Carotte (Vilmorin-Andrieux, 1904)
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Daucus Carota L.
Famille des Ombellifères.
SYNONYMES : Girouille, Pastonade, Pastenailles, Pastouade, Racine jaune.
NOMS ÉTRANGERS : ANCL. Carrot. — ALL. Möhre, Gelbrübe, Karotte. — FLAM. Wortel. — HOLL. Wortel, Peen. — DAN. Guleroden. — SUÉD . Morot. — ITAL. Carota. — ESP. Zanahoria. — PORT. Cenoura. — RUSSE Morkoff. — POL. Marchew. — JAP. Ninjin.Indigène. — Bisannuelle. — La racine, artificiellement développée par la culture, présente les plus grandes différences de couleur, de forme et de volume. Les feuilles sont extrêmement découpées, deux ou trois fois ailées, à divisions incisées, aiguës; les fleurs, en ombelles, petites, blanches, serrées, avec de longues bractées linéaires, sont portées au sommet de tiges élevées de 0m60 à 1m50 et paraissent seulement la deuxième année. La graine est petite, d'un brun verdâtre ou gris, légèrement convexe d'un côté, aplatie de l'autre, cannelée, et garnie, sur deux côtés, d'aiguillons recourbés; elle a une odeur aromatique particulière très prononcée. Munie de ses barbes, elle pèse 210 grammes par litre et un gramme en contient 700; persillée, c'est-à-dire débarrassée des barbes, elle pèse 360 grammes par litre et un gramme en contient 900 à 1000. Sa durée germinative est de quatre à cinq ans.
CULTURE EN PLEINE TERRE. — La Carotte se plaît surtout en terre de bonne qualité, bien ameublie et conservant de la fraîcheur. Autant que possible, le terrain doit être fumé et labouré profondément à l'automne, les mottes étant bien brisées, principalement lorsqu'il s'agit de cultiver des variétés à longue racine. Avant de semer, on ameublit la terre à la fourche crochue ; on nivelle au râteau ou à la herse, suivant l'importance de la culture, et l'on sème à la volée, à raison de 100 grammes à l'are, ou, de préférence, en rayons écartés de 0m1 ? à 0m35, suivant la variété. Dans ce dernier cas, 50 à 60 grammes de graines à l'are suffisent. La graine est recouverte à la herse ou au râteau et il est bon de plomber le sol à l'aide de la batte ou du rouleau, légèrement s'il est argileux, fortement s'il est léger.
Quand les plants ont 3 ou 4 feuilles, on éclaircit, de façon à laisser environ 8 ou 10 cm. entre chaque plant. — On bine, on sarcle et on arrose lorsque cela est nécessaire et possible.
En pleine terre, les premiers semis se font vers la fin de Février, en côtière au pied d'un mur au Midi, avec de la C. très courte à châssis dite grelot ou de la C. courte hâtive. — A partir du 15 Mars jusqu'à fin-juillet, on peut faire des semis successifs de quinze en quinze jours avec la C. courte hâtive, les Carottes demi-longues et les Carottes longues.
Dans certaines régions, et chez quelques amateurs, on sème des carottes fin Août-Septembre en terre très saine et à bonne exposition ; les racines, après avoir été effeuillées, passent l'hiver en terre sous une couche de litière ou mieux sous une couverture de feuilles sèches, et, quand le froid n'a pas été trop rigoureux, on a des carottes bonnes à consommer au printemps. Les Carottes demi-longues, notamment la C. nantaise, conviennent particulièrement à ce mode de culture. — Certains jardiniers sèment également à la même époque de la C. grelot qu'ils protègent du froid par le même procédé et qu'ils vendent dans le cours de l'hiver comme carottes nouvelles, bien qu'elles soient dépourvues de fanes.
Rendement et Conservation en hiver. — Les Carottes demi-longues peuvent donner environ 300 kil. de racines à l'are, les Carottes longues 450 à 500 kil, et même plus.
L'arrachage des racines de moyenne saison se fait successivement, 2 mois et demi à 3 mois après le semis suivant les variétés, en commençant par les plus fortes, ce qui favorise le développement des autres.
