Chausse-trappe (Cazin 1868) : Différence entre versions
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+ | [[File:Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes (Pl. XIV) (6459815863).jpg|thumb|PLANCHE XIV : 1. Chausse-trappe. 2. Chélidoine. 3. Chicorée sauvage. 4. Ciguë (grande). 5. Ciguë (petite).]] | ||
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Nom accepté : Centaurea calcitrapa
Carduus stellatus. Dod. — Carduus stellatus, foliis papaveris erratici. Bauh. — Carduus muriaticus. Clus. — Rhaponticum calcitrapa. Scop. — Spina stella alba. Tabern. — Carduus stellatus seu calcitrapa. Tourn.
Centaurée chausse-trape, — centaurée étoilée, — chardon étoilé, — pignerolle.
SYNANTHÉRÉES. Fam. nat. — Syngénésie Polygamie frustranée. L.
Cette plante vivace (Pl. XIV) croît dans toute la France, sur le bord des chemins, dans les terrains secs, autour des villes et des villages. Les Juifs assaisonnaient l'Agneau pascal avec les feuilles de la centaurée étoilée, et les Egyptiens mangent encore aujourd'hui ses jeunes pousses.
Description. — Racines longues, charnues, d'un blanc brunâtre. — Tige anguleuse, très-rameuse et en forme de buisson arrondi. — Feuilles alternes, pubescentes, les radicales pinnatifides, à lobes éloignés et dentés, rétrécies en pétiole, étalées en rosette ; les caulinaires sessiles ; les supérieures entières, petites. — Fleurs en capitules épineux, ovoïdes-oblongs, composés de fleurons purpurins, en cyme et portés sur un pédoncule entouré de bractées ; fleurons en tube irrégulier, 5-fides, sur un réceptacle velu, hermaphrodites au centre, neutres à la circonférence. — Involucre formé d'écailles ovales terminées par de longues et fortes épines jaunâtres, divariquées en étoiles et pinnatifides à leur base. — Fruits : akènes blancs, oblongs, à aigrette sessile.
Parties usitées. — La racine, les feuilles et les fleurs.
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[Culture. — La chansse-trape n'est cultivée que dans les jardins de botanique ; on la propage par semis faits en pleine terre.]
Récolte. La récolte de la centaurée chausse-trape doit se faire avant l'épanouissement des fleurs ; plus tard elle est desséchée et sans suc.
Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles et les fleurs, tout à fait inodores, sont très-amères ; la racine et les semences sont douces. Cette plante contient, d'après Figuier, de Montpellier, du ligneux, une substance gommeuse, une substance résiniforme, une matière azotée, de l'acétate, de l'hydrochlorate et du sulfate de potasse, de l'hydrochlorate et du sulfate de chaux, une matière colorante verte, de la silice, une petite quantité d'acide acétique.
(François Scribe a trouvé dans les feuilles, du cnicin comme dans toutes les plantes amères de la tribu des cynarocéphales.)
Colignon, pharmacien à Apt[1], s'est assuré que cette plante ne contient pas d'alcaloïde et que sa saveur amère est due à une substance à laquelle il a donné la nom d’acide calcitrapique, dont les caractères sont les suivants : amertume très-intense et styptique, couleur ambrée, transparente, consistance sirupeuse ; non volatil, décomposable par la chaleur ; rougissant fortement le papier de tournesol ; incristallisable ; très-soluble dans l'alcool et dans l'éther; peu soluble dans l'eau, même bouillante ; formant avec les bases solubles, telles que la potasse, la soude et l'ammoniaque, des sels solubles dans l'eau, mais incristallisables. L'alcool qui le tient en solution devient très-difficile à distiller, même à feu nu. Une très-petite quantité dissoute dans ce véhicule suffit pour lui communiquer une amertume très-intense.
A L'INTÉRIEUR. — Décoction , 15 à 60 gr. par kilogramme d'eau. |
Extrait alcoolique, 60 centigr. à 2 gr. |
Les feuilles et les fleurs de chausse-trape sont considérées comme toniques et fébrifuges. La racine et les semences sont diurétiques.
