Solanum aethiopicum (PROTA)
Introduction |
Importance générale | |
Répartition en Afrique | |
Répartition mondiale | |
Fruit | |
Légume | |
Médicinal | |
Ornemental | |
Fourrage | |
Sécurité alimentaire | |
Changement climatique | |
- Protologue: Cent. pl. II : 10 (1756).
- Famille: Solanaceae
- Nombre de chromosomes: 2n = 24
Synonymes
Solanum gilo Raddi (1820), Solanum incanum auct. non L.
Noms vernaculaires
Aubergine africaine, aubergine écarlate, tomate amère, djakattou (Fr). African eggplant, garden egg, scarlet eggplant, bitter tomato (En). Jiló, jagatú tunga (Po). Ngogwe, nyanya chungu (Sw).
Origine et répartition géographique
Solanum aethiopicum a été domestiqué à partir de l’espèce sauvage Solanum anguivi Lam., via Solanum distichum Schumach. & Thonn. qui est semi-domestiqué. On trouve ces deux espèces dans toute l’Afrique tropicale, Solanum anguivi dans des milieux perturbés et Solanum distichum dans les jardins. On cultive Solanum aethiopicum dans toute l’Afrique tropicale et en Amérique du Sud (principalement au Brésil) et quelquefois ailleurs, par ex. dans l’extrême sud de la France et en Italie. C’est un des principaux légumes d’Afrique tropicale. On le cultive principalement dans la zone humide d’Afrique de l’Ouest pour ses fruits immatures (aubergine), souvent aussi dans la zone des savanes pour ses feuilles autant que pour ses fruits immatures (souvent appelés “djakattou” ou “jakatu”), et en Afrique de l’Est, en particulier en Ouganda, surtout comme légume-feuilles (appelé “nakati”).
Usages
Les fruits immatures de Solanum aethiopicum sont utilisés comme légume, cuits en ragoûts et parfois consommés crus. Les feuilles et les pousses sont utilisées comme légume cuit. Elles sont récoltées à partir des mêmes plantes que celles qui fournissent les fruits ou à partir de cultivars spécialement cultivés pour leurs feuilles. Les fruits de cultivars amers sont utilisés comme médicament dans de nombreux pays africains. Parmi les applications médicinales, on notera celle des racines et des fruits comme carminatif et sédatif, ainsi que pour soigner les coliques et l’hypertension artérielle ; le jus des feuilles, utilisé comme sédatif pour soigner des affections utérines ; un extrait alcoolisé de feuilles, comme sédatif, anti-émétique et pour soigner le tétanos après un avortement ; et les fruits broyés et macérés, en lavement. Les Igbos dans le sud-est du Nigeria souhaitent traditionnellement la bienvenue aux visiteurs dans la maison familiale en offrant des fruits. Solanum aethiopicum est parfois cultivé comme plante ornementale. Quelques cultivars (Groupe Aculeatum) sont parfois utilisés comme porte-greffe pour la tomate et l’aubergine.
Production et commerce international
L’aubergine africaine est un des légumes-fruits les plus couramment consommés en Afrique tropicale ; en volume et en valeur, il se situe probablement en troisième position, après la tomate et l’oignon et avant le gombo. Il n’existe pas de statistiques fiables pour l’Afrique subsaharienne. Une estimation grossière pour quelques pays donne une production annuelle de fruits de 8000 t au Sénégal, 60 000 t en Côte d’Ivoire et 4500 t au Burkina Faso. La production commerciale pour l’approvisionnement des villes augmente, ainsi que l’exportation vers l’Europe, entre autres à partir de l’Ouganda, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Les petits producteurs représentent au moins 80% de la production totale. Les feuilles de Solanum aethiopicum revêtent une importance particulière dans le sud-est du Nigeria, au Cameroun et en Ouganda. C’est le légume-feuilles le plus apprécié du marché de Kampala. Les fruits amers de Solanum aethiopicum, appelés “jiló”, sont un important légume commercial dans les régions tropicales du Brésil où l’on en cultive au moins 7000 ha.
Propriétés
La composition des fruits de Solanum aethiopicum par 100 g de partie comestible est de : eau 90,6 g, énergie 135 kJ (32 kcal), protéines 1,5 g, lipides 0,1 g, glucides 7,2 g, fibres 2,0 g, Ca 28 mg, P 47 mg, Fe 1,5 mg, β-carotène 0,35 mg, thiamine 0,07 mg, riboflavine 0,06 mg, niacine 0,8 mg, acide ascorbique 8 mg. La composition est comparable à celle de l’aubergine. La composition des feuilles fraîches par 100 g de partie comestible est de : eau 82,1 g, énergie 215 kJ (51 kcal), protéines 4,8 g, lipides 0,3 g, glucides 10,3 g, fibres 2,4 g, Ca 523 mg, P 94 mg, Fe 6,0 mg, β-carotène 6,40 mg, thiamine 0,23 mg, riboflavine 0,44 mg, niacine 1,8 mg et acide ascorbique 67 mg (Leung, W.-T.W., Busson, F. & Jardin, C., 1968). Cette composition se situe dans la norme par rapport à d’autres légumes-feuilles vert foncé.
