Pins et sapins (Cazin 1868)

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Pimprenelle
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Pissenlit


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PINS ET SAPINS. Pini et abietes.
CONIFÈRES. — ABIÉTINÉES. Fam. nat. — MONŒCIE MONADELPHIE. L.


Les pins et les sapins fournissent à l'économie domestique, aux arts et à la médecine, de grandes ressources.

PINS (Pini). — Grands et beaux arbres croissant spontanément, ou cultivés dans plusieurs départements de la France.

Description. — Tronc bien droit, simple, s'élevant parfois à plus de 30 m, revêtu d'une écorce mucilagineuse. — Feuilles toujours vertes, ordinairement engaînées à la base par deux à cinq, filiformes, glauques, fermes. — Fleurs monoïques. - Chatons mâles oblongs, ramassés en grappes terminales, dont le pollen est si abondant qu'il se répand parfois au loin, porté par les vents, ce qui a fait croire à des pluies de soufre ; deux anthères à une loge. — Chatons femelles simples, composes d'écailles imbriquées, pointues, colorées ; deux noix osseuses ou testacées, monospermes, recouvertes d'une membrane qui se prolonge en forme d'aile.


Pin pignon

Nom accepté : Pinus pinea


PIN A PIGNON ou CULTIVÉ, PIN PINIER, PIN DE PIERRE, PIN D'ITAUE. (Pinus


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pinea, L. ; Pinus sativa, C. Bauh., Tourn.) — Cette espèce, d'un port très-élégant, croît spontanément en Barbarie, en Espagne, en Italie, dans les départements méridionaux de la France (entre Marseille et Saint-Tropez, Languedoc, Pyrénées-Orientales), et peut vivre en pleine terre sous le climat de Paris.

Description. — Tronc droit, à écorce raboteuse et grise ou brun-rougeâtre, se divisant à la partie supérieure en beaucoup de branches étalées. — Feuilles solitaires et courtes jusqu'à deux ou trois ans, puis réunies deux à deux, et alors éparses, longues, étroites, pointues, fermes, d'un vert un peu glauque, formant touffe aux extrémités des rameaux. — Fleurs en mai. — Cônes gros, arrondis ou pyramidaux, rougeâtres, à écailles épaisses, émoussées et très-larges au sommet, mettant souvent plusieurs années à mûrir ; renfermant des amandes blanches, huileuses, d'une saveur douce comme celle de noisette (pignons doux).

Récolte. — Pour recueillir ces fruits on étend les cônes à terre sur des toiles. On choisit le commencement du printemps, et le temps qui préeède le lever du soleil. Au bout de peu de jours, les écailles s'ouvrent par la chaleur, et en secouant un peu les pignons sortent. Les meilleurs pignons nous viennent de la Provence, du Languedoc et de la Catalogne.

Usages. — Les pignons doux, que l'on mange en Italie et en Provence, sont d'une saveur agréable. Ils contiennent beaucoup de fécule et une huile douce qui rancit facilement. Ils sont émulsifs et peuvent remplacer les amandes douces. On les confit au sucre ; on en fait des dragées, des pralines, des crèmes. Le bois fournit une résine odorante et balsamique. On connaît ses usages dans la charpenterie, la menuiserie, etc.


Pin sylvestre

Nom accepté : Pinus sylvestris


PIN SAUVAGE, PIN COMMUN, PIN DE GENÈVE, PIN DE RUSSIE, PINÉASTRE. (Pinus sylvestris, L.; Pinus sylvestris vulgaris Genovensis, J. Bauh., Tourn.) — Cet arbre forme, dans une grande partie de la France, de vastes forêts, où il s'élève à la hauteur de 25 à 30 mètres. Il se plaît dans tous les climats ; il vient dans les plus mauvais terrains, et on peut le cultiver dans les lieux qui semblaient être condamnés à une aridité éternelle.

Description. — Tronc nu, droit, élancé, rameux à son sommet ; jeunes pousses verdâtres. — Feuilles dures, longues d'environ 5 centimètres, étroites, courbées en gouttière, pointues, d'un vert un peu bleuâtre, renfermées deux à deux dans une gaîne courte et cylindrique, munies d'une écaille roussâtre à leur base. — Chatons des fleurs mâles, roussâtres, disposées en grappes droites ; fleurs femelles, formant des chatons ovoïdes, d'un rouge sombre. — Cônes courts, pointus, pendants vers la terre, simples ou géminés, à écailles prismatiques, épaisses, obtuses, ligneuses, d'un gris cendré, amincies à leur base, ombiliquées à leur sommet.

Usages. — Le pin sauvage est celui dont on obtient le plus de produits. On en exploite le bois en quantité énorme, soit pour la construction des navires, soit pour la charpente des bâtiments, la menuiserie, etc., après en avoir retiré la résine. Il fournit beaucoup de térébenthine, du goudron, du brai sec, du galipot, etc. L'écorce intérieure, renfermant un principe nutritif, sert de nourriture aux Lapons, qui en font du pain ; tandis que l'écorce extérieure est rugueuse, boursouflée et si légère qu'elle peut remplacer le liège pour les filets de pêche.


Pin maritime

Nom accepté : Pinus maritima


PIN MARITIME, PIN DE BORDEAUX. (Pinus maritima, Mell., Poïr, Duham.) - Cette espèce vient spontanément dans les terrains sablonneux des provinces méridionales. Ce pin abonde aux deux extrémités de la chaîne des Pyrénées, et dans les landes de Bordeaux, où on appelle pignada les forêts exclusivement composées de cet arbre. Il s'élève à plus de 30 mètres de hauteur. On le cultive en grand aux environs de Bordeaux, dans le Maine, dans la Sologne, dans la Bretagne, etc. Dans le nord de la France, on doit craindre qu'il ne soit endommagé par la gelée lorsque les hivers sont rigoureux.

Description. — Tronc droit, revêtu d'une écorce lisse, grisâtre ; rameaux étalés ; jeunes pousses un peu rouges. — Feuilles linéaires, longues de 8 à 10 centimètres, fermes, épaisses, lisses, d'un vert foncé, réunies deux à deux dans une gaîne. — Cônes d'une grosseur médiocre, allongés, élargis à leur base, d'un jaune luisant, portés sur des


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pédoncules courts, ligneux, tenant fortement aux branches et recourbés en dehors, souvent opposés deux à deux ; écailles dont le sommet est pointu, terminé en mamelon.

Usages. — Le pin maritime fournit une grande quantité de résine pendant toute la belle saison (térébenthine de Bordeaux). Le suc résineux qui coule dans les auges par les incisions qu'on a pratiquées sur le tronc, se nomme galipot ; celui qui se fige et se dessèche le long des blessures de l'arbre s'appelle barras ou gemme.


Pin mugho

Nom accepté : Pinus mugo


PIN MUGHO, PIN DE BRIANÇON, TORCHE-PIN. (Pinus mugho, Poïr; Pinus mughus, Jacq, Weld, Murr.) — Il croît sur les montagnes de la Suisse, du Dauphiné, etc., et est voisin du pin sauvage. Ordinairement bas et rabougri, il s'élève quelquefois.

Usages. — Ce pin donne une résine très-odorante qui imite le baume du Pérou.


Mélèze

Nom accepté : Larix decidua


PIN-MÉLÈZE, MÉLÈZE. (Larix Europæa, Desf.) — Il croît sur les parties élevées des Alpes. On le cultive dans toutes les autres parties de la France comme arbre d'ornement. Il peut atteindre 25 mètres d'élévation. Il est le seul des arbres verts qui perde ses feuilles l'hiver. C'est sur cet arbre que croît surtout l'agaric blanc (boletus laricis). (Voyez ce mot.)

Il suinte des blessures du tronc de cette espèce une grande quantité de résine contenue entre le bois et l'écorce. Cette résine est connue sous le nom de térébenthine de Briançon ou de Venise. La manne de Briançon (suc mielleux exhalé des feuilles et qui se durcit et forme une espèce de manne) provient aussi du mélèze.


SAPINS (abietes). — Ces arbres appartiennent à un genre démembré du genre pinus de Linné, dont il se rapproche beaucoup.

Ces deux genres offrent les différences suivantes : les pins ont une tête touffue, les sapins ont une forme pyramidale. — Les feuilles des pins sont géminées ou fasciculées, celles des sapins sont solitaires. — Les chalons mâles des sapins sont axillaires, simples, et leurs cônes ont des écailles planes, minces, non renflés à leur sommet comme dans les pins.


Sapin

Nom accepté : Abies alba


SAPIN ARGENTÉ, SAPIN COMMUN. (Pinus picea, L. ; Abies pectinata, Decand. ; Abies taxifolia, Desp. ; Abies vulgaris, Poïr ; Abies taxifolia fructu sursum spectante.) — Ce bel arbre croît naturellement dans les Pyrénées, dans les Alpes, dans les Vosges, etc. Il s'élève à la hauteur de plus de 30 mètres. On le plante dans les parcs et les jardins anglais.

Description. — Tronc nu, cylindrique, blanchâtre, garni supérieurement de branches horizontales disposées en pyramide régulière ; rameaux opposés, verticillés, jaunâtres. — Feuilles solitaires, planes, presque linéaires, obtuses ou échancrées à leur sommet, coriaces, luisantes et d'un vert foncé en dessus, d'un blanc argenté en dessous, très-rapprochées, et déjetées de côté et d'autre sur deux rangs. — Fleurs en chatons simples, solitaires ; les uns mâles, solitaires, effilés ; les autres femelles, presque cylindriques, souvent d'un rouge vif. — Cônes allongés, obtus, assez gros, et redressés vers le ciel, à écailles très-larges, entières, et à bractée dorsale allongée. — Les écailles se détachent de l'axe après la maturité des graines.

