Alchémilles (Pharmacopée malagasy)
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Sommaire
Noms scientifiques : Alchemilla andringitrensis Viguier et de Wildeman ; A. bifurcata Hilsenberg et Bojer ; A. cryptantha Steudel ; A. hypoleuca (Hauman et Balle) Rothmaller ; A. Hildebrandtii Engler; A. Perrieri de Wildeman ; A. Rutenbergii O. Hoffmann ; A. schizophylla Baker (Rosacées).
- Noms acceptés : Alchemilla andringitrensis, Alchemilla bifurcata, Alchemilla cryptantha, Alchemilla hildebrandtii var. hypoleuca, Alchemilla hildebrandtii, Alchemilla perrieri, Alchemilla rutenbergii, Alchemilla schizophylla
Noms malagasy : Drake del Castillo in Grandidier, loc. cit., p. 26, donne Andranomadio comme prétendu nom vernaculaire d’A. bifurcata. En nous reportant à l'échantillon type de l'espèce (Hilsenberg et Bojer n° 17), nous avons constaté que Bojer y avait écrit textuellement : « An-ranou-madiou prov. Emerinae ». Il s'agit donc beaucoup plus probablement du nom du lieu de récolte que du nom malagasy de la plante.
A. Rutenbergii est appelée Talafoitra sur l'Ankaratra (Boiteau n° 1111).
Historique
L'Alchémille commune ou Porte-rosée, Alchemilla vulgaris Linné, plante qui croit en abondance dans les pâturages alpins et sur les éboulis des montagnes d'Europe, jouissait à l'époque de la Renaissance d'une extraordinaire réputation. Son nom vient d'alchimie. On sait que les alchimistes ont été, pour une part, à l'origine des découvertes qui ont amené la fondation de la chimie en tant que science, mais que, par ailleurs, ils ont propagé nombre de superstitions, dont certaines sont encore fort ancrées dans l'esprit de nos contemporains. Ces alchimistes avaient observé que sur les sommets où pousse l'Alchémille une eau
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très pure se dépose du fait des abondantes condensations nocturnes et que des goutelettes de cette eau sont retenues par les feuilles velues de cette plante. La pureté de cette eau les amena à supposer qu'elle avait des vertus particulières. On la recueillait avec des soins infinis pour l'utiliser à la préparation de la « pierre philosophale » qui était censée capable de transformer les métaux ordinaires en or. Par contre-coup, l'Alchémille se vit attribuer elle aussi des vertus extraordinaires. Lorsqu'il s'avéra qu'elles étaient surfaites, l'Alchémille tomba dans un long discrédit.
C'est cependant une plante qui peut rendre des services modestes, mais bien réels. Depuis quelques années d'ailleurs, surtout dans l'Europe de l'Est, les Alchémilles sont à nouveau recherchées. C'est pourquoi il semble utile de proposer l'inscription de certaines espèces malagasy à la pharmacopée.
Description
Les Alchémilles sont de petites plantes herbacées vivaces, généralement velues ou portant de nombreux poils. La fleur petite, verdâtre, peu visible, comporte un réceptacle urcéolé, souvent muni d'un disque annulaire ; un calice à 4 ou 5 divisions alternant avec 4 ou 5 bractées sépaliformes qui forment un calicule ; il n'y a pas de pétales ; quatre ou cinq étamines insérées au bord de la cavité que constitue l'intérieur du réceptacle ; un à quatre carpelles, sessiles ou portés par un petit stipe, insérés au fond de la cavité réceptaculaire ; chaque carpelle à une seule loge, mono-ovulée, à style latéral ou ventral (ne partant jamais du sommet du carpelle). Les fruits sont de petits akènes renfermés dans le réceptacle devenu membraneux (voir coupe et diagramme de la fleur).
Le genre Alchemilla à Madagascar
Le genre Alchemilla, répandu sur les montagnes du monde entier, compte plus d'une centaine d'espèces dont certaines sont de détermination très difficile.
