Garance (Cazin 1868)

De PlantUse Français
Révision de 8 mars 2017 à 15:28 par Michel Chauvet (discussion | contributions)

(diff) ← Version précédente | Voir la version courante (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à : navigation, rechercher
Galéopside
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Genêt


[462]

Nom accepté : Rubia tinctorum


GARANCE. Rubia tinctorum.
Rubia tinctorum sativa. J. Bauh. — Rubia major sativa sive hortensis. Park.
RUBIACÉES. Fam. nat. — TÉTRANDRIE MONOGYNIE. L.


Cette plante vivace, que l'on cultive pour la teinture, est spontanée dans la Zélande, aux environs de Montpellier et de Lyon, en Suisse, etc.

Description. — Racines longues, rameuses, rampantes, articulées et rougeâtres — Tiges noueuses, faibles, tétragones, longues de 60 centimètres à 1 mètre, hérissées de petites pointes. — Feuilles sessiles, lancéolées, disposées par verticilles de quatre ou six feuilles. — Fleurs petites, jaunâtres, disposées en panicnles axillaires terminales. — Calice campanulé à cinq dents. — Corolle divisée en quatre ou cinq lobes profonds. — Cinq étamines. — Fruit composé de deux petites baies noirâtres.

Parties usitées. — La racine.

[Culture. — Une bonne garancière peut être établie aussi bien par plantation que par semis ; cette plante aime une terre légère, substantielle et fraîche, ou suscep-


[463]

tible d'irrigation, préparée par de bons labours et bien fumée ; les méthodes de culture varient selon les pays ; elle exige dans tous les cas des soins assidus.]

Récolte — On la cultive principalement dans le midi de la France, en Alsace, en Hollande et en Orient, etc. On la sèche au moyen des poêles ; en cet état, et séparée de la terre, elle est nommée alizari.

Propriétés pnysiques et chimiques. — L'odeur de cette racine est forte et sui generis ; elle a une saveur amarescente désagréable et légèrement styptique. Elle contient une matière colorante rouge, pour laquelle elle est recherchée dans les arts, et qui a la propriété de colorer en rouge les os des animaux qui en font usage pendant quelque temps. Robiquet et Collin ont isolé cette substance et lui ont donné le nom d’alizarine. Elle est sous forme de cristaux, d'un rouge orangé, inodore insipide, très-volatile et très-soluble dans l'eau.

[L’alizarine peut être représentée par C30 H8 O8. L'acide azotique faible la transforme en acide alizarique, identique, d'après Gerhardt, avec l'acide phtalique ; à la distillation sèche, il donne l'acide pyro-alizarique que Gerhardt considère comme de l'acide phtalique anhydre.

D'après Schunck, la garance contient sept substances différentes, qui sont : deux substances colorantes, l'alizarine et la rubialine ; un principe amer, la rubiane ; deux résines ; l'acide pectique, et une substance brune qui est très-probablement un produit d'oxydation.]

On administre la racine de garance en décoction (15 à 30 gr. par kilogramme d'eau), en poudre, à la dose de 1 à 4 gr. L'extrait alcoolique se donne en pilules ou dans un véhicule approprié, à la dose de 1 à 2 grammes.

La racine de garance, qui semble n'annoncer qu'une propriété légèrement tonique et astringente, a été conseillée dans l'ictère, les toux anciennes, les affections lymphatiques, le rachitis, etc. Les anciens l'ont recommandée contre les rétentions d'urine, la dysenterie, la sciatique, les flueurs blanches, les cachexies. « Quelques observations incontestables, dit Gilibert, prouvent l'utilité de la racine de garance dans le rachitis ; on en a même prescrit la décoction avec avantage contre la toux chronique, la jaunisse, la chlorose, les dartres. » Des praticiens l'ont recommandée dans le vomissement chronique, l'ischurie, les calculs de la vessie, l'hypochondrie, l'hystérie, la sciatique. On l'a aussi considérée comme emménagogue. Boerhaave faisait appliquer sur la peau des linges teints avec la garance pour soulager les goutteux !... Cette macédoine de propriétés médicinales ne suffit-elle pas pour faire naître l'incrédulité et justifier l'oubli dans lequel la garance est tombée ? La coloration des os, et des os seuls, à l'exclusion de tous les autres organes, en rouge, chez les animaux qui sont nourris avec cette plante, est le seul effet bien constaté qui résulte de son action.

(Cette singulière propriété, déjà entrevue par Antoine Mizaud[1], puis découverte par un chirurgien de Londres, Belchier, qui dînait chez un teinturier, et à qui on servit un rôti de porc frais dont les os étaient rouges, a conduit Bergius, J.-B. Boehmer et Duhamel aux remarquables expériences qui ont ouvert la voie aux études ostéogéniques. Flourens[2] a développé ces idées et multiplié les expériences. Cette propriété colorante lui a, en outre, servi à démontrer le mode de nutrition du fœtus ; des mères pleines, soumises au régime de la garance, ont été sacrifiées, et les fœtus ont été trouvés avec les os teints en rouge, preuve de la communication du sang de la mère avec celui du fœtus, par endosmose bien entendu.

Flourens a observé que la garance d'Alsace teint les os d'un rouge plus foncé que celle d'Avignon, et même que l'alizarine pure.

Pour ne rien oublier au sujet de la garance, disons que Raspail, à tort ou à raison, a préconisé la décoction de la racine contre le rachitisme et les

____________________

  1. Mem. sive arc. omnis gener, etc. Centuriæ, 1572, p. 161.
  2. Théorie expérimentale de la formation des os.


[464]

affections osseuses de nature scrofuleuse[1]. Du reste, la priorité en revient aux anciens et à Levret. Bazin[2] a fait, avec la teinture de garance, des essais infructueux contre la scrofule secondaire.)

____________________

  1. Manuel de santé, 1845.
  2. De la scrofule, p. 250.