Usages. — On retire de cette espèce de sapin la térébenthine dite de Strasbourg, et toutes les préparations que cette dernière fournit, comme l'essence de térébenthine, la colophane, la poix, etc. Les bourgeons de ce sapin sont usités en médecine ; on les trouve dans la droguerie sous forme verticillée, autour d'un bourgeon principal formé d'écailles roussâtres, résineuses, longues de 20 à 30 centimètres ; ils viennent de la Russie. On leur substitue sans inconvénient les bourgeons d'espèces congénères ou de genres voisins de la même famille.


Epicéa

Nom accepté : Picea abies


SAPIN EPICEA ou EPICIA, SAPIN PESSE, FAUX SAPIN, SAPIN ÉLEVÉ. (Pinus Picea, Lin.; Abies excelsa, Decand. ; Abies picea, Abies tenuiore folio deorsum inflexo, Tourn.) — Le sapin epicia, arbre d'une grande hauteur et d'une verdure sombre, croît en forêt dans les Alpes, dans les Pyrénées, en Auvergne, etc.

Description. — Tronc de 30 mètres de hauteur, se terminant par une belle


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tête pyramidale ; rameaux opposés, un peu inclinés. — Feuilles courtes, anguleuses, aiguës, linéaires, très-rapprochées. — Cônes allongés, plus ou moins gros, pendants, composés d'écailles ovales, planes, imbriquées, très-minces à leurs bords, obtuses et rougeâtres.

Usages. — C'est de cet arbre que coule la poix blanche ou poix de Bourgogne.

[Parties usitées. — Les bourgeons, les feuilles, les fruits ou cônes, les résines et leurs dérivés, le goudron et ses dérivés, etc.

Culture. - Les pins et les sapins se cultivent à peu près de la même manière. On les multiplie par semis faits à la volée, en ligne, à la charrue ou à la canne, c'est-à-dire à l'aide d'une canne creuse pleine de graines, qui en laisse échapper une toutes les fois qu'on la pose en terre. Cette méthode est peu usitée ; le plus souvent, on mélange de la graine de genêt à celle du pin, pour que la première donne de jeunes plants qui protègent les petits arbres dans leur jeune âge ; on éclaircit à deux ans, à cinq ans, à dix ans, à vingt ans, de manière à ce qu'à cette époque il ne reste environ que deux cents pins par hectare; l'éclaircissage s'opère de deux manières : tantôt on coupe les arbres au pied, tantôt on les saigne à ruine, c'est-à-dire qu'on les incise sur toutes les faces, de manière à en obtenir le plus de résine possible ; puis on les coupe. Dans tous les cas,on opère sur les sujets les plus rapprochés, les moins vigoureux, les plus déformés.

Il nous est impossible d'étudier ici d'une manière complète tous les produits que donnent les pins et sapins aux arts, à l'industrie et à la thérapeutique. (Nous accorderons une place à la térébenthine, à l'essence de térébenthine, au goudron, à la créosote, à l'acide phénique ; nous ferons ici une simple énumération et nous dirons quelques mots des produits les plus importants.


PRODUITS DU PIN MARITIME ET DES SAPINS ET LEURS DERIVES.

Pins de cinq à dix ans. — Bourrées pour chauffage, baliveaux façonnés pour charronnage, lattes, palissades, sujets pour transplantation.

Pins de dix à quinze ans. — Tuteurs, échalas, gemme, quand on saigne à ruine pour opérer l'éclaircissage.

Pins de quinze à vingt-cinq ans. — Poteaux pour le télégraphe électrique, carcassonnes pour vignes, et gemme lorsqu'on veut éclaircir.

Pins de vingt-cinq ans et plus.


Gemme.
Barras.
Galipot.
Pâte de térébenthine. Essence de térébenthine. Vernis.
Peinture.
Médicament.
Sève de pin. Arcanson.
Colophane.
Brai sec.
Brai gras.
Résine jaune.
Poix blanche.
Poix noire.
Noir de fumée.
Médicaments.
Vernis.
Bougies.
Allumettes.
Cire à cacheter.
Collage du papier.
Savons de résine.
Huiles pyrogénées, lourdes, légères, employées à l'éclairage.
Naphtaline.
Eupione.
Paraffine.
Gaz pour l'éclairage, etc.


Pins épuisés de résine et souches de pin vert toscan de cent ans et plus. — Bois de construction, pilotis, traverses de chemin de fer, planches, douvelles pour barriques, meubles, bois à brûler, charbon, vinaigre de bois, goudron, créosote, benzine.

Fruits du pin, cônes ou pignes. — Combustible, graines pour les volailles.

Feuilles du pin. — Laine végétale ou laine des forêts, étoffes et matelas en laine de pin, matières résineuses, essences.

Récolte. - La récolte de la résine est faite par les gemmiers ou résiniers, lorsque les arbres ont atteint vingt-cinq ans. On fait des entailles à la base de l'arbre ; on les rafraîchit tous les quinze jours environ, en les relevant peu à peu jusqu'à une hauteur de 3 à 4 mètres ; on recueille la résine par deux systèmes : l'ancien, qui consiste à pra-


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tiquer un trou à la base de l'arbre, dans le tronc et dans la terre ; le nouveau, ou système Hugues, dans lequel la résine est reçue dans des vases en terre que l'on place à l'aide d'un crochet, à différentes hauteurs sur l'arbre. On saigne successivement ainsi l'arbre sur les quatre faces, jusqu'à ce que le pin cesse de produire de la résine ; les entailles portent le nom de quarre ou carre.

Propriétés physiques et chimiques. — Le barras ou galipot entre dans certaines préparations pour usage externe, telles que onguents, emplâtres, etc. fondus au soleil ou à une douce chaleur ; ils constituent, après filtration, la pâte de térébenthine ou térébenthine de Bordeaux. Par distillation, il donne divers produits : 1° essence de térébenthine ; 2° la colophane ou arcanson, qui est employée en poudre comme hémostatique, et qui entre également dans un grand nombre d'onguents ; elle porte aussi le nom de brai sec.

La résine jaune ou poix-résine est la colophane fondue et fortement brassée avec de l'eau. Ce mélange, additionné d'eau et malaxé, sert à préparer la poix blanche.

La poix noire s'obtient dans les forêts en brûlant les copeaux de pin, les filtres de paille qui ont servi à purifier la térébenthine. On pratique aussi une sorte de distillation per descensum, et qu'on opère de la sorte sur de vieilles souches de pin. On obtient le goudron, qui est surnagé par une huile noire que l'on vend pour l’huile de cade, quoique la véritable soit obtenue par distillation sèche du Juniperus oxycedrus. (Voyez ce mot.)

La paraffine est une matière blanche solide, fondant vers 50 degrés, présentant l'aspect du blanc de baleine, composée d'hydrogène et de carbone, qui est très-employée pour la fabrication des bougies et pour la préparation des pommades, cold cream, etc., en parfumerie et en pharmacie ; elle est extraite du goudron. (Voyez ce mot.)


La CRÉOSOTE est un mélange de divers produits empyreumatiques extraits du goudron de bois, dans lequel domine l'acide phénique. La créosote est liquide, incolore, transparente, d'une odeur infecte, d'une saveur âcre, brûlante, caustique. Sa densité est de 1.037 ; elle bout vers 187 degrés ; elle est un peu soluble dans l'eau. Sa solution étendue conserve les matières animales.

L'ACIDE PHÉNIQUE, alcool phénique, hydrate de phényle, phénol, acide carboliqne = C12 H5 O, HO, est extrait de l'huile de goudron, est blanc, fusible à 35° C, soluble en toute proportion dans l'alcool et l'éther. Sa densilé à + 18° est 1065 ; il bout à 188 degrés ; il brûle avec une flamme fuligineuse ; il dissout le soufre, le brome et l'iode ; il prévient la putréfaction ; il coagule l'albumine, détruit les membranes organiques ; il est employé en dissolution dans l'alcool au centième.

La COLOPHANE est un mélange de trois acides isomériques que Laurent a nommés acides picrique, pimarique et sylvique, qui sont composés de C4O H29 O3, HO.

La colophane soumise à la distillation sèche produit quatre carbures d'hydrogène qui ont été étudiés par Pelletier et Waller ; ce sont : le résinaphte = C14 H8, qui bout à 108 degrés ; le résinyle = C10 H12, qui bout à 150 degrés ; le résinole = C22 H16, bouillant à 240 degrés ; et la métanaphtaline, qui a la même composition que la naphtaline, qui fond à 67 degrés et qui bout à 325. Le mélange de ces quatre corps constitue les huiles de résine, dont on fait une grande consommation dans l'industrie. Par la distillation, au contact de la chaux, la colophane donne la résinone, qui bout à 78 degrés, et la résinéone, dont le point d'ébullition est à 148 degrés.

L'ESSENCE DE TÉRÉBENTHINE = C20 H16 est un liquide incolore, d'une odeur forte, balsamique, d'une saveur âcre et brûlante. Sa densité est 0.860 ; elle bout à 156 degrés ; elle est inflammable, insoluble dans l'eau, très-soluble dans l'alcool et dans l'éther. Par des distillations répétées et fractionnées, elle se dédouble en plusieurs composés isomériques qui sont : l'isotérébenthène et le métatérébenthène (Berthelot), le térébène, le colophène et le térebdène (Deville), le camphylène (Soubeiran et Capitaine).

