Genévrier (Cazin 1868)
Sommaire
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Genévrier
Nom accepté : Juniperus communis
Juniperus vulgaris fructicosa. C. Bauh. — Juniperus vulgaris seu minor. Park.
Genévrier commun, — genièvre, — pétron, — petrot. — genibre, — piket.
CONIFÈRES. — CUPRESSINÉES. Fam. nat. — DIŒCIE MONADELPHIE. L.
Le genévrier croît dans presque toute la France, et se trouve dans les bois, les terrains incultes, sur les revers des montagnes. Il ne s'élève pas à plus de 2 mètres dans nos climats, où il forme des buissons rabougris et épineux, tandis que dans les pays chauds il s'élève souvent en arbre de 5 à 6 mètres de haut. La culture peut lui faire acquérir partout cette hauteur. Je l'ai obtenue pour plusieurs à ma maison de campagne.
Description. — Racines fortes et rameuses. — Tiges tortueuses, difformes, à écorce raboteuse et rdugeâtre, les jeunes pousses des rameaux menues, pendantes, un peu triangulaires. — Feuilles sessiles, étroites, dures, en forme d'épine et toujours vertes, marquées d'une raie blanche longitudinale, réunies en verticilles trois par trois. - Fleurs dioïques, quelquefois monoïques ; les fleurs mâles disposées en petits chatons, ovoïdes, munies d'écaillés pédicellées, élargies au sommet en forme de bouclier ; sous chaque écaille trois ou quatre anthères sessiles, à une seule loge : les fleurs femelles en chatons globuleux, les écailles épaisses, aiguës, disposées sur quatre rangs. - Un ovaire sous chacune d'elles, surmonté d'un petit stigmate. Ces écailles croissent, deviennent charnues, se soudent ensemble, et forment une prétendue baie arrondie de la grosseur d'un pois, glabre, luisante, verte d'abord, puis noirâtre à la maturité. Ces fruits, improprement désignés sous le nom de baies de genièvre, sont, comme nous venons de le voir, de véritables cônes à trois écailles soudées entre elles, renfermant trois noyaux osseux à une seule loge.
Parties usitées. — Le bois, l'écorce, les sommités, les fruits.
[Culture. — Le genévrier croît spontanément sur les coteaux stériles, et végète bien sur le sable et sur la craie ; il a plusieurs variétés, parmi lesquelles nous citerons les G. oblonga, oblonga pendula, hibernica, etc. On le multiplie de marcottes ou de boutures en août.]
Récolte. — Les fruits du genévrier restent verts pendant deux ans ; ce n'est qu'à la troisième année qu'ils mûrissent et deviennent d'un brun noirâtre. C'est à cause de la lenteur de leur maturité qu'on voit constamment sur les genévriers des fruits verts et des mûrs. La récolte de ces fruits se fait dans les mois d'octobre et de novembre ; on les sèche facilement en les étendant clair-semés dans un grenier, et les remuant souvent. On doit les choisir gros, bien nourris, noirs, luisants, pesants, d'un goût sucré un peu âcre. Ils doivent être aussi récents que possible, parce qu'il est prouvé qu'avec le temps ils perdent leur arôme et leurs vertus.
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La récolte et la conservation des sommités ne réclament que les soins ordinaires.
Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. - Presque toutes les parties du genévrier, et surtout les cônes, répandent, quand on les brûle une odeur résineuse plus ou moins suave et aromatique. Ces derniers sont d'une odeur forte, agréable, d'une saveur douceâtre, amère, chaude, balsamique, térébinthacée. Ils contiennent un suc pulpeux, sucré. L'analyse chimique y a démontré la présence de l'huile volatile 1, de la cire 4, de la résine 10, du sucre 33.8, de la gomme 7, du ligneux et de l'eau 48 ; plus quelques sels de chaux et de potasse. — L'eau et l'alcool s'emparent de leurs principes actifs. [Suivant Tromsdorff, la matière sucrée est cristallisante et analogue au sucre de raisin ; Nicolet a obtenu la résine cristallisée.]