Pour la consommation d'hiver, on arrache en Novembre les racines provenant des semis de printemps, et on les conserve, après avoir coupé les feuilles au ras du collet, enterrées dans du sable dans une cave ou un cellier, ou simplement déposées en petits silos, recouverts d'une bonne couche de litière que l'on enlève pour aérer quand le temps le permet.
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ENGRAIS. — On doit, autant que possible, cultiver la Carotte dans des terres fumées depuis un an ou, sinon, faire usage de fumier bien décomposé et non pailleux que l'on enfouit à l'automne, au moment des façons préparatoires. — Le mieux est encore d'employer les engrais minéraux suivants, qui remplacent avantageusement le fumier dès l'instant où les terres seront en bon état de culture :
par are à incorporer au sol avant l’hiver : Chlorure de potassium. 2 kil. 500 et Superphosphate de chaux. . 2 kil. 500
et 1 k. 300 Nitrate de soude, à répandre en couverture en une ou deux fois après l'éclaircissage.
CULTURE FORCÉE. -- Le forçage de la Carotte se fait ordinairement sur couche, à partir de Novembre jusqu'à la fin de Février. Quelques spécialistes exécutent leurs premiers semis sous bâches ou coffres à thermosiphon. En tout cas, l'essentiel est d'avoir une température ne dépassant pas 20° centigrades et ne descendant pas au-dessous de 15°, ce qu'on obtient facilement en donnant à la couche, qui sera faite avec du fumier neuf, du fumier vieux et des feuilles en égales proportions, une épaisseur de 5o centimètres.
Dès que les coffres sont posés, on charge le fumier d'une épaisseur de 0m1 5 à 0m20 de terreau neuf mêlé d'un cinquième de terre franche, qu'on égalise bien et sur lequel on sème ensuite les graines, à raison de 3 à 4 grammes par mètre carré, en y ajoutant si l'on veut quelques graines de Radis à forcer qui seront les premiers à être récoltés; on herse légèrement pour recouvrir les semences et l'on plombe le terreau avec une batte, afin qu'il n'y ait pas de creux à l'intérieur. Les graines semées, on repique à même le semis et en lignes tracées avec une baguette, six ou sept rangées de petites Laitues printanières : golfes, crêpes, à forcer de Milly, etc., provenant des semis d'automne. Un coffre peut ainsi contenir une quarantaine de petites Laitues ; quelques gouttes d'eau sont aussitôt données à chacune pour en faciliter la reprise. On place les châssis et l'on couvre de paillassons, si la température extérieure l'exige.
La levée des carottes s'effectue généralement vers le douzième ou le quatorzième jour; il faut alors aérer fréquemment chaque fois que la température le permettra, puis éclaircir le plant, s'il est trop dru, et enfin sarcler et arroser modérément suivant le besoin, même par les temps froids. Après l'éclaircissage, il importe de regarnir avec un peu de terreau pour que le collet des carottes soit toujours enterré et ne verdisse pas, puis on donne un arrosage pour remettre en place les plants qui auraient pu se trouver dérangés pendant l'opération. Cette précaution est également bonne à prendre après l'enlèvement des cultures intercalaires (semis de Radis, contre-plantations de Laitues ou de jeunes Choux Fleurs) que les maraîchers ont l'habitude de faire dans les couches où ils forcent les carottes.
D'ordinaire on compte quatre saisons de carottes forcées :
1re Saison. —Semis dans la première quinzaine de Novembre. Récolte en Janvier, de racines aux deux tiers formées. Cette culture se fait d'ordinaire sous bâche ou coffre chauffé au thermosiphon.
2e Saison. — Semis au commencement de Décembre. Récolte à la fin de Mars ou dans la première quinzaine d'Avril.
3e Saison. —Semis au commencement de janvier. Récolte, deuxième quinzaine d'Avril.
4re Saison. — Semis au commencement de Février. Récolte dans le courant de Mai.
