3. Heidelberger klinische Annalen, t. V.
  4. Bulletin de thérapeutique, t. IX, 1835.


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ration plus active, alors le sirop aurait une saveur très-amère et une odeur nauséabonde des plus désagréables. Sauf donc pour les enfants et quelques individus très-impressionnables, le sirop de lactucarium est un médicament insignifiant, mais aussi inoffensif. Ce n'est pas sous cette forme que le lactucarium devrait être prescrit, mais sous celle d'extrait hydro-alcoolique, en pilules, à la dose de 20 à 30 centigr., qu'il faudra bientôt augmenter [1].

[On ne peut accorder qu'une médiocre confiance aux observations publiées en faveur des bons effets thérapeutiques des préparations de lactucarium ; parce que, pendant longtemps et sans que l'on s'en doutât, l'opium était associé à cet extrait].


(La LACTUCINE a été reconnue par les médecins de Lyon comme reproduisant les propriétés du lactucarium).

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  1. Bulletin général de thérapeutique, 1856, t. LI, p. 502.


Laitue vireuse

Nom accepté : Lactuca virosa


LAITUE VIREUSE. Lactuca virosa. L.

Lactuca sylvestris odore viroso. C. Bauh. — Lactuca sylvestris lato folio, succo viroso. J. Bauh. — Lactuca sylvestris odore opii. Ger. - Lactuca endivia foliis odore viroso. Park.

SYNANTHÉRÉES. — CHICORACÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE ÉGALE.


Plante bisannuelle (Pl. XXIII) qui habite les lieux incultes, les décombres, le long des haies, sur le bord des champs, des chemins, des fossés.

Description. — Racine pivotante. — Tige dressée, glabre, cylindrique, se ramifiant vers le sommet et formant un corymbe chargé de fleurs. — Feuilles alternes, amplexicaules ; les inférieures grandes, arrondies et ondulées ; les supérieures petites, aiguës et pinnalifides. — Fleurs jaunes disposées en corymbe terminal, médiocrement pédicellées (juin-juillet). — Calice presque cylindrique, composé d'écaillés imbriquées, membraneuses à leurs bords. — Réceptacle glabre, ponctué, recevant vingt à vingt-cinq demi-fleurons hermaphrodites, à languette tronquée et denticulée au sommet. - Cinq étamines. — Un style à deux stigmates. — Fruit : akènes ellipsoïdes couronnés par une aigrette soyeuse, capillaire, pédicellée.

Parties usitées. — L'herbe.

Récolte. — Un peu avant la floraison.

[Culture. — La laitue vireuse se reproduit par semis que l'on fait en pépinières et que l'on repique en place.]

Propriétés physiques et chimiques. — Celte plante est d'une odeur vireuse désagréable, d'une saveur amère et âcre, et contient dans toutes ses parties un suc lactescent très-abondant. Ce suc, analysé par Walz, contient de la lactucine, une matière grasse fusible à 125 degrés, d'odeur de laitue ; une autre graisse fusible à 75 degrés, une résine insipide, une résine âcre ; une matière brune analogue à l'ulmine ; une autre matière brune qui paraît avoir quelque propriété alcaline ; de l'acide oxalique.

La lactucine est cristallisée, d'une saveur amère, soluble dans 60 à 80 parties d'eau froide, plus soluble dans l'eau chaude, soluble dans l'alcool et dans l'éther.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Suc, de 20 centigr. à 60 gr. progressivement.
Teinture (1 de feuilles fraîches ou de suc sur 2 d'alcool à 36 degrés), de 50 centigr. à 5 gr. en potion.

Extrait aqueux, de 10 centigr. a 5 gr. en pilules, potions, etc.
A L'EXTÉRIEUR. — Décoction, en fomentations, feuilles en cataplasmes.
Teinture, en frictions, etc.


La laitue vireuse a toujours été regardée comme beaucoup plus narcotique que la laitue cultivée. Les anciens, suivant Dioscoride, faisaient sécher au soleil le suc laiteux, que l'on extrait par incision ou par écrasement de la laitue vireuse parvenue à sa maturité, et ce suc était mêlé à l'opium, soit


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pour modifier son action, soit pour le sophistiquer. Cette plante a toujours passé pour vénéneuse ; mais les expériences récentes d'Orfila prouvent qu'il faut des doses énormes de son extrait pour causer l'intoxication, même chez les chiens de petite taille. Il faut, suivant Trousseau et Pidoux, l'administrer à la dose d« 4 à 8 gr. pour obtenir un effet stupéfiant analogue à celui que produit l'ingestion de 2 centigr. 1/2 à 5 centigr. d'opium.

