Aferombohitra (Pharmacopée malagasy) : Différence entre versions

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Version du 31 juillet 2016 à 21:38

Adonis
Rakoto, Boiteau, Mouton, Eléments de pharmacopée malagasy
Aferontany
Figure 8 : Aferombohitra : Tachiadenus carinatus Grisebach. 1. Sommité fleurie ; 2. Détail du calice ; 3. Coupe intérieure de la corolle montrant la couronne interne et l'insertion des étamines ; 4. Détail d'une anthère ; 5. Graines ; 6. Coupe de l'ovaire : à gauche dans la fleur juste fécondée ; à droite plus tard ; 7. Détail de la surface de la graine.

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Notice 8 - AFEROMBOHITRA (Bezan., Betsim)

Nom scientifique : Tachiadenus carinatus Grisebach (Gentianacées).

Espèce décrite par Grisebach dans Genera et Species Gentianacearum (1839), p. 200, et dans C. de Candolle : Prodromus Systema Vegetabilis, IX (1845), p.41 ; pour les caractères de l'ensemble des espèces du genre Tachiadenus à Madagascar, voir H. Humbert, dans Adansonia, ser. 2, III (1963), fasc. 3, p. 342-351.


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Autres noms malgaches

Le nom d’Aferombohitra rapporté par plusieurs auteurs (dont Heckel : « Plantes utiles de Madagascar », in Annales Mus. Colon. Marseille (1910), p. 17) est encore appliqué de nos jours surtout sur la côte Est. Il est dû à l'extrême amertume de la plante et à ce qu'elle pousse surtout sur les anciennes dunes et les collines sablonneuses, loin des lieux humides.

Nous avons relevé en outre les noms suivants, d'après nos propres notes et celles de divers collecteurs qui ont ramassé l'espèce (c'est une des premières plantes médicinales malgaches connues des Européens et elle est déjà mentionnée par Flacourt) et dont les observations manuscrites figurent dans l'Herbier du Muséum National d'Histoire Naturelle (Paris) :

  • Aferontany à Foulpointe, d'après Bojer (échantillon sans numéro récolté vers 1840), à ne pas confondre avec l'espèce que nous appelons aussi aferontany (en Imerina) décrite sous ce nom dans la prochaine notice.
  • Elambaratra à Ambila-Lemaitso (Boiteau n° 477, 1966).
  • Felabaratra à Doany (Andapa) d'après Christophe (Réserves Naturelles n° 8287, 1956).
  • Fanamenta (orthographe modernisé) à Fort-Dauphin au XVIIe siècle, d'après échantillon récolté par E. de Flacourt et conservé dans l'herbier Vaillant ; il est mentionné : « Flacourt parle de la plante p. 140 de son livre »).
  • Tangamanta à Fort-Dauphin d'après J. Cloisel (n° 88, sans date) ; cet auteur note qu'on emploie l'infusion dans les diarrhées et la dysenterie pour rétablir l'appétit des malades.
  • Voanjomanga : à Moramanga d'après Ch. d'Alleizette (sans numéro, avril 1906).

Description

Plante herbacée, persistante par ses racines et rhizomes résistant bien aux feux de prairie, atteignant 40 à 50 centimètres de haut, à feuillage d'un beau vert brillant ; feuilles opposées deux à deux, sessiles (sans pétiole distinct), avec un limbe environ deux fois plus long que large (4 x 1,8 centimètres pour les feuilles moyennes), entier, de forme elliptique-lancéolée, obtus au sommet ; belles et grandes fleurs d'un bleu violet vif (floraison en octobre - novembre sur la côte Est), à corolle formée de 5 pétales longuement soudés en tube (6 centimètres), puis étalés en 5 lobes, avec, au niveau de la gorge, une petite couronne interne à 5 ligules, chacune trilobulée ; calice vert, de 2 centimètres de long, soudé à la base en tube un peu plus long que les 5 segments libres ; ceux-ci un peu carénés et continués à leur base par 5 petites ailes descendant jusqu'à la base du tube ; le fruit est une capsule sèche, s'ouvrant par des fentes pour laisser échapper les graines très petites et nombreuses.


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Répartition géographique

Toute la côte Est, généralement sur les dunes anciennes et les collines sablonneuses, depuis Antalaha au Nord jusqu'à Fort-Dauphin au Sud. L'espèce remonte à l'intérieur des terres jusgue vers 800 ou 900 mètres d'altitude. Elle se maintient bien dans les prairies et résiste aux feux de brousse.

Caractères chimiques

Les Tachiadenus n'ont encore fait l'objet que de peu de recherches. A Madagascar T. longiflorus Griseb. des Hauts-Plateaux que nous étudierons plus tard sous le nom de Tapabatana (voir ce nom) a été étudié par Boiteau (1941), puis par Pernet (1959).

T. carinatus n'a été récolté qu'en 1966 par Boiteau en vue des recherches chimiques (mission C.N.R.S., n° 477) Son extrait aqueux paraît moins riche en alcaloïdes que celui de T. longiflorus, d'après les premiers essais chromatographiques. Le principe amer paraît voisin de la gentiopicrine et on a également identifié des dérivés de la xanthone.