La bétuline et la stéroline (sitostérol glucoside) ont été isolées à partir des fruits et plusieurs sesquiterpénoïdes à partir des racines. Parmi ces composés on trouve la lubimine et l’épilubimine, qui ont une activité antifongique. Les feuilles contiennent de l’oxalate et des alcaloïdes, comme la solasodine, qui a des effets glyco-corticoïdes. On en réduit la concentration grâce à la cuisson. Le goût amer caractéristique est attribué aux furostanol hétérosides.
Falsifications et succédanés
Les fruits de l’aubergine africaine peuvent être remplacés par l’aubergine (Solanum melongena L.) dans les mets. Les feuilles peuvent être remplacées par d’autres légumes-feuilles du genre Solanum, principalement Solanum americanum Mill., Solanum scabrum Mill. et Solanum villosum Mill.
Description
Arbuste ou plante herbacée annuelle ou vivace, jusqu’à 200 cm de haut, souvent fortement ramifié ; système racinaire se développant tant verticalement que latéralement ; rameaux et feuilles avec ou sans aiguillons et poils étoilés. Feuilles alternes, simples ; stipules absentes ; pétiole jusqu’à 11 cm de long ; limbe largement ovale, de (6–)12–30 cm × (4–)7–21 cm, obtus ou cordé à la base, aigu à obtus à l’apex, à bord légèrement à profondément lobé, et à nervures pennées ; feuilles supérieures plus petites, plus étroites, moins lobées et souvent subopposées. Inflorescence : cyme racémiforme latérale, contenant jusqu’à 5(–12) fleurs ; pédoncule souvent court ou même absent, rachis court à long. Fleurs bisexuées, régulières, (4–)5–8(–10)-mères ; pédicelle de (2–)4–12(–15) mm de long, jusqu’à 27 mm de long chez le fruit ; calice campanulé, à lobes de 4–10 mm de long ; corolle étoilée de 6–15 mm de long, blanche, parfois violet pâle ; étamines insérées près de la base du tube de la corolle et alternes avec les lobes de la corolle, filets courts et épais, anthères conniventes, jaunes, s’ouvrant par des pores terminaux ; ovaire supère, 2–6-loculaire, style aussi long ou légèrement plus long que les étamines, stigmate petit, obtus. Fruit : baie globuleuse à globuleuse déprimée, ellipsoïde, ovoïde ou fusiforme de 1–6 cm de long, lisse à cannelée, rouge ou orange, contenant habituellement de nombreuses graines. Graines lenticulaires à réniformes, aplaties, de 2–5 mm de diamètre, brun pâle ou jaunes. Plantule à germination épigée ; cotylédons fins, foliacés.
Autres données botaniques
Le genre Solanum comprend plus de 1000 espèces et est presque cosmopolite, avec au moins 100 espèces indigènes en Afrique. Solanum aethiopicum appartient au sous-genre Leptostemonum section Oliganthes, qui comprend environ 45 espèces. On distingue quatre groupes de cultivars au sein de Solanum aethiopicum, dont trois sont importants pour l’Afrique :
– Groupe Gilo. Feuilles mûres couvertes de poils étoilés, généralement non épineuses ; fruit subglobuleux à ellipsoïde, de 2,5–12 cm de long. Les fruits sont consommés. C’est le groupe de cultivars le plus important, qui comprend des cultivars à fruits lisses appréciés en Afrique de l’Ouest et de l’Est et des cultivars à fruits plus ou moins fortement côtelés. Selon les régions, la préférence va à des cultivars à fruits blanc pur, blanc ivoire, vert pâle, vert foncé, bruns ou violets, ou bien des cultivars à fruits zébrés de deux couleurs ou plus. Les cultivars du Groupe Gilo sont cultivés dans toute l’Afrique tropicale dans les régions humides.
– Groupe Kumba. Feuilles mûres glabres hormis de minuscules poils glandulaires, non épineuses ; fruit déprimé globuleux, profondément sillonné, fréquemment multiloculaire, de 5–10(–15) cm de large. Les fruits sont consommés, comme le sont parfois les feuilles. Localement on utilise les mêmes plantes pour leurs fruits et leurs feuilles, alors que d’autres cultivars sont seulement utilisés comme légume-feuilles. Les cultivars du Groupe Kumba sont principalement présents dans les régions chaudes et semi-arides du Sahel. On les appelle fréquemment “djakattou”, “djakhattou”, ou “jakhatou” dans les pays francophones, mais ces noms peuvent également désigner des cultivars du Groupe Gilo.
