Ruta chalepensis (PROTA) : Différence entre versions
(Page créée avec « <big>''Ruta chalepensis'' L.</big> {{PROTABandeau}} {{PROTA Starbox | Importance générale= 2 | Répartition en Afrique= 2 | Répartition mondiale= 3 | Ornemental= 1 ... ») |
|||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
− | |||
{{PROTABandeau}} | {{PROTABandeau}} | ||
{{PROTA Starbox | {{PROTA Starbox | ||
Ligne 9 : | Ligne 8 : | ||
| Spices and condiment use= 2 | | Spices and condiment use= 2 | ||
}} | }} | ||
+ | |||
+ | |||
+ | <big>''[[Ruta chalepensis]]'' L.</big> | ||
__NOTOC__ | __NOTOC__ | ||
Ligne 17 : | Ligne 19 : | ||
:Protologue: Mant. pl. 1: 69 (1767). | :Protologue: Mant. pl. 1: 69 (1767). | ||
− | :Famille: Rutaceae | + | :Famille: Rutaceae |
:Nombre de chromosomes: 2''n'' = 36, 40 | :Nombre de chromosomes: 2''n'' = 36, 40 |
Version du 26 juin 2014 à 11:33
Introduction |
- Protologue: Mant. pl. 1: 69 (1767).
- Famille: Rutaceae
- Nombre de chromosomes: 2n = 36, 40
Synonymes
Ruta bracteosa DC. (1824).
Noms vernaculaires
Rue de Chalep (Fr). Fringed rue (En).
Origine et répartition géographique
Ruta chalepensis est indigène du pourtour méditerranéen et des îles Canaries. Il est cultivé dans les régions tropicales comme plante potagère ou médicinale et s’est largement acclimaté. En Afrique tropicale, il a été introduit dans plusieurs pays, notamment dans les îles du Cap-Vert, au Soudan, en Ethiopie, en Somalie et en Afrique australe (y compris en Afrique du Sud), où il est généralement cultivé dans les jardins de simples. Il a également été naturalisé dans la péninsule arabique, en Inde, en Malaisie, au Vietnam et à Java, de même qu’aux Etats-Unis, au Mexique, à Cuba et au Chili.
En Afrique, Ruta graveolens L., qui lui est apparenté d’un point de vue morphologique et chimique, semble n’être présent qu’en Afrique du Sud.
Usages
Ruta chalepensis est cultivé dans plusieurs pays d’Afrique tropicale où ses usages sont à la fois culinaires et médicinaux. Ses vertus médicinales et culinaires sont attribuées à la présence d’huiles essentielles contenues dans l’ensemble des parties de la plante. Ce sont les sommités des nouvelles pousses qui sont les plus actives et qu’il convient de ramasser avant la floraison.
Dans le nord du Soudan, les fruits sont appliqués en cataplasme sur les œdèmes. En Ethiopie, Ruta chalepensis est une plante médicinale importante. L’extrait aqueux-alcoolique des feuilles se boit comme médicament anti-implantation et utérotonique. La décoction des fruits pulvérisés dans du lait est prescrite contre la diarrhée. La décoction de racine dans une boisson alcoolisée, additionnée de piment, se prend contre la grippe. Le jus de la plante traite les maux d’estomac. La décoction de feuilles dans une infusion se prend en cas de maux de tête, de fièvre ou de simple rhume. En Afrique australe, on se frictionne le corps avec l’huile obtenue à partir des parties aériennes en cas de douleurs d’estomac, de coliques, d’hystérie, d’épilepsie, et on l’administre par voie orale comme anthelminthique. Chez les Tswanas d’Afrique australe, la décoction de la plante entière se prend à fortes doses pour faciliter l’accouchement. En Afrique du Sud, on boit la décoction de feuilles de Ruta chalepensis ou de Ruta graveolens dans le traitement de la typhoïde et de la scarlatine, tandis que le jus des feuilles est administré aux enfants souffrant de convulsions, de crises, de jaunisse et de diarrhée. Les feuilles écrasées sont appliquées en externe contre les douleurs dentaires et les otalgies. La macération de feuilles se prend en cas de maladies cardiaques et respiratoires, de rhumatismes, de goutte et d’hypertension. Les feuilles, consommées en infusion ou mastiquées, soignent les maux d’estomac et les maux de tête.
