Phellandre (Cazin 1868) : Différence entre versions
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+ | [[File:Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes (Pl. XXX) (6459824527).jpg|thumb|PLANCHE XXX : 1. Pavot blanc. 2. Pavot cornu. 3. Persicaire. 4. Petit Houx. 5. Phellandrie.]] | ||
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''Cicutaria palustris tenuifolia''. C. Bauh. — ''Millefolium aquaticum''. Matth. - ''Phellandrium dodonæi''. Tourn. — ''Œnanthes aquatica''. Lam. - ''Phellandrium''. Dod. — ''Cicutaria palustris''. Lob. - ''Ligustrum phellandrium''. Grantz. - ''Phellandrium foliis refractis''. Hall. | ''Cicutaria palustris tenuifolia''. C. Bauh. — ''Millefolium aquaticum''. Matth. - ''Phellandrium dodonæi''. Tourn. — ''Œnanthes aquatica''. Lam. - ''Phellandrium''. Dod. — ''Cicutaria palustris''. Lob. - ''Ligustrum phellandrium''. Grantz. - ''Phellandrium foliis refractis''. Hall. | ||
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Le phellandre est une plante suspecte, quoiqu'elle soit loin d'être aussi vénéneuse que la grande ciguë, dont elle se rapproche beaucoup. Il avait été employé par les vétérinaires contre la toux des chevaux, avant qu'on en eût fait usage dans la médecine humaine. Cependant on pense généralement que lorsqu'il se trouve par hasard mêlé dans le fourrage, surtout quand il est vert, il leur cause une paraplégie extrêmement dangereuse, Cet effet semble annoncer une action délétère très-énergique sur le système nerveux, et plus particulièrement sur la moelle épinière. Bulliard cite le fait de deux jeunes chevaux qui s'étaient échappés dans une prairie, et qui, ayant mangé de cette plante par inexpérience, sont morts empoisonnés. Linné dit que la plante sèche n'est point nuisible aux bestiaux. On a pensé que les semences, comme dans d'autres ombellifères analogues, étant plus ou moins aromatiques, et ne participant point autant du principe vireux qui rend les autres parties dangereuses, pouvaient être administrées avec plus de confiance. Des essais sur les feuilles et les racines n'ont été tentés qu'avec réserve et en commençant par de faibles doses. La phellandrine, injectée à la dose de 30 centigr. dans les veines d'un chien, a produit, quelques instants après, de la gêne dans la respiration, des tremblements nerveux, de l'anxiété pendant quelques heures ; l'animal n'a pas succombé ; mais deux oiseaux auxquels on a introduit la même dose de phellandrine dans le le bec ont succombé en quinze ou vingt minutes<ref>''Bulletin de thérapeutique'', t. XLIII, p. 171.</ref>. | Le phellandre est une plante suspecte, quoiqu'elle soit loin d'être aussi vénéneuse que la grande ciguë, dont elle se rapproche beaucoup. Il avait été employé par les vétérinaires contre la toux des chevaux, avant qu'on en eût fait usage dans la médecine humaine. Cependant on pense généralement que lorsqu'il se trouve par hasard mêlé dans le fourrage, surtout quand il est vert, il leur cause une paraplégie extrêmement dangereuse, Cet effet semble annoncer une action délétère très-énergique sur le système nerveux, et plus particulièrement sur la moelle épinière. Bulliard cite le fait de deux jeunes chevaux qui s'étaient échappés dans une prairie, et qui, ayant mangé de cette plante par inexpérience, sont morts empoisonnés. Linné dit que la plante sèche n'est point nuisible aux bestiaux. On a pensé que les semences, comme dans d'autres ombellifères analogues, étant plus ou moins aromatiques, et ne participant point autant du principe vireux qui rend les autres parties dangereuses, pouvaient être administrées avec plus de confiance. Des essais sur les feuilles et les racines n'ont été tentés qu'avec réserve et en commençant par de faibles doses. La phellandrine, injectée à la dose de 30 centigr. dans les veines d'un chien, a produit, quelques instants après, de la gêne dans la respiration, des tremblements nerveux, de l'anxiété pendant quelques heures ; l'animal n'a pas succombé ; mais deux oiseaux auxquels on a introduit la même dose de phellandrine dans le le bec ont succombé en quinze ou vingt minutes<ref>''Bulletin de thérapeutique'', t. XLIII, p. 171.</ref>. | ||
− | Le phellandre est regardé comme narcotique, excitant, diurétique et diaphorétique. On l'a conseillé dans les scrofules, le scorbut, les catarrhes chroniques, l'hydropisie, l'asthme, quelques affections nerveuses, la coqueluche, mais surtout dans la phthisie et la fièvre intermittente. | + | Le phellandre est regardé comme narcotique, excitant, diurétique et diaphorétique. On l'a conseillé dans les scrofules, le scorbut, les catarrhes chroniques, l'hydropisie, l'asthme, quelques affections nerveuses, la coqueluche, mais surtout dans la phthisie et la fièvre intermittente. |