La SÈVE DU PIN. — Ce liquide s'obtient en forçant de l'eau à traverser à une forte pression des troncs de pin. A Arcachon, où cette fabrication est organisée sur une grande échelle, on emploie le procédé d'imprégnation du bois de Boucherie. le liquide obtenu est incolore ; il possède une forte odeur térébenthinée.

Les FEUILLES DE PIN. — Bouillies avec de l'eau alcalinisée par le carbonate de soude, on obtient des solutions balsamiques résineuses qui ont été employées en Silésie sous forme de bains. On en a extrait des huiles essentielles que l'on cherche à introduire dans la thérapeutique. Les fibres résultant de cette décoction étant purifiées par des la-


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vages et le cardage, constituent la laine des forêts, dont on fait des étoffes très-moelleuses très-chaudes, et entre autres de belles flanelles de santé. On fait aussi de bons matelas hygiéniques avec cette laine ; ils ont, dit-on, l'immense avantage d'éloigner les insectes.

L'huile essentielle des feuilles du pin est employée en Allemagne sous le nom de spiritus. Avec les matières résineuses, on fabrique des savons dits hygiéniques.

(Nous allons étudier, au point de vue thérapeutique, les différentes parties des pins et sapins, et les corps les plus utiles que l'on en a extraits.)


Branches, bourgeons

BRANCHES, BOURGEONS DE PIN ET DE SAPIN. — Les bourgeons de toutes les espèces de ces deux genres de conifères peuvent être employés avec plus ou moins d'avantage en médecine ; mais ils sont ordinairement fournis par le sapin argenté ou commun (Pinus picea, L., abies pectinata, Decand.), et nous viennent principalement du Nord et surtout, ainsi que nous l'avons dit plus haut, de la Russie, quoique l'on puisse facilement se les procurer en France. Leurs propriétés sont dues principalement à la térébenthine qu'ils contiennent.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Infusion, 20 à 30 gr. par kilogramme d'eau, par tasses.
Sirop (1 de bourgeons sur 1 de sucre et 2 d'eau), 30 à 120 gr., en potion.
Extrait alcoolique (1 sur 6 d'alcool à 22 degrés), 50 centigr. à 2 gr. et plus.

Extrait aqueux (1 sur 6 d'eau), 50 centigr. à 2 gr. et plus.
A L'EXTÉRIEUR. — Infusion pour fomentations, lotions, injections, etc.
Branches, en combustion pour fumigations.


Les bois et les bourgeons ou turions, soit du pin, soit du sapin, sont excitants, antiscorbutiques, diurétiques, diaphorétiques. Je les ai souvent employés en décoction ou en infusion dans l'eau, la bière, le vin, le cidre, le lait ou le petit-lait contre le scorbut, les rhumatismes chroniques, la goutte vague, les affections catarrhales bronchiques et vésicales, la gonorrhée, la leucorrhée, les scrofules, les affections cutanées chroniques, les syphilides, etc.

A l'extérieur, l'infusion de bourgeons de sapin m'a été utile en injection dans les écoulements muqueux et notamment dans la leucorrhée. Je la mêle souvent avec autant de décoction de feuilles de noyer. Les fumigations de bourgeons de sapin en combustion, dirigées dans les narines ou dans le conduit auditif, m'ont réussi dans le coryza et l'otorrhée chroniques. J'ai mis aussi en usage l'infusion de bourgeons de sapin, comme détersive et antiscorbutiqne, sur les ulcères sordides, scrofuleux, atomiques ou gangreneux. C'est un moyen qu'on trouve toujours sous la main, et dont le médecin de campagne peut user largement et sans dépense.

Les bains de vapeur résineuse, d'un usage depuis longtemps populaire contre les rhumatismes, ont été récemment préconisés et adoptés par les médecins. Il n'y a que huit années que, sur le bruit de cures nombreuses et inespérées, Chevandier se prit à observer ce traitement empirique sur les lieux mêmes, et, pour qu'il ne fût pas perdu pour le public médical, il publia un premier mémoire en 1850, dans lequel il fit connaître les succès remarquables qu'il avait obtenus par l'emploi régularisé des bains de vapeur résineuse.

(Dans les établissements spéciaux créés depuis ce temps, et notamment celui de Lyon décrit Par Munaret (1)[1], la température moyenne n'atteint pas 50 à 60 degrés centigrades. Laissons parler l'auteur que nous venons de citer) :

« La durée des bains est, en général, d'une demi-heure... En y entrant, c'est une chaleur de purgatoire... la sueur commence à perler sur votre

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  1. Lettre sur les bains à vapeur térébenthinés à M. le curé de Saint-D***. Lyon, 1857


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poitrine, sur tous vos membres ; elle coule, elle ruisselle jusque sur le parquet... Il y a des malades qui ont perdu jusqu'à 1,200 gr. de leur poids en une demi-heure, et cela sans en être affaiblis. Point de congestions, pas de céphalalgie. Quelquefois la circulation s'accélère et la respiration conserve son rhythme normal... l'appétit renaît... la digestion est plus active et la soif accrue permet de remplacer ce qui s'en va par la peau. Un traitement de quinze à vingt bains suffit dans la majorité des cas...

« La vapeur térébenthinée peut être dirigée, concentrée sur tel ou tel organe du baigneur, avec des tuyaux métalliques diversement coudés ou flexibles, en toile imperméable.

« La vapeur résineuse s'introduit dans l'organisme, ainsi que l'atteste l'odeur des urines, et elle produit en même temps sur la sensibilité de la peau une modification spéciale avec hyperhémie dérivative et irritation substitutive. »

Chevandier, Rey (de Grenoble), Benoît (de Die) et Macario ont relaté, dans nos journaux de médecine, des guérisons vraiment remarquables. « Enfin, dit Tessier[1], et c'est là la meilleure de toutes les raisons, une expérience de plusieurs années a déjà consacré l'utilité des bains de vapeur résineuse, un grand nombre de rhumatisants se louent de leur emploi, et l'usage s'en répand de jour en jour. Oui, je crois, ajoute cet habile et consciencieux praticien, que les étuves térébenthinées peuvent rendre d'importants services dans les cas de rhumatismes articulaire et musculaire à forme chronique, etc. »


Térébenthine

TÉRÉBENTHINE. — La térébenthine est le suc résineux qui découle des pins et des sapins, et dont nous avons déjà fait mention. Les térébenthines indigènes sont celles : 1° de Bordeaux (des pins maritime et sauvage) ; 2° d'Alsace (du sapin argenté ou commun) ; 3° des Vosges, ou térébenthine ordinaire ; 4° de Strasbourg (du sapin commun, du mélèze).

Ces substances sont des composés naturels d'huile essentielle et de résine qui ont une consistance molle à la température ordinaire de l'atmosphère. L'essence et la résine s'y trouvent en proportions variables. La térébenthine ordinaire contient à peu près le tiers de son poids d'huile essentielle. La térébenthine du pin maritime n'en contient que 12 pour 100 seulement. — La résine est elle-même composée de quatre résines différentes, savoir : l'acide pimarique, l'acide sylvique, l'acide pinique et une résine indifférente.

TÉRÉBENTHINE DE BORDEAUX, OU DU PIN MARITIME. — TÉRÉBENTHINE DE CHEVAL. — Epaisse, granulée, se séparant en deux couches, l'une transparente, colorée, l'autre grenue, consistante, opaque ; odeur forte et désagréable, saveur âcre et amère ; très-siccative à l'air, très-solidifiable par la magnésie, entièrement soluble dans l'alcool. La plus commune des térébenthines.

TÉRÉBENTHINE DE BRIANÇON, DE VENISE OU DE MÉLÈZE. — Ordinairement assez liquide, un peu verdâtre, d'une odeur forte, d'une saveur âcre et très-amère. — Caractères physiques non suffisamment distincts, la plus estimée et par conséquent souvent falsifiée.

TÉRÉBENTHINE DE STRASBOURG, D'ALSACE, DE SUISSE OU DE SAPIN COMMUN. - Peu colorée, jaune-verdâtre, consistance de miel, visqueuse, uniformément nébuleuse, odeur tenace (une variété à odeur agréable de citron, nommée térébenthine au citron ou térébenthine citriodore), saveur très-amère et âcre ; très-peu siccative, non solidifiable par un seizième de magnésie, entièrement soluble dans l'alcool rectifié. — Préférée pour les préparations pharmaceutiques, et employée pour obtenir la térébenthine cuire, quoique le Codex prescrive celle de Venise.


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — Térébenthine de Strasbourg ou de Briançon, 50 centigr. à 25 gr. progressivement.

Térébenthine cuite (privée d'huile essentielle), 2 à 12 gr., en pilules.

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  1. Rapport publié par décision de la Société de médecine de Lyon.


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Sirop (1 sur 8 de sirop simple), 15 à 30 gr., en potion.
Teinture (1 sur 4 d'alcool à 35 degrés), 1 à 4 gr., en potion, etc.
Pilules de térébenthine officinales (térébenthine de Bordeaux, 28 parties). Ces pilules ne réussissent bien qu'en employant la térébenthine de Bordeaux ; les autres contiennent trop d'huile essentielle pour bien se solidifier.
Pilules de térébenthine magistrales (térébenthine de Venise, 1 partie ; magnésie blanche, 1 partie). — La magnésie blanche donne instantanément plus de solidité à la térébenthine que la magnésie calcinée. Quand on emploie la térébenthine de Bordeaux, il faut moins de magnésie pour donner la consistance.
Eau térébentbinée (térébenthine de Venise, 1 ; eau de rivière, 6 ; triturez dans un mortier pendant une demi-heure et laissez déposer).

Formules de Mouchon (de Lyon).

