Reine des prés (Cazin 1868)

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Réglisse
Cazin, Traité des plantes médicinales, 1868
Renoncules
PLANCHE XXXIII : 1. Pyrole. 2. Quinte-feuille. 3. Raifort. 4. Raisin d'Amérique. 5. Reine des prés.


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Nom accepté : Filipendula ulmaria


REINE DES PRÉS. Spiræa ulmaria. L.

Barba capri floribus compactis. C. Bauh. — Ulmaria. J. Bauh., Clus. — Ulmaria vulgaris. Park. — Regina prati. Dod., Ger.

Ornière, — ormière, — spirée ornière, — spirée ulmaire, — ulmaire petite, — barbe de chèvre, — herbe aux abeilles, — pied de bouc, — vignette, — grande potentille.

ROSACÉES. — SPIRÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE PENTAGYNIE.


La reine des prés (Pl. XXXIII), plante vivace, orne par ses jolies fleurs nos bois, nos prés humides et le bord de nos ruisseaux.

Description. — Racine, souche assez grosse, noirâtre en dehors, garnie de fibres rougeâtres. — Tige droite, ferme, un peu rameuse, anguleuse, verte ou rougeâtre, d'environ l mètre de hauteur. — Feuilles grandes, alternes, à pétioles stipulés à la base, ailées, à folioles ovales, vertes en dessus, d'un blanc cendré en dessous. — Fleurs blanches, petites, nombreuses, disposées en panicule terminale (juin-juillet). — Calice pubescent à cinq lobes réfléchis. — Corolle à cinq pétales arrondis. — Étamines nombreuses, un peu plus longues que la corolle. — Cinq à huit carpelles glabres contournées en spirales. — Fruit : capsules oblongues, torses et comprimées, contenant de petites graines.

Parties usitées. — La racine, les feuilles et sommités, les fleurs.

Récolte. — (Les fleurs ou sommités fleuries doivent être cueillies avant leur complet épanouissement.) Les feuilles deviennent par la dessiccation d'un vert grisâtre, et ses fleurs, d'un blanc jaunâtre et d'une odeur plus faible, conservent pourtant leur arome.

[Culture. — L'ulmaire est peu cultivée pour l'usage médical. Elle exige un sol humide et des arrosements fréquents. On la propage de graines semées en place au printemps et à l'automne ; mais on peut également la multiplier de boutures, marcottes, rejetons ou éclats de pieds.]

Propriétés physiques et chimiques. — La racine et les feuilles sont inodores et d'une saveur légèrement styptique. Les fleurs ont une odeur aromatique agréable, pénétrante ; les feuilles et surtout la racine contiennent du tannin. — Les tiges fleuries fournissent à la teinture un jaune franc et solide (dû à la présence d'un principe colorant particulier, la spiréine). (Loewig et Weidmann.) — La bière, par l'infusion des fleurs, acquiert un goût agréable. — Les fleurs donnent, dit-on, à nos vins blancs le


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parfum des vins de l'Archipel, si l'on en croit quelques ouvrages d'histoire naturelle.

[Pagenstacher, pharmacien de Berne, a isolé de l'ulmaire une huile essentielle qui a été étudiée par Piria ; elle est formée de deux essences : l'une, acide, a été nommée acide salycileux = C14 H6 O4 ou C14 H5 O4 H, hydrure de salycile, acide spiroïleux ; elle est isomère avec l'acide benzoïque sublimé ; on l'obtient artificiellement en distillant la salicine avec le bichromate de potasse et l'acide sulfurique, d'après la réaction suivante :

C42 H29 O22 + O et — 11 HO = C42 H13 O12 = 3 C14 H6 O4.

C'est un liquide incolore, rougissant au contact de l'air, d'une odeur d'amandes amères, d'une saveur brûlante. Il tache la peau en jaune. Sa densité est plus grande que celle de l'eau. Il bout à 196 degrés ; il brûle avec une flamme fuligineuse ; il se solidifie à 20 degrés ; il colore en violet les persels de fer et forme avec les bases des salycilites.]

(Les boutons des fleurs d'ulmaire, d'après Buchner, ne contiennent encore que de la salicine et un corps analogue, qui, pendant le développement de la fleur, donne naissance à l'acide spiroïleux. Après la floraison, celui-ci disparaît peu à peu et n'existe qu'à l'état de trace au moment de la fructification.)

[La seconde huile contenue dans l'essence de reine des prés est un carbure d'hydrogène isomérique avec l'essence de térébenthine.]


PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES.


A L'INTÉRIEUR.—Infusion ou décoction, 10 à 30 gr. pour 1 kilogr. d'eau, par verrées.
Eau distillée : sommités fleuries et sèches bien conservées, 1,000 gr., eau froide, Q. S. pour baigner la plante. — Laisser macérer pendant quelques heures, et distillez pour obtenir 2,000 gr. de produit ; en potion comme calmant antispasmodique (Lepage).
Extrait : ulmaire sèche, feuilles, tiges et fleurs, en poudre grossière 1 part. ; alcool à 25°. 56 centésimaux, 6 à 7 part. — Faites macérer pendant six à huit jours à une température d'au moins 30 degrés, en agitant souvent, puis exprimez et filtrez ; distillez la liqueur au bain-marie pour retirer toute la partie spiritueuse, évaporez le résidu à la vapeur jusqu'à consistance d'extrait. (Lepage.)
Sirop : ulmaire, feuilles, tiges et fleurs, eau froide, Q. S. ; laissez macérer pendant quelques heures, et distillez pour obtenir 1,000 gr. d'hydrolat. — D'autre part, évaporez au bain-marie le décoctum de l'alambic jusqu'à ce qu'il soit réduit au poids de 600 gr. Filtrez-le pendant qu'il est chaud ; ajoutez-le ensuite à l'eau aromatique, et faites dissoudre en vase clos, à la chaleur du bain-marie,

