Sureau (Cazin 1868)

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Sumac
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Tabac


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Nom accepté : Sambucus nigra


SUREAU. Sambucus nigra. L.

Sambucus fructu in umbellâ nigro. C. Bauh. — Sambucus. Dod.

Sureau noir, — sureau commun, — séu, — saoü.

CAPRIFOLIACÉES. — SAMBUCÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE TRIGYNIE. L.


Cet arbre croît naturellement dans les haies. Il se plaît dans les terrains gras et frais, etc., où il peut s'élever jusqu'à la hauteur de 6 à 9 mètres. Sa culture comme ornement a produit des variétés à feuilles découpées (S. laciniata, Mill.), panachées, à fruits verts, blancs, etc. Nous citerons encore le sureau à grappes (S. racemosa). L'ombrage du sureau est, dit-on, nuisible à cause de son odeur forte. On dit que les baies tuent les poules, et que les fleurs sont funestes aux dindons. Les bestiaux ne mangent pas les feuilles de cet arbre ; les chenilles ne les attaquent pas non plus ; aussi a-t-on conseillé, pour en préserver les fruits et les plantes oléracées qu'elles dévorent, de placer autour de ces productions des rameaux de sureau chargés de leurs feuilles et de leurs fleurs. Ces dernières, mises dans les hardes de laine, les préservent des teignes.

Description. — Racine d'un blanc jaunâtre. — Tiges droites, cylindriques, de 3 à 4 mètres et quelquefois plus, à écorce de couleur cendrée, à rameaux verdâtres, fistuleux, remplis d'une moelle très-blanche. — Feuilles pétiolées, opposées, d'un beau vert foncé, ailées avec une impaire, à cinq on sept folioles, ovales-lancéolées et dentées en scie. — Fleurs petites, blanchâtres, très-nombreuses, odorantes, disposées en corymbes terminaux et ombelliformes (juin-juillet). — Calice petit, glabre, à cinq découpures. — Corolle monopétale à cinq lobes concaves, obtus. — Cinq étamines alternant avec les lobes de la corolle et terminées chacune par une anthère jaune. — Trois stigmates sessilés. — Fruits : baies succulentes, presque globuleuses, rouges d'abord, puis noires à la maturité, contenant trois ou quatre petites graines allongées, friables.

Parties usitées. — Les fleurs, les feuilles, les baies, l'écorce intérieure des branches et celle de la racine.

Récolte. — Les fleurs doivent être récoltées vers la fin de juin, lorsqu'elles sont bien épanouies. Il faut les sécher promptement, et les placer à l'abri de l'humidité, afin qu'elles soient d'un beau blanc avec une légère teinte jaune. Quand elles sont séchées trop lentement ou exposées à l'humidité, elles contractent une couleur brune qui en diminue la qualité. Les baies se récoltent eu automne, la seconde écorce un peu avant la floraison. On obtient celle-ci en raclant légèrement avec un couteau l'épiderme gris, puis en enlevant par lambeaux l'écorce verte qui est dessous. Il faut l'employer fraîche, car la dessiccation lui fait perdre ses propriétés. Pour la seconde écorce de la racine, on prend les racines de 1 1/2 à 2 centimètres 1/2 de diamètre, comme plus succulentes ; on les dépouille du tissu cellulaire extérieur et de l'épiderme, en les frottant avec un linge rude ; on enlève ensuite toute la partie charnue pour la piler et en retirer le suc. Cette racine brunit par la dessiccation. Son odeur est à peu près celle de la racine de réglisse, sa saveur douceâtre.

[Culture. — Le sureau commun pousse partout. On s'en sert souvent pour faire des haies. On le propage de boutures, d'éclats de pied ou de drageons.]

Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — L'odeur des feuilles de sureau, lorsqu'on les froisse, est très-désagréable ; les fleurs exhalent à l'état frais une odeur nauséeuse et comme fétide pouvant incommoder les personnes qui y restent longtemps exposées. A l'état sec, leur odeur est plus faible et moins désagréable ; leur saveur est amère. Elles contiennent, d'après Eliason[1], de l'huile volatile, du soufre, du gluten, de l'albumine végétale, de la résine, un principe

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  1. Neues Journal der Pharmacie.