Le fenouil d'eau a joui, au commencement de ce siècle, d'une grande réputation comme antiphthisique. Voici la formule que Hers employait : semences de phellandre, 25 gr. ; sucre de lait, 50 gr. ; nitrate de potasse, 30 gr. ; gomme arabique, 40 gr. — Mêlez, pulvérisez, divisez en 12 paquets. En prendre 3 par jour. On peut porter graduellement la dose du fenouil d'eau à 75 gr. Cette dose paraît énorme. L'abus de ces semences peut causer, dit-on, des vertiges, de l'anxiété, des spasmes, l'hémoptysie. Toutefois, ces accidents sont tellement rares, qu'on peut les considérer, quand ils viennent, comme dépendant d'une disposition particulière aux malades, ou produits par une cause étrangère à l'action du médicament. J'ai rencontré une dame anglaise, âgée de trente ans, d'un tempérament lymphatico-nerveux, atteinte d'une bronchite chronique, chez laquelle la semence de phellandre en poudre, à la dose de 50 centigr. seulement, causait des vertiges | Le fenouil d'eau a joui, au commencement de ce siècle, d'une grande réputation comme antiphthisique. Voici la formule que Hers employait : semences de phellandre, 25 gr. ; sucre de lait, 50 gr. ; nitrate de potasse, 30 gr. ; gomme arabique, 40 gr. — Mêlez, pulvérisez, divisez en 12 paquets. En prendre 3 par jour. On peut porter graduellement la dose du fenouil d'eau à 75 gr. Cette dose paraît énorme. L'abus de ces semences peut causer, dit-on, des vertiges, de l'anxiété, des spasmes, l'hémoptysie. Toutefois, ces accidents sont tellement rares, qu'on peut les considérer, quand ils viennent, comme dépendant d'une disposition particulière aux malades, ou produits par une cause étrangère à l'action du médicament. J'ai rencontré une dame anglaise, âgée de trente ans, d'un tempérament lymphatico-nerveux, atteinte d'une bronchite chronique, chez laquelle la semence de phellandre en poudre, à la dose de 50 centigr. seulement, causait des vertiges | ||
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− | d'irritation très-fatigante et véritablement inquiétante, qui avait duré des | + | d'irritation très-fatigante et véritablement inquiétante, qui avait duré des mois entiers en résistant opiniâtrement à tous les autres moyens employés. Toutefois, lorsqu'il existe des lésions organiques des poumons, des ulcères, on ne peut en attendre qu'un secours palliatif, comme de tous les autres agents thérapeutiques qui ont été conseillés jusqu'ici. On doit observer d'ailleurs, que si ce médicament est des plus convenables pour la pratique des pauvres, en raison de la modicité de son prix, il a un inconvénient réel, celui de déplaire au plus grand nombre des malades par son odeur désagréable. Rothe le prescrit aux indigents sous forme pulvérulente, à la dose de 50 à 75 centigr., trois fois par jour, seul ou associé à 25 ou 50 centigr. de chlorhydrate d'ammoniaque, ou encore à parties égales de poudre de réglisse composée<ref>''Pharmacopée de Prusse''.</ref>. Aux gens riches, il l'administre ordinairement sous forme pilulaire, de la manière suivante : poudre de semences de phellandre, 12 gr. ; extrait de chardon bénit, 8 gr. ; chlorhydrate d'ammoniaque purifié, 4 gr. M. et F. S. A. une masse parfaitement homogène, divisée en pilules du poids de 10 centigr. roulées dans la poudre de lycopode, et qui doivent être renfermées dans un flacon. On fait prendre 6 à 8 de ces pilules quatre fois par jour<ref>''Abeille médicale'', 1845, t. II, p. 253 et 254.</ref>. |
− | mois entiers en résistant opiniâtrement à tous les autres moyens employés | + | |
− | Toutefois, lorsqu'il existe des lésions organiques des poumons, des ulcères | + | |
− | on ne peut en attendre qu'un secours palliatif, comme de tous les autres | + | |
− | agents thérapeutiques qui ont été conseillés jusqu'ici. On doit observer | + | |
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− | pilulaire, de la manière suivante : poudre de semences de phellandre, | + | |
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− | + | Michea<ref>''Bulletin de thérapeutique'', 1848.</ref> rapporte trois faits remarquables à l'appui de l'efficacité des semences de cette plante dans les affections de poitrine. Michea fait prendre la poudre de semence de phellandre à la dose de 5 décigr., mêlée avec du sucre ; mais la forme sirupeuse lui a paru agir avec plus de promptitude. Il faut, suivant ce médecin, donner de 2 à 4 cuillerées à bouche de sirop par jour, et en continuer l'usage sans interruption pendant l'intervalle de six semaines à deux mois. Ce n'est guère qu'au bout de ce temps que les effets de cette médication se manifestent. | |
− | semences de cette plante dans les affections de poitrine. | + | |
− | la poudre de semence de phellandre à la dose de 5 décigr., mêlée avec du | + | |
− | sucre ; mais la forme sirupeuse lui a paru agir avec plus de promptitude. | + | |
− | faut, suivant ce médecin, donner de 2 à 4 cuillerées à bouche de sirop par | + | |
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− | semaines à deux mois. Ce n'est guère qu'au bout de ce temps que les effets | + | |
− | de cette médication se manifestent. | + | |