– Groupe Shum. Feuilles mûres glabres hormis de minuscules poils glandulaires, non épineuses ; fruit subglobuleux, de 1–3 cm de diamètre. C’est surtout un légume-feuilles mais parfois les fruits mûrs sont également consommés. Il est très répandu en Afrique centrale, apprécié au Cameroun, au Nigeria et encore davantage en Ouganda où on l’appelle “nakati”. On le rencontre principalement dans des régions chaudes à fortes précipitations ou en culture irriguée.
– Groupe Aculeatum. Tiges et feuilles épineuses, feuilles mûres couvertes de poils étoilés ; fruit subglobuleux, sillonné, de 3–8 cm de diamètre. Il n’est pas consommé, et la plante est principalement cultivée comme ornementale ou comme porte-greffe pour la tomate ou l’aubergine, mais elle n’est pas cultivée en Afrique.
Il existe des formes intermédiaires entre les trois groupes de cultivars africains ou entre Solanum aethiopicum et son ancêtre sauvage Solanum anguivi. Des formes qui n’entrent dans aucun des groupes de cultivars existent dans les régions humides du sud-ouest du Congo et du nord de l’Angola. Elles sont arbustives et donnent des fruits doux de la taille de ceux du Groupe Gilo mais creux à l’intérieur ; leurs feuilles sont consommées. Il faut mener des études plus approfondies pour ces cultivars.
Les plantes de ces quatre groupes de cultivars peuvent se croiser entre elles ainsi qu’avec Solanum anguivi et Solanum distichum et produire des hybrides totalement fertiles, l’ensemble pouvant de ce fait être considéré comme une seule espèce biologique. L’espèce non épineuse et semi-domestiquée Solanum distichum peut aussi être traitée comme un groupe de cultivars de son progéniteur sauvage épineux Solanum anguivi.
Croissance et développement
La germination est épigée, après quoi les cotylédons s’étalent et les premières vraies feuilles forment une rosette. La taille des nouvelles feuilles s’accroît rapidement et la floraison débute (40–)70–100 jours après le semis. Lorsque les premières fleurs sont initiées, la plante produit des rameaux munis de feuilles plus petites. La plupart des cultivars du Groupe Kumba présents dans les zones de savane chaudes et sèches ont un cycle de croissance court et fleurissent plus tôt. Contrairement à Solanum melongena, toutes les fleurs sont fonctionnellement bisexuées et peuvent donner des fruits. Elles sont pollinisées par les abeilles, principalement par les genres Exomalopsis et Apis. La croissance et la floraison peuvent se poursuivre indéfiniment, mais sont arrêtées dès que suffisamment de fruits ont été formés. Les petits fruits du Groupe Shum mûrissent rapidement et deviennent rouges ; ils sont consommés par les oiseaux qui dispersent les graines. Les fruits beaucoup plus gros du Groupe Gilo et du Groupe Kumba mûrissent plus lentement et restent fermes même lorsqu’ils sont rouges ou jaunes ; ils peuvent être entreposés pendant des semaines ou même des mois. Pendant la saison sèche, les plantes peuvent entrer en dormance et sembler mortes, mais elles peuvent se ranimer lors de la saison des pluies suivante, quoiqu’elles ne soient pas alors très productives.
Ecologie
Solanum aethiopicum Groupe Gilo pousse bien en plein soleil dans la savane boisée sur des sols relativement profonds et bien drainés avec un pH de 5,5–6,8 et lorsque les températures sont de 25–35°C le jour et de 20–27°C la nuit. Le Groupe Kumba pousse dans des climats plus chauds (jusqu’à 45°C le jour) avec une humidité de l’air qui peut parfois descendre à 20%, en particulier en conditions irriguées. Le Groupe Shum vient bien en climat chaud et humide. Il perd ses feuilles lorsqu’il commence à faire sec. En Ouganda, il est cultivé dans des marais pendant la saison sèche. Aucun de ces groupes de cultivars ne survit à des conditions froides ou très humides. Les sols gorgés d’eau ne sont pas tolérés. Une certaine tolérance à la salinité provoquée par l’irrigation a été signalée au Sénégal.