L'huile volatile, qu'on obtient par distillation, est incolore ; sa densité est de 0.911. Elle est peu soluble dans l'alcool. Elle est isomérique avec l'essence de térébenthine, suivant Dumas.
Les semences, osseuses, anguleuses, présentent de petites fossettes alignées où sont contenues des utricules remplies d'huile volatile quand les fruits sont verts, et qui se change en une vraie térébenthine à leur maturité. De sorte que pour obtenir cette huile, il faut prendre les premiers, et les seconds, c'est-à-dire les fruits mûrs, pour préparer l'extrait, et même les prendre desséchés[1].
Le tronc du genévrier rend, dit-on, dans les pays chauds, au moyen d'incision, une résine appelée gomme de genévrier, vernis, etc., qu'il ne faut pas confondre avec la sandaraque, qui est produite par le thuya articulata, d'après Broussonnet, quoiqu'on l'ait attribuée au juniperus communis. Dans le nord et dans le centre de l'Europe, le genévrier ne rend pas de résine ; on ne connaît pas de gomme ou résine de genévrier ; et l'on donne comme telle la sandaraque. (Mérat et Delens.)
Dans le Nord, on distille beaucoup de grains, et l'eau-de-vie qu'on en retire a toujours un goût de feu, un goût âcre, empyreumatique ; pour remédier à cet inconvénient et lui communiquer d'autres qualités, on a coutume de mêler des cônes de genévrier à la liqueur qu'on veut distiller, et qui donne l'eau-de-vie connue sous le nom de genièvre. — Les fruits du genévrier, infusés dans l'eau, y fermentent et donnent une espèce de vin dont on obtient par la distillation une eau-de-vie de genièvre un peu âcre et dont l'usage est très-répandu parmi les habitants peu aisés, surtout en Allemagne, où elle est l'objet d'un commerce considérable. — Les Suédois préparent avec ces mêmes fruits une espèce de bière qu'ils louent comme très-saine et surtout comme antiscorbutique. — Helvétius conseillait une boisson composée de 7 décalitres 1/2 de fruits de genièvre concassés, et de quatre poignées d'absinthe bien épluchée, jetées dans un tonneau plein d'eau, pour laisser infuser dans un lieu frais ou dans une cave pendant un mois. Cette boisson est salutaire et durable, si l'on a soin, chaque fois, de remettre autant d'eau qu'on a tiré de liqueur pour l'usage journalier. Elle convient principalement aux habitants des contrées marécageuses, où les fièvres intermittentes sont endémiques. Voici un vin de genièvre qui est plus agréable : on supprime l'absinthe et on la remplace par quelques livres de miel ou de cassonnade ; lorsque la liqueur a acquis une saveur vineuse par la fermentation, on la soutire. — On fait infuser les fruits de genévrier dans l'eau-de-vie pour en confectionner des liqueurs de table ou médicinales, etc.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion des fruits concassés ou des sommités (à vase clos), de 15 à 30 gr. par kilogramme d'eau ou de vin blanc. |
Extrait (par infusion, 1 sur 4 d'eau), de 4 à 8 gr., en pilules ou en solution dans un liquide approprié ou seul. |
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- ↑ Journal de pharmacie, 1827, t. XIII, p. 215.
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dents, dans une hassinoire, pour fumigations. |
Poudre, en bains. |
Les fruits du genévrier sont stimulants, toniques, stomachiques, diurétiques, diaphorétiques. Â petite dose, ils localisent leur action sur l'estomac : ils excitent l'appétit, dissipent les flatuosités, facilitent la digestion. A dose plus élevée, ils agissent sur toute l'économie, provoquent l'exhalation cutanée, modifient les sécrétions muqueuses et excitent plus spécialement les organes sécréteurs de l'urine, à laquelle ils communiquent une odeur de violette. On les emploie dans les affections catarrhales pulmonaires et vésicales chroniques, la phthisie, la leucorrhée, la blennorrhée, la néphrite calculeuse, la chlorose, l'aménorrhée par débilité, l'hydropisie, l'albuminurie, l'asthme humide, la bronchorrée, le scorbut, les engorgements des viscères abdominaux, les cachexies, les affections cutanées chroniques, rhumatismales, etc.