− | J'emploie très-souvent la semence de phellandre dans les catarrhes | + | J'emploie très-souvent la semence de phellandre dans les catarrhes pulmonaires chroniques et dans la phthisie. Je pourrais rapporter un grand nombre d'observations en faveur de ce précieux médicament ; mais les effets que j'en ai obtenus étant tout à fait les mêmes que ceux que je viens d'exposer, elles ne seraient ici qu'une répétition inutile et fastidieuse. Je mentionnerai seulement comme très-remarquable un cas de phthisie arrivé au troisième degré chez Mme Malayeude, de Menneville, fermière, âgée de trente-quatre ans, d'un tempérament lymphatique, pour laquelle M. le docteur Dussol, de Desvres, m'appela en consultation au mois d'août 1851. Il y avait fonte suppuratoire de tubercules, cavernes aux deux poumons, expectoration abondante, sueurs nocturnes, parfois diarrhée, frissons et fièvre le soir, grande débilité qui l'obligeait de tenir presque constamment le lit depuis deux mois. Je proposai l'emploi de la semence de phellandre, que mon honorable confrère accepta avec incrédulité, et en me lançant cette sentence : ''curantur in libris, moriuntur in lectis''. Quoi qu'il en fût, la malade prit, dès le lendemain, 1 gr. de fruits de phellandre pulvérisés matin et soir. Au bout de huit jours, l'amélioration était sensible : diminution de la toux, de l'expectoration, des sueurs et de la fièvre (3 gr. de phellandre par jour). Le quinzième jour, le mieux est notable ; la malade reprend des forces ; les symptômes locaux et généraux disparaissent peu à peu (4gr. de phellandre en trois doses dans la journée). Le vingt-cinquième jour, le mieux est progressif (6 gr. de phellandre). Le trente-cinquième jour, il ne reste plus qu'une toux avec un peu d'expectoration mucoso-purulente. Enfin, la malade, ayant recouvré ses forces et son embonpoint, vient me voir au bout de deux mois et m'annonce qu'elle est complètement rétablie. Malheureusement, une grossesse est survenue au bout de huit mois : les suites de |
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− | nombre d'observations en faveur de ce précieux médicament; mais les effets | + | |
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− | + | couches ont produit une récidive ayant tous les caractères d'une phthisie galopante, à laquelle la malade a succombé. | |
− | + | En présence de tels résultats, la phcllandrie doit être tirée de l'oubli. La plupart des médecins français la regardaient comme tombée en désuétude, après avoir été autrefois préconisée ; formule banale adoptée par les auteurs de matière médicale, qui se sont successivement copiés, et qui rejettent ainsi des remèdes indigènes qu'ils n'ont jamais essayés. | |
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− | + | L'emploi des semences de phellandrie n'empêche pas l'usage des autres moyens appropriés aux indications qui peuvent se présenter. Il convient souvent de lui associer les balsamiques, le lichen d'Islande, les fleurs d'arnica, les feuilles d'hyssope ou de marrube blanc, les racines de polygala, le quinquina, etc. | |
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− | + | Sandras, médecin de l'hôpital Beaujon<ref>''Revue pharmaceutique'', 1849.</ref>, a plus récemment employé avec succès le phellandre dans les affections pulmonaires tuberculeuses et les catarrhes bronchiques chroniques. Ce médecin se sert de la semence encore entourée de son enveloppe et pilée, puis incorporée dans du miel ou du sirop de miel, à la dose de 1 gr. tous les soirs, ou soir et matin, suivant le cas ; il n'a pas été au-delà de 2 gr. Quand elle est prise une heure avant le repas, ou deux heures après, elle ne trouble ni les digestions ni aucune autre fonction, et peut être supportée sans fatigue pendant des mois entiers. | |
− | + | « On ne peut, dit Sandras, à cause de l'obscurité des signes réels de la phthisie commençante, être sûr que c'est bien cette maladie que l'on a enrayée. Comme médecin, j'ai, grâce au phellandre, éprouvé quelquefois une vive satisfaction en voyant revenir à la vie commune des malades qui réunissaient à mes yeux toutes les probabilités d'une phthisie commençante ; mais, comme homme de science, je me garderais bien de soutenir que mon diagnostic probable ait été posé sur une tuberculisation réelle dans les cas où le phellandre, employé au début, m'a réussi. Malgré les doutes que la guérison m'a laissés sur la nature du mal, ces faits sont assez importants pour que j'en tienne grand compte, et pour que je conseille vivement l'emploi du ''phellandrium aquaticum'', au risque de ne pas compter l'observation, comme disent les anatomo-pathologistes. » | |
− | + | Dans un état avancé de la maladie, le phellandre est, suivant Sandras, un palliatif précieux. Les phthisiques affectés de fontes tuberculeuses incontestables et de tous les dépérissements qui s'ensuivent, n'ont pas plutôt usé pendant une huitaine de jours de la phellandrie qu'ils se sentent mieux : ils ont cessé de souffrir. L'expectoration est devenue à la fois moins abondante et plus facile ; la fièvre a diminué ou disparu ; la diarrhée s'est amendée ; l'appétit est revenu, et en même temps le sommeil répare mieux les | |