Multiplication et plantation
Les graines doivent être prélevées sur des fruits entièrement mûrs, lavées, puis séchées sur du tissu ou du papier. Elles ne doivent pas être directement exposées aux rayons du soleil. Les graines entreposées dans un endroit sec et frais restent viables pendant des années. Les graines se conservent également bien à l’intérieur de fruits séchés à l’air libre, ce qui est la manière traditionnelle de stocker les graines chez les paysans. Le poids de 1000 graines est d’environ 2–4 g. La germination dure 5–9 jours chez le Groupe Gilo et le Groupe Shum, mais seulement 3–5 jours chez le Groupe Kumba ; dans ce dernier groupe, il arrive néanmoins que les graines soient dormantes, et le fruit contient souvent moins de graines. Les graines sont semées en sol sableux sur des planches de pépinière ou dans des bacs. Les plants sont repiqués au champ après 30–35 jours, lorsqu’ils ont 5–7 feuilles et font 15–20 cm de haut. Les plantes du Groupe Kumba cultivées dans les zones de savane sèches sont souvent plantées à un écartement de 1 m × 1 m, alors que celles du Groupe Gilo peuvent être espacées de 50–100 cm sur la ligne et de 75–100 cm entre les lignes, selon le cultivar. Elles peuvent être cultivées sur terrain plat ou sur billons. La culture du Groupe Shum est un peu différente. Les cultivars de ce dernier groupe sont cultivés pour leurs jeunes pousses, récoltées fréquemment, et on peut alors espacer les plantes de 20–30 cm sur la ligne et de 60–75 cm entre les lignes. Une alternative est de semer les graines du Groupe Shum à la volée, et d’utiliser comme première récolte les plantes arrachées lors de l’éclaircissage. Les graines sont parfois semées à la volée en même temps que les amarantes (Amaranthus spp.) et le caya blanc (Cleome gynandra L.) ; les plantes de ces deux espèces sont alors récoltées tôt par arrachage et celles de Solanum aethiopicum Groupe Shum restent en place.
Gestion
La préparation manuelle du sol et le désherbage manuel suffisent, mais la production à grande échelle au Sénégal nécessite une préparation mécanisée du sol. Les plantes ne nécessitent aucun tuteurage. Si c’est possible, une dose de 150 kg/ha d’engrais NPK 15–15–15 ou 10–10–20 peut être appliquée 10 jours après le repiquage et une dose de 50 kg/ha lors de la première floraison, suivie d’une application chaque mois. Des engrais liquides peuvent être fournis par irrigation goutte à goutte. On peut appliquer du fumier de ferme ou de volaille à la dose de 10–20 t/ha. Les plantes cultivées comme légume-feuilles (groupes Kumba et Shum) ont besoin d’un supplément d’azote par épandage de surface à la dose de 50 kg/ha de NPK 15–15–15 toutes les deux semaines. Lors de la saison sèche, la culture a besoin d’environ 5 mm d’eau par jour ; un arrosage deux fois par semaine suffit. Les plantes du Groupe Shum en particulier ont besoin d’un apport d’eau régulier. La période de croissance du Groupe Gilo et du Groupe Kumba est allongée lorsqu’on irrigue pendant les périodes de sécheresse et vers la fin de la saison des pluies. Par ailleurs, la qualité des fruits peut être largement améliorée en conservant une bonne humidité du sol.
Maladies et ravageurs
Solanum aethiopicum est sensible à plusieurs maladies et ravageurs, mais beaucoup moins que l’aubergine. Les maladies les plus graves transmises par le sol sont le flétrissement provoqué par Ralstonia solanacearum, la pourriture sèche du collet et le flétrissement causé par Sclerotium rolfsii et Verticillium dahliae, ainsi que les nématodes à galles (Meloidogyne spp.). On peut lutter contre les maladies et ravageurs transmis par le sol en pratiquant une rotation des cultures, par ex. avec des céréales ou d’autres plantes féculentes ou avec l’amarante, l’arachide ou l’oignon, un bon drainage et une bonne structure du sol. Les nématodes à galles posent surtout des problèmes dans les zones où l’on cultive des légumes toute l’année et si l’on ne se préoccupe pas des rotations, la production des fruits de l’aubergine africaine, des tomates et des piments peut ne pas s’avérer rentable. Une maladie grave, par ex. en Côte d’Ivoire, est Stemphylium floridanum ; elle provoque de petites taches foliaires brunes et anguleuses qui entraînent une défoliation dévastatrice. En Tanzanie, le virus de la mosaïque des nervures du piment (ChiVMV) disséminé par le puceron vert du pêcher (Myzus persicae) a causé des dégâts considérables. Des acariens (Hemitarsonemus et Tetranychus) posent un problème grave dans les régions sèches ; on peut les combattre au moyen d’acaricides. Parmi les autres ravageurs importants, on trouve des criquets (Zonocerus sp.), des foreurs des fruits et des fleurs (Leucinodes et Scrobipalpa), une cicadelle (Jacobiasca lybica) et des chenilles (Selepa docilis). En Ouganda, les feuilles du Groupe Shum sont parfois consommées par les singes.
