Roseau aromatique (Cazin 1868)
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Nom accepté : Acorus calamus
Acorus verus, sive calamus aromaticus officinarum. C. Bauh., Tourn. — Acorus virus. Blaz. — Calamus aromaticus. Gaez. — Acorum legitimum. Tab.
Acore vrai, — acorus aromatique, — roseau odorant, — calamus aromatique.
AROÏDÉES. — CALLACÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L.
Cette plante vivace (Pl. XXXV) croît dans les fossés marécageux de l'Alsace, de la Belgique, de la Bretagne, de la Normandie, des Vosges, etc.
Description. — Racine horizontale, noueuse, rampante, plus grosse que le doigt, spongieuse, jaunâtre en dehors, blanche en dedans. — Tige : hampe un peu comprimée, s'ouvrant sur les côtés pour donner passage à un spadice jaunâtre, allongé et cylindrique. — Feuilles radicales, engaînantes, étroites, ensiformes, longues de 50 à 70 centimètres. — Fleurs petites, hermaphrodites, axillaires, sessiles (juin-juillet). - Calice persistant formé de six pièces courtes. — Point de corolle. — Six étamines. - Un ovaire avec stigmate sessiles — Fruit : capsule triangulaire, entourée par le calice persistant, contenant trois semences.
Parties usitées. — La racine.
Récolte. — Cette racine nous est ordinairement envoyée de la Belgique, de la Hollande, de la Pologne, et même de la Tartarie, bien qu'on puisse la tirer de l'Alsace, de la Bretagne et des Vosges, où elle est très-commune. On la récolte au printemps ou à l'automne, et on la fait sécher. La dessiccation la rend beaucoup plus âcre, piquante et aromatique. Elle est sujette à être piquée des vers.
[Culture. — Le roseau aromatique exige un sol humide, il réussit bien dans les terrains submergés et marécageux. On plante à l'automne et au printemps les éclats de pieds à fleur de terre, sans cela ils seraient exposés à pourrir. Dans le nord de la France il fleurit rarement, et il ne mûrit ses graines qu'autant qu'on lui donne de la chaleur humide.]
Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de cette racine est forte, pénétrante et peu agréable, tant qu'elle est verte. Sèche, son odeur est agréable et persistante ; sa saveur est aromatique, un peu amère, piquante, âcre, et laisse dans la bouche l'odeur qui lui est propre. D'après Trommsdorff[1] elle contient une matière extractive, de la gomme, une résine visqueuse, une matière analogue à l'inuline, une huile volatile de saveur camphrée, du ligneux, quelques sels et de l'eau.
A L'INTÉRIEUR. — Décoction ou infusion, de 8 à 15 gr. et au delà par kilogramme d'eau ou de vin. |
Extrait, de 1 à 4 gr. |
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- ↑ Annales de chimie, 1812, t. LXXXI, p. 332.
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L'action excitante du roseau aromatique l'a fait considérer comme stomachique, diaphorétique, emménagogue, expectorant, etc., suivant l'état d'atonie de tel ou tel organe. C'est ainsi qu'elle est utile dans les affections exanthématiques lorsqu'il y a défaut d'action de la peau, comme on l'observe chez les sujets faibles ; dans l'aménorrhée, chez les femmes lymphatiques et prédisposées à la chlorose ; dans la période d'atonie des affections catarrhales, dans les fièvres intermittentes exemptes d'irritation viscérale et accompagnées de débilité, d'œdème, de cachexie, contre les affections vermineuses, etc. Chomel en a éprouvé les bons effets dans l'atonie de l'estomac, la dyspepsie et le vomissement. Petochast la vante dans l'hydropisie, et Most dans l'hystérie. Les Tartares la considèrent comme antiseptique. Ces peuples, au rapport de Clusius, ne boivent jamais d'eau sans avoir, au préalable, fait macérer de cette racine. Lebeau, médecin au Pont-de-Bonvoisin, a préconisé ce médicament dans l'épistaxis et dans les hémorragies qui suivent l'avortement ; il dit que son père l'a souvent employé avec succès dans différentes espèces d'hémorrhagies[1] ; mais il est évident qu'elle ne peut convenir que lorsque ces hémorrhagies sont passives : les excitants ne peuvent, dans les hémorrhagies actives ou avec pléthore locale, qu'augmenter l'afflux qui les produit.
La propriété hémostatique de la racine d'acore avait été signalée par Gr. Hortius. Cet auteur s'exprime en ces termes : Acorum nostrum decoctum et epotum immodicum profluvium mensium sistit. — Idem cum vino et prunis sylvestribus, omnibus fluxionibus immodicis sanguinis medetur. — Je me suis très-bien trouvé de la décoction de cette racine dans un cas de menstrues ménorrhagiques avec chloro-anémie chez une femme de trente-deux ans. Cette hémorrhagie périodique datait de deux ans, durait chaque fois de dix à quinze jours, et avait résisté aux astringents employés en pareil cas. Il a suffi de l'usage de la décoction d'acore pour en triompher en peu de temps.
Loiseleur-Deslongchamps administrait chaque jour 50 à 60 centigr. de racine d'acore en poudre, dans les cas où il était nécessaire de rétablir les fonctions faibles et languissantes des organes digestifs. Mappus[2] attribue à l'acore vrai la faculté de provoquer le vomissement, donné à la dose de 4 gr. en poudre ; il a été rarement employé dans le but de produire cet effet. Dans la goutte chronique, les Allemands l'associent à la sabine dans la proportion de 9 parties pour 6 de sabine ; 6 gr. du mélange en infusion dans 1 litre d'eau, par verrées dans la journée.
Le calamus aromatique indigène peut très-bien remplacer celui qui nous est apporté des Indes.
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