+ | forces, « Depuis que je soumets mes malades à ce traitement, ajoute Sandras, je les vois presque tous endurer la phthisie, et, dans l'immense majorité des cas, ils se conservent merveilleusement sous tous les rapports pendant des mois, qui, sans ce traitement, seraient dévolus à la consomption. » Sandras a vu à l'Hôtel-Dieu annexe un jeune Romain reprendre toutes ses fonctions assez bien pour pouvoir retourner dans son pays, malgré l'existence d'une caverne qu'il portait au haut de chaque poumon. A côté de lui était un jeune enfant scrofuleux et tuberculeux, qui a guéri d'une caverne tuberculeuse qu'il portait au sommet d'un des poumons. | ||
− | + | La phellandrie met fin, chez les jeunes sujets lymphatiques, et sans réaction, à ces quintes de rhumes qui les tourmentent si longtemps. Elle convient surtout dans les bronchites des vieillards qui viennent avec les froids humides et ne disparaissent ordinairement que par les temps doux. Mme de Rocquigny, âgée de soixante-douze ans, d'un tempérament lympha- | |
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− | + | tico-sanguin, était atteinte depuis six ans, chaque année, vers le mois de novembre, d'un catarrhe pulmonaire qui durait tout l'hiver, avec toux fréquente, expectoration très-abondante et souvent même bronchorrhée. On n'opposait à cette affection que les loochs adoucissants, le sirop pectoral de Lamouroux et les pastilles d'ipécacuanha. Appelé en novembre 1854, au quinzième jour de l'affection, je prescrivis la poudre de phellandre d'abord à la dose de 1 gr. 50 centigr. ; après trois jours à celle de 2 gr. ; en augmentant tous les quatre jours de 25 cent., j'arrivai à en faire prendre en trois fois, chaque jour, 4 gr. 50 centigr. Au cinquième jour du traitement, l'amélioration était remarquable ; la toux, le râle muqueux et l'expectoration diminuant de jour en jour, la guérison fut complète après le vingtième jour de traitement. Depuis, il a suffi chaque année d'employer la phellandrie aussitôt que l'expectoration s'établissait pour se rendre maître de l'affection dans l'espace de six à huit jours. | |
− | + | Dans les catarrhes pulmonaires chroniques, la phellandrie produit, en général, ses bons effets au bout de peu de jours ; elle a paru à Sandras n'être d'aucune utilité contre l'emphysème pulmonaire et l'asthme, hormis les cas où ces affections se compliquent de bronchite chronique. | |
− | + | S'il fallait croire tout ce qu'on a écrit sur le phellandre, il serait un fébrifuge supérieur au quinquina même ; il offrirait des secours efficaces contre les cancers, les ulcères, la gangrène, les hydropisies, le scorbut, l'asthme, la coqueluche, l'hypochondrie, et une foule d'autres maux qui n'ont entre eux que peu ou point d'analogie. Je ne nie point les qualités actives de cette plante, mais je ne puis m'empêcher de trouver exagérés de pareils éloges, | |
− | 'comme | + | C'est surtout Ernsting (1)<ref>''Phellandriologie physico-médicale'', Brunswick, 1739.</ref> qui, dans un travail spécial, a signalé le phellandre comme un fébrifuge infiniment au-dessus du quinquina. Il l'administrait dans toutes les fièvres d'accès, à la dose de 4, de 8, et même de 12 gr., un peu avant l'accès, les jours de fièvre. Il est à remarquer que les accès ne cessaient que graduellement, puisque ce médecin parle des doses qu'il administrait, en outre, les jours d'apyrexie. Qui nous dit alors que la disparition de la fièvre, après l'emploi plus ou moins prolongé de cette plante, soit plutôt due à son influence qu'aux efforts de la nature et à la marche spontanée de la maladie ? Pour reconnaître dans une substance la vertu fébrifuge, il faut bien se rendre compte de son effet immédiat sur l'accès fébrile. Cet accès doit disparaître ou être considérablement affaibli après l'administration de la première dose du médicament pendant l'apyrexie. Ce résultat, obtenu un grand nombre de fois, devient une vérité pratique incontestable. |
− | + | Quelques auteurs ont recommandé l'usage des feuilles de phellandre aquatique à l'extérieur, en décoction et en cataplasme, dans le traitement des vieux ulcères, contre les tumeurs scrofuleuses et le cancer. | |
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Version actuelle en date du 8 mars 2017 à 19:13
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Nom accepté : Oenanthe aquatica
Cicutaria palustris tenuifolia. C. Bauh. — Millefolium aquaticum. Matth. - Phellandrium dodonæi. Tourn. — Œnanthes aquatica. Lam. - Phellandrium. Dod. — Cicutaria palustris. Lob. - Ligustrum phellandrium. Grantz. - Phellandrium foliis refractis. Hall.
Fenouil d'eau, — fenouil aquatique, — ciguë phellandre, — ciguë aquatique[1], - millefeuille aquatique, — millefeuille à feuilles de coriandre, - persil des fous, — œnanthe phellandre.
OMBELLIFÈRES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L.
Le phellandre (ou phellandrie) (Pl. XXX) est commun dans les lieux humides, les étangs, les marais, les fossés. Je l'ai souvent rencontré dans les trous à tourbes de l'Ardrésis et de la Picardie. Les bestiaux ne touchent point à cette plante tant qu'elle est verte. On dit cependant que les bœufs l'ont quelquefois mangée sans inconvénient.