Récolte
Les fruits sont récoltés lorsqu’ils atteignent leur taille complète mais sont encore immatures ; certains cultivars doux sont récoltés lorsque la coloration des fruits vire à l’orange mais à un stade où les graines sont encore immatures et molles. On récolte les fruits une fois par semaine. Il est important de poursuivre la récolte des fruits même lorsque le marché stagne. Les fruits laissés sur la plante verraient leur couleur passer du blanc pur au blanc crème ou au jaune pâle, se rempliraient de graines, et deviendraient moins appétissants. Ils empêcheraient également le développement de nouveaux fruits. Les feuilles du Groupe Kumba sont récoltées sur de jeunes plantes avant la floraison. Les pousses avec plusieurs feuilles et boutons floraux du Groupe Shum sont récoltées en continu pendant toute la saison humide. Fréquemment pour le Groupe Shum et moins souvent pour le Groupe Kumba, on pratique une culture de repousses, qui consiste à récolter les pousses principales, ce qui permet à de nouvelles pousses de se développer. Ce procédé peut être renouvelé jusqu’à six fois, aussi longtemps qu’on irrigue convenablement et qu’on applique de l’azote en surface. Autrement, les plantes du Groupe Shum sont arrachées lorsqu’elles font 40–50 cm de haut et que les premières fleurs s’ouvrent. Elles sont commercialisées sous forme de jeunes plantes avec leurs racines attachées. Les cultures irriguées peuvent être récoltées toute l’année.
Rendement
Le poids idéal pour les fruits des groupes Gilo et Kumba est de 30–40 g. Une plante peut produire de 500 g à environ 8 kg de fruits, selon le cultivar et les conditions de culture. Sans irrigation, les rendements sont de 5–8 t/ha, et avec irrigation de 12–20 t/ha. Des cultivars améliorés cultivés dans des conditions favorables peuvent donner 50–80 t/ha. Des cultivars améliorés de “jiló” au Brésil donnent 20–30 t de fruits commercialisables. Les fruits du Groupe Kumba ont des poids moyens de 70–120 g, parfois même de plus de 200 g ; le rendement est de 10–20 t/ha. Les paysans qui cultivent des cultivars du Groupe Shum peuvent obtenir jusqu’à 75 bottes de feuilles de 30 kg chacune par 100 m2 avec une culture bien conduite. Ceci correspond à un rendement potentiel de 225 t/ha. Le rendement moyen en feuilles pendant la saison sèche pour une récolte en un passage n’est toutefois que de 30 t/ha.
Traitement après récolte
Les fruits exempts de pourriture et non abîmés peuvent être transportés sur de longues distances et entreposés pendant plusieurs jours ou même des semaines dans des conditions bien ventilées. Si les fruits sont de bonne qualité, le calibrage n’est pas nécessaire ; les femmes au marché mélangent souvent différents lots de fruits pour les disposer de façon attrayante. Pendant les périodes de pénurie, les petits fruits obtiennent des prix supérieurs sur le marché car il y en a plus par unité de poids, alors que pendant les périodes de surproduction, on apprécie des fruits plus gros. Les mélanges de petits et de gros fruits sont courants, mais pas les mélanges de fruits de couleurs différentes. Cependant, les fruits destinés à l’export sont triés et calibrés après avoir été collectés sur les marchés locaux, puis entreposés en chambre froide. Les fruits et les feuilles ne sont habituellement pas transformés ou conservés pendant longtemps. Les feuilles fraîches sont immédiatement emportées au marché. Les racines des jeunes plantes arrachées du Groupe Shum sont lavées et laissées sur la plante, ce qui permet de garder le produit frais au marché en le mettant dans l’eau. Les pousses doivent être récoltées de préférence en début de matinée ou tard dans l’après-midi. Le produit doit être sec pendant le transport et plongé dans l’eau froide dès son arrivée sur le marché afin de réabsorber suffisamment d’humidité pour maintenir son apparence de fraîcheur. Les feuilles peuvent être séchées au soleil et broyées en poudre afin de les utiliser pour faire des soupes hors-saison. Les fruits mûrs du Groupe Shum sont récoltés et séchés de manière similaire à ceux de Solanum anguivi. Les fruits sont séchés puis broyés en poudre pour être utilisés comme médicament contre l’hypertension artérielle.