Le suc épaissi de laitue vireuse, préparation la plus active, est moins excitant que l'opium, et n'a pas, comme ce dernier, l'inconvénient de produire la constipation. Cet extrait est calmant, diurétique, diaphorétique et légèrement laxatif. A dose assez forte, il produit des nausées, des évacuations alvines, et souvent, surtout dans les cas d'œdème ou d'hydropisie, une augmentation notable dans la sécrétion urinaire. On l'a administré avec avantage dans l'ascite et l'anasarque, dans les engorgements des viscères abdominaux, l'ictère, les phlegmasies chroniques des organes digestifs, les fièvres intermittentes, les coliques hépatiques, l'angine de poitrine, l'asthme, la toux, les irritations de poitrine, le catarrhe pulmonaire, la phthisie, etc., et, comme succédané de l'opium, dans les névroses.

Durand[1] a proposé la laitue vireuse, qui alors était presque oubliée, comme un médicament efficace contre une foule de maladies chroniques, au nombre desquelles il signale particulièrement la colique hépatique, l'hydropisie, les fièvres intermittentes. Collin[2] assure s'être toujours servi de cette plante avec avantage contre les obstructions viscérales, l'ictère, et surtout contre l'hydropisie. Suivant cet auteur, elle excite les urines, souvent la sueur, et facilite les déjections alvines. Quarin[3], au contraire, n'en obtint aucun succès dans l'hydropisie, et attribua les résultats heureux rapportés par ses prédécesseurs aux médicaments énergiques auxquels on l'avait associée. Schelinger, de Francfort[4], a préconisé le suc épaissi de laitue vireuse dans l'angine de poitrine ; il rapporte six observations constatant les bons effets de ce médicament contre cette affection. Il en donne d'abord 10 centigr. plusieurs fois par jour, et augmente graduellement la dose.

Toël[5], a obtenu de grands succès de la laitue vireuse unie à la digitale dans l'hydrothorax symptomatique d'une affection du coeur. Roques a employé l'extrait de cette plante dans les irritations de poitrine, dans l'asthme, dans certains cas de phthisie, de catarrhe pulmonaire chronique ; il lui reconnaît une action sédative, mais inférieure à celle de l'opium et à celle des solanées vireuses, telles que la jusquiame, la belladone, etc. La meilleure manière de préparer cet extrait consiste, d'après le même praticien, à concentrer au bain-marie le suc qui s'écoule des blessures faites à la plante : il le donne à la dose de 10 centigr., répétée toutes les deux heures. Vaidy[6] s'est bien trouvé de cet extrait à la dose de 20 à 30 centigr. dans des douleurs violentes de l'estomac. Ce médicament est, suivant lui, manifestement sédatif, et n'a point, comme l'opium, l'incovénient d'arrêter les évacuations alvines.

J'ai plusieurs fois employé la laitue vireuse dans l'hydropisie sans en obtenir un succès bien constaté. Il est vrai que je ne l'ai point associée à d'autres médicaments diurétiques, auxquels on doit le plus souvent attribuer les résultats heureux qu'on a pu obtenir. Il n'en est pas de même de l'effet de la laitue vireuse dans les maladies nerveuses, contre lesquelles elle peut être employée avec succès. Si elle est loin d'avoir l'activité de l'opium, elle

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  1. Histoire de la Société royale de médecine, t. II, p. 297.
  2. Observ. circa morb. et lact. sylv. contra hydropem vires, 1780.
  3. Mémoires de la Société royale de médecine, 1777, p. 297.
  4. Annales de médecine d'Altembourg et Journal général de médecine, t. XL, p. 232.
  5. Journal universel des sciences médicales, t. XLVII, p. 127.
  6. Mémoire de médecine et de chirurgie militaires, t. XIII, p. 144.


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n'en a pas non plus les inconvénients, et doit lui être préférée dans certains cas et chez certaines personnes. On peut l'administrer à une dose beaucoun plus élevée qu'on ne croit généralement. Je commence par celle de 20 centigrammes, et j'arrive promptement à celle de 60 centigr. Je suis parvenu à en faire prendre 8 gr. par jour à une femme atteinte de douleurs gastralgiques, et chez laquelle la plus légère dose d'opium provoquait le vomissement.