Description. — Racines épaisses, articulées, blanchâtres, chargées aux articulations d'un très-grand nombre de radicelles. — Tiges épaisses, fistuleuses, striées, dressées, hautes de 35 à 70 centimètres, divisées en rameaux alternes, nombreux et très-ouverts. — Feuilles glabres, deux ou trois fois ailées, d'un beau vert, à folioles petites, laciniées, obtuses, un peu ovales ; les feuilles inférieures sont quelquefois submergées et découpées alors en filaments capillaires. — Fleurs blanches, petites, disposées en ombelles terminales, portées sur de longs pédoncules. — Point d'involucre commun, celui des ombellules composé d'environ sept à dix folioles aiguës, de la longueur des fleurs (juin-juillet). — Calice à cinq petites dents aiguës. — Corolle composée de cinq pétales cordiformes, irréguliers, réfléchis en dedans. — Cinq étamines à anthères arrondies. Deux styles à stigmate obtus. — Fruit : lisse, ovale, strié, composé de deux akènes, appliqués l'un sur l'autre et couronnés par le calice persistant.
Parties usitées. — Les seminoïdes ou fruits, la racine, l'herbe.
Récolte. - On récolte et on conserve les feuilles comme celles de la grande ciguë ; elles sont très-peu employées, ainsi que les racines : on ne les trouve point dans l'herboristerie. Les fruits sont recueillis à leur maturité. A cause de l'huile essentielle qu'ils contiennent, on doit les tenir dans des vases bien fermés et dans un endroit sec.
[Culture. - La plante spontanée est assez commune pour suffire aux besoins de la médecine, on la cultive dans les jardins botaniques. Elle demande un sol constamment humide, et se multiplie très-facilement de graines ou d'éclats de pieds.]
Propriétés physiques et chimiques. — Les fruits de phellandre ont une odeur forte, aromatique, désagréable et une saveur âcre. Hutet fils, pharmacien de Lyon[2], en a retiré un produit qu'il regarde comme le principe actif, auquel il a donné
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- ↑ Les noms de ciguë d'eau, ciguë aquatique, donnés mal à propos au phellandre, pourraient faire confondre cette plante avec la ciguë vireuse (cicuta virosa), que l'on trouve aussi désignée dans la Flore française de Lamark sous le nom de cicuta aquatica, et qui est un poison très-violent.
- ↑ Bulletin général de thérapeutique, t. XLIII, p. 171.
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le nom de phellandrine, et qu'il a obtenu à la manière de la conicine. Ce produit est oléagineux, neutre, d'une odeur forte, nauséabonde et légèrement éthérée ; plus léger que l'eau, dans laquelle il s'en dissout un peu ; soluble dans l'éther, l'alcool et les graisses ; moins soluble dans les huiles fixes que dans les huiles volatiles. (Les fruits en renferment de 2 à 3 pour 100.)
A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 20 à 60 gr. par kilogramme d'eau bouillante. |
PHELLANDRINE. — A L'INTÉRIEUR. - On pourrait employer des granules contenant chacun 1 milligr. de ce principe actif, ou un sirop contenant par chaque cuillerée à bouche, soit 20 gr., 1 centigr. du même produit. |
Le phellandre est une plante suspecte, quoiqu'elle soit loin d'être aussi vénéneuse que la grande ciguë, dont elle se rapproche beaucoup. Il avait été employé par les vétérinaires contre la toux des chevaux, avant qu'on en eût fait usage dans la médecine humaine. Cependant on pense généralement que lorsqu'il se trouve par hasard mêlé dans le fourrage, surtout quand il est vert, il leur cause une paraplégie extrêmement dangereuse, Cet effet semble annoncer une action délétère très-énergique sur le système nerveux, et plus particulièrement sur la moelle épinière. Bulliard cite le fait de deux jeunes chevaux qui s'étaient échappés dans une prairie, et qui, ayant mangé de cette plante par inexpérience, sont morts empoisonnés. Linné dit que la plante sèche n'est point nuisible aux bestiaux. On a pensé que les semences, comme dans d'autres ombellifères analogues, étant plus ou moins aromatiques, et ne participant point autant du principe vireux qui rend les autres parties dangereuses, pouvaient être administrées avec plus de confiance. Des essais sur les feuilles et les racines n'ont été tentés qu'avec réserve et en commençant par de faibles doses. La phellandrine, injectée à la dose de 30 centigr. dans les veines d'un chien, a produit, quelques instants après, de la gêne dans la respiration, des tremblements nerveux, de l'anxiété pendant quelques heures ; l'animal n'a pas succombé ; mais deux oiseaux auxquels on a introduit la même dose de phellandrine dans le le bec ont succombé en quinze ou vingt minutes[1].
Le phellandre est regardé comme narcotique, excitant, diurétique et diaphorétique. On l'a conseillé dans les scrofules, le scorbut, les catarrhes chroniques, l'hydropisie, l'asthme, quelques affections nerveuses, la coqueluche, mais surtout dans la phthisie et la fièvre intermittente.
Le fenouil d'eau a joui, au commencement de ce siècle, d'une grande réputation comme antiphthisique. Voici la formule que Hers employait : semences de phellandre, 25 gr. ; sucre de lait, 50 gr. ; nitrate de potasse, 30 gr. ; gomme arabique, 40 gr. — Mêlez, pulvérisez, divisez en 12 paquets. En prendre 3 par jour. On peut porter graduellement la dose du fenouil d'eau à 75 gr. Cette dose paraît énorme. L'abus de ces semences peut causer, dit-on, des vertiges, de l'anxiété, des spasmes, l'hémoptysie. Toutefois, ces accidents sont tellement rares, qu'on peut les considérer, quand ils viennent, comme dépendant d'une disposition particulière aux malades, ou produits par une cause étrangère à l'action du médicament. J'ai rencontré une dame anglaise, âgée de trente ans, d'un tempérament lymphatico-nerveux, atteinte d'une bronchite chronique, chez laquelle la semence de phellandre en poudre, à la dose de 50 centigr. seulement, causait des vertiges
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- ↑ Bulletin de thérapeutique, t. XLIII, p. 171.