Ressources génétiques
Dans toute l’Afrique, les petits paysans entretiennent une grande diversité génétique. Peu de travaux ont toutefois été menés sur la caractérisation des ressources génétiques de Solanum aethiopicum et des espèces voisines, en particulier pour la résistance aux maladies et aux ravageurs. La commercialisation à grande échelle de quelques cultivars, tels que ‘Sodefel’ (Groupe Gilo) en Côte d’Ivoire et ‘Soxna’ (Groupe Kumba) au Sénégal, souvent en monoculture, a provoqué la disparition de quelques cultivars locaux, mais on peut encore trouver de nombreuses variétés paysannes sur tout le continent africain. La variation au sein du Groupe Kumba est moins grande que dans le Groupe Gilo, probablement à cause d’un niveau moindre d’allogamie chez Kumba. De grandes collections de ressources génétiques ont été mises en place sous l’égide de l’Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI) en 1981–1986. En 2001, on a entrepris de régénérer et évaluer les collections au sein du projet EGGNET, un projet international de gestion des ressources génétiques de l’aubergine. Une riche collection de ressources génétiques est conservée à l’INRA à Montfavet (France). Une collection est conservée à l’AVRDC à Arusha (Tanzanie), et des sélectionneurs au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Sénégal et ailleurs en Afrique conservent également quelques entrées.
Sélection
Bien que les petits paysans aient sélectionné de nombreux cultivars différents de Solanum aethiopicum et que des collections de ressources génétiques existent, il y a eu peu d’amélioration génétique. Parmi les critères de sélection, on trouve la préférence des consommateurs pour la taille, la couleur et la saveur (douce ou amère) des fruits, la résistance de la peau aux chocs, la durée de conservation, le potentiel de rendement, la résistance aux maladies, la précocité et la durée de la saison de récolte, l’architecture de la plante et l’emplacement des fruits, et pour le Groupe Shum la facilité de récolte des feuilles. Au Sénégal, on a sélectionné des cultivars très velus du Groupe Kumba qui sont résistants aux acariens. Il y a un besoin urgent de résistances aux nématodes et aux insectes, tels que les foreurs des fleurs. On recherche la tolérance ou la résistance à divers ravageurs et maladies parmi les cousins sauvages de Solanum aethiopicum, ainsi que Solanum melongena en particulier. Des croisements entre ces deux espèces et d’autres espèces ont produit de nombreux hybrides, dont certains sont fertiles. Au Brésil, les croisements de cultivars locaux du Groupe Gilo avec Solanum melongena ont mieux réussi lorsque ce dernier était utilisé comme parent femelle ; la F1 était auto-stérile mais pouvait être croisée en retour avec des plantes du Groupe Gilo. En vue de l’amélioration génétique, les fleurs doivent être ensachées pour éviter la pollinisation croisée, et castrées pour éviter l’autofécondation. Des marqueurs moléculaires ont révélé relativement peu de diversité au sein de Solanum aethiopicum ou de ses progéniteurs immédiats, bien que sa diversité morphologique et sa descendance aient été étudiées de façon approfondie ; les caractères de type sauvage tels que les aiguillons, les poils et les longues cymes racémiformes sont souvent dominants. Le Crops Research Institute au Ghana, en association avec le Natural Resources Institute (Royaume-Uni), a sélectionné ‘Dwomo’, dont les fruits ont la forme et la taille d’un œuf. ‘Dwomo’ a été croisé avec Solanum anguivi et quelques cultivars prometteurs à haut rendement ont été sélectionnés. La société semencière Technisem au Sénégal commercialise des cultivars améliorés d’aubergine africaine. Trois cultivars appréciés du Groupe Kumba sont ‘Ndrowa’ (fruits aplatis, côtelés, vert-jaune de 70–80 g, de 5 cm de diamètre, au goût doux ; plante haute de 60–100 cm, récoltable 50–70 jours après plantation pendant 3–4 mois, à rendement potentiel de 25 t/ha, résistante aux acariens), ‘Ngalam’ (fruits aplatis fortement côtelés, vert pâle à blancs, de 120–180 g, de 7 cm de diamètre, au goût légèrement amer ; plante haute de 60 cm, récoltable 50–60 jours après plantation pendant 6 semaines, à rendement potentiel de 10 fruits par plante, résistante aux acariens), et ‘Jaxatu Soxna’ (fruits aplatis côtelés, vert pâle à blancs, de 40–50 g, de 5–6 cm de diamètre, au goût amer ; plante haute de 50 cm, récoltable 40–60 jours après plantation pendant 6 semaines, à rendement de 20–25 fruits par plante ou 30 t/ha, ou utilisée comme légume-feuilles, résistante aux acariens, à la sécheresse, à de fortes précipitations et à des températures élevées). Au Japon, ‘Iizuka’ du Groupe Aculeatum a été sélectionné comme porte-greffe pour la tomate et l’aubergine en culture sous abri à cause de sa résistance au flétrissement.