Nous avons mentionné en tête de cette notice les huit espèces dont la présence nous semble confirmée à Madagascar. Peut-être conviendra-t-il, à l'avenir, d'en ajouter une ou deux autres (A. Viguieri de Wildeman que nous considérons comme douteuse et qui est, de toute façon, trop rare pour présenter un intérêt officinal ; peut-être la var. iratsyensis Rothmaller de A. schizophylla Baker devra-t-elle, par contre, être considérée comme une bonne espèce).
C'est par erreur que Drake del Castillo a signalé la présence à Madagascar d’A. capensis Thunberg qui est une espèce sud-africaine.
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Parmi les huit espèces que nous avons mentionnées, sept sont propres à la flore malgache. La huitième, A. cryptantha Steudel, se retrouve au Kivu, au Tanganiyka, sur les sommets du pays Galla et de l'Abyssinie.
En l'absence de toute révision récente du genre Alchemilla, il sera donné une description des trois seules espèces malagasy que pour diverses raisons (abondance relative, possibilités de récolte, valeur médicinale vérifiée) nous proposons d'inscrire à la Pharmacopée malagasy. On trouvera en outre une bibliographie des principaux travaux parus sur les Alchémilles de Madagascar.
Alchemilla andringitrensis R. Viguier et E. de Wildeman in Bull. Soc. Linn. Normandie (Caen), 7e sér., VI (1923), p. 100-108.
Plante herbacée ou sous-ligneuse par ses souches persistantes, stolonifère ; à stolons décombants, rappelant ceux du fraisier, atteignant plus de 10 centimètres de long, s'enracinant au niveau du jeune plant par des racines qui percent la gaine stipulaire de la feuille à l'aisselle de laquelle s'est développé le bourgeon qui donne naissance au nouveau rejet. Feuilles groupées pour une partie (feuilles basilaires) en rosette étalée sur le sol. Ces feuilles basilaires à pétiole libre atteignant 1 5 millimètres de long, velu, à poils étalés, blanchâtres, à stipules scarieuses soudées sur 3 millimètres environ avec le pétiole, formant un écran ovale-elliptique de 8 millimètres de haut, velu sur ses deux faces, cilié sur les bords, irrégulièrement denticulé sur le bord supérieur. Limbe foliaire profondément 7-lobé à lobes de 5-7 millimètres de large et 12-13 millimètres de long dans leur partie libre, denticulés sur leur pourtour, à dents aiguës terminées par un pinceau de poils blancs ; échancrures dépassant généralement le milieu du limbe sans jamais atteindre le pétiole. Feuilles des rameaux stériles à grandes stipules atteignant 17 millimètres de long et 19 millimètres de large ; à limbe également 7-lobé, le lobe médian atteignant dans sa partie libre 40 millimètres de long et 18 millimètres de large, à dents profondes sur les bords.
Inflorescences atteignant 7 centimètres de long, pourvues de grandes bractées foliacées, courtement pétiolées, 3-lobées, à lobes eux-mêmes plus ou moins profondément dentés avec des stipules profondément bilobées, denticulées sur les bords ; fleurs peu nombreuses ; chacune à l'aiselle d'une bractée, à pédicelle court de 1,5 millimètres de long environ, glabre ; calicule à 4 segments ovales-aigus, de 1 millimètre de long et 0,75 millimètre de large, parsemés ainsi que la face externe du réceptacle de poils rares, mais bien visibles ; segments du calice de 1,25 millimètres de long et 1 millimètre de large, extérieurement velus, ciliés sur les bords, glabres à l'intérieur ; la fleur ne dépasse pas 3 millimètres de diamètre quand elle est ouverte ; elle comprend 4 étamines à filet court et un (rarement 2) carpelle, à style latéral, partant de la base, grêle, long de 1,5 millimètre. Un ou deux akènes petits, noirâtres à maturité.
Espèce propre au massif de l'Andringitra (sud-Betsileo) entre 2.000 mètres d'altitude et le sommet, surtout dans les dépressions tourbeuses et les vallons humides.
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Alchemilla bifurcata Hilsenberg et Bojer d'après Baillon, Bull. Soc. Linn. Paris, I (1882), p. 342, et Drake in Grandidier, loc. cit., p. 26 et Tab. II A.