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et de l'anxiété, suivis d'assoupissement dont la durée était de trois à quatre heures.
Thuessing[1] a regardé les semences de phellandre comme jouissant d'une action tonique spéciale sur le poumon, et pouvant être très-utile dans les affections catarrhales chroniques et la coqueluche, Thomson[2], médecin danois, dit qu'elles agissent sur les poumons comme calmantes et expectorantes ; il a même reconnu dans les crachats, chez ceux qui en font usage, l'odeur qui leur est spéciale. Elles ne guérissent pas, dit-il, la phthisie bien confirmée ; mais il est certain qu'elles en arrêtent les progrès, diminuent les symptômes, tels que la toux et l'expectoration, etc.
Franck dit, dans son Recueil d'observations faites à la clinique de Wilna, que très-souvent il a obtenu de bons effets de ce médicament dans la phthisie ulcéreuse. Schuurmann[3] l'a employé avec le plus grand succès dans cinq cas d'affections catarrhales chroniques ; mais il ne lui a pas réussi dans la phthisie confirmée. Hanin a obtenu les résultats les plus avantageux de l'extrait de semences de phellandre dans une affection catarrhale chronique de poumon, accompagnée de toux, d'inappétence et d'amaigrissement.
« Les moyens les plus importants, dit Hufeland en parlant de la phthisie pulmonaire purulente, ceux dont l'expérience a constaté l'efficacité dans certains cas, sont les semences de phellandrium aquaticum, dont j'ai moi-même reconnu les vertus spéciales, mais en les administrant à hautes doses, depuis 1 gr. 1/2 jusqu'à 8 gr. par jour, en poudre, ou 14 gr. en décoction. »
Lange dit avoir observé que le phellandre fait cesser l'hémoptysie, qu'il arrête le développement des tubercules pulmonaires, qu'il s'oppose à leur ramollissement et contribue enfin à la cicatrisation des cavernes. Bertini[4] rapporte le cas d'une consomption pulmonaire parvenue au dernier degré, et guérie par l'emploi de ces semences ; la diarrhée et les crachats diminuèrent sensiblement au bout de cinq jours de leur usage, l'état général s'améliora. La dose ayant été portée graduellement depuis 1 ou 2 décigr. jusqu'à 6 gr. dans les vingt-quatre heures, la fièvre se dissipa ainsi que la toux, l'expectoration et la diarrhée ; les fonctions se rétablirent, et, en deux mois et demi, le malade sortit de l'hôpital en parfaite santé.
Chioppa, de Pavie[5], a obtenu plusieurs fois d'heureux effets du phellandre dans la phthisie pulmonaire. Son usage fut suivi, dit-il, d'une diminution graduelle des symptômes principaux de la maladie, c'est-à-dire de la toux, de l'expectoration, des sueurs nocturnes, etc. Ce médicament était administré d'abord à la dose de 1 gr., puis de 4, 6 et même 8 gr. par jour, en 6 paquets, dont 1 de deux heures en deux heures.
Rothe, de Guhran, après une longue expérience du phellandre aquatique, affirme que c'est un moyen très-précieux dans les cas de toux chroniques dues aune augmeutation de l'irritabilité de la membrane muqueuse des voies aériennes, compliquées d'une sécrétion de mucus plus ou moins abondante.
Ce médecin a retiré des avantages remarquables de l'emploi du même moyen, dans beaucoup de cas de toux catarrhale entretenue par une prédisposition à la dégénérescense tuberculeuse. « Il faut reconnaître, dit-il, que ce médicament contient des principes narcotiques doux, qui calment comme l'opium, sans donner lieu aux effets consécutifs désagréables qui accompagnent l'administration de ce dernier. » Rothe pose en principe que la phellandrie est particulièrement indiquée chez les sujets débiles et à système nerveux très-irritable. Plusieurs fois il l'a prescrite avec le plus grand succès chez des femmes hystériques, pour arrêter rapidement une toux
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- ↑ Kluyskens, Annales de littérature.
- ↑ Journal d'Edimbourg, t. VI, p. 381.
- ↑ Journal de Corvisart et Leroux.
- ↑ Revue médicale, 1827, t. II, p. 477.
- ↑ Nouvelle bibliothèque médicale, 1829.
