Bistorte (Cazin 1868)

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Bignone
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Bleuet
PLANCHE IX : 1. Bétoine. 2. Bistorte. 3. Botrys. 4. Bouillon blanc. 5. Bourrache.


[199]

Nom accepté : Bistorta officinalis


BISTORTE. Polygonum bistorta. L.

Bistorta major radice magis intorta. Bauh. — Bistorta. Cam. — Serpentaria vulgaris rubra. Trill.

Renouée bistorte.

Polygonacées. Fam. nat. — Octandrie trigynie. L.


Cette plante vivace (Pl. IX) est commune dans les pâturages et les prés.


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On la cultive quelquefois dans les jardins. Les bestiaux broutent la bistorte avec avidité ; les chevaux seuls la négligent.

Description. — Racine, sorte de tige souterraine de la longueur du doigt, dure, fibro-tubéreuse, marquée d’intersections annulaires qui jettent çà et là des ramuscules déliés et nombreux ; contournée deux ou trois fois sur elle-même et torse, de là le nom de bistorte ; brunâtre en dehors, rougeâtre en dedans. — Tige de 35 à 50 centimètres, herbacée, droite, cylindrique, noueuse, striée, fistuleuse, glabre. — Feuilles alternes, ovales-lancéolées, à limbe décurrent sur le pétiole, les supérieures plus petites, sessiles, semi-amplexicaules ; les radicales portées par un long pétiole formant une gaine à sa partie inférieure. — Fleurs roses, petites, disposées en épi terminal serré, cylindroïde, de la longueur de 5 centimètres environ, garni d'écailles luisantes, sétacées, pointues, situées entre les fleurs, qui sont très-nombreuses (mai). — Calice coloré, pétaloïde, quinquéfide. — Corolle nulle. — Huit étamines blanchâtres plus longues que le calice. — Ovaire trigone, surmonté de trois styles filiformes à stigmates simples. — Le fruit est un akène ovoïde, triangulaire, pointu, environné par le calice persistant, renfermant une seule graine dressée. Chaque fleur est accompagnée à sa base de plusieurs bractées scarieuses.

Parties usitées. — La racine.

Culture. — Très abondante à l'état spontané, on la cultive dans les jardins botaniques et dans les massifs d’ornement - Elle vient dans tous les sols ; mais elle demande l'ombre. On la sème en place ou en pépinière, aussitôt après la maturité; mais on aime mieux la propager par division des pieds.]

Récolte. — La racine de bistorte se récolte en décembre ; sa dessiccation n'exige rien de particulier.

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — Cette racine, d'une saveur acerbe, styptique, contient une très-grande quantité de tannin, de l'acide gallique, beaucoup d'amidon et de l'acide oxalique ou plutôt d'un oxalate acide. L'eau et l'alcool dissolvent ses principes actifs. Elle noircit la solution de sulfate de fer, coagule le lait et le sérum du sang.

Substances incompatibles. — Le sulfate de fer, la gélatine. Sa décoction précipite ces deux substances.

Les tanneurs ont employé la racine de bistorte. Dépouillée de sa stypticité par la macération et la décoction, cette racine sert de nourriture aux habitants de la Sibérie. On en retire aussi en Russie une fécule qui, mêlée avec la farine de froment, n'altère point la qualité du pain. La graine pourrait servir à la nourriture des oiseaux de basse-cour.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.

A L'INTÉRIEUR. — Décoction, de 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau.
Macération, 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau froide.

Extrait (1 sur 6 d'eau), 1 à 4 gr., en potion, bols, pilules.
Poudre, 2 à 10 gr., en bols, pilules ou en substance dans du vin.
Suc, 20 à 30 gr., pur ou mêlé avec du vin.


La racine de bistorte entre dans le diascordium.

La racine de bistorte est un puissant astringent ; à petite dose elle agit seulement sur l'estomac, tandis qu'en quantité suffisante elle agit sur tous les appareils organiques. Elle réussit contre les flux muqueux, les hémorragies passives, les écoulements de l'urètre, les leucorrhées, les diarrhées, la dysenterie, après avoir combattu les symptômes inflammatoires, et dans la période d'atonie.

J'emploie la racine de bistorte avec autant d'avantage que celle de ratanhia. (La grande quantité d'amidon qu'elle contient mitige ses propriétés d'une manière avantageuse.) Elle a constamment répondu à mon attente dans les cas d'hémorrhagies passives. Je l'ai administrée avec beaucoup de succès dans un melæna très-grave, chez une fille de vingt-sept ans, déjà affaiblie par une gastro-entérite chronique. Je la faisais prendre en décoction rapprochée et à petites doses fréquemment répétées. La guérison était complète le douzième jour. Unie à l'absinthe et à la racine d'aunée en macération


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dans le vin blanc, elle m'a réussi contre les leucorrhées sans irritation. Je fais prendre 2 à 4 onces de ce vin par jour.

Cullen donnait la racine de bistorte en poudre, mêlée avec autant de poudre de racine de gentiane, comme fébrifuge, à la dose de 4 à 12 gr. par jour. Ce mélange peut être utile non-seulement dans les fièvres intermittentes, mais aussi dans tous les cas où les toniques fixes sont indiqués.

A l'extérieur, je l'ai essayée en décoction dans un cas de fissure à l'anus. Elle a amené une amélioration marquée sans opérer la guérison. L'emploi de la racine de ratanhia dans ce cas m'avait conduit à celui de la racine de bistorte. Je ne doute pas qu'on ne parvienne à obtenir, par l'usage de cette dernière, les mêmes résultats. La décoction, ou mieux le vin de racine de bistorte en gargarisme, raffermit les gencives, déterge les aphthes, et peut être utile dans l'engorgement chronique des amygdales, dans tous les cas où les topiques astringents sont indiqués.

(Dans la médecine vétérinaire, on fait usage de la bistorte sous forme d’opiat à la dose de 32 à 64 gr., pour les grands animaux, contre les diarrhées chroniques et la cachexie aqueuse.)