Sirop : térébenthine du sapin, 30 gr. ; gomme arabique, 15 gr. ; eau, 15 gr. ; sirop simple, 940 gr. — Emulsionnez l'eau avec la gomme, incorporez la térébenthine en battant vivement dans le mortier ; ajoutez peu à peu le sirop simple. Dose, 60 gr. par jour.
Saccharure : térébenthine du sapin, 60 gr. ; alcool à 90 degrés, 120 gr. ; sucre en morceaux, 1,000 gr. — Dissolvez à froid la térébenthine dans l'alcool en agitant vivement, laissez sécher à l'étuve à une chaleur modérée, puis réduisez en poudre.
Pastilles : eau, 90 gr. ; gomme adragante, 12 gr. — Faites un mucilage et incorporez : Saccharure de térébenthine, 1,000 gr.

(Nous devons signaler d'une façon spéciale, à cause des grands avantages que présente leur administration, les perles à l'huile essentielle de térébenthine de Clertan. Sous un petit volume, sans laisser de trace de goût appréciable, on peut administrer quotidiennement des doses de ce modificateur actif aussi élevées que l'on veut. Deux perles à chaque repas, telle est la prescription usuelle. L'ingestion, au moment du repas, diminue les rapports désagréables qui résultent presque infailliblement de l'usage des préparations térébenthinées.)

A L'EXTÉRIEUR. — Lavement, 4 à 16 gr. délayés au moyen d'un jaune d'œuf.
Digestif simple : térébenthine du mélèze, 40 gr. ; jaune d'œuf, 20 gr. ; huile d'olive, 10 gr. (Codex de 1866). — Autrefois on employait l'huile d'hypericum.
Digestif animé : digestif simple, 1 ; styrax liquide, 1.
Digestif opiacé : digestif simple, 8 ; laudanum liquide, 1.
Digestif mercuriel ; digestif simple, pommade mercurielle, a ͡a 100 gr. (Codex de 1866.)
Eau hémostatique : térébenthine, 5; eau, 6. Faites digérer en vase clos pendant une heure, laissez refroidir et filtrez. — Employé à l'extérieur et à l'intérieur. Dans ce dernier cas, on l'administre à la dose de 20 à 30 gr. et plus.

La térébenthine entre dans le savon de Starkey, dans les pilules balsamiques de Stahl, dans le baume Fiovarenti, le baume d'Arcœus, dans l'emplâtre épispatique, l'emplâtre diachylum, dans les sparadraps agglutinatifs, etc.


Les diverses espèces de térébenthine ont à peu près les mêmes propriétés, C'est toujours une action simulante qu'elles exercent sur nos organes, et plus spécialement sur les membranes muqueuses génito-urinaires et bronchiques, ainsi que sur le système nerveux. Suivant l'état des divers appareils, elles portent leur activité sur la sécrétion urinaire, sur l'exhalation cutanée, sur la sécrétion bronchique. A haute dose, elles provoquent le vomissement et la purgation. La térébenthine est employée avec avantage dans les catarrhes chroniques pulmonaires et vésicaux, la phthisie, la blennorrhée, la leucorrhée atonique, la diarrhée muqueuse entretenue par le relâchement de la muqueuse intestinale, par une sorte d'altération des fonctions secrétoires de cette membrane ou par son ulcération superficielle ; dans le rhumatisme chronique, la goutte atonique, certaines névralgies, etc. C'est principalement dans la cystite chronique que la térébenthine triomphe ; elle la guérit dans la moitié des cas, et améliore presque constamment l'état du malade dans les catarrhes vésicaux, dus à la gravelle, aux affections de la prostate, à la paralysie de la vessie, etc. Dupuytren prescrivait dans cette affection huit, seize et même vingt pilules, contenant chacune 1 décigr. de térénthine. Mais il faut surveiller l'action spéciale de cette substance sur la vessie, et suspendre l'emploi de ce moyen lorsque des spasmes, la strangurie, des urines sanglantes, des douleurs plus ou moins vives dans les voies urinaires se manifestent, et, dans tous les cas, ne l'employer que lorsque les symptômes inflammatoires ont cédé au traitement antiphlogistique préalable. L'usage de cette résine dans le catarrhe vésical exige le la prudence et de la sagacité pratique. On ne doit pas le cesser im-


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médiatement après la cessation de la sécrétion catarrho-purulente, cessation qui peut n'être que passagère et due à un temps sec et chaud. En général, dans les affections chroniques des membranes muqueuses, la médication doit être continuée assez longtemps après la disparition des symptômes pour modifier la vitalité de ces membranes, de manière à la ramener tout à fait à son état normal. (La question de dose est aussi très-importante ; si administrés modérément, les résineux améliorent certains catarrhes, ils peuvent à dose élevée aggraver l'inflammation dans la cystite chronique et hâter la fin des malades.)

Van Swieten[1] conseillait la térébenthine dans la diarrhée colliquative des phthisiques. Je me suis très-bien trouvé dans l'abcès des poumons, dans la phthisie, dans le catarrhe chronique de la vessie, etc., du mélange suivant : térébenthine, 10 gr., jaune d'œuf n° 1, eau assez fortement miellée, 500 gr., mêlez. Dose, trois ou quatre demi-verres par jour.

A l'extérieur, la térébenthine entre dans les onguents irritants et détersifs qu'on emploie au pansement des plaies et des ulcères. On l'injecte convenablement délayée dans les trajets fistuleux qui rendent un pus fétide, etc. (Voy. Préparations pharmaceutiques ; digestifs.) Appliquée sur la peau, elle la rubéfie et agit alors comme dérivatif, et peut être utile dans le rhumatisme, la bronchite, la coqueluche, la pleurésie, la pneumonie, la péritonite, et pour rappeler des exanthèmes chroniques partiels. Elle a été employée aussi en vapeur dans le rectum, contre le ténesme qui accompagne la dysenterie, et en lavement contre les ascarides vermiculaires. Cullen[2] dit que 13 gr. de térébenthine en lavement délayés à l'aide d'un jaune d'œuf dans suffisante quantité d'eau, est l'un des meilleurs moyens de vaincre la constipation. Ce lavement pourrait être employé aussi pour opérer une stimulation ou révulsion dans certains cas de paralysie, de stupeur intestinale, d'apoplexie, de léthargie, d'étranglement herniaire, etc. On l'emploie aussi en injection dans la vessie, contre le catarrhe vésical chronique ; mais on lui préfère en pareil cas l'eau de goudron. On a appliqué la térébenthine sur les brûlures. Kentish[3] en fait une espèce d'onguent pour ce genre de plaie, qu'il baigne préalablement dans l'essence mêlée à l'alcool et à une teinture camphrée ; lorsque la sécrétion du pus s'établit, il recouvre les parties de craie chauffée à la température du corps. Il assure que, par ce traitement, il guérit en peu de semaines des brûlures beaucoup mieux que par le traitement rafraîchissant. On applique parfois la térébenthine pure ou saupoudrée de soufre sur les tumeurs rhumatismales. (Werner[4], de Dornac, remplace, dans le pansement des plaies récentes ou anciennes, l'alcool dont l'évaporation est prompte par le savon liquide suivant : térébenthine de Venise, 500 gr. ; bicarbonate de soude, 12 gr. 50 centigr. ; eau distillée, 5 litres ; faites digérer à moins de 75 degrés au bain-marie pendant six jours ; filtrez. Une compresse est trempée dans le mélange, appliquée directement sur la plaie et recouverte de taffetas gommé. Sous l'influence de cette application répétée toutes les quatre ou cinq heures, la suppuration est peu abondante, le bourgeonnement rapide, l'infection purulente rare).


Esssence de térébenthine

ESSENCE DE TÉRÉBENTHINE. — Cette essence s'obtient par la distillation de la térébenthine, et plus particulièrement de la térébenthine de Bordeaux.

C'est un liquide incolore, d'une odeur forte et désagréable, très-inflammable, insoluble dans l'eau et plus léger qu'elle, peu soluble dans l'alcool, très-soluble dans l'éther, pouvant dissoudre les résines, les baumes, le camphre, les huiles essentielles, les

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graisses, le soufre (en petite quantité), le phosphore, le caoutchouc. (Voyez plus haut Propriétés physiques et chimiques.)

L'essence de térébenthine du commerce contient toujours une portion d'acide et de résine. Pour certains usages pharmaceutiques et pour le nettoyage des étoffes, elle a besoin d'être purifiée par distillation avec de l'eau. Si on voulait l'avoir chimiquement pure, il faudrait la distiller une première fois sur de la chaux, et une seconde fois sur du chlorure de calcium.

On connaît l'usage de l'huile essentielle de térébenthine dans les arts. Elle est indispensable à la peinture et entre dans la composition de plusieurs vernis.