Chez les maraîchers, cette dernière saison s'obtient souvent sur couches à l'air libre ; on sème des graines de carottes auxquelles on mêle quelques graines de Radis hâtifs, en prenant les mêmes soins que pour la culture forcée. On dispose trois rangs de cloches au milieu desquelles on plante une Romaine (Romaine grise maraîchère) et quatre Laitues gottes ou Tom-Pouce. L'intervalle existant entre les cloches est occupé par un Chou-fleur nain très hâtif d'Erfurt ou Boule de neige, et par d'autres Romaines que l'on recloche après les premières.
Une couche ainsi cultivée permet donc de récolter d'abord des Radis, puis de la Laitue, ensuite des Romaines. Après ces diverses récoltes, on répand une légère couche de terreau, de façon à recouvrir les carottes jusqu'au collet, et quelques semaines après on récolte les Carottes et enfin les Choux fleurs.
Rendement. — Le produit que peut fournir la culture forcée est très variable, suivant l'époque du semis, le moment de la récolte, la variété cultivée et les soins donnés ; néanmoins on peut tabler, pour un châssis de 1m30 X Om35, sur un rendement de 5 à 6 bottes comportant chacune une cinquantaine de racines.
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INSECTES NUISIBLES ET MALADIES. — Le lier de la carotte est un de Ses plus redoutables ennemis. Il creuse des galeries dans les racines, surtout dans celles qui sortent de terre : le collet noircit, les feuilles se fanent ou jaunissent, et souvent la plante meurt. En raison même de ses habitudes, il est difficile de détruire ce ver; quand on en constate la présence dans une planche de carottes, il n'y a qu'à arracher les plantes atteintes et à les brûler ou les détruire d'une façon quelconque ; on évite ensuite de faire revenir cette culture au même endroit avant deux ou trois ans. L'enfouissage dans le sol d'une certaine quantité de chaux vive constitue une bonne précaution contre cet insecte.
L’Araignée rouge, le Perce-oreille, l’Araignée de terre ou Théridion détruisent souvent les jeunes semis de carotte. On les écarte assez facilement par des arrosages avec une solution d'eau et de suie ou une infusion à froid de feuilles d'Absinthe, de Tabac ou de Noyer.
USAGE. — La racine de la Carotte est un des légumes les plus usités; c'est aussi une excellente nourriture pour les bestiaux. Le jus des carottes rouges sert à colorer le beurre, et la graine est employée dans la fabrication de quelques liqueurs.
La plus précoce et aussi la plus courte de toutes les carottes cultivées ; c'est une race spéciale choisie dans la C. très courte à châssis et façonnée particulièrement en vue de la culture en terreau sur couche et sous châssis; la racine est souvent plus large que longue, un peu aplatie des deux bouts, bien nette, d'un beau rouge orangé; le feuillage et le collet en sont remarquablement fins.
La Carotte rouge à forcer parisienne restant exclusivement affectée aux semis de couches et sur terreau, c'est, de même que son ainée la C. rouge très courte à châssis, une des plus employées par la culture maraîchère.
Racine presque globuleuse ou légèrement en forme de toupie, d'un rouge orangé demi-transparent, plus pâle vers la pointe ; collet très fin, très pincé, â feuillage très peu abondant.
Cette variété s'arrachant le plus souvent quand elle n'a que quatre ou cinq feuilles, on l'emploie, dans la culture en pleine terre, pour les semis très hâtifs
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ou très tardifs; elle convient surtout très bien à la culture forcée sous châssis, tant à cause de sa précocité que du peu de longueur de sa racine.
Racine à peu près deux fois aussi longue que large, sensiblement plus grosse au collet qu'à la pointe, qui est ordinairement obtuse ; collet fin ; feuillage très peu abondant, tout en étant moins rare que celui de la C. rouge très courte.
Excellente pour la pleine terre, elle peut même convenir, en certains cas, pour la culture forcée. La C. rouge courte hâtive et la C. rouge très courte sont le plus souvent récoltées jeunes, avant d'avoir atteint leur entier développement.