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astringent, de l'extractif azoté, de l'extractif oxydé, quelques sels de chaux et de potasse. Suivant Gleitzmann, l'eau de fleurs de sureau contient beaucoup d'ammonianue, et elle précipite abondamment le bichlorure de mercure et l'acétate de plomb. Ces fleurs, fermentées avec le vin, donnent à ce dernier une odeur de muscat très-agréable ; les marchands de vin s'en servent pour fabriquer du vin de Frontignan. On s'en sert aussi pour parfumer le vinaigre.

Les baies de sureau, appelées grana actes par les anciens, renferment un suc d'un rouge noir, d'un goût acidulé sucré qui colore la salive, et qui, frais, teint le papier en rouge violet. Ce papier teint, exposé à la vapeur de matières animales en putréfaction, se colore en bleu, d'après Chevallier ; il revient à la couleur rouge qui se nuance suivant les acides auxquels on le soumet, ce qui permet de les distinguer. En Angleterre, on prépare une sorte de vin avec les baies de sureau, que Thomson[1] dit être épais et narcotique, et dont on retire près du dixième d'alcool. Ces baies servent à la teinture des peaux en violet ; on en teint les cheveux, ce que l'on faisait déjà du temps de Pline, les oiseleurs tirent un grand parti de ces baies, pour attirer et prendre dans des filets les oiseaux, qui en sont très-friands.

Les semences du sureau contiennent de l'huile grasse, que l'on peut extraire par ébullition dans l'eau, à la surface de laquelle on la recueille.

La seconde écorce de sureau, qui est la partie usitée en médecine, a d'abord une saveur douceâtre, puis acre et nauséeuse. Kramer[2] a trouvé dans cette écorce : de l'acide valérianique, des traces d'une huile volatile, de l'albumine végétale, une résine, un corps gras acide contenant du soufre, de la cire, de la chlorophylle, de l'acide tannique, du sucre de raisin, de la gomme, une matière extractive, de l'amidon, de la pectine, du malate de potasse, du sulfate de potasse, du chlorure de potassium, du phosphate de chaux, de la magnésie, de l'acide silicique et de l'oxyde de fer.

Le bois du sureau est cassant, creux dans les jeunes tiges, qui sont remplies d'une moelle légère, blanche, spongieuse, appelée médulline ; le pied et les parties dures servent à faire des peignes, des boîtes, etc., qui ont la couleur et presque la dureté des ouvrages en bois de buis.

Substances incompatibles. — Le deutochlorure de mercure, l'acétate de plomb.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Décoction comme purgatif (20 à 30 gr. de liber, de baies ou de feuilles par 500 gr. d'eau), à prendre à jeun en deux ou trois fois à une demi-heure ou une heure d'intervalle.
Suc de l'écorce moyenne, 15 à 100 gr., seul ou mêlé à du vin blanc.
Vin (150 gr. d'écorce intérieure pour 1 kilogr. de vin blanc, vingt-quatre à quarante-huit heures d'infusion), 60 à 100 gr. et plus.
Infusion théiforme des fleurs sèches, comme sudorifique (2 à 10 gr., et plus, par kilogramme d'eau) , à prendre par tasses chaudes.
Eau distillée des fleurs, de 50 à 150 gr., en

potion et comme véhicule de médicaments analogues.
Extrait ou rob, 10 à 60 gr., comme sudorifique, quelquefois comme laxatif.

A L'EXTÉRIEUR. — Fleurs en infusion, pour fomentations, lotions, etc., ou en sachet ; décoction de l'écorce ou des feuilles comme résolutif, etc.
Les différentes parties du sureau entraient dans la composition de plusieurs médicaments officinaux : les fleurs dans l'eau générale, les feuilles dans l'onguent martial, les baies dans l'eau hystérique, etc., préparations tombées dans un oubli mérité.