Ruta chalepensis comme Ruta graveolens sont traditionnellement employés depuis des siècles en tant que condiment dans l’alimentation et les boissons alcoolisées en Méditerranée, mais c’est leur amertume qui est à l’origine de leur déclin. Les feuilles dégagent un parfum puissant, une odeur particulière aromatique et sucrée. Les fruits ont un goût analogue, mais plus prononcé et un peu épicé. En Ethiopie, les feuilles fraîches de Ruta chalepensis servent à aromatiser une boisson, le “kuti”, qui est une infusion de feuilles de café ; les feuilles entrent également dans la composition de la sauce “berbere” épicée au piment. Une fois lavées, les feuilles sont ajoutées au lait aigre pour fabriquer un fromage local.
Les plantes servent à éloigner les chiens et les chats car ils en détestent l’odeur. De même, les feuilles séchées et écrasées constituent un insectifuge efficace.
Tant la plante que ses huiles essentielles ont été jadis largement utilisées en Europe comme anthelminthique, stomachique, antispasmodique, antiépileptique, rubéfiant, emménagogue et abortif. L’usage abusif de la plante est dangereux. Ses effets toxiques sont manifestement liés à la dose. Elle est potentiellement toxique et carcinogène lorsqu’elle est administrée par voie orale, et peut provoquer une dermatite de contact. Administrées par voie interne, les feuilles comme l’huile peuvent entraîner hémorragie, fausse couche et avortement, et c’est à ce titre qu’on les utilise depuis la nuit des temps. La plante peut par ailleurs déclencher vomissement, gastro-entérite, œdème de la langue, refroidissement des extrémités, voire entrainer la mort. Pour certains, son ingestion augmente la photosensibilisation qui peut produire une dermite importante.
L’huile est utilisée comme substance aromatisante dans les parfums et les savons parfumés. Les huiles, riches en méthyl-nonyl-kétone, servent à la préparation du méthyl-n-nonyl-acétylaldéhyde qui est généralement employé comme parfum de synthèse.
La plante est également souvent cultivée comme plante ornementale de haie ou bien comme plante en pot.
Production et commerce international
La production commerciale d’huile essentielle de Ruta chalepensis et de Ruta graveolens se concentre autour du bassin méditerranéen. En Ethiopie, on trouve fréquemment sur les marchés locaux soit des fruits séchés, soit des rameaux frais ou séchés garnis de feuilles, de fleurs et de fruits.
Propriétés
Les composés isolés de Ruta chalepensis et de Ruta graveolens sont essentiellement les mêmes, bien qu’il y ait des différences d’un point de vue quantitatif. Toutefois, ces différences sont de la même importance que celles observées entre des provenances différentes au sein de ces mêmes espèces. On observe également des différences qualitatives et quantitatives entre les différentes parties de la plante. Les deux espèces se caractérisent par la présence d’alcaloïdes (de type acridone, quinolone, et furoquinolone, et des furoquinolines quaternaires), de (furano-)coumarines et d’huiles essentielles. Les huiles essentielles des parties aériennes de plantes de Ruta chalepensis récoltées à différents stades de croissance dans le nord de l’Inde contiennent 19 composés qui représentent 85,4–93,3% de l’huile. Ils sont constitués principalement de 2-undécanone (41,3–67,8%), de 2-nonanone (5, 2–33,6%), de 2-nonyl-acétate (2,8–15,3%) et de 2-dodécanone (<0,1–11,6%).
Les principaux composants qui ont été isolés des racines de Ruta chalepensis sont des alcaloïdes de type furoquinoline (la kokusaginine, la skimmianine et la gravéoline), des alcaloïdes de type acridone (la 1-hydroxy-N-méthylacridone et le chaloridon), ainsi que la chalépensine, une furano-coumarine. Dans les parties aériennes séchées, on trouve parmi les principaux composés qui ont été isolés des alcaloïdes de type furoquinoline (la kokusaginine, la skimmianine, la gravéoline, la γ-fagarine et la dictamnine), un alcaloïde de type acridone (l’arborinine), ainsi que des furano-coumarines (le bergaptène (ou le 5-méthoxypsoralène) et la chalépensine).
Le bergaptène et la chalépensine appartiennent à la famille des furano-coumarines linéaires, connues pour leur phototoxicité. Une dermatose peut apparaître en cas de contact direct entre la peau et la plante qui contient ces composés, si ce contact est suivi d’exposition immédiate aux UV-A, par ex. du soleil.