Les praticiens de tous les temps ont employé avec succès les cônes de genévrier dans les diverses maladies que nous venons d'énumérer. On peut lire à ce sujet Van Swieten, Hoffmann, Vogel, Rosenstein, Meckel, Schmidt, Hecker, Loiseleur-Deslongchamps, Lange et Demangeon. Ce dernier a fait insérer dans le Journal de médecine (1806) deux observations remarquables constatant leur action particulière sur l'appareil urinaire.
En employant préalablement ou simultanément l'infusion de fruits de genévrier et les frictions de pommade de belladone, dont l'effet est de dissiper le spasme et la douleur, on pourrait favoriser l'expulsion des calculs, dans les cas où ces symptômes, au lieu de diminuer, augmenteraient par l'usage des diurétiques. (Voyez BELLADONE, p. 166.) On sait que les cônes de genévrier excitent à tel point les organes sécréteurs de l'urine, que celle-ci devient quelquefois sanguinolente, quand on les administre à trop grande dose, ou à des sujets trop irritables, ou qu'on en fait usage trop longtemps. Il est donc rationnel, dans les affections calculeuses, de s'assurer du tempérament du malade, et surtout de l'état des voies urinaires, avant de prescrire ce médicament.
On a retiré de grands avantages des fruits de genévrier comme diurétiques dans les hydropisies. On se sert alors le plus ordinairement de l'infusion simple ou nitrée, aqueuse ou vineuse. Hegewisch[1] préférait la décoction dans la bière à tous les autres diurétiques dans le traitement de l'hydropisie. Van Swieten faisait prendre quatre à huit fois par jour une à deux cuillerées à bouche du mélange de 120 gr. d'extrait délayé dans 1 kilogr. d'eau distillée des baies, avec addition de 60 gr. d'esprit de genièvre. Vitet prescrit contre l'ascite par cachexie le suc exprimé de cresson mêlé avec une forte infusion de fruits de genévrier. Alexandre[2] met au premier rang des remèdes employés contre l'hydropisie, l'huile essentielle de genièvre, à la dose de quelques gouttes seulement dans une infusion de thé vert. L'infusion aqueuse ou vineuse m'a réussi dans un grand nombre de cas. J'y ai souvent ajouté la racine de persil ou celle de raifort, surtout dans les hydropisies succédant aux fièvres intermittentes ou accompagnant l'albuminurie chronique.
Dans les pays bas et humides, l'usage de l'infusion des fruits de genévrier dans l'eau, la bière ou l'eau-de-vie (ratafia), relève les forces, favorise les sécrétions et peut préserver des fièvres muqueuses et intermittentes, qui sévissent annuellement sous l'influence paludéenne. Tissot recommande aux habitants des lieux où la nature de l'air rend ces fièvres fréquentes, de mâcher tous les jours des fruits de genévrier et d'employer pour boisson une
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infusion fermentée de cette même graine, moyens aussi faciles que peu coûteux. Le vin composé de fruits de genévrier et d'absinthe m'a réussi dans des fièvres intermittentes automnales avec engorgement splénique et cachexie, après l'usage infructueux du sulfate de quinine. J'ai souvent vu des paysans se guérir promptement de ces fièvres en prenant avant l'accès 4 à 6 gr. de baies de genévrier en poudre. Ce remède excite la transpiration, que le malade favorise en s'enveloppant de couvertures de laine dans un lit préalablement imprégné de la vapeur de cette même poudre jetée dans une bassinoire, sur des charbons ardents.