Les propriétés thérapeutiques du sureau sont analogues à celles de l'hièble.

La seconde écorce de sureau est la partie de la plante qui a le plus d'énergie à l'état frais. Son action sur les voies digestives se manifeste quelquefois par des vomissements, ordinairement par des selles abondantes. On a vu la violence de cette action, après l'ingestion d'une forte dose, produire des accidents et surtout un état de débilité et de somnolence qu'on a attribué à la vertu narcotique de cette plante, et qu'on peut regarder aussi comme l'effet de la concentration de la vitalité sur le tube gastro-intestinal.

La propriété purgative de cette écorce est vulgairement connue depuis longtemps. Tragus l'employait en décoction dans le vin. Dodoens et Petrus Forestus parlent des propriétés hydragogues de son suc. Suivant Boerhaave,

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  1. Botanique du droguiste, p. 371.
  2. Journal de pharmacie du Midi.


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le suc de l'écorce moyenne de sureau, surtout celui de la racine, administré à la dose de 4 à 15 gr., est le meilleur de tous les hydragogues. Gaubius le préconise aussi contre les épanchements séreux. Sydenham donnait cette écorce en décoction dans l'eau et le lait (Voyez ci-dessus : Préparations pharmaceutiques). Mais il avertit que ce remède ne guérit l'hydropisie qu'en purgeant par haut et par bas, et non point par une vertu spécifique. Martin Solon[1] donnait le suc exprimé de l'écorce de la racine à la dose de 15 à 60 gr. chaque jour, jusqu'à l'évacuation entière des eaux de l'abdomen. Ce médicament procure des selles liquides, faciles, et dont l'effet est terminé, dit-il, au bout de huit à dix heures sans vomissement ni fatigue. Il a vu des cas non équivoques d'ascite guéris par ce moyen, qu'il préférait aux autres hydragogues. Toutefois, il ne peut convenir que lorsqu'il n'existe aucune irritation phlegmasique des viscères abdominaux. D'autres médecins, tels que Réveillé-Parise, Bergé, Hospital, Mallet, ont employé le suc de l'écorce de la racine de sureau et en ont obtenu de bons résultats. Les donneurs de recettes, dans nos villages, conseillent contre l'hydropisie 30 à 90 gr. de suc de l'écorce intérieure du sureau, sur lequel ils font traire une pareille quantité de lait de vache, en rapprochant l'animal le plus près possible du malade, afin qu'il puisse avaler ce mélange immédiatement et encore chaud. On met deux jours d'intervalle entre chaque dose, qui, en effet, est assez élevée pour exiger ce ménagement. J'administre ordinairement 32 gr. d'écorce moyenne fraîche de sureau en décoction dans un 1/2 litre d'eau, à laquelle j'ajoute autant de lait ; le malade prend cette dose le matin en trois ou quatre fois. Le vin de sureau m'a réussi dans un grand nombre de cas d'hydropisie. Je le donne à la dose de 60 gr. le premier jour, et j'augmente graduellement jusqu'à 300 gr., en consultant toutefois l'état de l'estomac. Ces moyens m'ont réussi dans l'anasarque. Les premiers effets se manifestent par la diurèse ; les évacuations alvines n'ont lieu que lorsqu'on est arrivé à une dose assez élevée. J'ai vu employer aussi avec avantage le suc de l'écorce moyenne de sureau mêlé avec le vin blanc. La décoction Vandeberg, préparée avec cette écorce, les baies et le rob de genévrier, m'a été utile comme puissant diurétique, dans les infiltrations séreuses qui suivent les fièvres intermittentes et dans l'anasarque.