La Carotte rouge de Saint-Fiacre ne diffère presque pas de la C. rouge courte hâtive.
Variété extrêmement distincte, et aussi remarquable par les fortes dimensions qu'elle peut atteindre que par la rapidité de son développement. On pourrait la décrire comme étant une énorme Carotte rouge courte; il arrive souvent, en effet, qu'elle n'est pas beaucoup plus longue que large, mais cela tient à ce qu'elle peut atteindre en largeur un diamètre de 0m10. La chair en est très tendre, très délicate, d'un beau rouge orangé; la partie centrale est plus pâle, car ce n'est pas, comme la C. nantaise, une race sans cœur. Le feuillage est relativement léger et peu abondant.
C'est une excellente race potagère, mais elle doit être cultivée dans une terre douce, substantielle et bien fumée ; elle ne doit pas non plus manquer d'eau pour se développer, rapidement et dans de bonnes conditions.
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Racine fusiforme, deux fois et demie ou trois fois aussi longue que large ; collet souvent teinté de vert ou de brun, affleurant le sol et légèrement creusé en gouttière autour de l'insertion des feuilles, qui sont un peu plus fortes que celles de la C. rouge courte. C'est une bonne variété, productive et suffisamment hâtive, qui, dans beaucoup de localités, se cultive en grand pour l'approvisionnement des marchés.
Cette belle et vigoureuse variété, d'origine anglaise, n'est qu'une sélection spéciale de la C. rouge demi-longue pointue ; mais elle est un peu plus forte que cette dernière dans toutes ses parties, feuillage et racine. Celle-ci est assez élargie du collet, régulièrement conique, tantôt complètement enterrée, tantôt sortant de terre d'un centimètre ou deux et alors légèrement teintée de vert ou de brun sur la partie exposée à l'action de la lumière.
La Carotte de James se prête bien à la culture en plein champ dans les terres douces et fraîches; à ce titre elle peut être, dans bien des cas, intéressante à cultiver dans le voisinage des grandes villes.
Cette race peut être considérée comme une variété de la C. demi-longue pointue. La racine en est moins effilée et se termine en cône obtus ; les autres caractères, comme ceux du feuillage, ne présentent pas de différence. La C. demi-longue obtuse est la meilleure des deux comme plante potagère.
On peut la considérer comme la forme d'où sont sorties successivement la C. rouge courte hâtive, puis la C. rouge très courte à châssis, caractérisées comme elle par la forme arrondie de leur extrémité inférieure, la finesse de leur collet et le peu d'abondance de leur feuillage.
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II semble y avoir une sorte de dépendance réciproque et de corrélation intime entre la forme obtuse de l'extrémité inférieure des racines de carottes et la finesse de leur collet. Ainsi, les races qui ont le feuillage peu abondant et le collet bien pincé et bien lin ont à peu près régulièrement la racine obtuse, et réciproquement.
La grande précocité se lie aussi, en général, à ces caractères physiques.
Racine à peu près complètement cylindrique, peu élargie du collet, à pointe obtuse et même arrondie ; peau très lisse; collet tin, creusé autour des feuilles, qui sont peu développées; chair entièrement rouge, presque totalement dépourvue du large cœur jaune qui se remarque dans la plupart des autres carottes rouges, très sucrée et d'une saveur douce.
Cette variété est devenue, depuis nombre d'années déjà, une des plus généralement cultivées de toutes les carottes potagères. Elle justifie, du reste, par un ensemble remarquable de qualités, la préférence dont elle est l'objet : elle l'emporte en précocité sur les autres variétés de carottes demi-longues, sans leur être inférieure en produit; ses racines, bien nettes et bien égales, sont d'une récolte et d'une conservation Faciles ; enfin, sa couleur un peu plus foncée et l'absence de cœur la font préférer aux autres comme légume.