Les rameaux et les sommités du genévrier jouissent de propriétés analogues à celles des cônes de cet arbrisseau. Roques[1] a eu à se louer d'un vin composé de 60 gr. de fruits, de 30 gr. de rameaux et de 1 kilogr, de vin blancs avec addition, après trois jours d'infusion, de 60 gr. de sucre. Il augmentait parfois l'action de ce vin en y ajoutant une bonne pincée d'absinthe et 30 gr. de racine de raifort. Deux ou trois cuillerées, administrées de temps en temps, suffisaient pour ranimer les tissus organiques, pour exciter l'appétit, réveiller les fonctions digestives, pour provoquer le cours des urines, etc. « Ce vin stimulant, dit l'auteur que nous venons de citer, a quelquefois guéri des hydropisies rebelles, des fièvres intermittentes automnales que le quinquina rendait encore plus opiniâtres, des affections scorbutiques, etc. »
Auguste-Frédéric Hecker[2] a guéri, au moyen de l'extrait de genièvre, un grand nombre d'individus affectés de blennorrhagie. Jourdan[3] a confirmé, par de nombreux essais, les observations de Hecker. Suivant le docteur Plagge[4], 5 gouttes d'huile essentielle de baies de genièvre, avec 4gr. d'esprit de nitre doux, dans une mixture, seraient un des meilleurs diurétiques que nous possédions. Ce médecin accorde à l'huile essentielle de genévrier un effet curatif dans les cas de blennorrhagie ; il la considère comme pouvant remplacer avantageusement le cubèbe et le copahu.
C'est surtout dans les affections catarrhales anciennes et les écoulements chroniques muqueux, que j'ai été à même de constater les bons effets des sommités et des cônes de genévrier. J'ai vu des leucorrhées anciennes avec débilité des voies digestives, traitées inutilement par divers moyens, céder à l'usage d'une forte infusion aqueuse ou vineuse, dont les propriétés me semblent, au reste, tout à fait semblables à celles de la térébenthine et des autres substances résineuses. J'associe souvent à ce médicament la racine d'aunée et celle d'angélique. Dans les hydropisies, les engorgements viscéraux et les cachexies qui suivent ou accompagnent les fièvres intermittentes, je l'emploie seul ou mêlé avec la gentiane, la bryone, l'absinthe, la petite centaurée, l'eupatoire d'Avicenne, le calcitrape ou la digitale, selon les indications et l'état du malade.
Le bois de genévrier est sudorifique et diurétique, suivant les cas et les dispositions individuelles. Il est le meilleur succédané du gaïac dans la syphilis, le rhumatisme, la goutte, les maladies cutanées chroniques, etc. Léon l'Africain et Brassavole l'ont recommandé dans les affections syphilitiques. Sylvius a également préconisé l'écorce et le bois de cet arbrisseau dans ces mêmes affections. Hanin préparait avec le bois et une petite quantité de fleurs de sureau une tisane très-diaphorétique, qu'il employait constamment dans le traitement des maladies vénériennes. J'ai vu donner avec succès dans les affections rhumatismales chroniques, chez les villageois, la tisane sudorifique suivante : bois de genévrier râpé, 125 gr. ; faites bouillir
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- ↑ Plantes usuelles, t. IV, p. 24.
- ↑ Traitement de la gonorrhée.
- ↑ Dictionnaire des sciences médicales, t. XVIII, p. 73.
- ↑ Bulletin de thérapeutique, 1852.
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dans eau, 1 kilogr. 4/2, et réduire à 1 kilogr. ; ajoutez vers la fin de l'ébullition, vin blanc, 123 gr. Dose : 180 gr. Le malade prend cette tisane chaude en se couvrant bien pour provoquer la sueur. Ce moyen est répété chaque matin, ou chaque soir.
Les cendres du genévrier, en infusion dans le vin blanc, sont très-diurétiques. J'ai vu des cas de leucophlegmatie, qui avaient résisté aux moyens ordinaires, céder à l'effet de ce vin. Je le prépare en faisant infuser à froid 150 gr. de ces cendres dans 1 kilogr. de bon vin blanc de Bordeaux ou du Rhin, ou tout simplement dans le cidre de bonne qualité. Le malade en prend 60 à 100 gr. deux ou trois fois par jour, jusqu'à ce qu'il soit complètement désenflé. Je dois faire observer que cette dose, très-bien supportée par des campagnards robustes et peu irritables, serait trop forte pour des sujets faibles, nerveux, ou atteints d'irritation gastrique ou intestinale.
