Armoise (Cazin 1868)
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Nom accepté : Artemisia vulgaris
Artemisia vulgaris, major. Bauh., Tourn. — Artemisia latifolia. Fuchs. Herba regia. Brunf.
Armoise vulgaire, — armoise commune, — herbe de la Saint-Jean, — couronne de Saint-Jean, ceinture de la Saint-Jean, — herbe de feu.
Synanthérées, tribu des Corymbifères. — Syngénésie Polyg. Superf.
Cette plante vivace (Pl. V), herbacée, est très-commune dans tous les lieux incultes. On la rencontre partout, le long des chemins, sur les bords des champs, dans les lieux secs, arides, sur les masures.
Description. — Racine à peu près de la grosseur du doigt, longue, ligneuse, fibreuse, rampante. — Tiges de 1 mètre et plus, droites, fermes, cylindriques, cannelées, rameuses supérieurement, d'un vert blanchâtre, quelquefois rougeâtre, légèrement pubescentes. — Feuilles d'un vert sombre en dessus, blanches et cotonneuses en dessous, alternes, pinnatifides, à folioles lancéolées en haut de la tige, les florales linéaires, pointues. — Fleurs en capitules ovoïdes disposées en épis axillaires, formant une panicule terminale longue et étroite (juillet-septembre) ; chaque capitule se composant d'un involucre oblong à folioles ovales et lomenteuses, imbriquées, et de petits fleurons pâles ou rougeâtres, tubuleux, ceux du centre hermaphrodites, à cinq dents au limbe, ceux de la circonférence presque filiformes ; réceptacle nu. Le reste offrant les caractères de l'absinthe. Les fruits sont des akènes cylindriques, obovales, lisses, terminés par un disque très-étroit.
Parties usitées. — La racine, les feuilles et les sommités.
[Culture. — L'armoise est très-abondante à l'état sauvage, quoiqu'elle vienne partout ; elle préfère cependant les terres légères et les expositions découvertes ; on la multiplie par semis et par division des pieds que l'on pratique au commencement du printemps.]
Récolte. — Elle se fait au mois de juin ou au commencement de juillet, suivant 1 époque de la floraison. Après l'avoir mondée, on en fait des guirlandes et on la porte au séchoir. Les racines exigent des soins pour prévenir la moisissure. La plante récoltée dans les jardins et dans les terrains gras et humides est beaucoup moins active que celle qui se trouve dans les lieux secs, arides, sur les masures.
Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de l'armoise est aromatique; la saveur des feuilles et des tiges est un peu amère; celle de la racine est douce. L'infusion aqueuse de l'herbe récente est rougeâtre; elle noircit par l'addition du sulfate de fer. Sou suc rougit le papier bleu. Cette plante contient, d'après Braconnot, une matière azotée, amère, et de l'huile volatile. L'eau et l'alcool dissolvent ses principes actifs.
Substances incompatibles. — Les sulfates de fer et de zinc.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 10 à 30 gr. par kilogramme d'eau bouillante. |
Infusion vineuse, même dose dans le vin blanc. |
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Eau distillée, de 50 à 100 gr. comme véhicule de potion |
Poudre (racine), 2 à 4 gr. dans de la bière chaude (épilepsie). (Bresler.) |
L'armoise est tonique, stimulante, antispasmodique, emménagogue. On l'a employée dans l'hystérie, la chlorose, l'aménorrhée, la chorée, les vomissements spasmodiques, les convulsions des enfants, les névralgies, l'épilepsie, etc.
Les propriétés emménagogues de cette plante ont été préconisées par les médecins de l'antiquité et constatées depuis par tous les praticiens. Hippocrate[1] la regarde comme un remède propre à expulser l'arrière-faix. Dioscoride la prescrit pour provoquer les règles et accélérer l'accouchement. Zacatus Lusitanus a rétabli, au moyen de l'infusion d'armoise, un flux menstruel arrêté depuis dix ans. Demésa[2] a obtenu dans un cas semblable un égal succès.
La décoction d'armoise, dont on dirige la vapeur sur la vulve, est mise en usage pour rappeler les règles et favoriser l'écoulement des lochies. On lui associe quelquefois, dans ce mode d'application, l'absinthe, la matricaire, le souci, le cerfeuil. On administre aussi l'armoise en lavement pour remplir la même indication. J'ai vu des femmes de la campagne appliquer des cataplasmes de feuilles et sommités de cette plante sur le bas-ventre des nouvelles accouchées pour favoriser l'expulsion des caillots sanguins et de l'arrière-faix.
Fernel conseille comme emménagogue un pessaire composé de suc d'armoise et de myrrhe. Nous négligeons trop les pessaires médicamenteux; les anciens les employaient fréquemment et avec avantage.
J'ai employé le suc d'armoise avec succès dans l'aménorrhée ; j'en fais prendre 30 à 80 gram. à jeun pendant les dix jours qui précèdent le molimen utérin ou l'époque habituelle des règles. — Lorsque les malades répugnent à prendre le suc, je leur donne une forte décoction des sommités, tiède, le matin, pendant le même espace de temps. Je pourrais citer un grand nombre d'observations qui constatent l'effet emménagogue de l'armoise ainsi administrée : les limites qui me sont tracées par la nature de mon travail ne me permettent, le plus souvent, qu'une simple mention. — Lorsqu'il y a chlorose, je joins au suc d'armoise la teinture de Mars tartarisée, et je fais prendre ce mélange dans un verre de vin blanc. Ce moyen m'a surtout réussi lorsque la chlorose était accompagnée d'un état d'inertie de la matrice, ce qui a le plus ordinairement lieu. Il serait nuisible si cet organe, comme cela se rencontre quelquefois, était surexcité.