Prise à l'intérieur, respirée même, l'huile de térébenthine communique aux urines, dont elle augmente la sécrétion, une forte odeur de violette. Pour produire cet effet, il suffit de s'arrêter plus ou moins longtemps au milieu dès exhalaisons de cette essence. Donnée à petite dose (quelques gouttes), elle agit à la manière des stimulants diffusibles ; elle produit une chaleur douce et passagère dans l'estomac. A dose plus élevée (4 à 8 gr.), elle détermine au pharynx et à l'estomac un sentiment d'âcreté et de chaleur, un peu d'anxiété, quelques nausées, rarement des vomissements, plus souvent des coliques, un état d'excitation générale, un effet spécial sur les organes urinaires, qu'elle stimule, et dont elle augmente et modifie la sécrétion : l'urine devient rouge, cuisante, parfois sanguinolente. A forte dose (15 à 120 gr.), elle n'est pas un poison comme on le croyait autrefois. Elle n'agit pas avec plus de force sur l'appareil urinaire ; mais elle borne ordinairement son action aux voies gastriques et devient alors purgative, quelquefois même éméto-cathartique, souvent avec un effet secondaire sur le système nerveux, qui se traduit par une sorte d'ivresse ou une vive céphalalgie. J. Copland, qui a expérimenté sur lui-même, en état de santé, l'action de l'huile essentielle de térébenthine, à la dose de 40 gr., a observé que son pouls devenait plus fréquent, petit et concentré ; il a éprouvé, outre divers symptômes d'ivresse, de l'anxiété, des frissons, un sentiment de traction des intestins vers la colonne vertébrale, des éructations incommodes, de la soif et une faim vive, phénomènes que l'ingestion de quelques aliments a fait cesser peu à peu ; mais il n'a eu ni vomissements, ni diarrhée. Ces effets, où l'action locale de l'huile volatile se révèle à peine, tandis que son action dynamique est si prononcée, viennent à l'appui de l'opinion des médecins qui, à l'exemple de Giacomini, considèrent cette huile comme hyposthénisante.

L'Huile essentielle de térébenthine est employée avec avantage dans les névralgies et surtout dans la sciatique. On la conseille aussi dans le lombago, le tic douloureux, le tétanos et même l'épilepsie. Elle est mise en usage comme stimulante dans certaines affections des organes génito-urinaires, la cystite chronique, le catarrhe vésical, la gonorrhée, la blennorrhée et la leucorrhée.

Depuis que Récamier a employé, il y a plus de quarante ans, l'essence de térébenthine dans la névralgie sciatique, les praticiens l'ont généralement adoptée comme le moyen le plus efficace contre cette affection. L'administration de cette substance, outre les phénomènes ordinaires produits par son ingestion, cause une chaleur accompagnée de sueur dans les membres abdominaux, particulièrement dans celui qui est le siège de la névralgie, et plus encore le long du trajet du nerf malade. Cette action topique avait déjà été observée par Cullen et Home. Plus les caractères névralgiques essentiels sont bien dessinés, plus les douleurs sont vives, plus les chances sont favorables. Les malades guérissent promptement lors même que l'essence de térébentbine n'agit, ni comme purgative, ni comme sudorifique, ni comme diurétique. Toutefois si, au bout de huit ou dix jours d'usage, cette médication n'a pas réussi, il ne faut plus rien en attendre. On donne 8 gr. d'huile dans 120 gr. de miel rosat en trois fois, à quatre heures d'intervalle dans la journée.


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L'essence de térébenthine a été employée dans le tétanos. W. Tomes a rapporté un cas où, après avoir provoqué des vomissements, elle fit cesser promptement des contractions musculaires. Le trismus reparut quatre fois et chaque fois le même moyen le fit disparaître. Philipps[5] a vu, par l'administration de ce médicament, des convulsions violentes se dissiper très-promptement. Weaver, E. Percival et D. Lithgow ont réussi, le premier dans un cas de catalepsie vermineuse, les deux autres dans des circonstances qui étaient étrangères à la présence des vers dans les voies digestives. Moran dit avoir employé avec succès l'essence de térébenthine dans l'apoplexie, la paralysie, l'asthme, etc.

A haute dose, ce médicament est anthelminthique. C'est surtout contre le tænia qu'il a été prescrit avec succès. Cross, Kennedy, Ozanam, Gomez, Knox, Melo, etc., l'ont préconisé contre cet entozoaire. Il n'est pas moins utile contre les lombrics, les ascarides et autres vers intestinaux. Je l'ai souvent employé en lavement contre les ascarides. Le traitement contre le tænia en exige de fortes doses, tant par la bouche qu'en lavement. Pommier[6] l'a donné en en portant la dose jusqu'à 180 gr. sans inconvénient.

L'huile essentielle de térébenthine est employée depuis longtemps contre la fièvre puerpérale par Kinneir d'Edimbourg[7]. Il la donne jusqu'à ce que les symptômes de la maladie soient apaisés. Suivant ce médecin, il est rare qu'on soit même obligé d'en prendre plus de trois ou quatre fois pour obtenir ce résultat. Rarement l'essence est vomie. On la fait précéder de la saignée et de la purgation par le calomel ; elle favorise l'effet de ce dernier. Douglas regarde cette essence comme le remède le plus certain de la péritonite, même dans les cas les plus graves. En 1815, Atkinson[8] donna 8 gr. d'essence de térébenthine dans un peu d'eau de menthe à une femme attaquée de péritonite, ce qu'il répéta quatre fois en quatre heures, et dès le lendemain les douleurs péritonéales avaient cessé ; quelques applications topiques du même moyen la guérirent complètement.

D'un autre côté, Trousseau et Pidoux nient formellement cette efficacité. Ils regardent les cas où son administration a été suivie de succès, comme accidentels et dus à des constipations, à des engouements stercoraux du cœcum ou de la portion sigmoïde du côlon, lesquels causent de vives douleurs, du gonflement abdominal, de la rénitence dans une des régions inguinales, et qui peuvent, si on n'en débarrasse promptement les nouvelles accouchées, amener des entérites phlegmoneuses, des abcès dans le tissu cellulaire qui unit aux deux fosses iliaques les deux portions d'intestin indiquées ci-dessus, et même causer des péritonites partielles, rarement généralisées ; Les faits qui se sont offerts à mon observation viennent à l'appui de cette opinion, que je partage en tous points.

Durande a employé l'essence de térébenthine mêlée à partie égale d'éther sulfurique, dans les coliques hépatiques dues à la présence de concrétions biliaires. Klinglake[9] a fait cesser des accidents effrayants du bas-ventre, comme météorisation, vomissements, douleurs, etc., à la suite d'une constipation opiniâtre qui avait résisté aux moyens les plus énergiques, à 1'aide de 15 gr. d'essence de térébenthine dans 30 gr. d'huile de ricin, à prendre toutes les deux heures jusqu'à ce que le ventre s'ouvrît. Les vomissements s'arrêtèrent dès la première dose, et, à la quatrième, les selles survinrent.

Enfin, l'essence de térébenthine a été prescrite dans la goutte, le rhumatisme, les fièvres intermittentes, les empoisonnements par l'acide hydrocyanique ou l'opium, la salivation mercurielle, le diabète, l'anasarque, la

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  1. Commentaires, t. IV, p. 112.
  2. Matière médicale, t. II, p. 191.
  3. Coxe, Amer. disp., p. 428.
  4. Union pharmaceutique, 1865, p. 211.
  5. Med. chirurg. trans., t. VI, p. 65.
  6. Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. VII, p. 364.
  7. Nouvelle bibliothèque médicale, t. IX, p. 129.
  8. Journal général de médecine, t. LV, p. 131.
  9. Med. and phys. Journ., 1821.


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néphrite albumineuse chronique, les hémorrhagies, etc. Moran[1] l'a donnée contre les fièvres intermittentes au début de l'accès, à la dose de 60 gr., mêlée à du sucre et à l'eau ; il en résulta une chaleur très-vive dans l'estomac avec des efforts de vomissement ; les symptômes fébriles disparurent pour ne plus revenir. Cullen[2] dit qu'en en frictionnant le dos, elle est utile dans ces fièvres. Carl Hayny[3] fit frictionner, matin et soir, le rachis avec 15 gr. de cette essence, chez deux individus atteints de fièvre intermittente tierce depuis plusieurs mois. La maladie céda au bout de deux jours. Il résulte des recherches d'Emmert[4], que l'huile de térébenthine est le meilleur moyen de combattre les symptômes de l'empoisonnement par l'acide hydrocyanique. Jerkins[5] a traité avec efficacité, par cette essence donnée à l'intérieur et en lavement, un empoisonnement causé par la teinture d'opium ; il en employa par cette voie 30 gr., et 60 gr. en potion avec 30 gr. d'huile de ricin, dont le malade buvait trois cuillerées à café de quart d'heure en quart d'heure. E. Geding[6] et plusieurs de ses collègues ont employé l'huile essentielle de térébenthine dans la salivation mercurielle : on fait un gargarisme avec 250 gr. d'eau, 8 gr. de gomme et 8 gr. d'huile essentielle, dont on se sert de temps en temps. Werlhoff l'a donnée dans les hydropisies à la dose de 6 gr. de deux heures en deux heures, dans une émulsion nitrée.

(On a préconisé contre l'anasarque un vin térébenthiné dont voici la formulé : essence de térébenthine, 10 gr. ; suc de citron, 30 gr. ; vin blanc, 120gr. ; 6O gr., matin et soir.)

Smith[7] a rapporté des faits nombreux qui prouvent l'efficacité de cette huile contre les diverses espèces d'hémorrhagies et sa supériorité sur les autres styptiques ou astringents. La dose ordinaire, dit Smith, est de 30 gouttes répétées toutes les trois ou quatre heures ; cependant on peut aller jusqu'à 4 gr. dans les cas où l'hémorrhagie menace l'existence du malade. On la donne dans l'eau aromatisée avec du sirop d'orange ou tout autre sirop. Il faut apporter une grande réserve dans l'emploi de ce moyen et en suivre attentivement les effets.

(On a vanté l'efficacité de ce médicament contre le purpura hemorrhagica, l'hémoptysie. Un cas remarquable de guérison d'une hématurie grave est relaté dans le British medical Journal, sept. 1837.)

On a prescrit l'emploi de l'essence de térébenthine dans quelques inflammations des yeux. Guthrie l'a préconisée dans celles qui sont profondes. Carmichael, de Dublin[8], et plusieurs médecins anglais, l'ont recommandée contre les iritis et les choroïdites chroniques.