Comme toutes les races perfectionnées et hâtives, la Carotte nantaise doit être cultivée avec un certain soin ; elle soutire plus que les races ordinaires et grossières du manque de nourriture et d'arrosages. Elle ne développe toutes ses qualités que dans un sol meuble, profond, bien amendé au moyen de terreau ou de fumures précédentes, suffisamment substantiel et maintenu frais par des arrosements fréquents. La forme des racines est d'autant plus régulière et la peau d'autant plus lisse, que la terre est plus douce et mieux débarrassée de pierres et de graviers. Les soins de culture donnés à cette carotte seront largement payés par la plus grande abondance, et surtout par la plus belle apparence et la qualité plus fine du produit.
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Très distincte, mince, presque cylindrique, à collet très lin ; feuilles très petites et très peu nombreuses ; peau lisse; chair rouge, sans cœur. Cette variété peut se semer très serré et convient très bien par suite à la culture sous châssis. Il est préférable de la cultiver en terre très riche ou dans le terreau.
C'est une carotte de luxe et non pas une race de grande culture, mais c'est une des plus exquises qui existent, au point de vue de la perfection de la forme aussi bien que de la qualité de la chair.
Racine assez élargie du collet et un peu plus longue que celle des variétés précédentes; l'extrémité inférieure est généralement plutôt obtuse que pointue, quoique l'ensemble aille en s'amincissant régulièrement du collet à l'extrémité.
Cette variété est précoce et productive, et convient à la culture de primeur en pleine terre. Elle n'est pas précisément sans cœur, bien que la différence entre le centre et les couches extérieures de la chair soit moins accusée que dans beaucoup d'autres variétés.
La Carotte de Tilques en est une race très voisine, mais un peu plus volumineuse.
Bien que rentrant parfaitement dans le groupe des carottes rouges demi-longues obtuses, celle-ci se distingue de toutes les autres par son fort volume et par sa forme tout à fait arrondie à l'extrémité; c'est, à vrai dire, une Carotte
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de Guérande très allongée. Elle a aussi quelque analogie d'aspect avec la Carotte de Luc, mais elle est plus grosse, plus épaisse, plus obtuse et d'un rouge plus foncé.
De même que la Carotte demi-courte obtuse de Guérande, elle a la partie centrale un peu moins colorée que le reste, mais elle est, comme elle, très douce de goût, juteuse et sucrée.
La Carotte d'Eysines, très appréciée sur le marché de Bordeaux, est presque identique à la C. de Chantenay; elle est toutefois un peu plus allongée.
Cette variété d'origine américaine, présentait, lors de son introduction en Europe, une racine demi-longue, pointue, de grosseur moyenne, rouge, mais d'une teinte plutôt orange pâle que franchement rouge; la couleur en était alors tout à fait analogue à celle de la C. rouge pâle de Flandre.
Par une sélection persévérante, on est arrivé à la perfectionner et à en faire une belle carotte beaucoup plus colorée que précédemment, presque obtuse et se rapprochant passablement de la C. demi-longue de Luc. Le feuillage est assez court, bien fourni, finement découpé et d'une teinte un peu bronzée.
Grosse et belle race de carotte rouge que l'on peut considérer comme faisant la transition entre les carottes demi-longues et les rouges longues. Sa racine, très droite, très lisse, d'un beau rouge vif, est assez fortement élargie au collet, où elle peut avoir un diamètre de 0m00 à 0m07 ; ce qui fait que sa longueur, tout en atteignant 0m25 à 0m30, ne dépasse guère le quadruple de la largeur, restant par conséquent à peu près dans les proportions des carottes demi-longues. La C. de Saint-Valéry s'accommode de la culture en plein champ,
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mais elle devient surtout belle dans les terres légères, riches et bien défoncées. Le feuillage en est remarquablement léger, eu égard à la grosseur de la racine.
Cette belle variété de carotte est restée longtemps confinée dans son pays d'origine. Depuis qu'elle est plus généralement connue, elle est de plus en plus en faveur, car à sa beauté et à sa qualité, elle joint l'avantage de réunir les mérites des carottes de jardin à ceux des races de grande culture, c'est-à-dire rendement considérable en même temps que belle forme régulière, et en outre chair tendre, douce et épaisse.
La Carotte Prizetaker, assez répandue en Angleterre, se rapproche sensiblement de la C. de Saint-Valéry.