La décoction de genévrier est employée à l'extérieur comme résolutive, détersive, tonique, dans le traitement des engorgements froids, œdémateux, les ulcères atoniques et scorbutiques. On applique aussi les fruits de genévrier concassés en cataplasme. J'ai vu des paysans mettre sur la tête des enfants atteints de teigne des baies de genièvre récentes, pilées et mêlées avec du saindoux. J'ai observé de bons effets de ce topique.
Les fumigations de cônes sont efficaces dans l'atonie générale, les vieilles douleurs rhumatismales ou goutteuses, les hydropisies consécutives aux fièvres éruptives. Ces fumigations m'ont été d'un grand secours pour rétablir les fonctions de la peau dans l'anasarque albuminurique, qui survient à la suite de la fièvre scarlatine. Je les fais pratiquer au moyen d'une bassinoire, dans le lit des malades. Hufeland conseille de frictionner deux ou trois fois par jour tout le corps des enfants scrofuleux ou très-faibles, avec des flanelles imprégnées de la vapeur de ces mêmes fruits. J'ai vu plusieurs cas de coryza chronique rebelle guérir au moyen de ces fumigations reçues dans les narines. Dans ma pratique rurale, j'ai souvent fait brûler les branches et les sommités du genévrier dans la chambre des phthisiques. Ce moyen est très-bon. On fait quelquefois brûler cet arbrisseau pour désinfecter l'air. La chimie moderne considère cette fumigation, ainsi que toutes celles du même genre, comme ajoutant à l'air des corps étrangers qui, au lieu de le purifier, en altèrent la pureté. On leur préfère, avec raison, la vapeur du chlorure de chaux, ou d'oxyde de sodium, et les fumigations guitonniennes.
Cade
Nom accepté : Juniperus oxycedrus
GENÉVRIER OXYCÈDRE, CADE (Juniperus oxicedrus, L.), petit cèdre. Il croît dans le midi de la France. La combustion de son bois donne un liquide appelé huile de cade, qui est employée depuis longtemps par les maréchaux contre la gale et les ulcères des chevaux.
Cette huile, produit de la distillation des grosses branches et des racines de genévrier de l'espèce que nous venons de désigner, que l'on coupe par morceaux de 20 à 30 centigr. de long pour les soumettre à l'action du feu dans une vieille marmite percée sur un des côtés et couverte d'une pierre plate qu'on lute avec de l'argile ; cette huile, dis-je, qui coule par l'ouverture laissée au vase distillatoire, est un liquide brunâtre, inflammable, d'une forte odeur résineuse, analogue à celle du goudron, d'une saveur âcre et caustique.
Serre, d'Alais, a publié dans le Bulletin de thérapeutique (1846) un mémoire sur les bons effets de l'huile de cade, déjà employée depuis longtemps dans la médecine populaire.
Appliquée sur la peau saine, l'huile de cade ne provoque ni douleur ni démangeaison. Sur les muqueuses non enflammées, l'irritation est très-peu prononcée; sur la peau et les muqueuses enflammées, son application est quelquefois accompagnée d'une cuisson légère et de courte durée ; sur les
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parties ulcérées, cette cuisson est un peu plus forte, mais elle ne dure pas davantage : environ un quart ou une demi-minute. Elle ne détermine pas de réaction pathogénique sensible chez les enfants atteints d'affection vermineuse, auxquels on la donne à l'intérieur.
Les premiers essais de Serre ont porté sur la gale, et il a si constamment réussi qu'il n'emploie plus d'autre moyen dans le traitement de cette affection. Trois ou quatre frictions suffisent le plus ordinairement pour la faire disparaître lorsqu'elle est récente. Lorsque cette maladie est invétérée, et qu'il s'y joint un état eczémateux avec suintement, Serre réussit encore à la guérir par l'huile de cade, quand tous les traitements ont échoué. Cette huile, suivant ce médecin, s'est montrée efficace dans les affections sécrétantes de la peau et contre toute maladie dartreuse, quelle que soit sa forme. Cette application se fait à l'aide d'un pinceau.
