Épine-vinette (Cazin 1868)
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Nom accepté : Berberis vulgaris
Berberis dumitorum. Bauh., T. — Spina acida, sive oxyacantha. Dod.
Berberis, — vinettier.
BERBÉRIDACÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE.
Cet arbuste, remarquable par la faculté contractile de ses étamines[1], croît partout, le long des bois, dans les haies, au voisinage des fermes. Les feuilles sont broutées par les vaches, les chèvres, les moutons.
Description. — Racine ligneuse, jaune, rampante, rameuse. — Tiges un peu pliantes, jaunâtres, hautes d'environ 2 mètres et même plus, produisant des rameaux diffus, recouverts d'une écorce glabre, de couleur cendrée et armés à leur base de une à trois épines très-aiguës. — Feuilles pétiolées, ovales, obtuses au sommet, réunies par paquets alternes, dentées en scie à leur contour. — Fleurs d'un jaune pâle, disposées à 1'aisselle des feuilles en grappes pendantes, simples et allongées, accompagnées d'une petite bractée (mai-juin).— Calice d'un vert jaunâtre à six sépales caducs, présentant le plus souvent un petit calicule formé de trois petites bractées. — Corolle composée desix pétales jaunes arrondis. — Six étamines opposées aux pétales, munies d'anthères bivalves s'ouvrant de la base au sommet. — Ovaire simple, cylindrique, uniloculaire. —
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- ↑ Les fleurs de berbéris présentent un phénomène curieux. Les étamines sont douées d'une irritabilité telle qu'au plus léger attouchement elles se contractent et se portent aussitôt vers le pistil, où elles demeurent fixées pendant un certain temps, comme pour le garantir de toute atteinte extérieure.
Autre singularité : On regardait comme un préjugé l'opinion généralement répandue que les émanations de la fleur de l'épine-vinette font naître la rouille et même la carie sur les céréales. Mais Yvart, dans un mémoire lu à l'Académie des sciences en 1815, a prouvé, par une suite de recherches et de nombreuses expériences, que cette opinion était fondée. Les expériences d'Yvart ont été vérifiées par Bosc, Sageret et Vilmorin, qui ont reconnu que les froments, les seigles et les avoines voisins d'un pied d'épine-vinette étaient infectés de rouille.
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Stigmate large, sessile, persistant. — Fruit: baie ovoïde, verte d'abord, puis d'un beau rouge, à sa maturité offrant un petit point noirâtre au sommet, renfermant daus une seule loge deux graines ressemblant à des pépins.
Parties usitées. — L'écorce, les racines, les feuilles, les fruits.
Culture et récolte. — Cet arbrisseau prospère dans presque tous les terrains. On le multiplie de boutures, de marcottes, de bourgeons enracinés, et de graines qui ne poussent ordinairement que la seconde année. On récolte les fruits à la fin de l'été pour les conserver entiers ; ils ne perdent en se desséchant ni leur volume ni leur saveur.
Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — L'écorce de la racine de berbéris est très-amère. Elle contient deux principes également amers, cristallisables, dont on a proposé l'emploi en médecine : la berberine et l’oxyacanthine. Les baies contiennent de l'acide malique et de l'acide citrique. Elles ont la saveur et les avantages réunis de la groseille et du limon. On en prépare un rob, un sirop, une gelée. On confit, pour l'usage de la table, des grappes d'épine-vinette dans le sucre. Les fruits encore verts remplacent les câpres. Les baies fermentées avec de l'eau miellée fournissent un hydromel aigrelet et fort agréable.
La racine et les tiges sont employées pour teindre en jaune la laine, le coton et le fil, pour colorer les ouvrages de menuiserie. En Pologne, on se sert de son écorce pour la teinture des cuirs, qu'elle rend d'un beau jaune. Le suc des baies, mêlé avec l'alun, donne une couleur d'un rouge éclatant.
[La berberine a été découverte par Buchner et Herberger ; Fleetmann a constaté ses propriétés alcalines, elle se dépose de sa solution aqueuse sous la forme d'aiguilles jaunes déliées, elle ramène au bleu le tournesol rougi par un acide, forme avec les acides des sels cristallisables ; elle fond à 120°, sa formule = C42 H18 Az O9.