Des extraits à l’éthanol de fleurs séchées à l’air ont été étudiés selon plusieurs modèles. Une administration par voie orale selon un dosage de 500 mg/kg a eu pour effet de réduire considérablement l’œdème provoqué par le carraghénane chez le rat. On a signalé des résultats identiques avec l’essai du granulome à la boulette de coton. En outre, l’administration intrapéritonéale selon un dosage de 100 mg/kg a fait baisser de manière considérable la fièvre induite de façon sous-cutanée (par suspension de levures) chez la souris. Néanmoins, aucune activité analgésique n’a été observée lors de l’essai à la plaque chauffante chez la souris. Parmi les composés isolés, c’est la chalépensine administrée par voie intrapéritonéale selon un dosage de 10 mg/kg qui a sensiblement prolongé la durée du sommeil induite par l’hexobarbital chez la souris. Un extrait à l’hexane des parties aériennes s’est révélé avoir une forte action molluscicide sur l’escargot vecteur de la schistosomose, Bulinus truncatus, avec une valeur CL90 de 2,23 mg/l. En outre, des extraits à l’éthanol ont révélé une action in vitro sur les bactéries Staphylococcus aureus et Pseudomonas vulgaris (essai de diffusion en disque).
Les informations concernant l’effet antifertile de Ruta chalepensis sont mitigées. Vu que l’absorption de l’huile essentielle provoque l’avortement chez le cobaye et chez l’homme, on peut vraisemblablement attribuer cet effet à une toxicité générale. L’huile essentielle n’a pas d’effet sur l’utérus isolé de chattes (non-)gestantes ou sur l’oviducte isolé de la femme enceinte ou non. Un extrait à l’éthanol de la plante a cependant fait la preuve d’un puissant effet anti-implantation, d’un taux d’avortement accru et d’un taux de gestation global réduit chez le rat albinos. Des extraits au méthanol et à l’éther de pétrole auraient des effets semblables, alors que des extraits au benzène et au chloroforme ont simplement un effet toxicologique. L’effet antifertile est attribué à la chalépensine, une furano-coumarine, dont le dosage thérapeutique a un écart très limité.
C’est la rutine (les feuilles séchées en contiennent 7–8%), un hétéroside de la quercétine qui contient un disaccharide (la rutinose) comme composé sucré, qui est à l’origine de l’amertume. Elle est connue pour ses propriétés de protection capillaire. Il a également été démontré que des extraits de Ruta chalepensis avaient des vertus anti-inflammatoires.
Botanique
Sous-arbrisseau érigé, densément ramifié, atteignant 0,5–1(–1,5) m de haut. Feuilles disposées en spirale, 2–3-pennatiséquées, à contour obovale à oblong-obovale, de 4–15 cm × 2–9 cm, segments ultimes obovales-lancéolés, d’environ 5–30 mm × 1,5–6 mm, nettement glauques, crénelés, ponctués de points glandulaires translucides, dégageant une odeur forte, feuilles inférieures plus ou moins pétiolées, atteignant 12,5 cm de long, 2(–3)-pennées ; stipules absentes. Inflorescence : cymes pourvues de bractées, terminales ou à l’aisselle des feuilles supérieures, souvent réunies en corymbe, bractées cordées-ovales, plus larges que le rameau sous-tendu. Fleurs bisexuées, 4(–5)-mères, protandres, fleurs centrales 5-mères ; pédicelle de 0,5–2 cm de long ; sépales deltoïdes-ovales, de 3–4 mm × 2–3 mm, glabres ; pétales libres, oblongs, de 4–8 mm de long, bordés de cils plus courts que la largeur du pétale, jaune verdâtre à l’extérieur, jaunes à l’intérieur ; anthères deux fois plus nombreuses que les pétales ; ovaire supère, presque rond, 4–5-lobé, 3–5-loculaire. Fruit : capsule 4-lobée, de 5–7 mm × 5–8 mm, segments acuminés, s’ouvrant à l’apex, contenant 5–10 graines. Graines à trois angles, réniformes, brun foncé ou noir brunâtre. Plantule à germination épigée.
Le genre Ruta comprend environ 8 espèces. L’identité botanique de Ruta cultivé en Afrique tropicale n’est pas toujours bien définie. La présence en Afrique tropicale de Ruta graveolens, qui lui est apparenté, est due à des déterminations erronées, en tous cas certainement en ce qui concerne l’Ethiopie. La composition chimique est presque identique d’une espèce à l’autre. Ruta graveolens est polyploïde. Ses usages médicinaux et culinaires en Afrique du Sud sont semblables à ceux de Ruta chalepensis.
Description
Autres données botaniques
Croissance et développement
Ecologie
Ruta chalepensis pousse bien sur des sols sablonneux ou rocheux calcaires bien drainés et préfère le plein soleil. En Ethiopie, il est cultivé à 1500–2000 m d’altitude.
