Polypode (Cazin 1868)
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Nom accepté : Polypodium vulgare
Polypode de chêne, — polypode commun.
FOUGÈRES. — POLYPODIÉES. Fam. nat. — CRYPTOGAME (Fougère). L.
Cette plante vivace (Pl. XXXI) se montre partout, principalement sur le pied des vieux chênes, dans les lieux pierreux, sur les montagnes ombragées, les rochers. Le polypode de chêne n'a pas plus de vertu que celui qui croît ailleurs.
Description. — Racine : souche dure, épaisse, roussâtre, ligneuse, écailleuse, horizontale, atteignant quelquefois la grosseur du petit doigt, garnie de fibres capillaires nombreuses et noirâtres. — Feuilles d'environ 20 à 30 centimètres, droites, glabres, lancéolées, portées sur de longs pétioles, divisées profondément en folioles alternes, denticulées, réunies plusieurs ensemble à leur extrémité. — La fructification a lieu pendant toute l'année au moyen de capsules ou sporanges pédicellées d'un jaune vif disposées par groupes arrondis de chaque côté de la nervure de chaque foliole, à l'exception des folioles inférieures, qui en sont la plupart privées ; quelquefois ces groupes sont tellement nombreux qu'ils deviennent confluents.
Parties usitées. — La souche ou rhizome (vulgairement racine).
Récolte. — Elle n'offre rien de particulier. La plante perd ses propriétés par la vétusté. Dans le commerce, on doit la choisir récente, bien nourrie, grosse, se cassant aisément. On la monde de ses filaments avant de s'en servir.
[Culture. — Le polypode de chêne préfère une exposition ombragée. Toutefois, il ne craint pas la sécheresse ; il demande un sol léger, sablonneux ; il se multiplie par fragmentation des rhizômes.]
Propriétés physiques et chimiques. — La racine de polypode est douceâtre, sucrée, et si on la mâche longtemps, on y découvre une légère saveur amère, acerbe et nauséeuse, surtout quand elle est sèche. Elle contient une matière extractive sucrée. Elle fournit, par l'eau, presque la moitié de son poids d'un extrait muqueux, qui passe à l'état gélatineux, en prenant de l'amertume, si l'on pousse l'ébullition. D'après Murray, l'infusion alcoolique est beaucoup plus douce que l'infusion aqueuse ; cependant Gmelin n'a pu y constater la présence du sucre. Desfosses[1] y a trouvé de la sarcocolle, de la glu, déjà reconnue par Planche en 1812, et crue une résine par Pfaff ; de l'extractif, un peu d'huile grasse, de la mannite après la fermentation ; de l'extractif, qu'on avait présumé être un principe sucré analogue à celui de la réglisse (et dans lequel Dœbereiner et Robiquet ont en effet trouvé de la glycyrrhizine) ; de l'albumine, de la chaux, de la magnésie, de l'oxyde de fer et quelques parcelles de potasse. On y a trouvé depuis de la saponine.
La racine de cette plante était très-employée chez les anciens. Les médecins grecs lui attribuaient la vertu d'évacuer la pituite et la bile. Celse la regardait comme purgative, et Galien, au contraire, comme dessiccative. Ils avaient tous les deux raison : c'est qu'en effet le polypode est astringent ou laxatif, suivant la dose à laquelle on l'administre. Dodonœus l'a vanté contre la goutte vague. Des auteurs plus récents, tels que Poissonnier, Malloin, etc., l'ont proposé contre la manie, où il a pu agir simplement comme laxatif. On l'a recommandé comme fondant, comme vermifuge, particulièrement contre les ascarides lombricoïdes. Autrefois on l'associait souvent à d'autres purgatifs. Gilibert, qui l'employait assez souvent, assure que la racine de cette plante, prise pulvérisée en décoction, à la dose de 60 gr. pour deux tasses d'eau, détermine presque toujours une purgation douce. Ce médecin dit avoir soulagé plusieurs goutteux, en leur donnant deux fois par semaine 60 gr. de polypode en poudre, divisés par doses de 8 gr. et délayés dans du bouillon. Ce remède fort simple a rendu les accès de goutte moins intenses et moins fréquents. Quelques asthmatiques s'en sont également bien trouvés. ____________________
- ↑ Journal de pharmacie, 1828, t. XIV, p. 276 et 336.
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En résumé, la souche de polypode est expectorante, faiblement astringente ou légèrement purgative, selon la dose à laquelle on l'administre. Elle n'a pas plus mérité les éloges qu'on lui a prodigués, que le dédain dont il est aujourd'hui l'objet en matière médicale.
J'ai reconnu que cette racine ne lâche le ventre que fort doucement même étant administrée à grande dose ; mais, comme elle est d'une saveur sucrée, je l'ai donnée aux enfants. Ils la prennent avec plaisir. A une dose élevée, en décoction aqueuse, soit seule, soit mêlée avec un peu de lait, elle les purge suffisamment. La thérapeutique des enfants est très-difficile ; il faut autant que possible user pour eux du précepte d'Horace : utile dulci.
La décoction de souches de polypode m'a paru n'être pas inutile dans les affections catarrhales pulmonaires. Les paysans lui reconnaissent cette propriété par tradition, et l'emploient avec succès pour se débarrasser des toux chroniques, des vieux rhumes.