Serre signale, comme particularité remarquable, la formation d'une pellicule analogue à l'épiderme par l'action de l'huile de cade. Cette pellicule se forme, du quatrième au cinquième jour, sur les parties eczémateuses ointes d'huile ; elle est lisse et presque transparente. Du cinquième au sixième jour, cette pellicule se casse, et tombe du neuvième au dixième jour, laissant voir la surface malade guérie ou en voie rapide de guérison.
C'est surtout contre l'ophthalmie scrofuleuse que Serre a obtenu de bons effets de l'huile de cade. Chez les adultes, il applique cette huile pure sur la paupière inférieure tous les deux jours. Chez les enfants, il n'a jamais eu besoin de porter le remède sur l'œil ou sur les paupières pour guérir les ophthalmies les plus opiniâtres ; de simples onctions sur le front, les tempes, les pommettes, et extérieurement sur les paupières, ont le plus souvent suffi pour amener la guérison. Dans quelques cas, les résultats ont été activés par l'introduction d'une goutte d'huile de cade dans chaque narine.
Si la guérison, ou une amélioration tellement notable qu'on puisse l'espérer prochaine, n'est pas obtenue au bout du cinquième ou sixième jour, on ne doit plus, selon Serre, compter sur l'huile de cade, soit qu'on ait affaire à une affection eczémateuse, soit qu'il s'agisse d'une ophthalmie. Dans ce cas, Serre a recours aux bains de sublimé.
Devergie[1] a répété à l'hôpital Saint-Louis les essais de Serre. Il ne partage pas l'enthousiasme de ce médecin ; mais il reconnaît que l'huile de cade est une bonne ressource de plus dans le traitement des dartres sécrétantes et dans les ophthalmies scrofuleuses. Il arrive même quelquefois que l'application de ce remède supprime trop brusquement la sécrétion morbide des surfaces enflammées ; elle ne doit être employée que tous les trois jours. Il faut l'étendre sur la surface malade, mais essuyer aussitôt avec du coton sec, de manière à ce qu'il reste appliqué la couche la plus mince possible d'huile. En général, elle est trop active quand il s'agit d'un eczéma qui parcourt simplement ses périodes ; elle devient utile lorsqu'il s'agit d'eczéma ancien où la sensibilité de la peau permet le contact de moyens modificateurs résolutifs. C'est surtout dans la variété d'eczéma psoriasiforme qu'elle réussit (Devergie)[2].
On a employé avec succès, en Angleterre, dans quelques maladies de la peau, l'onguent suivant : cire jaune, 3 gr. ; axonge, 45 gr. ; huile de cade, 143 gr. ; mêlez.
(Bazin a puissamment contribué à vulgariser l'emploi de l'huiie de cade,
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- ↑ Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1853, p. 59.
- ↑ Dans le commerce, on délivre fréquemment, au lieu d'huile de cade, de l'huile distillée de goudron, qui lui est inférieure en efficacité. L'odeur peut tromper des personnes peu exercées, mais la couleur présente une différence très-apparente. L'huile de goudron est noire et d'un reflet brunâtre ; l'huile de cade, en apparence brune, est d'un reflet rouge vif par la lumière. A Paris, on vend presque toujours l'huile de goudron pour l'huile de cade.
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tant dans les scrofulides que dans les affections cutanées, telles que gale, lichen agrius, psoriasis, couperose, où les applications de cette huile, pure ou adoucie par un mélange avec l'huile d'amandes douces, la glycérine, produisent des effets remarquables, sinon très-durables. (Consultez, à ce sujet, Bazin, De la scrofule, p. 202 ; et Annales de thérapeutique, 1852, p. 102 et suiv., Gibert, Remarques sur l'emploi de l'huile de cade, etc.)
On a tenté l'administration de cette huile à l'intérieur dans les mêmes affections, quand elles sont rebelles à l'usage externe (Bazin) ; mais cette pratique ne s'est pas généralisée. C'est un insecticide efficace : à ce titre, on l'a recommandée comme vermifuge.)
[Nous citerons les J. Bermudiana et Virginiana, parfaitement acclimatés en France, dont le bois, connu sous le nom de bois de cèdre, sert à faire des crayons et des stéthoscopes.]