L'action des sommités fleuries de cette plante, sur nos organes, est analogue à celle de la petite centaurée et de la gentiane. J. Bauhin, Tournefort, Séguier, Geoffroy, Buchner, Linné, Gilibert, Chrestien de Montpellier[2], Valentin[3], ont constaté ses propriétés fébrifuges. Vitet lui reconnaît les mêmes propriétés, et prescrit la décoction concentrée des feuilles ou le suc à grande dose. « C'est, dit Roques, un de nos meilleurs fébrifuges indigènes ; il peut fort bien remplacer le quinquina dans les campagnes. Nous avons guéri, dit encore Roques, avec la décoction des feuilles et des fleurs, plusieurs malades atteints de fièvres de divers types. »
C'est à Clouet[4], qui, en 1787, l'administra avec succès à plus de deux mille soldats de la garnison de Verdun, que nous devons les expériences les plus concluantes sur l'efficacité de la chausse-trape contre les fièvres intermittentes. Ce remède n'en fut pas moins abandonné, malgré les résultats ultérieurement obtenus par d'autres médecins. « Nous n'estimons point ce qui croît chez nous, nous n'estimons que ce qui s'achète, ce qui couste et s'apporte de dehors[5].»
Dans ces circonstances, Bertin, professeur agrégé de la Faculté de Montpellier, a lu devant l'Académie des sciences et lettres de la même ville un mémoire très-intéressant sur les propriétés fébrifuges de la chausse-trape[6]. Ce médecin avait eu le soin de dégager les fièvres de toute complication.
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- ↑ Répertoire de pharmacie, octobre 1853.
- ↑ Bulletin de Pharmacie, mai 1809.
- ↑ Nouveau Journal de médecine, t. III, 1810.
- ↑ Journal de médecine militaire, t. VII.
- ↑ Charron, De la Sagesse.
- ↑ Revue thérapeutique du Midi, 1853.
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Au début, il administra le médicament sous forme d'extrait aux doses auxquelles il aurait prescrit le sulfate de quinine, et de la même manière que pour ce dernier, c'est-à-dire le plus loin possible des accès. Le succès fut prompt et durable : de nombreuses fièvres quotidiennes, tierces et quartes guérirent par ce remède. Le même résultat fut obtenu dans les fièvres intermittentes larvées et dans les maladies compliquées d'un élément intermittent.
Ces faits, aussi nombreux que bien constatés, prouvent l'incontestable efficacité de l'extrait alcoolique de chausse-trape dans les fièvres intermittentes non pernicieuses, même dans celles d'origine paludéenne. Bertin n'a pas cru devoir s'en rapporter à ce médicament dans les fièvres pernicieuses, où la certitude du danger réclame impérieusement l'emploi de l'antipériodique par excellence. Les bons effets de la chausse-trape lui ont paru si constants, que, dans la prison cellulaire de Montpellier, il préfère, par économie, l'extrait de cette plante au sulfate de quinine. Ses malades n'ont point eu de rechutes ; et cependant plusieurs d'entre eux étaient venus des rizières du château d'Avignon ou des bords marécageux des étangs.
On peut, sans inconvénient, administrer de fortes doses d'extrait de chausse-trape. Cependant Bertin n'a jamais dépassé la dose de 1 gr. 20 centigr., qu'il prescrit en pilules de 20 centigr. chacune.
De tels succès convaincront-ils les médecins qui refusent à nos fébrifuges indigènes la faculté de combattre les fièvres intermittentes d'origine paludéenne ? La vérité se fait difficilement jour à travers les préjugés.
Je regarde le chardon étoilé comme un de nos meilleurs fébrifuges indigènes. J'ai employé plusieurs fois avec succès son suc dans les fièvres intermittentes. Cette préparation m'a réussi dans deux cas où la décoction avait échoué. J'ai souvent associé avec avantage cette plante à l'écorce de saule et à l'absinthe dans les fièvres automnales cachectiques. Dans tous les cas où les toniques fixes sont indiqués, la chausse-trape peut remplacer les amers exotiques. Je l'ai substituée au quassia amara. Elle m'a réussi complètement dans la leucorrhée atonique, soit en décoction, soit infusée dans le vin blanc, avec addition d'un peu de racine d'angélique.
La semence de calcitrape est certainement très-diurétique. Dodonée dit qu'elle provoque l'urine jusqu'au sang si on ne modère son usage. Cette assertion nous paraît exagérée. Je l'ai fait prendre en poudre avec du vin blanc, dans des cas d'hydropisie, où elle a produit une abondante sécrétion d'urine. La racine ne m'a pas paru avoir une action aussi marquée sur l'appareil urinaire. Elle faisait partie, suivant Desbois, de Rochefort, du remède de Baville, qu'on regardait comme très-efficace contre la gravelle.