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d'irritation très-fatigante et véritablement inquiétante, qui avait duré des mois entiers en résistant opiniâtrement à tous les autres moyens employés. Toutefois, lorsqu'il existe des lésions organiques des poumons, des ulcères, on ne peut en attendre qu'un secours palliatif, comme de tous les autres agents thérapeutiques qui ont été conseillés jusqu'ici. On doit observer d'ailleurs, que si ce médicament est des plus convenables pour la pratique des pauvres, en raison de la modicité de son prix, il a un inconvénient réel, celui de déplaire au plus grand nombre des malades par son odeur désagréable. Rothe le prescrit aux indigents sous forme pulvérulente, à la dose de 50 à 75 centigr., trois fois par jour, seul ou associé à 25 ou 50 centigr. de chlorhydrate d'ammoniaque, ou encore à parties égales de poudre de réglisse composée[1]. Aux gens riches, il l'administre ordinairement sous forme pilulaire, de la manière suivante : poudre de semences de phellandre, 12 gr. ; extrait de chardon bénit, 8 gr. ; chlorhydrate d'ammoniaque purifié, 4 gr. M. et F. S. A. une masse parfaitement homogène, divisée en pilules du poids de 10 centigr. roulées dans la poudre de lycopode, et qui doivent être renfermées dans un flacon. On fait prendre 6 à 8 de ces pilules quatre fois par jour[2].
Michea[3] rapporte trois faits remarquables à l'appui de l'efficacité des semences de cette plante dans les affections de poitrine. Michea fait prendre la poudre de semence de phellandre à la dose de 5 décigr., mêlée avec du sucre ; mais la forme sirupeuse lui a paru agir avec plus de promptitude. Il faut, suivant ce médecin, donner de 2 à 4 cuillerées à bouche de sirop par jour, et en continuer l'usage sans interruption pendant l'intervalle de six semaines à deux mois. Ce n'est guère qu'au bout de ce temps que les effets de cette médication se manifestent.
J'emploie très-souvent la semence de phellandre dans les catarrhes pulmonaires chroniques et dans la phthisie. Je pourrais rapporter un grand nombre d'observations en faveur de ce précieux médicament ; mais les effets que j'en ai obtenus étant tout à fait les mêmes que ceux que je viens d'exposer, elles ne seraient ici qu'une répétition inutile et fastidieuse. Je mentionnerai seulement comme très-remarquable un cas de phthisie arrivé au troisième degré chez Mme Malayeude, de Menneville, fermière, âgée de trente-quatre ans, d'un tempérament lymphatique, pour laquelle M. le docteur Dussol, de Desvres, m'appela en consultation au mois d'août 1851. Il y avait fonte suppuratoire de tubercules, cavernes aux deux poumons, expectoration abondante, sueurs nocturnes, parfois diarrhée, frissons et fièvre le soir, grande débilité qui l'obligeait de tenir presque constamment le lit depuis deux mois. Je proposai l'emploi de la semence de phellandre, que mon honorable confrère accepta avec incrédulité, et en me lançant cette sentence : curantur in libris, moriuntur in lectis. Quoi qu'il en fût, la malade prit, dès le lendemain, 1 gr. de fruits de phellandre pulvérisés matin et soir. Au bout de huit jours, l'amélioration était sensible : diminution de la toux, de l'expectoration, des sueurs et de la fièvre (3 gr. de phellandre par jour). Le quinzième jour, le mieux est notable ; la malade reprend des forces ; les symptômes locaux et généraux disparaissent peu à peu (4gr. de phellandre en trois doses dans la journée). Le vingt-cinquième jour, le mieux est progressif (6 gr. de phellandre). Le trente-cinquième jour, il ne reste plus qu'une toux avec un peu d'expectoration mucoso-purulente. Enfin, la malade, ayant recouvré ses forces et son embonpoint, vient me voir au bout de deux mois et m'annonce qu'elle est complètement rétablie. Malheureusement, une grossesse est survenue au bout de huit mois : les suites de
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- ↑ Pharmacopée de Prusse.
- ↑ Abeille médicale, 1845, t. II, p. 253 et 254.
- ↑ Bulletin de thérapeutique, 1848.
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couches ont produit une récidive ayant tous les caractères d'une phthisie galopante, à laquelle la malade a succombé.
En présence de tels résultats, la phcllandrie doit être tirée de l'oubli. La plupart des médecins français la regardaient comme tombée en désuétude, après avoir été autrefois préconisée ; formule banale adoptée par les auteurs de matière médicale, qui se sont successivement copiés, et qui rejettent ainsi des remèdes indigènes qu'ils n'ont jamais essayés.
L'emploi des semences de phellandrie n'empêche pas l'usage des autres moyens appropriés aux indications qui peuvent se présenter. Il convient souvent de lui associer les balsamiques, le lichen d'Islande, les fleurs d'arnica, les feuilles d'hyssope ou de marrube blanc, les racines de polygala, le quinquina, etc.
Sandras, médecin de l'hôpital Beaujon[1], a plus récemment employé avec succès le phellandre dans les affections pulmonaires tuberculeuses et les catarrhes bronchiques chroniques. Ce médecin se sert de la semence encore entourée de son enveloppe et pilée, puis incorporée dans du miel ou du sirop de miel, à la dose de 1 gr. tous les soirs, ou soir et matin, suivant le cas ; il n'a pas été au-delà de 2 gr. Quand elle est prise une heure avant le repas, ou deux heures après, elle ne trouble ni les digestions ni aucune autre fonction, et peut être supportée sans fatigue pendant des mois entiers.