Racine longue, rouge, enterrée, s'amincissant régulièrement jusqu'à la pointe ; cinq ou six fois aussi longue que large et pouvant atteindre aisément 0m30 à 0m35 de longueur sur 0m06 environ dans son plus grand diamètre; collet assez large, aplati ou légère¬ment creusé autour de l'insertion des feuilles, qui sont vigoureuses et abondantes ; chair de très bonne qualité.
Elle demande une terre assez profonde, mais donne en retour un produit très rémunérateur. Elle est très rustique, et en la protégeant par de la paille ou des feuilles, on peut la laisser en terre pendant l'hiver et ne l'arracher qu'au fur et à mesure des besoins.
Cette variété, dont le poids peut devenir considérable, est très employée dans la grande culture comme dans la culture maraîchère de tous les pays, ainsi que le montrent les nombreuses appellations sous lesquelles on la désigne aussi bien en France qu'à l'étranger. Pourtant, depuis quelques années, on lui préfère, dans beaucoup de régions, la C. rouge longue de Saint-Valéry.
La Carotte rouge longue de Brunswick, sous-variété de la C. rouge longue, a la racine plus longue, un peu plus étroite du collet et la chair plus rouge.
La Carotte rouge longue obtuse sans cœur présente assez d'analogie avec la C. demi-longue nantaise, mais elle est très notablement plus longue et par là même plus productive. Elle est presque cylindrique, obtuse à l'extrémité inférieure, à chair extrêmement rouge, très fondante, sucrée et d'un goût fin. C'est avant tout une race potagère hâtive et à feuillage peu développé.
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Belle race de carotte potagère, cylindrique, lisse, plus grosse que la Carotte rouge longue obtuse sans cœur et non cordée; c'est une très bonne race maraîchère, qui demande une terre profonde, douce, fraiche et bien amendée; bien que de couleur très rouge, elle n'est pas sans cœur, et par là encore elle diffère de la race précédente, avec laquelle elle a par ailleurs certaines analogies.
Comme la plupart des races très améliorées à racine obtuse, la C. rouge longue lisse de Meaux a le feuillage très léger et peu abondant. De longue conservation, c'est la variété qu'on apporte le plus à la halle de Paris vers la fin de l'hiver.
D'origine anglaise; c'est une carotte très longue et très mince, à chair complètement rouge, comme celle des carottes dites sans cœur, et d'une excellente qualité. Le collet, au lieu d'être aplati et même creusé comme dans beaucoup d'autres variétés, s'élève en forme de cône arrondi; il est, le plus souvent, bronzé ou violacé dans la partie qui s'élève au-dessus de terre et qui peut avoir de 0m03 à 0m05. La racine atteint 0m50 et plus; malgré cela, elle est relativement fine, sa longueur pouvant être égale à huit ou dix fois sa largeur. La surface en est assez cordée, c'est-à-dire qu'elle présente une série de dépressions et de renflements, comme si elle avait été serrée fortement avec une corde mince (Voy. la fig. page 65).
La C. d'Altringham demande une terre riche et très profondément travaillée, et sa forme particulière fait qu'elle se brise quelquefois au moment de l'arrachage. Pour ces deux raisons, elle n'est pas cultivée aussi généralement qu'elle mériterait de l'être par sa qualité et son grand produit.
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Les Anglais ont passablement modifié les caractères de leur C. d'Altringham. On trouve rarement dans le commerce aujourd'hui la race ancienne, très longue, très mince, cordée et sans cœur. La forme actuelle est notablement plus renflée, plus courte relativement, et beaucoup plus lisse.
Racine longue de 25 à 30 centimètres, lisse, bien faite, d'un coloris rouge foncé, très régulièrement effilée à partir du collet, qui est rond et sort à peine de terre. Chair tendre et d'un rouge orangé très foncé. Feuillage léger, peu développé; les pétioles des feuilles sont habituellement violacés.