Multiplication et plantation
Gestion
Ruta chalepensis se multiplie généralement par graines, mais aussi par marcottage, division de racines et boutures. Le bouturage est avantageux à faible altitude dans les régions tropicales où l’on a remarqué que la plante fleurit rarement. Les graines germent (14–)45–60 jours après le semis, la floraison débutant 90–150 jours plus tard. Ruta chalepensis réagit bien à la taille à tel point que l’on peut lui donner une forme ronde. Au printemps, la plante peut être rabattue jusqu’au vieux bois pour lui permettre de maintenir une forme buissonnante compacte.
Lors de la récolte, il convient de se protéger à l’aide de gants afin d’éviter que la peau n’entre en contact avec la plante. Les parties non ligneuses qui se trouvent au-dessus du sol doivent être de préférence séchées à l’ombre et retournées régulièrement car elles ont du mal à sécher.
Maladies et ravageurs
Ruta chalepensis est sujet aux champignons de la tige et des racines en cas d’humidité.
Ressources génétiques
En Ethiopie et en Afrique du Sud, Ruta chalepensis fleurit et fructifie normalement et se plante souvent dans les jardins familiaux. Ce qui explique qu’il ne soit pas menacé d’érosion génétique. Les plantes qui poussent à basse altitude en Afrique tropicale fleurissant rarement, elles sont multipliées végétativement, ce qui peut entraîner un appauvrissement de leur variabilité génétique.
Perspectives
Ruta chalepensis est très apprécié tant pour ses vertus médicinales que pour l’assaisonnement des mets. L’application des furano-coumarines linéaires et phototoxiques en médecine telles quelles sont décrites chez Ruta est bien étudiée, par exemple dans le traitement du psoriasis. Par conséquent, Ruta chalepensis mérite que la recherche poursuive ses travaux sur les possibilités qu’elle offre en tant que source locale ou industrielle de revenus. Toutefois, compte tenu de sa toxicité déclarée, de plus amples travaux de recherche se justifient pour permettre d’établir son profil d’innocuité.
Références principales
- El Sayed, K., Al-Said, M.S., El-Feraly, F.S. & Ross, S.A., 2000. New quinoline alkaloids from Ruta chalepensis. Journal of Natural Products 63: 995–997.
- Gunaydin, K. & Savci, S., 2005. Phytochemical studies on Ruta chalepensis. Natural Product Research 19(3): 203–210.
- Irwanto, R.R.P., 2001. Ruta L. In: van Valkenburg, J.L.C.H. & Bunyapraphatsara, N. (Editors). Plant Resources of South-East Asia No 12(2): Medicinal and poisonous plants 2. Backhuys Publishers, Leiden, Netherlands. pp. 484–488.
- Jansen, P.C.M., 1981. Spices, condiments and medicinal plants in Ethiopia, their taxonomy and agricultural significance. Agricultural Research Reports 906. Centre for Agricultural Publishing and Documentation, Wageningen, Netherlands. 327 pp.
- Neuwinger, H.D., 2000. African traditional medicine: a dictionary of plant use and applications. Medpharm Scientific, Stuttgart, Germany. 589 pp.
Autres références
- Baerts, M. & Lehmann, J., 2010. Ruta chalepensis. [Internet] Prelude Medicinal Plants Database. Metafro-Infosys, Royal Museum for Central Africa, Tervuren, Belgium http://www.metafro.be/prelude. August 2010.
- Gedif, T. & Hahn, H.-J., 2003. The use of medicinal plants in self-care in rural central Ethiopia. Journal of Ethnopharmacology 87: 155–161.
- Kloos, H., Tekle, A., Yohannes, L., Yosef, A. & Lemma, A., 1978. Preliminary studies of traditional medicinal plants in nineteen markets in Ethiopia: use patterns and public health aspects. Ethiopian Medical Journal 16: 33–43.
- van Wyk, B.E., van Oudtshoorn, B. & Gericke, N., 1997. Medicinal plants of South Africa. Briza Publications, Pretoria, South Africa. 304 pp.
- Watt, J.M. & Breyer-Brandwijk, M.G., 1962. The medicinal and poisonous plants of southern and eastern Africa. 2nd Edition. E. and S. Livingstone, London, United Kingdom. 1457 pp.
- Yineger, H., Kelbessa, E., Bekele, T. & Lulekal, E., 2007. Ethnoveterinary medicinal plants at Bale Mountains national park, Ethiopia. Journal of Ethnopharmacology 112: 55–70.
Auteur(s)
- E.N. Matu
CTMDR/KEMRI, P.O. Box 54840–00200, Nairobi, Kenya
Consulté le 23 décembre 2024.
- Voir cette page sur la base de données Prota4U.