Borgetti d'Ivrée[2] a employé la seconde écorce de sureau dans l'épilepsie, d'après le récit de quelques heureux succès obtenus par une personne étrangère à la médecine. On prend 50 gr. de la seconde écorce des branches d'un ou de deux ans ; on verse dessus 150 gr. d'eau commune, chaude ou froide ; on laisse infuser quarante-huit heures, on passe à travers un linge, en exprimant légèrement ; à prendre à jeun par moitié, à un quart d'heure d'intervalle. On revient au même médicament tous les six, ou, au plus, tous les huit jours, et cela dans l'espace de deux mois. Si alors les accès d'épilepsie sont aussi intenses et aussi fréquents, il y a lieu de croire, dit Borgetti, qu'ils sont sympathiques d'une autre affection, ou entretenus par quelque vice organique congénital ou acquis. Ce médicament produit, du reste, ses effets ordinaires chez les malades : vomissements, évacuations alvines répétées, vertiges ; mais ces symptômes n'ont jamais entravé la continuation du traitement.

La seconde écorce de sureau a été employée en décoction et en cataplasme comme résolutif et détersif. Une religieuse m'a assuré avoir toujours traité la teigne avec succès au moyen d'une pommade faite avec cette écorce fraîche pilée et bouillie dans l'axonge. Elle étendait cette pommade sur des feuilles de bardane qu'elle appliquait tous les matins sur la tête après avoir mis à nu le cuir chevelu au moyen de cataplasmes émollients, et regardait

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  1. Dictionnaire des dictionnaires de médecine, t. VII, 330.
  2. Gaz. med. Sarda et Bulletin général de thérapeutique, 1854.


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comme très-important le soin de préserver de l'action de l'air les parties affectées.

La seconde écorce de sureau bouillie dans l'huile d'olive avec un peu d'eau, jusqu'à consomption de cette dernière, en mêlant à la colature quantité suffisante de cire, forme un onguent qui, appliqué sur les vésicatoires, en calme promptement l'irritation et la douleur. Ce topique m'a constamment réussi : il entretient doucement la suppuration, et convient chez les personnes irritables. On en favorise l'effet au moyen du taffetas gommé placé entre deux linges.

Les feuilles de sureau ont des propriétés analogues à celles de la seconde écorce. Elles sont laxatives, purgatives et diurétiques quand elles sont fraîches. Hippocrate en faisait usage dans l'hydropisie. Wauters dit que les paysans flamands emploient souvent, pour se purger, une décoction préparée avec le lait de beurre et les feuilles tendres de sureau. Selon Burtin[1] on les mange en salade dans les campagnes des environs de Bruxelles, pour obtenir le même effet. Radcliff, au rapport de Haller, se servait souvent de la décoction des jeunes tiges de sureau pour combattre l'hydropisie (32 gr. par kilogr. d'eau, avec addition d'un peu de semence de carotte).

Les feuilles fraîches et les jeunes pousses du sureau, frites dans du beurre frais ou broyées avec du miel, sont vulgairement employées comme laxatives dans la constipation ; c'est un excellent moyen, il m'a réussi chez les vieillards atteints de constipation par inertie des intestins. Ces mêmes sommités de sureau, infusées dans du petit-lait bouillant, agissent comme diurétiques, et conviennent dans les hydropisies, certains ictères, les engorgements atoniques des viscères abdominaux, la néphrite chronique, la gravelle, etc.

J'ai vu employer avec succès, contre les diarrhées et les dysenteries chroniques, les feuilles de sureau récoltées au commencement de la floraison, séchées à l'ombre, pulvérisées, et infusées à la dose de 1 à 2 gr. pendant douze à quinze heures dans 120 gr. de vin blanc, que l'on administrait chaque matin jusqu'à guérison. Ce remède, que je tiens d'une dame charitable, m'a réussi dans trois cas de diarrhée chronique, dont l'un durait depuis six mois et avait résisté à l'emploi de tous les moyens rationnellement indiqués. La poudre de feuilles de sureau, donnée à petite dose, aurait-elle sur la muqueuse gastro-intestinale une action analogue à celle de l'ipécacuanha?