A l'extérieur, l'huile essentielle de térébenthine est d'une grande utilité comme révulsive. Elle cause, en frictions sur la peau, une rougeur érythémateuse passagère. Je la préfère à la pommade stibiée et à l'huile de croton, pour rubéfier la face antérieure de la poitrine dans la coqueluche ; elle est plus supportable que la première, et beaucoup moins chère que la seconde, sans être moins efficace. J'en ai retiré de grands avantages dans la bronchite chronique, la phthisie, la péritonite chronique, etc. Quand on veut produire un effet prompt et énergique, on met de l'essence de térébenthine sur un cataplasme. Ce dernier est à peine appliqué depuis quelques secondes qu'il cause des picotements, un sentiment de chaleur difficilement suppor-

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  1. Transac. med., t. III, p. 64.
  2. Matière médicale, t. II, p. 194.
  3. Œstereichische medizinische Wochenschrift et Abeille médicale, 1844, p. 59.
  4. Orfila, Toxicoloqie.
  5. Nouvelle bibliothèque médicale, t. IX, p. 130.
  6. Lond. med. and surgical, etc., t. VI, p. 329.
  7. London med. Journ. et Bulletin de thérapeutique, 1850.
  8. Trans. med., t. III, p. 52.


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tés au bout de quatre à six minutes ; il semble au malade que la partie est couverte d'eau bouillante. Il en résulte une vive rubéfaction de la peau qui subsiste encore quelque temps. Ce cataplasme bien chaud, arrosé, comme nous venons de l'indiquer, avec l'essence de térébenthine, à laquelle on peut encore joindre à parties égales une teinture aromatique, de l'alcool de mélisse, du baume de Fioraventi, etc., appliqué autour du pied et même de la jambe, produit une révulsion énergique et prompte dans les cas de rétrocessions goutteuses, rhumatismales ou exanthématiques, dans les palpitations de cœur, dans les névralgies qui occupent les parties supérieures et dans toutes les circonstances où il s'agit de ranimer le principe vital, de produire une réaction à la fois vive et prompte. J'ai employé ce moyen avec succès, comme puissant auxiliaire, dans le traitement du choléra asiatique de 1832, et dans ceux de 1849 et de 1854.

Em. Rousseau[1] a publié plusieurs observations qui démontrent l'efficacité de l'essence de térébenthine en frictions sur le rachis et même sur les membres simultanément, dans le traitement des convulsions chez les enfants. Il ajoute que ce moyen lui a été d'un grand secours dans l'épidémie de choléra de 1849.

Kentish, Coxe, Goodall, Horlacher, ont recommandé l'essence de térébenthine dans la brûlure ; quel qu'en soit le degré, disent ces médecins, elle calme la douleur et éteint promptement la phlogose. Les plaies stationnaires et indolentes, les ulcères atoniques ou sordides, la gangrène, la pourriture d'hôpital, etc., trouvent dans ce médicament un puissant stimulant, un détersif, un antiseptique énergique.

(Wihple[2] recommande l'application dans les dents cariées d'une boulette de coton imbibée d'huile essentielle de térébenthine : ce moyen calmerait rapidement les douleurs dentaires.)

Dans les constipations opiniâtres, un lavement composé de : essence de térébenthine, 15 gr. , jaune d'œuf n° 1, eau, Q. S., produit les meilleurs effets. On peut aussi l'employer comme révulsif dans les paraplégies, les apoplexies, et comme excitant dans les étranglements herniaires.

Les bains généraux dans lesquels on ajoute une ou deux cuillerées à potage d'huile essentielle de térébenthine constituent des stimulants révulsifs puissants, dont je me suis très-bien trouvé dans la dernière épidémie de choléra. Je les mets aussi en usage contre les rhumatismes chroniques, les sciatiques rebelles, etc. Les effets qui se produisent dans le bain sont très-intéressants. Pendant les huit premières minutes, rien de particulier ne se fait sentir ; l'essence semble surnager au-dessus de l'eau. Bientôt le mélange se fait, et on commence à éprouver une sensation de chaleur qui n'est pas désagréable. A la douzième ou quinzième minute se produisent des picotements, des fourmillements plus pénibles, suivis de besoin de mouvements, d'agitation musculaire, devenant pour certains sujets insupportables. En général, on ne peut rester dans le bain plus de vingt à vingt-cinq minutes. En sortant, la peau est rouge, parsemée de petites papules rosées, légèrement hyperesthésiée. Les démangeaisons durent ensuite plusieurs heures, suivant les individus. Ces propriétés, que je n'ai trouvées signalées nulle part, sont analogues à celles que Topinard a observées dans les huiles essentielles des labiées.) (Voyez article THYM.)


Sève de pin maritime

(SÈVE DE PIN MARITIME. — Ce liquide a été proposé pour la première fois contre les affections de poitrine, par M. Lecoy, inspecteur des eaux et

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  1. Abeille médicale, 1850, p. 257.
  2. American Journal of dental science, cité par Revue de thérapeutique médico-chirurgicale 15 décembre 1862, p. 652.


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forêts, et Durant contre la phthisie turberculeuse[1] ; il a été étudié ensuite par Desmartis, Sales-Girons, et surtout par les médecins belges[2].

Ce liquide se prend en nature à des doses qui varient de 1 à 6 verres par jour ; à petite dose, il facilite et régularise les digestions ; à dose plus élevée, il produit quelques troubles gastriques, d'où l'indication de fractionner les doses.

Tous les auteurs qui en ont observé les effets thérapeutiques s'accordent pour reconnaître à la sève de pin maritime une action modificatrice sur la sécrétion bronchique ; aussi trouve-t-elle son indication dans toutes les maladies où cette sécrétion est pervertie dans sa quantité, catarrhe pulmonaire bronchorrée, phthisie pulmonaire. Keredan lui reconnaît en plus une influence contre les accès nocturnes de l'asthme.

En applications externes, elle est employée comme cicatrisant sur les plaies et les ulcères, et en injections dans les catarrhes des muqueuses génitales an même titre que l'eau de goudron.)


Goudron

GOUDRON — Le goudron est une poix liquide, un produit résineux impur, que l'on retire du bois de divers arbres conifères, principalement des pins, après qu'on les a épuisés par des incisions.

(Par la distillation du goudron, on obtient divers produits : la résinone (70 degrés), la résinéone (148 degrés), la résinéine et de l'acide acétique (250 degrés). La résinéone, tar oil des Anglais, est une huile essentielle, liquide, incolore, qui offre toutes les propriétés du goudron et est préconisée par Péraire dans les mêmes cas que le goudron.)


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — En substance, de 2 à 4 gr., en pilules ou dans du lait, de la bière, etc. - On emploie aussi le goudron purifié. (Codex de 1866.)
Eau de goudron : goudron purifié, 100 gr. ; eau de pluie, ou mieux, distillée[3]. Laissez en contact pendant vingt-quatre heures dans une cruche de grès, en agitant souvent avec une spatule de bois ; rejetez cette première eau et ajoutez-en une nouvelle quantité ; laissez en contact de nouveau pendant huit à-dix jours, en ayant soin d'agiter souvent ; décantez et filtrez.
On vend dans les pharmacies diverses préparations sous forme de spécialité, qui ne sont que des solutions concentrées de goudron.
Guyot a préparé une liqueur concentrée et titrée, débarrassée des huiles âcres et empyreumatiques, qu'on emploie à la dose de deux cuillerées à bouche pour 1 litre d'eau, ou d'une cuillerée à café par verre.)
Sirop (1 d'eau de goudron sur 2 de sucre), de 60 à 100 gr., par cuillerées.
Dragées de goudron. - Il manquait, pour rendre facile l'administration du goudron et

pour en généraliser l'usage, une forme pharmaceutique commode, exempte de répugnance, et qui conservât à ce produit toutes ses qualités. Dannecy, pharmacien à Bordeaux, à comblé cette lacune. Il mélange à froid le goudron de Norwège avec 1/15 de son poids de magnésie et laisse en contact pendant quinze jours à la température de la cave. Au bout de ce temps, le mélange, devenu parfaitement maniable, peut être mis sous forme de dragées et pris sans répugnance par les malades. On peut aromatiser le sucre qui sert à les enrober, et masquer ainsi la faible odeur du goudron qu'elles laissent dégager. Quelques praticiens de Bordeaux qui ont expérimenté ces dragées, y font ajouter les uns du fer, les autres du quinquina, et l'on comprend combien il est facile d'y faire telle ou telle addition qui sera jugée utile[4].

A L'EXTÉRIEUR. — Pommade (1 de goudron sur 3 ou 4 d'axonge) ou huile essentielle (1 sur 6 d'axonge).
(Glycéré de goudron : goudron purifié, 10 gr. ; glycéré d'amidon, 30 gr.)
Décoction, de 20 à 60 gr. par kilogramme d'eau, pour injections, lotions, fumigations et bains.


Le goudron est tonique et stimulant ; à doses modérées, il excite les organes digestifs et circulatoires ; il augmente les sécrétions, et surtout celles des urines, et a une action notable sur les fonctions de la peau. On l'admi-

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  1. Revue médicale, 1857.
  2. Guibert, Histoire naturelle et médicale des médicaments nouveaux, 2e édit., p. 189 et suiv.
  3. (L'eau commune ou séléniteuse donnerait un produit de mauvaise conservation et contractant bientôt une odeur de sulfure d'hydrogène.)
  4. Bulletin général de thérapeutique, 15 octobre 1857


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nistre dans les catarrhes vésicaux et pulmonaires chroniques, dans la phthisie, l'asthme, le scorbut, et surtout dans certaines affections cutanées telles que les dartres rebelles, le psoriasis, la lèpre vulgaire, le prurigo, etc.