Perspectives
Les trois groupes de cultivars Gilo, Kumba et Shum sont des légumes importants en Afrique tropicale. Comme les fruits peuvent être aisément stockés et transportés, ce sont des produits de plus en plus importants pour les marchés urbains. Jusqu’ici, Solanum aethiopicum a été plutôt négligé par la recherche et la sélection, sauf dans les programmes de sélection de Solanum melongena. En portant plus d’attention à l’amélioration génétique, à l’agronomie et à la protection des cultures (lutte intégrée) par des efforts conjoints entre les secteurs public et privé, son potentiel comme légume commercial peut encore être développé. Il faut des cultivars pour les différentes zones écologiques et pour répondre aux préférences des consommateurs en matière de saveur, de degré d’amertume, et des cultivars résistants, par ex. à Stemphylium. Le succès des cultivars améliorés a augmenté le risque d’érosion génétique chez les cultivars locaux, ce qui rend urgente la nécessité de prospecter les ressources génétiques.
Références principales
- Bukenya-Ziraba, R. & Carasco, J.F., 1999. Ethnobotanical aspects of Solanum L. (Solanaceae) in Uganda. In: Nee, M., Symon, D.E., Lester, R.N. & Jessop, J.P. (Editors). Solanaceae 4: Advances in biology and utilization. Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, United Kingdom. pp. 345–360.
- Burkill, H.M., 2000. The useful plants of West Tropical Africa. 2nd Edition. Volume 5, Families S–Z, Addenda. Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, United Kingdom. 686 pp.
- Collonier, C., Karden M., Fock, I., Ika, M., Servaes, A., Vedel, F., Siljak-Yakovlev, S., Vongthip Souvannavong, Ducreux, G. & Darasinh Sihachakr, 2001. Source of resistance against Ralstonia solanacearum in fertile somatic hybrids of eggplant (Solanum melongena L.) with Solanum aethiopicum L. Plant Science 160: 301–313.
- Daunay, M.C., Lester, R.N. & Ano, G., 1997. Les aubergines cultivées. In: Charrier, A., Jacquot, M., Hamon, S. & Nicolas, D. (Editors). L’amélioration des plantes tropicales. Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) & Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM), Montpellier, France. pp. 83–107.
- de Bon, H., 1984. Description et culture d’une solanacée légumière de l’Ouest africain: le djakattou (Solanum aethiopicum L.). L’Agronomie Tropicale 39: 67–75.
- Lester, R.N., 1986. Taxonomy of scarlet eggplants, Solanum aethiopicum L. Acta Horticulturae 182: 125–132.
- Lester, R.N. & Niakan, L., 1986. Origin and domestication of the Scarlet Eggplant, Solanum aethiopicum L., from S. anguivi Lam. In: D’Arcy, W.G. (Editor). Solanaceae: biology and systematics. Columbia University Press, New York, United States. pp. 433–456.
- Lester, R.N. & Thitai, G.N.W., 1988. Inheritance in Solanum aethiopicum, the scarlet eggplant. Euphytica 40: 67–74.
- Schippers, R.R., 2000. African indigenous vegetables. An overview of the cultivated species. Natural Resources Institute/ACP-EU Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation, Chatham, United Kingdom. 214 pp.
- Stevels, J.M.C., 1990. Légumes traditionnels du Cameroun: une étude agrobotanique. Wageningen Agricultural University Papers 90–1. Wageningen Agricultural University, Wageningen, Netherlands. 262 pp.
Autres références
- Ano, G., Hébert, Y., Prior, P. & Messiaen, C.-M., 1991. A new source of resistance to bacterial wilt of eggplants obtained from a cross Solanum aethiopicum L. × Solanum melongena L. Agronomie 11(7): 555–560.
- Daunay, M.C., Dalmon, A. & Lester, R.N., 1999. Management of a collection of Solanum species for eggplant (Solanum melongena L.) breeding purposes. In: Nee, M., Symon, D.E., Lester, R.N. & Jessop, J.P. (Editors). Solanaceae 4: Advances in biology and utilization. Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, United Kingdom. pp. 369–383.
- Daunay, M.C., Lester, R.N. & Laterrot, H., 1991. The use of wild species for the genetic improvement of brinjal eggplant (Solanum melongena) and tomato (Lycopersicon esculentum). In: Hawkes, J.G., Lester, R.N., Nee, M. & Estrada, R.N. (Editors). Solanaceae 3: Taxonomy, chemistry, evolution. Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, United Kingdom. pp. 389–412.
- Déclert, C., 1990. Manuel de phytopathologie maraîchère tropicale: cultures de Côte d’Ivoire. Editions de l'ORSTOM, Paris, France. 333 pp.