Les feuilles fraîches passent pour avoir la propriété de calmer les douleurs des hémorrhoïdes sur lesquelles on les applique. J'ai vu des paysans les employer en suppositoire, broyées avec l'huile d'olive ou d'oeillette, et en éprouver du soulagement. Rudolphi cite un exemple de succès dans un cas semblable. Je les ai employées une fois en pareil cas, sans en retirer un avantage appréciable : la décoction de jusquiame dans le lait m'a mieux réussi. Vallez a publié, dans le Journal de médecine de Bruxelles, une note sur la composition d'un onguent destiné à arrêter le flux de sang trop abondant fourni par les veines hémorrhoïdales. Ayant eu plusieurs fois, dit-il, occasion de mettre en usage l'onguent résultant de la combinaison ci-dessous décrite, chez des personnes atteintes d'hémorrhoïdes fluentes, nous avons toujours observé que son application avait les résultats les plus heureux. Voici la formule : Extrait de feuilles de sureau, 4 gr. ; alun calciné, 2 gr. ; onguent populeum, 16 gr. ; mêlez. On doit en oindre l'anus quatre fois par jour, à trois heures d'intervalle, avec gros comme une noisette chaque fois. S'il y a de la constipation, il est prudent d'ordonner un léger purgatif préalablement. Par ce moyen, la spongiosité du tissu muqueux, le grand nombre de vaisseaux sanguins qui sillonnent en tous sens la face interne du

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  1. Mémoire couronné en 1783 par l'Acad. des sciences de Bruxelles, p. 107. Bruxelles, 1784.


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rectum, se densifient, se resserrent, et les ouvertures qui livraient passage à la perte de sang se cicatrisent si immédiatement qu'elles résistent dans la suite aux efforts de la défécation. (Mais, ici, la plus grande part d'action ne revient-elle pas à l'alun.)

Lorsqu'il est question de tumeurs hémorrhoïdales, c'est-à-dire d'hémorrhoïdes sèches, on se trouve très-bien, suivant Vallez, d'un topique composé de feuilles de sureau et de persil à demi cuit en application immédiate ; si ces tumeurs passent à l'état d'hémorrhoïdes fluentes, on aura recours au moyen précité.

Le praticien prudent appréciera les cas où l'on peut, sans danger, employer les moyens proposés par Vallez ; il n'oubliera pas que les hémorrhoïdes sont au nombre des maladies qu'il est souvent dangereux de guérir.

Les fleurs de sureau fraîches ont jusqu'à un certain point la vertu purgative de l'écorce moyenne et des feuilles. Sèches, elles sont diaphorétiques, et leur action sur le système cutané est indépendante de la température de l'eau qui leur sert de véhicule ; elle agissent à froid, mais l'infusion chaude favorise cet effet. J'en fais un grand usage dans le rhumatisme, les affections catarrhales, et lorsque, dans la variole et la rougeole, l'éruption languit par atonie, ainsi que dans les cas de rétrocession subite de ces exanthèmes. Une forte infusion de sureau et un pédiluve chaud ont rappelé, chez un enfant de dix ans, l'éruption d'une rougeole dont la rétrocession, causée par l'eau froide en boisson, avait donné lieu à une oppression alarmante. J'ai vu des campagnards faire avorter la bronchite, l'angine, la pleurésie et même la pneumonie, par une transpiration provoquée au moyen d'une forte infusion de fleurs de sureau prise abondamment. Lorsque, dans la dernière période des phlegmasies muqueuses, le pouls devient mou, la peau souple, la diaphorèse, favorisée par l'infusion de fleurs de sureau, est très-avantageuse.

Lorsque j'étais attaché, en 1806, comme chirurgien sous-aide à l'hôpital militaire n° 3 de Boulogne, je suivais le service des fiévreux, partagé entre les docteurs Liénard et Demont. Le premier, médecin de l'ancienne Faculté, traitait les fièvres qu'il qualifiait de putrides, de putrides-malignes, par quelques laxatifs au début, et l'infusion de fleurs de sureau nitrée et acidulée prise en abondance pendant tout le cours de la maladie. Le second, médecin de l'école de Pinel, donnait dans la première période de ces fièvres, qu'il désignait sous les dénominations d'adynamiques, d'ataxo-adynamiques, le vomitif et les laxatifs acidulés et stibiés ; dans la période caractérisant l'adynamie et l'ataxie, l'eau vineuse, la décoction de quinquina, la potion antiseptique de la pharmacopée des hôpitaux (décoction de quinquina, 128gr. ; teinture alcoolique de cannelle, 8gr. ; acétate d'ammoniaque, 8 gr. ; sirop d'œillet, 32 gr.), et les vésicatoires successivement appliqués et entretenus à la nuque, aux jambes et aux cuisses. La mortalité n'était pas plus grande d'un côté que de l'autre, et les deux médecins attribuaient leurs succès à la médication, sans se douter le moins du monde des efforts de cette bonne nature, qui guérit souvent quand même...