Lorsque par atonie les lochies languissent, je fais prendre l'infusion chaude d'armoise, surtout chez les femmes qui n'allaitent pas. J'ai remarqué que l'écoulement muqueux utérin est plus abondant par l'effet de l'armoise, et que cette dérivation contribue à la diminution de l'afflux du lait dans les mamelles. Une longue pratique comme médecin-accoucheur m'a mis à même de vérifier ce fait un grand nombre de fois. Il est d'ailleurs expliqué par les relations sympathiques qui existent entre deux appareils d'organes qui concourent au même but. C'est par un effet inverse, et en vertu de ces mêmes relations, que les ventouses appliquées aux mamelles font cesser
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une hémorrhagie utérine, et que les lochies se suppriment momentanément pendant la fièvre de lait.
J'ai rappelé une leucorrhée habituelle et dont la suppression avait donné lieu à une toux inquiétante, en faisant prendre à la malade, pendant dix jours, 60 gram. de suc exprimé d'armoise.
Ces faits, ajoutés à tant d'autres, ne permettent point de révoquer en doute l'action spéciale de l'armoise sur l'utérus.
Home a obtenu des résultats avantageux de l'emploi de l'armoise contre l'hystérie ; il donnait des feuilles en poudre à la dose de 4 gram. répétée quatre fois par jour.
Biermann[1] administre contre les convulsions, pendant la première dentition, 2 centigr. et demi de poudre de racine d'armoise mêlée à 25 centigr. de sucre pulvérisé. Cette dose est donnée d'heure en heure. On l'augmente graduellement jusqu'à 10 centigrammes.
L'armoise a été mise en usage dans la chorée, les névralgies, les vomissements nerveux chroniques. A une certaine dose, le suc d'armoise peut lui-même provoquer le vomissement. Je l'ai vu produire cet effet à la dose de 60 gram. chez une femme délicate et nerveuse. Lorsqu'on veut le donner comme altérant, il est bon de commencer par une moindre dose, et de n'augmenter que graduellement.
Matthiole, Tragus, Fernel, Simon Pauli, Joel, Schroeder, Ettmuller, etc. ont recommandé la racine d'armoise comme un remède antiépileptique très-efficace.
Nous trouvons dans Joel :
« Experientia comprobatum est, pridie D. Johannis Baptistæ, sub radicibus artemisiæ evulsæ carbones reperiri, quorum 31. Si in pulvisculum redigatur, et cum aqua stillatitia florum tiliæ aut florum lilior. Convallium ebibenda offeratur, protinus ægrum ab epilepsia liberatum iri. »
Et dans Ettmuller :
« Notum est, quod circa festum santi Johannis Baptistæ sub radice hujus, carbones reperiantur multæ laudis in epilepsia. Hi carbones non sunt fabula uti Hoffmannus voluit, sed nihil aliud est quam radices artemisiæ annosæ demortuæ, quæ in epilepsia revera juvant. »
Burdach[2] cite cinq cas où ce médicament a produit les plus heureux effets ; il a remarqué que ce moyen s'était surtout montré efficace chez des sujets atteintsd'épilepsie pendant une élongation trop rapide. Schoenbeck[3], Graefe[4], Brocx[5], Lœvenhœck[6], Hufeland, Bresler et plusieurs médecins allemands ont publié plusieurs faits tendant à prouver l'utililé de son usage contre les accès épileptiques. Dans la plupart de ces cas, lorsque le remède agissait, il produisait une diaphorèse abondante.
Delwart a obtenu des résultats assez satisfaisants de l'administration de cette plante dans l'épilepsie des animaux domestiques.
Ainsi que l'absinthe, l'armoise a été vantée comme vermifuge. Je ne puis passer sous silence l'opinion de Parkinson qui assure que l'armoise fraîche ou son suc combat les effets de l'opium pris à trop forte dose ??
Wurtzer[7] a obtenu de très-bons effets de la racine d'armoise dans les fièvres intermittentes et les affections spasmodiques des enfants. Le Journal de médecine de la Gironde rapporte que le même moyen a réussi chez un individu qui était affecté à la fois d'épilepsie et de chorée.
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- ↑ Hufeland's Journ., 1804.
- ↑ Journal complémentaire des sciences médicales, t. XIX, p. 183.
- ↑ Gazette de santé, 25 juin 1827.
- ↑ Journal de chirurgie de Walter et Graefe.
- ↑ Bulletin de Férussac.
- ↑ Journal de Hufeland.
- ↑ Revue médicale, t. I, p. 114.
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Les Chinois et les Japonais préparent le moxa avec les sommités et les feuilles desséchées, battues et cardées de l'armoise. Le professeur Ansiaux, de Liège, employait quelquefois ce moxa. [Mais pour quelques auteurs ils emploient l'A. chinensis L., et d'après Lindley ce serait une espèce particulière que l'A. moxa.]