La C. longue rouge sang est demi-tardive: c'est principalement une carotte d'automne, se conservant aisément avec quelques soins pendant l'hiver. Elle est très remarquable par l'intensité de sa coloration, qui devient presque violacée quand la racine reste quelque temps exposée à la lumière.
Sorte de Carotte rouge demi-longue, adoptée par la grande culture à cause de son fort rendement. Le feuillage en est abondant, le collet aplati, large, et la racine, qui est à peu près complètement enterrée et d'un rouge orange assez vif, s'amincit régulièrement depuis le collet jusqu'à la pointe. Elle n'est guère que trois fois aussi longue que large, mesurant 0m06 à 0m08 de largeur au collet, sur une longueur de 0m20 environ.
Cette variété, très anciennement connue, a pour mérite principal d'être grosse, productive et d'une très bonne conservation. — Autrefois, on l'apportait par chariots de la Flandre sur le marché de Paris, vers la fin de l'hiver, au moment où la Carotte rouge courte et la C. rouge longue commençaient à devenir rares. Elle en a, pour ainsi dire, à peu près complètement disparu depuis que, par l'usage des semis tardifs, nos cultivateurs ont trouvé le moyen d’être pourvus de carottes fraîches en tout temps.
Plus généralement employée dans la grande culture que dans le potager, cette variété, originaire de Belgique, est très rustique et d'un grand rendement.
La racine, à chair de très bon goût, est fusiforme très allongée, au moins six fois plus longue que large, presque cylindrique dans sa moitié supérieure, (l'une couleur orangée assez pâle dans la portion enterrée, et franchement
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verte dans la partie hors de terre, qui .comprend à peu près le quart de sa longueur ; de là vient qu'on 'appelle indistinctement cette variété : Carotte rouge ou Carolle jaune longue à collet vert.
Elle se conserve bien et passe pour être très nutritive. En raison de son excellente qualité et malgré son moindre volume, quelques agriculteurs lui donnent, dans certains cas, la préférence sur la C. blanche à collet vert pour la nourriture du bétail.
Racine assez effilée, quatre ou cinq fois aussi longue que large, presque entièrement enterrée, et d'une couleur jaune vif, excepté au collet, qui est légèrement teinté de vert.
C'est une variété de grande culture répandue surtout dans le nord-ouest de la France ; elle ne manque pas de mérite cependant comme race potagère, surtout quand elle est jeune : en grossissant, elle devient quelquefois un peu ligneuse dans le cœur. La chair en est jaune. Quand on veut la conserver en terre pour l'hiver sans qu'elle devienne dure, il faut en faire le semis un peu tardivement, vers la fin de Mai ou dans les premiers jours de Juin.
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La Carotte jaune longue est une des plus anciennes races françaises de la carotte cultivée. On la trouve décrite dans les vieux ouvrages horticoles bien avant qu'il y soit fait mention des carottes rouges ou oranges. Aujourd'hui ces dernières lui sont le plus généralement préférées, et sa place a été prise, dans les cultures faites pour l'approvisionnement des marchés, par la C. rouge longue ordinaire, laquelle tend à être remplacée à son tour dans une grande mesure par la C. rouge longue de Saint-Valéry et la C. rouge lisse de Meaux.
On peut rapprocher de la C. jaune longue, comme n'en différant que par des caractères insignifiants, les variétés connues sous les noms de : Carotte jaune champêtre, C. jaune de Belgique et C. new yellow intermediate.
Racine de forme presque cylindrique, obtuse du bout, à chair et peau bien jaunes. Cette variété, qui se prête très bien à la culture en grand pour la nourriture du bétail, n'en est pas moins une excellente carotte potagère, partout où la couleur rouge de la chair n'est pas considérée comme une qualité primordiale.
La Carotte jaune obtuse du Doubs est très productive et, bien que très sucrée, se conserve parfaitement pendant l'hiver. On la cultive beaucoup dans la Franche-Comté, où elle est très estimée.
La Carotte du Palatinat jaune d'or obtuse, la C. jaune de Lobberich (Lobberich's agricultural C), et la C. jaune de Süchteln, sont toutes trois des races très voisines de la Carotte jaune obtuse du Doubs.