Hévin[1] faisait usage de vapeur chaude de vinaigre de sureau pour favoriser la résolution de l'amygdalite, après avoir calmé la véhémence de l'inflammation. Lorsque, dans la phthisie pulmonaire, les crachats sont très-visqueux et difficiles à détacher, on fait respirer, dit Hufeland, des vapeurs de fleurs de sureau bouillies dans l'eau et le vinaigre.

Je fais un fréquent emploi de l'infusion de fleurs de sureau sèches dans l'érysipèle, que je couvre de compresses imbibées de cette infusion tiède. Quoi qu'en disent les partisans des onctions d'onguent mercuriel, des vésicatoires, du collodium, etc., je me trouve fort bien de ces fomentations ; en calmant les douleurs et l'ardeur qui caractérisent cette affection, elles en

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  1. Pathologie et thérapeutique chirurgicales, t. I, p. 124.


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favorisent graduellement la résolution. On sait d'ailleurs, que l'érysipèle est presque toujours sous la dépendance d'un état inflammatoire ou bilieux qu'il faut avant tout combattre par les moyens appropriés. Je dois faire remarquer que l'infusion de fleurs de sureau fraîches est trop active, appliquée sur l'érysipèle ; elle peut augmenter l'inflammation au lieu de la diminuer ; mais elle convient beaucoup mieux contre les engorgements œdémateux, les tumeurs froides, etc. En y ajoutant un peu d'acétate de plomb liquide, on en fait un excellent résolutif. J'emploie alors indifféremment les feuilles ou les fleurs récemment cueillies. Canquoin m'a dit avoir toujours employé avec succès, après les amputations et les ablations de tumeurs, pour prévenir l'érysipèle traumatique, l'infusion de fleurs de sureau aluminée (30 à 45 gr d'alun sur 1 litre d'infusion). Les fleurs de sureau ont été considérées comme antiseptiques. « Le savant naturaliste et chirurgien Hoffmann de Maestricht, dit Burtin, m'a assuré les avoir employées plus de cent fois contre la gangrène avec le succès le plus heureux et avec un effet beaucoup plus certain que celui du quinquina même, en les faisant infuser pendant quelque temps dans de la forte bière brune presque bouillante, et en enveloppant, aussi chaudement que possible, toute la partie malade d'un bon pouce d'épaisseur. Burtin ajoute que ce remède s'est également montré efficace entre ses mains, dans deux cas de gangrène que le quinquina et le cataplasme de la pharmacopée de Vienne n'avaient pu guérir[1].

Les baies de sureau sont purgatives. Hippocrate les employait comme drastiques dans l'hydropisie. Les campagnards les prennent en teinture dans du genièvre (60 à 100 gr. fraîches par litre), à la dose de 45 à 30 gr. trois fois par jour, comme diurétique et purgatif, contre le même état pathologique. Les médecins emploient le rob qu'on en prépare comme sudorifique, dans le rhumatisme, dans les rétrocessions exanthémateuses, la syphilis constitutionnelle. 11 faut, pour en obtenir des effets marqués, le donner à grande dose. Les semences sont regardées comme laxatives ; l'huile qu'elles fournissent est, suivant Ettmuller, un éméto-cathartique excellent, à la dose de quelques gouttes à 4 gr.

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  1. Mémoire couronné par l'Académie de Bruxelles, 1783, p. 168.