Herbe vivace à tiges rampantes à la base, puis redressées, atteignant une trentaine de centimètres de long, argentées-soyeuses ainsi que la face inférieure des feuilles et les inflorescences ; stipules linéaires-oblongues, bifides ou trifides, à segments inégaux linéaires très étroits ; feuilles sessiles palmatipartites, petites (ne dépassant pas 15 millimètres de large lorsqu'elles sont déployées), à trois divisions : la médiane étroitement oblongue, atténuée à la base, dentée-serrée sur son tiers supérieur ; les latérales biséquées comportant un segment supérieur ressemblant à la division médiane et un segment inférieur rappelant la forme des stipules. Inflorescences en grappes axillaires pauciflores, lâches, plus longues que les feuilles ; fleurs très petites à dents du calice aiguës comme les segments du calicule (voir figure 21).
Espèce de tourbières, bords des torrents et ruisseaux en Imerina et sur le versant oriental : forêt d' Andrangaloaka, Ambatolaona, La Mandraka.
Alchemilla Rutenbergii O. Hoffmann, Reliquae Rutenbergianae, in Abhandl. wisensch. Ver. Bremen, VII (1882), p. 336 ; Drake del Castillo in Grandidier, loc. cit., p. 26.
Plante herbacée, stolonifère, à tiges rampantes, faiblement argentées-soyeuses ; stipules bifides ; feuilles palmatipartites à 3 divisions : la médiane cunéiforme à la base, terminée par 5 lobes aigus ; les latérales biséquées, comprenant un segment supérieur à 3 lobes aigus et un segment inférieur bifide ; inflorescences en grappes pauciflores, à bractées bifides ; dents du calice ovales-oblongues ainsi que les segments du calicule.
Espèce des endroits humides et rocailles suintantes dans l'Ankaratra entre 1.500 mètres d'altitude et le sommet du Tsiafajavona.
Bibliographie botanique
- Drake del Castillo : Histoire Naturelle des Plantes, in Grandidier : Histoire Physique Naturelle et Politique de Madagascar, XXX (1902), Tome I (texte), p. 25-27.
- E. de Wildeman : Documents pour une monographie des Alchémilles d'Afrique : II : Sur les Alchemilla de Madagascar, Bull. Jard. Bot. de l'Etat (Bruxelles), III (1921), n° 3, p. 316-325.
- W. Rothmaller : Systematiche Vorarbeiten zu einer Monographie der Gattung Alchemilla (L.) Scop., in Fedde Repertorium (8 contributions
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de 1934 à 1939). Voir principalement pour les espèces malgaches la sixième contribution : VI : Die Gruppen der Untergattung Eualchemilla (Focke) Buser, in Fedde Repertorium XL (1936), p. 208-212.
Partie officinale
Toute la plante, racine comprise.
Composition chimique
Les Alchémilles malagasy, comme toutes les espèces du genre d'ailleurs, sont riches en tannin donnant par hydrolyse des acides ellagigue et utéique. On y a observé en outre la présence d'une quinone, de dérivés flavoniques et d'un oside triterpénique qui semble avoir quelque rapport avec le tormentoside.
Il est à souhaiter que ces travaux soient repris et complétés.
Propriétés pharmacologiques ; indications thérapeutiques
La décoction de la plante sèche (10 grammes dans 200 grammes d'eau à réduire à 100 grammes après filtration, par ébullition lente) est particulièrement efficace dans les affections gynécologiques : prurit vulvaire, règles profuses, leucorrhée, métrorragie, etc. Cette décoction est administrée en injections vaginales et en lotions externes.
On peut aussi préparer un extrait fluide de la plante. Cet extrait est employé comme la décoction à raison de une cuillérée à soupe pour 100 grammes d'eau bouillie.
On l'utilise aussi à la préparation d'une crème très efficace contre le prurit vulvaire, composée comme suit :
Grammes | |
Extrait fluide d'Alchémille | 2 |
Hydrolat de Geranium Rosat | 18 |
Lanoline | 10 |
Vaseline | 20 |
Si le prurit a une origine trophique, l'association avec un traitement hormonal est recommandée.