- Diomande, M., 1990. Lutte intégrée contre les ravageurs des légumes en Côte d’Ivoire. Séminaire régionale sur le développement et l’application de la lutte intégrée en Afrique. 27 pp.
- Gbile, Z.O., 1979. Solanum in Nigeria. In: Hawkes, J.G., Lester, R.N. & Skelding, A.D. (Editors). The biology and taxonomy of the Solanaceae. Academic Press, London, United Kingdom. pp. 113–120.
- Grubben, G.J.H., 1977. Tropical vegetables and their genetic resources. IBPGR, Rome, Italy. 197 pp.
- Hébert, Y., 1985. Résistance comparée de 9 espèces du genre Solanum au flétrissement bactérien (Pseudomonas solanacearum) et au nématode Meloidogyne incognita. Intérêt pour l’amélioration de l’aubergine (Solanum melongena L.) en zone tropicale humide. Agronomie 5(1): 27–32.
- Hepper, F.N. & Jaeger, P.M.L., 1985. The typification of six Linnaean names in Solanum. Kew Bulletin 40: 387–391.
- Jaeger, P.M.L. & Hepper, F.N., 1986. A review of the genus Solanum in Africa. In: D’Arcy, W.G. (Editor). Solanaceae: biology and systematics. Columbia University Press, New York, United States. pp. 41–55.
- Lester, R.N., Hakiza, J.J.H., Stavropoulos, N. & Teixiera, M.M., 1986. Variation patterns in the African Scarlet Eggplant, Solanum aethiopicum L. In: Styles, B. (Editor). Infraspecific classification of wild and cultivated plants. Oxford University Press, Oxford, United Kingdom. pp. 283–307.
- Lester, R.N., Jaeger, P.M.L., Bleijendaal-Spierings, B.H.M., Bleijendaal, H.P.O. & Holloway, H.L.O., 1990. African eggplants - a review of collecting in West Africa. Plant Genetic Resources Newsletter 81/82: 17–26.
- Leung, W.-T.W., Busson, F. & Jardin, C., 1968. Food composition table for use in Africa. FAO, Rome, Italy. 306 pp.
- Olympio, N. & Schippers, R.R., 1995. Eggplant and garden egg production: a joint NRI and UST publication for the Integrated Food Crops Systems Project in Ghana. Natural Resources Institute, Chatham, United Kingdom.
- Omidiji, M.O., 1979. Crossability relationships between some species of Solanum, Lycopersicon and Capsicum cultivated in Nigeria. In: Hawkes, J.G., Lester, R.N. & Skelding, A.D. (Editors). The biology and taxonomy of the Solanaceae. Academic Press, London, United Kingdom. pp. 599–604.
- Omidiji, M.O., 1983. Evaluation of some F1 hybrids and cultivars of Solanum gilo in south western Nigeria. Acta Horticulturae 123: 91–98.
- Seck, A., 1997. Developing new varieties of indigenous vegetables. In: Schippers, R.R. & Budd, L. (Editors). Proceedings of a workshop on African indigenous vegetables, Limbe, Cameroon, 13–18 January, 1997. Natural Resources Institute, Chatham, United Kingdom. pp. 76–80.
- Seck, A., 2000. Breeding procedures and results on indigenous vegetables: examples of African eggplant Solanum aethiopicum and okra Abelmoschus spp. Acta Horticulturae 522: 195–204.
- Technisem, 2003. Seed catalogue. Technisem, Savigny-sur-Orge, France. 50 pp.
- van Epenhuijsen, C.W., 1974. Growing native vegetables in Nigeria. FAO, Rome, Italy. 113 pp.
- Watanabe, A., Toshima, H., Nagase, H., Nagaoka, T. & Yoshihara, T., 2001. Structural confirmation of 15-norlubiminol and 15-norepilubiminol, isolated from Solanum aethiopicum by chemical conversion from lubimin and epilubimin, and their antifungal activity. Bioscience, Biotechnology and Biochemistry 65(8): 1805–1811.
Sources de l'illustration
- Stevels, J.M.C., 1990. Légumes traditionnels du Cameroun: une étude agrobotanique. Wageningen Agricultural University Papers 90–1. Wageningen Agricultural University, Wageningen, Netherlands. 262 pp.
Auteur(s)
- R.N. Lester
Birmingham University Botanic Gardens, Winterbourne, 58 Edgbaston Park Road, Birmingham B15 2RT, United Kingdom
- A. Seck
Horticonsult, B.P. 26130, P. Assainies, Dakar, Senegal
Consulté le 23 décembre 2024.
- Voir cette page sur la base de données Prota4U.