La gentiopicrine (qu'il vaut mieux appeler gentiopicroside pour respecter la nomenclature chimique) est le glucoside d'une lactone bicyclique insaturée, dont la structure n'est pas encore complètement établie (voir les travaux récents de L. Canonica, G. Jommi, P. Manitto, F. Pelizzoni et C. Scolastica, dans Gazzetta Chimica Italiana, 95 (1965), n° 3, p. 167-171).

Les alcaloïdes des Gentianacées sont encore mal connus. On en a décrit trois jusqu'ici : la gentianine, la gentialutine et la gentianidine.

La gentianine a d'abord été isolée de Gentiana Kiri!owii en U.R.S.S. par N.F. Proskournina (Zhurn. Obsch. Khim. ou « Journal de Chimie Générale », en russe, tome 14 (1944), p. 1148). C'est un alcaloïde lactonique présentant une chaîne vinylique (comme le gentiopicroside). Sa structure a été établie par les chimistes soviétiques et indiens dans les travaux suivants : N.F. Proskournina, V.V. Schpanov et R.A. Konovalova, Dokladi Akademii Naouk S.S.R. (« Comptes rendus de l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S. »), 66 (1949), p. 437 ; N.F. Proskournina et V.V. Schpanov. Zhurn. Obsch. Khim., 26 (1956), p. 936 ;


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T.R. Govindachari, K. Nagarajan et S. Rajappa, Chemistry and Industry (London), 1956, p. 1017 ; Journal of the Chemical Society (London), 1957, p. 551 et 2725.

La gentialutine a été isolée, avec le précédent alcaloïde, de Gentiana lutea qui est l'une des espèces les plus utilisées du point de vue médicinal, en Europe, par les Polonais qui en ont établi la structure (voir J. Cieslak, et F. Rulko, dans Acta Poloniae Pharmaceuticae, 21 (1964), n° 3, p. 265-273).

La gentianidine a été isolée de Gentiana macrophylla de Chine par les chercheurs chinois qui en ont établi la structure (voir Hsiao-Tien Ling et coll. dans Yao Hsueh Hsueh Pao (Pékin), 11 (1964), n° 6, p. 416).

Ajoutons gue la plupart des Gentianacées sont riches en vitamines qui contribuent à leur action ; notamment en vitamine C ou acide ascorbique (voir T. Giral et M. Aguilar, Ciencia (Mexico), 12 (1953), p. 283), et en nicotinamide (d'après F. Koller, in Ber. deutsch. pharm. Geselschaft., 281 (1943), 15/3, p. 118).

Enfin, pour une révision récente de l'ensemble des travaux effectués sur les Gentianacées, on pourra consulter : N. Mollov, N. Marekov, S. Popov et B. Kouzmanov dans Comptes rendus de l'Acadénlie Bulgare des Sciences, 18 (1965), n° 10, p. 947-949 (article en anglais).

Propriétés pharmacologiques et emplois thérapeutiques

Tous les auteurs sont d'accord pour reconnaître à l’Aferombohitra des propriétés amères, apéritives, stomachiques. Il restaure l'appétit lorsqu'il est affaibli, contribue à calmer les douleurs et les spasmes intestinaux dus aux diarrhées profuses et stimule le fonctionnement hépatique.

Nous verrons que le Tapabatana des Hauts-Plateaux jouit de propriétés analogues, mais est plus toxique. C'est pourquoi nous préférons recommander l'emploi de T. carinatus chez les malades affaiblis et surtout chez les enfants.

On récoltera la plante de préférence en novembre, lorsqu'il ne pleut pas trop sur la côte Est. On doit la faire sécher avec précaution, sans qu'elle soit mouillée par la pluie et sans l'exposer au grand soleil. La plante entière, y compris les rhizomes et racines, peut être employée.

Formes thérapeutiques

On peut employer la plante en infusion ou réduite en poudre. On peut aussi en préparer des vins apéritifs en laissant macérer la plante fraîche ou sèche dans du vin (ou de la betsabetsa).

Nous préconisons la préparation d'un extrait qui serait inscrit à la Pharmacopée Malagasy comme médicament galénique (voir plus loin Extraits : extrait d’Aferombohitra).


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Posologie

La poudre d’Aferombohitra peut être administrée à raison de 0,5 à 3 grammes par jour pour un adulte (fractionner en deux ou trois prises au début des repas), et de 0,1 gramme par année d'âge pour les enfants.

L'extrait à raison de 0,2 à 1 gramme (en pillules ou gelules, sa grande amertume le rendant difficile à employer tel quel).

Le vin d’Aferombohitra sera exclusivement réservé aux adultes (40 à 100 grammes par jour, en plusieurs prises, avant les repas) ; c'est un excellent stimulant de l'appétit, supprimant les états nauséeux.

Pour les enfants on pourra préparer un Sirop d’Aferombohitra (dont on administre une petite cuillérée avant chaque repas).

Préparation magistrale

Teinture d'Aferombohitra composée

Pour stimuler l'appétit des malades dans les formations hospitalières et faciliter leur rétablissement (surtout dans les séquelles d'affections gastro-intestinales) on a employé avec succès pendant la dernière guerre mondiale la préparation suivante :


  • Teinture de zeste d'orange 5 grammes
  • Extrait de Cannelle 10
  • Extrait d’Aferombohitra 20

Prescrire une demi-cuillérée à café de ce mélange dans un verre d'eau sucrée au début de chaque repas. Le mélange se conserve bien grâce à la présence de la teinture de zeste d'orange qui empêche les fermentations.