« On ne peut, dit Sandras, à cause de l'obscurité des signes réels de la phthisie commençante, être sûr que c'est bien cette maladie que l'on a enrayée. Comme médecin, j'ai, grâce au phellandre, éprouvé quelquefois une vive satisfaction en voyant revenir à la vie commune des malades qui réunissaient à mes yeux toutes les probabilités d'une phthisie commençante ; mais, comme homme de science, je me garderais bien de soutenir que mon diagnostic probable ait été posé sur une tuberculisation réelle dans les cas où le phellandre, employé au début, m'a réussi. Malgré les doutes que la guérison m'a laissés sur la nature du mal, ces faits sont assez importants pour que j'en tienne grand compte, et pour que je conseille vivement l'emploi du phellandrium aquaticum, au risque de ne pas compter l'observation, comme disent les anatomo-pathologistes. »
Dans un état avancé de la maladie, le phellandre est, suivant Sandras, un palliatif précieux. Les phthisiques affectés de fontes tuberculeuses incontestables et de tous les dépérissements qui s'ensuivent, n'ont pas plutôt usé pendant une huitaine de jours de la phellandrie qu'ils se sentent mieux : ils ont cessé de souffrir. L'expectoration est devenue à la fois moins abondante et plus facile ; la fièvre a diminué ou disparu ; la diarrhée s'est amendée ; l'appétit est revenu, et en même temps le sommeil répare mieux les forces, « Depuis que je soumets mes malades à ce traitement, ajoute Sandras, je les vois presque tous endurer la phthisie, et, dans l'immense majorité des cas, ils se conservent merveilleusement sous tous les rapports pendant des mois, qui, sans ce traitement, seraient dévolus à la consomption. » Sandras a vu à l'Hôtel-Dieu annexe un jeune Romain reprendre toutes ses fonctions assez bien pour pouvoir retourner dans son pays, malgré l'existence d'une caverne qu'il portait au haut de chaque poumon. A côté de lui était un jeune enfant scrofuleux et tuberculeux, qui a guéri d'une caverne tuberculeuse qu'il portait au sommet d'un des poumons.
La phellandrie met fin, chez les jeunes sujets lymphatiques, et sans réaction, à ces quintes de rhumes qui les tourmentent si longtemps. Elle convient surtout dans les bronchites des vieillards qui viennent avec les froids humides et ne disparaissent ordinairement que par les temps doux. Mme de Rocquigny, âgée de soixante-douze ans, d'un tempérament lympha-
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- ↑ Revue pharmaceutique, 1849.
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tico-sanguin, était atteinte depuis six ans, chaque année, vers le mois de novembre, d'un catarrhe pulmonaire qui durait tout l'hiver, avec toux fréquente, expectoration très-abondante et souvent même bronchorrhée. On n'opposait à cette affection que les loochs adoucissants, le sirop pectoral de Lamouroux et les pastilles d'ipécacuanha. Appelé en novembre 1854, au quinzième jour de l'affection, je prescrivis la poudre de phellandre d'abord à la dose de 1 gr. 50 centigr. ; après trois jours à celle de 2 gr. ; en augmentant tous les quatre jours de 25 cent., j'arrivai à en faire prendre en trois fois, chaque jour, 4 gr. 50 centigr. Au cinquième jour du traitement, l'amélioration était remarquable ; la toux, le râle muqueux et l'expectoration diminuant de jour en jour, la guérison fut complète après le vingtième jour de traitement. Depuis, il a suffi chaque année d'employer la phellandrie aussitôt que l'expectoration s'établissait pour se rendre maître de l'affection dans l'espace de six à huit jours.
Dans les catarrhes pulmonaires chroniques, la phellandrie produit, en général, ses bons effets au bout de peu de jours ; elle a paru à Sandras n'être d'aucune utilité contre l'emphysème pulmonaire et l'asthme, hormis les cas où ces affections se compliquent de bronchite chronique.
S'il fallait croire tout ce qu'on a écrit sur le phellandre, il serait un fébrifuge supérieur au quinquina même ; il offrirait des secours efficaces contre les cancers, les ulcères, la gangrène, les hydropisies, le scorbut, l'asthme, la coqueluche, l'hypochondrie, et une foule d'autres maux qui n'ont entre eux que peu ou point d'analogie. Je ne nie point les qualités actives de cette plante, mais je ne puis m'empêcher de trouver exagérés de pareils éloges,
C'est surtout Ernsting (1)[1] qui, dans un travail spécial, a signalé le phellandre comme un fébrifuge infiniment au-dessus du quinquina. Il l'administrait dans toutes les fièvres d'accès, à la dose de 4, de 8, et même de 12 gr., un peu avant l'accès, les jours de fièvre. Il est à remarquer que les accès ne cessaient que graduellement, puisque ce médecin parle des doses qu'il administrait, en outre, les jours d'apyrexie. Qui nous dit alors que la disparition de la fièvre, après l'emploi plus ou moins prolongé de cette plante, soit plutôt due à son influence qu'aux efforts de la nature et à la marche spontanée de la maladie ? Pour reconnaître dans une substance la vertu fébrifuge, il faut bien se rendre compte de son effet immédiat sur l'accès fébrile. Cet accès doit disparaître ou être considérablement affaibli après l'administration de la première dose du médicament pendant l'apyrexie. Ce résultat, obtenu un grand nombre de fois, devient une vérité pratique incontestable.
Quelques auteurs ont recommandé l'usage des feuilles de phellandre aquatique à l'extérieur, en décoction et en cataplasme, dans le traitement des vieux ulcères, contre les tumeurs scrofuleuses et le cancer.
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- ↑ Phellandriologie physico-médicale, Brunswick, 1739.