Le goudron en vapeur a été préconisé contre la phthisie pulmonaire par Christison et Wall. On a obtenu par ce moyen, à l'hôpital de Berlin, les résultats suivants : « Sur cinquante-quatre phthisiques distribués en quatre salles, dans lesquelles on évaporait quatre fois par jour une marmite de goudron, de manière à les remplir de vapeurs épaisses, quatre furent guéris, six éprouvèrent une amélioration sensible, seize ne ressentirent aucun changement, douze devinrent plus malades, et seize moururent[1].

(Le goudron en vapeur est très-utile dans les affections pulmonaires chroniques, dans la phthisie, les catarrhes bronchiques, etc. Cazol livre cet agent à une évaporation spontanée dans des assiettes disséminées dans la chambre du malade. Il faut avoir soin de temps en temps de remuer le goudron. On peut encore le soumettre à une douce chaleur, comme celle d'une veilleuse, par exemple. Soubeiran fait bouillir ensemble de l'eau et du goudron, et les vapeurs d'eau chargées de principe actif se répandent dans l'appartement. Il faut éviter avec soin que l'eau ne se vaporise entièrement, afin qu'il n'y ait point production d'une grande abondance de vapeurs empyreumatiques, qui seraient nuisibles au malade. Sax, le célèbre fabricant d'instruments de musique, a imaginé un appareil simple et portatif, destiné à faciliter l'évaporation et l'inhalation des vapeurs de goudron ; il lui a donné le nom d’émanateur hygiénique. Cet instrument est basé sur une idée très-simple ; sa disposition permet de multiplier la surface d'évaporation, d'en graduer la quantité, de la suspendre ou de la faire se prolonger.

On a aussi employé l'eau de goudron pulvérisé dans les cas qui réclament la médication précédente, et avec un succès marqué dans les laryngo-pharyngites glanduleuses.)

« Pour les maladies chroniques de la peau, dit A. Cazenave[2], l'emploi du goudron, mis assez souvent en usage, a été suivi, sinon de succès merveilleux, au moins le plus ordinairement de bons résultats. Willan et Bateman l'ont recommandé contre l'ichthyose. Je l'ai vu, dans un assez grand nombre de cas, à l'hôpital Saint-Louis, employé par M. Biet dans le traitement des affections squammeuses, et aussi dans celui du prurigo. J'ai vu rarement obtenir, avec ce moyen seul, des guérisons complètes, mais souvent des améliorations promptes et positives. Enfin, les expériences de E. Acharius, à l'hôpital de Stockholm, conduiraient à faire accorder au goudron une efficacité réelle contre la syphilis. »

L'eau de goudron, que l'on prend à la dose de 500 gr. par verrées le matin à jeun, seule ou avec du sucre, du lait, du vin, de la bière, etc., excite l'appétit, accélère la digestion, augmente le cours des urines et l'exhalation cutanée. On l'emploie dans la dyspepsie, le scorbut, l'asthme, la cachexie, le rhumatisme chronique, la phthisie pulmonaire, les affections catarrhales chroniques des voies respiratoires et urinaires. (L'eau de goudron et les préparations de goudron ont sur la muqueuse bronchique une action, qui n'est pas toujours identique à elle-même : « Les sécrétions excessives diminuent, dit Durand-Fardel[3] ; elles prennent un peu plus de consistance ; elles sont rejetées avec plus de facilité et cessent de s'arrêter dans les rameaux bronchiques qu'elles obstruent, avec production de dyspnée, imminence à un certain degré d'asphyxie, et nécessité d'une toux pénible pour les expulser.

Lorsqu'au contraire la muqueuse est le siège d'une irritation de longue

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  1. Dictionnaire de médecine, 2e édit., t. XIV, p. 192.
  2. Dictionnaire de médecine, 2e édit., t. XIV, p. 192.
  3. Traité des maladies des vieillards. Paris, 1834, p. 429.


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durée avec sécrétion, rare, visqueuse, difficile à détacher, celle-ci devient plus abondante, plus fluide, l'expectoration plus facile, et les signes d'irritation disparaissent. »

Le goudron n'agit pas seulement comme balsamique ou résineux, il stimule la muqueuse bronchique considérée comme organe de sécrétion.

Le professeur Hardy, dans ces cas véritablement désespérants pour le médecin où les furoncles se reproduisent avec une incroyable ténacité, a employé avec succès l'usage quotidien de l'eau de goudron. Plusieurs faits sont venus constater l'efficacité de cet agent comme moyen d'empêcher cette reproduction. J'ai en vain, chez trois malades, essayé cette médication ; l'éruption furonculeuse se présente dans des conditions tellement différentes qu'on ne peut compter sur le succès dans tous les cas.)

Comme Trousseau et Pidoux, j'ai employé avec un succès remarquable les injections d'eau de goudron : dans la vessie affectée de catarrhe chronique ; dans les conduits fistuleux qui donnent passage à une suppuration abondante et fétide, et sont entretenus par des caries et des nécroses ; dans les clapiers purulents résultant d'abcès profonds qui ont consumé le tissu cellulaire interstitiel des muscles ; entre la peau décollée et les tissus sous-jacents dans certains ulcères scrofuleux ; dans le conduit auditif externe, siège de ces otorrhées interminables que laissent après elles, chez les enfants surtout, les fièvres éruptives, et principalement la scarlatine.

Les gargarismes d'eau de goudron réussissent parfaitement dans les stomatites ulcéreuses. Dans les blennorrhagies, je me suis toujours bien trouvé de l'eau de goudron à l'intérieur à la dose de 300 gr. par jour. Je prescris en même temps des injections avec de l'eau un peu plus chargée de principe actif.)

La pommade de goudron, à laquelle on joint quelquefois une petite proportion de laudanum de Sydenham ou de Rousseau, est employée en frictions contre la gale, la teigne granulée, l'eczéma, l'herpès, le psoriasis.

Le goudron, à l'extérieur, a une action presque spécifique contre les affections squameuses, mais, pour peu qu'elles soient invétérées, il faut, pour prévenir leur retour, joindre à l'emploi local de la pommade au goudron un traitement général approprié.


Poix blanche

POIX BLANCHE, POIX DE BOURGOGNE, POIX JAUNE. — C'est la térébenthine solidifiée par l'évaporation d'une partie de son essence. On ne l'emploie qu'à l'extérieur, étendue sur de la peau, et on l'applique loco dolenti dans les affections rhumatismales chroniques, la pleurodynie, la sciatique ; comme dérivative, dans les catarrhes bronchiques, les toux chroniques, la phthisie pulmonaire, appliquée entre les épaules ou à la partie antérieure de la poitrine. Elle adhère fortement pendant une ou plusieurs semaines, et l'on est souvent obligé, pour l'ôter, d'employer l'huile tiède. Chez certains sujets elle rubéfie la peau ou provoque une éruption papuleuse incommode, mais qui augmente son effet révulsif. Comme ce topique est ordinairement très-large et qu'il gêne les mouvements, je lui substitue souvent le papier agglutinatif. Quelquefois on mêle de la poudre de moutarde à la poix de Bourgogne pour le rendre rubéfiant. On le saupoudre de tartre stibié quand on veut produire une éruption pustuleuse révulsive, qu'il faut toujours surveiller, surtout sur les enfants. Je provoque une éruption analogue en employant l'emplâtre de poix de Bourgogne, auquel je joins une très-petite quantité de saindoux, et en le malaxant avec une assez grande quantité de sel commun.


Poix noire

La POIX NOIRE est un produit résineux de la combustion du pin. On l'emploie comme maturatif à l'extérieur. Son action est analogue à celle du goudron. Les paysans font mourir les vers des poulains en leur faisant ava-


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ler des boulettes de poix noire. M. Wardlevvorth[1] a obtenu des effets avantageux de l'usage de la poix noire dans les hémorrhoïdes internes ou externes, avec ou sans perte de sang ; 18 centigr. de poix noire sont divisés en 3 pilules ; on en prend 2 chaque soir, et on a soin de tenir le ventre libre.


Colophane

La COLOPHANE, COLOPHONE, POIX SÈCHE, est le produit fixe ou le résidu de la distillation de la térébenthine. Elle entre dans la composition de plusieurs emplâtres. Réduite en poudre, on s'en sert comme hémostatique dans les hémorrhagies capillaires ; elle absorbe les parties aqueuses du sang et en facilite la coagulation dans les piqûres de sangsues, les coupures, etc.

Huile de sapin

HUILE DE SAPIN. — Il ne faut pas confondre cette huile avec la térébenthine, ni avec l'essence de térébenthine. On l'extrait dans les Vosges comme l'huile de lin, par expression à chaud des cônes ou strobiles de première année du pin sylvestre. Elle est d'une couleur brun-verdâtre, d'une consistance demi-liquide ; elle dépose abondamment par le repos, et a une odeur aromatique très-prononcée. Dans les Vosges, cette huile sert à l'éclairage et fait partie de diverses préparations antirhumatismales et antipsoriques populaires.


Créosote

CRÉOSOTE. — (La créosote pure appliquée sur la peau cautérise légèrement : c'est à elle que la fumée doit ses effets irritants sur les yeux. Sur les muqueuses, en effet, l'action est plus marquée que sur la peau ; l'ingestion de la créosote diluée détermine, dans l'estomac, de la cuisson, de la douleur, et secondairement des effets dynamiques généraux, que Corneliani[2] rapporte à ceux d'une substance hyposthénisante. Trousseau lui reconnaît un effet stupéfiant sur le système nerveux. Administrée à haute dose ou pure, la créosote est un poison corrosif violent : il est un fait à noter, c'est que l'animal sur lequel on expérimente urine aussitôt après l'ingestion de cet agent délétère.