dans les deux liqueurs réunies : sucre, 2 kilogr. 900 gr. Ce sirop renferme les principes d'un sixième de son poids d'ulmaire. — La reine des prés donnant sensiblement le quart de son poids d'extrait, on pourrait encore préparer le sirop d'ulmaire d'après la formule suivante : hydrolat d'ulmaire très-aromatique, 1 kilogr; extrait hydro-alcoolique, 130 gr. ; dissolvez l'extrait dans l'hydrolat ; filtrez et ajoutez : sucre, 1 kilogr. 900 gr. ; faites un sirop par simple solution, en vase clos, au bain-marie. (Lepage.)
Electuaire : poudre de reine des prés, 1 partie ; miel, 2 parties ; sirop d'ulmaire, Q. S. (environ 1 1/2).
Teinture : poudre grossière d'ulmaire, 1 partie ; alcool à 56° centésimaux, 4 parties. Faites macérer pendant quinze jours ; passez avec expression et filtrez.
(Salicylite de potasse ou de soude : Hannon a publié plusieurs formules. Nous reproduisons celle qui donne la préparation la moins altérable ; salicylite de potasse ou de soude, 2 gr. ; extrait de chiendent, Q. S. — Faites 120 pilules, 2 à 5 par jour. Le même chimiste a recommandé un sirop d'acide salicyleux peu employé.)


Les fleurs de l'ulmaire ont été considérées comme sudorifiques, anodines et résolutives. On les a comparées à celles du sureau sous le rapport des propriétés thérapeutiques ; mais elles ont un arôme plus agréable. Haller et Rockenstein les prescrivaient en infusion chaude pour faciliter l'éruption de la variole et de la rougeole, quand celle-ci se faisait trop attendre. On leur a aussi accordé une propriété cordiale et vulnéraire. La plante entière est astringente et tonique comme celle de la spirée filipendule. Gilibert vante la décoction de sa racine dans les fièvres malignes. Sa décoction vineuse était recommandée contre la diarrhée, la dysenterie, les crachements de sang ; l'extrait était employé à la dose de 4 gr. trois fois par jour, comme sudorifique : le soir, on l'associait avec 5 centigr. d'extrait d opium. La poudre de la racine se donnait, à la dose de 4 gr., contre les hémorrhoïdes non fluentes, et passait pour avoir procuré plusieurs guérisons après un long usage. La décoction aqueuse des mêmes racines était employée comme détersive pour les plaies et les ulcères.

La reine des prés avait cessé de figurer dans la matière médicale moderne


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et était même complètement oubliée, lorsque Obriot, curé de Trémilly (Haute-Marne), fit connaître les succès qu'il en avait obtenus dans le traitement des hydropisies. Teissier, médecin de l'Hôtel-Dieu, de Lyon, ayant eu connaissance de ces succès, se livra à des expériences qui lui démontrèrent que la spirée ulmaire jouit des propriétés diurétiques qui en rendent l'emploi fort utile dans les diverses hydropisies, et qu'en même temps elle jouit de propriétés astringentes et toniques. Il cite plusieurs variétés de cette maladie dans lesquelles la même plante a produit des résultats semblables. Il paraît que toutes les parties de la plante, la racine, la tige, les feuilles et les fleurs, sont douées des mêmes vertus ; cependant les fleurs lui ont semblé moins actives que les autres parties. La décoction ou l'infusion est le mode d'administration le plus simple et le meilleur.

Guitard[1] a retiré un grand avantage de la décoction d'ulmaire dans un cas d'ascite symptomatique d'une tumeur pylorique, chez un homme de quarante-cinq ans.

Je lis, dans le manuscrit d'un cours de matière médicale suivi à Paris en 1772, que rien n'est plus efficace que le suc exprimé et l'infusion de reine des prés, contre la cachexie qui suit les fièvres quartes automnales.

La décoction d'ulmaire m'a complètement réussi dans un cas d'anasarque, suite d'une métrorrhagie très-abondante, survenue après l'accouchement, et qui avait amené un état extrême de débilité. La diurèse produite par l'emploi de ce remède fut tellement abondante, que toute apparence d'infiltration disparut dans l'espace de dix jours.

(Hannon, de Bruxelles, s'est assuré que c'est à l'acide salicyleux que l'ulmaire doit ses qualités diurétiques. Cet acide et les salicilites de potasse, etc., ont une action antiphlogistique spéciale et des vertus sédatives propres, qui ne sont pas celles de la digitale. L'hyposthénisation obtenue n'est pas suivie d'excitation ni de fatigue. « Dans certains cas de variole confluente, dit T. Desmartis[2], précédée d'un état inflammatoire très-grand avec fièvre intense et délire, nous avons prescrit au début le salicylite de potasse à la dose de 25 centigr. qui a éteint dans l'espace de quelques heures cet état de surexcitation. Dans certaines affections inflammatoires de l'estomac, dans des cas de vomissements qu'on ne pouvait arrêter, dans certains accès cholériformes, le salicylite de potasse a produit des effets rapides et très-satisfaisants.)

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  1. Gazette médicale de Toulouse, 1853, p. 252.
  2. De l'ulmaire. Bordeaux, 1853, brochure in-8°.