Seigle (Cazin 1868)
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Nom accepté : Secale cereale
Secale hybernum vel majus. C. Bauh., Tourn. — Secale vulgatius. Park.
GRAMINÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE DIGYNIE. L.
Cette plante fournit par la culture deux variétés. L'une est le seigle d'hiver, qui s'élève davantage, et dont les épis sont plus longs, plus forts, mieux garnis ; l'autre est le seigle d'été, plus petit dans toutes ses parties ; il ne se sème guère qu'au printemps. Cette graminée vient dans les terres légères, crayeuses, sèches, et même dans le sable pur.
Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Les grains de seigle contiennent moins de son et plus de farine que ceux de froment. Traités par l'acide nitrique, ils donnent, suivant Chaptal, un tiers moins d'acide saccharin que ceux-ci. Réduits en farine, ils contiennent, d'après Einhof[1] : albumine, 3.27 ; gluten frais, 9.48 ; mucilage, 11.19 ; amidon, 61.09 ; matière saccharine, 3.27 ; ligneux, 6.38 ; perte, 5.42. — L'amidon est ici un peu moins abondant que dans le blé. La farine de seigle, d'après Taddei, transforme le sublimé en calomel, de même que le gluten. Il en faut 600 parties sur 1 de ce sel pour opérer cette transformation, tandis qu'il ne faut que 25 parties de gluten frais et 13 de sec pour exécuter la même conversion. Elle est donc une sorte d'antidote du sublimé corrosif[2], pouvant être substitué au gluten, qu'on a rarement tout préparé. La farine de seigle forme un pain un peu bis, mat, frais, gras, assez savoureux, d'une odeur agréable, se gardant frais sept à huit jours sans rien perdre de sa saveur, avantage précieux pour les gens de la campagne. Le mélange de cette farine avec celle de froment rend le pain de celui-ci plus frais et plus agréable. Le pain d'épice est fabriqué avec la farine de seigle, le miel, la mélasse, etc. Dans quelques cantons, on mange comme les petits pois la semence de seigle recueillie un peu avant sa maturité et séchée. Le seigle, converti en gruau, fournit une nourriture agréable au goût. On en fait des potages et des bouillies. On prépare avec le seigle mûr, sec et rôti, une sorte de café au lait qui nourrit, rafraîchit et donne de l'embonpoint. Pour cela, on le fait bouillir jusqu'à ce qu'il s'amollisse, sans cependant le laisser crever ; on le fait sécher au soleil ou à l'étuve ; on le brûle ensuite comme le
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café, et on le moud ; quelquefois on y.ajoute un tiers de café, ce qui rend cette boisson plus agréable : on la sucre moins que le café ordinaire. (Il est alors connu sous le nom de poudre économique alimentaire de Hunt.)
Dans les pays du Nord, on retire du seigle, par la distillation, une sorte d'eau-de-vie à laquelle on mêle quelquefois des baies de genévrier pour lui donner plus de force. On fait aussi une sorte de bière aven ce grain.
La paille de seigle, qui est longue et unie, sert à couvrir les toits des chaumières, à faire des liens, des nattes, des clayons, des paniers, des sièges de chaises, etc. On en fabrique des chapeaux légers, et on est même parvenu avec les pailles les plus minces et les plus flexibles à composer des tissus presque aussi fins que ceux de lin et de soie dont les dames font des coiffures de luxe.
Le seigle est plus usité comme aliment que comme médicament. Il est rafraîchissant, émollient et légèrement laxatif. Sa farine peut être employée aux mêmes usages que celle du froment. Appliquée en cataplasme, elle est émolliente et résolutive, mais elle s'aigrit trop tôt et devient irritante. J'ai employé avec avantage le seigle légèrement concassé en décoction (30 à 60 gr. et plus par kilogramme d'eau), contre la constipation, quand tous les moyens ordinairement mis en usage contre cette affection avaient été inutilement administrés. Cadet de Vaux prétend que ceux qui se nourrissent de pain de seigle sont rarement atteints d'apoplexie : on sait vulgairement que la liberté du ventre dégage la tête, et diminue par conséquent la tendance aux congestions cérébrales.
Le pain d'épices est laxatif et maturatif. (Dans le Nord on emploie surtout comme maturatif la pâte de pain d'épices, légèrement fermentée. Il est rare d'être appelé près d'une femme affectée d'abcès du sein au début, sans trouver le sein barbouillé de cette bouillie jaunâtre !)
Wauters rapporte plusieurs observations sur l'efficacité du pain de seigle fortement torréfié, contre les fièvres intermittentes. La plus remarquable est celle d'une fièvre quarte qui durait depuis plus de deux ans, et avait constamment résisté au quinquina. Il administrait ce remède en décoction à la dose de 60 gr. dans 750 gr. d'eau, en deux fois, dans l'apyrexie, à la manière du café. Il le donnait quelquefois en poudre (15 gr. en trois doses dans l'apyrexie), avec la cascarille (2 à 4 gr.) et le sel de tartre (2 gr.)
Missoux, de Fournols[1], a fait connaître un moyen simple et assuré pour guérir les hygromas. Ce moyen consiste dans l'application sur la tumeur d'une tranche de pain de seigle sortant du four. Cette tranche doit être munie de sa croûte (que l'on tourne du côté extérieur), et assujettie convenablement au moyen d'une serviette ou d'un linge assez épais pour contribuer à conserver aussi longtemps que possible la chaleur. Si c'est le genou qui est le siège de la tumeur, ce qui est le cas le plus fréquent, cette partie étant très-exposée aux frottements et aux refroidissements, le malade garde le lit et s'y tient vingt-quatre heures. Quelquefois, quand la tumeur est récente, une seule application suffit ; mais, le plus ordinairement, il faut répéter ce moyen trois ou quatre fois, et autant que possible d'une manière continue. L'auteur dit avoir obtenu ainsi de nombreux cas de guérison,
Comme presque toutes les graminées, le seigle est sujet à une maladie particulière connue sous le nom vulgaire d'ERGOT. Il porte alors le nom de SEIGLE ERGOTÉ, dénomination que, par extension, on donne aussi à l'ergot de seigle lui-même dans le langage médical.
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- ↑ Courrier médical, octobre 1850.