Injectée dans les veines, ou déposée sur trois gros nerfs mis à nu, la mort s'ensuit immédiatement.

Lusanna, de Milan[3], s'est efforcé de prouver que les accidents toxiques qui arrivent en Allemagne et dans d'autres pays du Nord par l'usage des viandes fumées, tiennent à la présence de la créosote provenant de la fumée des bois de pin et de sapin dont on se sert dans leur préparation. Sans nier que cette substance ne puisse occasionner quelques embarras du côté des voies digestives, on ne pourrait actuellement admettre cette assertion d'une façon absolue. La connaissance de la trichine et de la trichinose est venue donner de ces faits une explication bien autrement rationnelle et pratique.

Lorsqu'apparut la créosote comme agent thérapeutique, on la vanta outre mesure, administrée à l'intérieur, à la dose de 1 à 25 centigr., en émulsion, mixtures ou gouttes, dans la phthisie, les catarrhes bronchiques, la diabète, le cancer et d'autres affections chroniques. L'enthousiasme du début l'avait placée au rang des remèdes héroïques, l'expérience l'a réduite à celui de remède utile. « Il en est, dit Munaret[4], des médicaments comme des hommes ; c'est-à-dire qu'il faut recourir à la grande épreuve du temps pour admettre les uns dans la pharmacie comme les autres dans son intimité ; et quand vous entendrez crier au miracle, pensez à la créosote. »

La réaction de l'enthousiasme a donc été la négation de l'effet thérapeutique. Entre les deux excès, la vérité s'est fait jour ; actuellement on lui

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  1. Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XI, p. 218.
  2. Esperienze ed osservazioni sull' uomo, e sugli animali intorno alle virtù del creosoto. Pavie, 1835.
  3. Annales de thérapeutique, 1845, p. 111 et suiv.
  4. Du médecin des villes et du médecin de campagne, 2e édit., p. 230.


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reconnaît une action modificatrice sur les muqueuses, ce qui explique ses succès dans les affections catarrhales, pulmonaires, intestinales, vésicales, etc. Elmer a recommandé, contre les dysenteries rebelles, 1 goutte de créosote toutes les deux heures dans une solution gommeuse[1]. Willmott employa le même agent en lavement, dans une épidémie de dysenterie[2].

Considérant là diarrhée cholériforme des enfants comme le résultat de la fermentation, que des aliments sucrés et amylacés subissent dans les voies digestives, Ph. V. Dush[3] préconise la créosote, à la dose de 2 gouttes dans 2 onces de décoction de salep, une cuillerée à café toutes les deux heures. Il affirme que la diarrhée et les vomissements cessent presque toujours rapidement.

N'oublions pas qu'on lui a aussi reconnu un peu d'utilité dans les vomissements nerveux, et surtout ceux des femmes enceintes.

C'est principalement à l'extérieur que la créosote a été vantée et employée. L'eau créosotée à titres divers constitue un astringent plus ou moins puissant et un hémostatique assez précieux. On l'a employée pour combattre la carie et la gangrène, et, en cela, les données chimiques sont d'accord avec la clinique ; employée pure en badigeonnage sur les parties malades, elle à réussi à limiter les progrès de la gangrène de la bouche, entre les mains de Hasbach[4]. Bazin[5] se sert du même moyen pour arrêter l'extension des scrofulides malignes. Je m'en sers souvent pour modifier la nature des chancres serpigineux. Les solutions de créosote sont des topiques stimulants, antiseptiques et détersifs ; ils agissent comme antiputride et comme désinfectant ; les affections catarrhales chroniques, catarrhe vésical, vaginal, utérin, uréthral, etc., sont modifiés par des injections à très-faible titre. Corneliani, et, après lui, Wahu[6], attribuent à l'eau créosotée des propriétés cicatrisantes remarquables. Ce dernier fait recouvrir les plaies et les ulcères de plumasseaux de charpie imbibés de la solution dont suit la formule : créosote, 5 gr. ; alcool, 50 gr. ; eau, 200 gr. Dès 1851, Lebert[7] employait des solutions, à divers degrés, dans le pansement des cancers ulcérés, et en obtenait de beaux résultats dans l'aspect et l'état locaux de la plaie. Guibert[8] s'est très-bien trouvé de la glycérine créosotée dans le pansement dés ulcères fétides produisant du pus de mauvaise nature. On a mis cet agent en usage dans les trajets fistuleux ; en collyre dans quelques affections oculaires.

La vertu hémostatique de la créosote repose sur ses effets astringents non douteux ; mais elle n'a de réalité que pour les hémorrhagies capillaires. Il ressort des expériences de Miguet[9] que celles qui ont les artères même de petit calibre pour siège sont totalement rebelles à ce mode de traitement.

La créosote a été recommandée, comme parasiticide (Francis Smith)[10], dans le traitement de la teigne et de la gale. Delarue recommande très-vivement la pommade créosotée contre les érysipèles, quelles que soient leur forme, leur gravité, etc., etc. Ce praticien promet trop de choses pour que l'on n'éprouve pas une certaine hésitation avant de partager sa confiance. Peut-on méconnaître que l'érysipèle, s'il est quelquefois une affection locale, est le plus souvent l'expression, la manifestation d'un état général antérieur

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  1. Bulletin de thérapeutique, 1858.
  2. London medical Gazette, 1845.
  3. Bulletin de la Société de médecine de Gand, 1862, p. 299.
  4. Union médicale, 1863.
  5. De la scrofule, 2e édit., p. 232.
  6. Annuaire de médecine et de chirurgie pratiques, 1857, p. 144.
  7. Traité des maladies cancéreuses. Paris, 1851, p. 200.
  8. Histoire naturelle et médicale des médicaments nouveaux, 2e édit, p. 206.
  9. Recherches chimiques et médicales sur la créosote, 1834.
  10. Annales de médecine belge et étrangère, 1838, t. II, p. 274.


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à son apparition, état général dont la nature même peut varier, etc. Règle générale, une médication qui s'adresse à toutes les formes d'une affection m'est a priori fort suspecte.

Sans contredit, l'usage le plus répandu, je dirai l'usage populaire de la créosote, est celui qu'on en fait dans les caries dentaires ; on l'applique dans la dent malade à l'aide d'une petite boulette de coton ou d'amadou en ayant soin de ne pas toucher aux parties voisines. Lorsque l'on ne peut l'appliquer sur la carie même, on en verse quelques gouttes dans l'eau et on en gargarise la bouche ; la douleur cesse souvent. Stanislas Martin[1] l'associe au collodion et obtient ainsi un enduit solidifiable fort convenable pour boucher les dents cariées.)


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR. — 2 à 3 gouttes dans une potion de 100 gr.

A L'EXTÉRIEUR. — Eau créosotée : eau, 1,000

gr. ; créosote, 1 gr. (Bouchardat), ou un peu plus, concentrée suivant l'indication.
Pommade (Delarue) : créosote, 8 gr. ; axonge, 30 gr.


(ACIDE PHÉNIQUE, PHÉNOL, HYDRATE DE PHÉNYLE. — Quoique la créosote impure contienne de l'acide phénique, quoiqu'on puisse l'extraire du goudron de pin, son origine commerciale et scientifique est le goudron de houille. Cette origine le fait exclure de notre cadre déjà si rempli. Nous ne ferons donc que donner quelques détails sur ce corps si important et qui a pris tant de valeur dans ces dernières années, et qui reproduit avec une énergie plus grande l'action de la créosote. Nous renverrons, pour des détails plus précis, aux publications périodiques des six dernières années et au travail de Lemaire[2]. On trouvera dans l’Union pharmaceutique, 1865, p. 86, le formulaire complet des préparations phéniquées.

Rappelons que cet acide a été préconisé pour l'assainissement des locaux, dans les brûlures récentes à divers degrés, comme insecticide (gale), contre la teigne, dans les cas de gangrène de diverses natures, dans les affections catarrhales, contre le choléra, les affections typhiques, etc., etc., les affections virulentes, etc.

Bobœuf[3], Bouchardat et Réveil[4] préfèrent à l'acide phénique les phénates alcalins, et surtout le phénate de soude, bien neutre, ou phénol sodique ; il est plus soluble, moins irritant, et possède les qualités du phénol sans en avoir les dangers.

La dernière épidémie de choléra que nous venons de traverser a fait faire beaucoup de bruit autour de l'acide phénique, comme désinfectant, destructeur des virus et des miasmes ; pour ma part, je puis affirmer que peut-être cet acide détruit les virus, en solution concentrée, comme caustique ; mais qu'en solution étendue, comme celle que l'on a généralement employée, elle ne m'a pas paru avoir sur la marche du fléau, sur la non-contagion la moindre influence. Les préparations qui ont l'acide phénique pour base n'ont qu'une action assainissante restreinte, et cette action ne porte que sur les émanations insalubres résultant des égouts, lieux d'aisance, etc., mais la neutralisation d'un miasme hypothétique me semble encore un véritable mythe.)

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  1. Bulletin de thérapeutique, 1861.
  2. De l'acide phénique, de son action sur les végétaux, les animaux, les ferments, les venins, les virus, les miasmes, et de ses applications à l'industrie, à l'hygiène, aux sciences anatomiques et thérapeutiques. 1 vol. grand in-18.
  3. De l'acide phénigue, etc., et du phénol sodique, etc. Paris, 1866.
  4. Annuaire de thérapeutique, 1864.