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Cette catégorie de Carottes ne comprenant guère que des variétés fourragères nous ne ferons que mentionner les principales :
C. blanche à collet vert. — Racine grosse et longue, aux trois quarts enterrée. Quoique issue de l'ancienne C. blanche longue, autrefois très cultivée comme carotte potagère, cette variété n'est utilisée que pour l'alimentation des animaux.
C. blanche améliorée d'Orthe. — Sous-variété de la précédente, à racine plus courte, plus large, et plus enterrée.
C. blanche lisse demi-longue (Improved short white carrot). — D'origine améri¬caine. Racine renflée, courte, presque complètement enterrée. Peut être employée comme légume, quand elle n'a pas encore atteint toute sa grosseur.
C. blanche des Vosges. — Racine très courte, très large et très enterrée. Variétéuniquement fourragère.
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Parmi les variétés de carottes qui ne rentrent pas dans les races que nous venons de décrire, nous devons citer :
La carotte hollandaise dite de Duwick.— Race un peu plus courte que les carottes rouges demi-longues, sans pouvoir pourtant être assimilée à la C. rouge courte de Hollande. Assez bonne pour la pleine terre ; cependant nos variétés demi-longues obtuses lui sont préférables.
La C. Main crop.— Race demi-longue, intermédiaire entre la C. de Guérande et la C. de Chantenay.
La C. Monument.— Se rapprochant de la C. de Carentan et de la C. nantaise, et intermédiaire entre ces deux races.
Les variétés anglaises Matchless scarlet et Scarlet perfection. — Ayant quelque analogie avec la C. rouge longue de Saint-Valéry, quoique à racines un peu plus minces et plus effilées.
La C. de Bardotwick (ALL. Frühe rote Bardawicker Möhre). — Bonne race de carotte rouge longue, presque sans cœur, et se rapprochant un peu de la Carotte d'Altringham.
La C. violette. — Racine enterrée, mince, fusiforme ; à peau lisse, violette ; chair violette à la périphérie et jaune au centre. Variété estimée dans les pays chauds, mais peu répandue en France.
La C. Jaune courte. — Variété peu répandue. Racine conique, enterrée, d'une couleur jaune pâle, qui s'étend à la chair dans toute son épaisseur.
La C. blanche de Breteuil. — Vieille race française à peu près complètement tombée en désuétude. C'était une carotte blanche demi-longue, moins courtement conique que la C. blanche des Vosges et d'une qualité très supérieure au point de vue culinaire.
C'est, selon toute apparence, à la C. de Breteuil qu'il faut rapporter une race mentionnée par les anciens auteurs français et appelée Carotte blanche ronde. Elle avait la racine courte, en forme de toupie, et se cultivait connue, variété potagère, surtout dans les terres fortes ou peu profondes.
La C. blanche transparente. — Variété à racine enterrée, longuement fusiforme, complètement blanche ; paraît avoir la même origine que la C. blanche à collet vert. Elle se distingue principalement par sa chair très blanche, fine et pour ainsi dire diaphane.
Vers 1830, M.Vilmorin père a fait plusieurs essais avant pour but d'obtenir de la carotte sauvage des racines plus renflées et comestibles, analogues à celles des races cultivées. Au bout de quelques années, ses semis lui ont donné une certaine proportion de plantes à racine charnue, de diverses couleurs. Quelques-unes de ces formes ont été conservées pendant plusieurs années, se reproduisant semblables à elles-mêmes d'une manière assez régulière.
Les plus remarquables étaient :
La C. sauvage améliorée blanche. — Assez analogue comme forme à la C. blanche de Breteuil que nous mentionnons ci- dessus, fine de goût et parfumée, mais peu sucrée.
La C. sauvage améliorée rouge obtuse. — Peu productive, mais d'une forme bien régulière, à collet très fin et feuillage très léger.
Cependant ces variétés, conservées quelque temps à titre de curiosité scientifique, n'ont pas pris place dans la culture usuelle et ont été par la suite abandonnées.