L’oxyacanthine a été découverte par Polex ; elle a une saveur acre et amère, elle est peu soluble dans l'eau froide, plus soluble dans l'eau bouillante, soluble dans l'alcool et l'éther; elle forme des sels incristallisables.]
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Sirop (2 de suc des fruits sur 5 de sucre), 30 à 150 gr., en potion et pour édulcorer les boissons. |
Toutes les parties de l'épine-vinette sont utiles. La seconde écorce de la tige, ou mieux de la racine, est amère, tonique et légèrement purgative. Gilibert la regarde comme un bon fondant indiqué dans les embarras du foie et de la rate. Je l'ai mise en usage avec succès dans les hydropisies. Je me sers de la formule suivante : seconde écorce de berbéris, 4 gr. ; eau froide, trois verres ; faites cuire jusqu'à ce que l'eau soit bouillante, retirez alors de dessus le feu ; ajoutez du sucre et laissez refroidir l'infusion ; pour une dose à prendre en trois fois chaque jour le matin. Quelques praticiens ont recommandé la même écorce macérée dans du vin blanc, contre l'ictère, sans préciser l'indication de son emploi, comme si la coloration symptomatique de la peau, qui caractérise cette maladie, tenait toujours à une seule et même cause efficiente.
La décoction des feuilles de berbéris, avec addition d'un peu de miel, a été employée dans le scorbut et dans quelques espèces de dysenteries.
On emploie avec avantage la limonade faite avec le suc des baies de cet arbrisseau dans l'angine, les fièvres inflammatoires bilieuses et typhoïdes. Cette limonade, comme celle d'alléluia, est à la fois simple, agréable et économique ; elle est supérieure à celle que l'on prépare avec le citron. Prosper Alpin rapporte que les Egyptiens font un usage très-fréquent du fruit de berbéris dans les fièvres malignes et pestilentielles, les flux de ventre, etc. Ils jettent seulement une livre (500 gr.) dans un vase contenant trente litres d'eau ; ils ajoutent quelques graines de fenouil et un morceau de pain, et ils laissent macérer pendant une nuit et un jour ; ils passent cette infusion
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en l'exprimant, et ils en font boire abondamment au malade, en y mêlant beaucoup de sucre ou du sirop de limon. Eoque potu ego olim, dit Prosper Alpin, ibi pestifera febre corruptus, cum immoderata diarrhoea biliosa, bibentissime cum felice successu, Ægyptiorum medicorum consilio, sum usus[1]. Coste a vu aux Etats-Unis des soldats attaqués de dysenterie, arriver dans un cantonnement où l'épine-vinette abondait, être guéris de leur maladie après avoir mangé avec excès des fruits de cet arbrisseau.
Les fruits de berbéris, séchés pour l'hiver, conservent leurs qualités. Il serait à désirer que l'on cultivât cette plante partout où elle n'est pas assez abondante ; elle n'est sans doute si négligée que parce que le groseillier, plus productif, donne des produits analogues.
Buchner a constaté sur lui-même l'efficacité de la BERBÉRINE en pilules ou en poudre, à la dose de 25 à 50 centigr., dans un cas d'embarras gastrique causé par un trouble des fonctions du foie. A dose plus élevée, elle détermine ordinairement quelques évacuations alvines, sans toutefois agir comme drastique. En solution dans le vin de Malaga, elle forme un tonique dont quelques praticiens allemands ont obtenu de bons effets dans le traitement des fièvres adynamiques. Koch a confirmé les expériences de Buchner, et a en outre vanté particulièrement cette substance dans la convalescence du typhus, du choléra, etc. Ce médicament, préparé en grand, serait peu coûteux, et pourrait être employé avec avantage dans la médecine des pauvres.
L'amertume prononcée de l'oxyacanthine et ses propriétés organoleptiques, analogues à celles de la quinine, pourraient assigner à cette substance, de même qu'à la précédente, une place utile parmi les toniques amers indigènes.
(Ces deux principes ont été préconisés comme fébrifuges.)
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- ↑ Compendium de médecine pratique, art. Dysenterie