Je me suis toujours très-bien trouvé de l'extrait de laitue vireuse, préparé avec le suc épaissi, dans tous les cas où l'opium est indiqué, mais non supporté par les malades. Ce médicament convient aussi beaucoup mieux que l'opium dans les inflammations chroniques douloureuses, telles que celles du foie, des intestins et surtout du péritoine ; il agit à la fois comme calmant et comme légèrement laxatif, deux qualités que l'on rencontre bien rarement dans la même substance. J'associe avec avantage l'extrait de laitue vireuse à la digitale dans les cas d'ascite causée par la phlegmasie chronique du péritoine, dans l'épanchement pleurétique, et toutes les fois que dans les hydropisies il y a engorgement douloureux d'un ou de plusieurs viscères, lésion des reins, ou néphrite albumineuse, irritation gastro-intestinale, etc.

J'ai retiré de grands avantages de ce médicament dans les lésions organiques de l'estomac. Mme la vicomtesse de Montbrun, âgée de soixante-quatorze ans, d'un tempérament sanguin, d'une bonne constitution, était atteinte depuis huit mois environ d'une affection très-douloureuse de l'estomac, d'abord avec digestions pénibles, ensuite avec vomissements des aliments ingérés. Appelé, le 13 décembre 1852, je trouve la malade dans l'état suivant: émaciation, altération des traits, teint jaunâtre, expression de souffrance, affaiblissement, pouls régulier, assez développé, contrastant, quoique non fébrile, avec l'absence presque complète d'alimentation; haleine très-fétide, constipation opiniâtre, et parfois, depuis quelques jours, déjections accompagnées de caillots sanguins, mélœniques, plus ou moins abondants ; douleur à la partie supérieure de l'épigaslre, circonscrite, sensible au toucher, occupant l'espace d'une pièce de 5 francs, s'étant fait sentir graduellement depuis le début de la maladie, et que la malade compare à une plaie, qui, dit-elle, lui fait vomir tout ce qu'elle prend. Cet état, aggravé par l'abus des purgatifs et des toniques, est arrivé à tel point qu'une cuillerée de bouillon provoque le vomissement et propage la douleur, avec spasme, dans toute l'étendue de l'œsophage. Le lait et quelquefois l'eau froide sucrée, pris par demi-cuillerées de deux heures en deux heures, sont les seules boissons que l'estomac tolère le plus souvent. L'opium gommeux, le sirop de codéine, donnés à faibles doses répétées, ont constamment augmenté les douleurs et le vomissement. Je fais appliquer un emplâtre d'extrait d'opium loco dolenti, et je prescris 10 centigr. d'extrait de laitue vireuse dans de l'eau sucrée. La dose de cet extrait est portée dès le lendemain à 30 centigr. sans occasionner de douleur ni de vomissement. J'arrive progressivement et en six jours à la dose de 1 gr. 25 centigr., à prendre en deux fois dans la journée. Dès lors, la douleur diminue, les vomissements deviennent plus rares, la constipation cesse, une selle molle a lieu chaque jour ; la malade peut tripler la quantité de lait et y ajouter même parfois un peu d'arrow-root Après un mois, la dose d'extrait, graduellement augmentée, est de 10 gr., et de 15 gr. au bout de quarante-cinq jours. A cette époque, les vomissements ont complètement cessé, et la douleur se fait rarement sentir. Les aliments féculents sont donnés par petites demi-tasses ; le jaune et le blanc d'œuf, battus avec du sucre, sont pris par demi-cuillerées plusieurs fois par jour. Enfin, les fonctions digestives se rétablissent de plus en plus ; la malade reprend peu à peu une nourriture solide (pain et viande) ; ses forces reviennent assez rapidement, et la guérison se complète dans l'espace de trois mois environ.


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Tout fait croire, dans ce fait intéressant, à l'existence d'un ulcère simple de l'estomac guéri par l'usage de l'extrait de laitue vireuse, que je n'avais d'abord prescrit que comme palliatif, convaincu que j'avais affaire à une lésion incurable. Je dois faire remarquer que Cruveilhier[1] n'avait pas encore publié son important travail sur ce genre de lésion.

Dans les affections cancéreuses, surtout celles de l'utérus, j'ai adopté l'usage de l'extrait ou plutôt du suc épaissi de laitue vireuse, de préférence aux extraits de jusquiame, d'aconit, de stramoine. L'usage prolongé de ces dernières plantes n'est pas toujours sans inconvénient ; il anéantit les fonctions de l'estomac, qu'il irrite et enflamme à la longue. Les doses élevées auxquelles on est obligé de porter progressivement ces poisons produisent quelquefois une véritable intoxication lente, manifestée par des douleurs dans le tube digestif, des vomissements, des tremblements, des vertiges, des hallucinations, des rêvasseries, la stupeur, la congestion cérébrale, etc.
  1. Académie des sciences, avril 1856.