Pensée (Cazin 1868)
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Nom accepté : Viola tricolor
Viola arvensis. C. Bauh. — Viola tricolor arvensis. Tourn., Decand. - Trinitatis herba. Fuchs. — Jacea altera. Cam.
Violette des champs, — petite jacée, — fleur de la Trinité, — herbe à clavelée.
VIOLACÉES. Fam. nat. — SYNGENÉSIE MONOGAMIE. L.
Cette plante annuelle est très-commune dans les champs sablonneux.
Description. — Racines fibreuses, chevelues. — Tiges rameuses, diffuses, étalées ou ascendantes, glabres, herbacées. — Feuilles radicales, pétiolées, ovales, cordées à leur nase ; les supérieures linéaires, dentées, sessiles, alternes. — Stipules divisées en lobes inégaux. — Fleurs jaunes, le plus souvent violacées, penchées sur de longs pédoncules axillaires (avril-octobre). — Calice à cinq sépales oblongs. — Corolle à cinq pétales inégaux ; l'inférieur prolongé en éperon. — Cinq étamines à filets très-courts, dont toutes les anthères conniventes, les deux inférieures à connectif prolongé à la base en un appendice charnu qui s'enfonce dans les cavités de l'éperon. — Ovaire globuleux, sessile. — Style coudé à la base, épaissi au sommet et termioé par un stigmate globuleux. — Fruit : capsule ovale-oblongue, uniloculaire, à trois valves, à une loge polysperme ; semences petites et blanches.
Parties usitées. — L'herbe entière et fleurie.
Récolte. — On la récolte pendant toute la belle saison. Étant succulente, elle se dessèche assez difficilement. Lorsqu'elle n'est pas séchée promptement à l'étuve, la végétation s'y continue, et si la floraison en est avancée, les fruits mûrissent, les capsules s'ouvrent et laissent échapper les graines en grande quantité. On doit rejeter la pensée devenue trop jaune par la dessiccation et celle dont les fleurs sont remplacées par des capsules. — Suivant Bodart, celle qui croît dans les environs de Mont-Tonnerre est la meilleure.
[Culture. — On peut propager les pensées par semis, par marcottes et par boutures ; mais celles-ci sont sujettes à fondre l'hiver. Il vaut mieux laisser grainer les belles variétés sur place et les piquer à l'automne, ou bien recueillir la graine à mesure qu'elle mûrit et la semer en août pour avoir une bonne floraison en avril. La pensée sauvage n'est cultivée que dans les jardins botaniques ; celle qui croît spontanément suffit aux besoins de la médecine.]
Propriétés physiques et chimiques. — La pensée sauvage a une odeur peu remarquable et une saveur un peu salée et amère ; en la mâchant, elle développe un principe mucilagineux. Bodart lui trouve à peu près le goût de la salsepareille. Elle contient de la gomme, de l'albumine végétale, un extrait sucré et ductile, de la violine.
A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction de la plante fraîche ou sèche, de 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau. |
Sirop (3 gr. sur 50 d'eau et 50 de sucre], de 15 à 60 gr., en potion. |
La pensée sauvage, légèrement diurétique, diaphorétique et laxative, est regardée comme dépurative. On s'en sert contre les dartres, les croûtes laiteuses, la teigne, les scrofules. D'après Bergius, l'infusion concentrée de la plante fraîche purge et fait quelquefois vomir. L'herbe sèche, dit-il, conserve encore sa propriété purgative ; mais il faut la donner à une dose plus forte. La racine a une propriété vomitive analogue à celle de la violette.
Matthiole, Fuschs et Bauhin la recommandent comme très-efficace dans les affections cutanées chroniques.
Jean-Philippe Boechler, de Strasbourg, et Strack, de Mayence, préconisèrent l'usage de la pensée sauvage, et constatèrent, par des expériences, ses effets avantageux dans les maladies cutanées. Strack[1] la donnait en poudre dans la croûte laiteuse, à la dose de 2 gr. dans du lait, ou en dé-
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- ↑ De crusta lactea infantium, ejusdem remedio dissertatio. Francfort-sur-Mein, 1779.
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coction matin et soir, ou bien dans la soupe au lait, qui n'en prend aucun mauvais goût. Au bout de quatre jours, le visage se couvre de croûtes épaisses, ce qui n'empêche pas de continuer cette boisson, même après leur chute, qui a lieu ordinairement après la seconde ou la troisième semaine, ainsi qu'une expérience de trente ans l'a prouvé à l'auteur que nous venons de citer. Cet auteur a remarqué, ainsi que je l'ai moi-même observé plusieurs fois, que les urines prennent, pendant l'usage de cette plante, une odeur fétide, analogue à celle de l'urine de chat.
Depuis, Haase, Metzer, Plouquet, Armstrong, Hahnemann, Thilenius, et presque tous les auteurs qui se sont occupés des dermatoses, se sont servis de la pensée sauvage dans les dartres, la teigne, la gale, dans plusieurs maladies lymphatiques, le rhumatisme chronique, la blennorrhagie, etc. Murray déclare avoir lui-même constaté l'efficacité de la pensée sauvage dans ces diverses affections. Hufeland recommande dans les dartres une forte décoction de pensée sauvage continuée pendant longtemps. En 1813, Fauverge la donna à une jeune fille, sujette à des accès nerveux qui étaient regardés comme produits par la suppression de croûtes laiteuses, et la guérison fut obtenue : Eum curaturum guem prima origo causæ non fefellerit (Cels.).
Schlegel porta la confiance dans la pensée sauvage jusqu'à la croire utile dans les affections syphilitiques, surtout contre les ulcères vénériens. Bodart a proposé de la substituer à la salsepareille. L'exagération compromet la meilleure cause. I1 faut se tenir dans les limites du vrai pour amener à la conviction.
On oppose à l'opinion des auteurs qui ont vanté cette plante celle de plusieurs praticiens qui prétendent n'en avoir retiré que de faibles avantages, ou qui la considèrent même comme dépourvue de toute propriété. Ainsi Chambon dit qu'il a eu souvent recours à son usage sans en obtenir le moindre avantage. Pariset, avec son atticisme exquis, tourne en ridicule, dans une de ses lettres écrites d'Orient, les médecins de Paris qui ordonnent gravement à leurs malades la viola tricolor ; mais on sait que la raillerie tient bien plus de l'abus de l'esprit que de la sévérité du jugement.
Je fais usage journellement de la pensée sauvage dans les croûtes de lait ; j'ai cru remarquer une grande amélioration dans cette maladie lorsque les enfants en ont usé pendant quinze à vingt jours. Je la fais macérer à la dose de 4 à 8 gr. dans 250 gr. d'eau chaude pendant la nuit ; je fais bouillir ensuite, et j'administre cette dose à jeun, coupée avec un quart de lait et édulcorée. De cette manière les enfants la prennent sans répugnance. Je mets souvent la pensée sauvage dans les tisanes dépuratives.
Hardy, médecin de l'hôpital Saint-Louis, ordonne comme adjuvant du traitement dé diverses affections cutanées la tisane de folioles de séné et de pensée sauvage.)
LA PENSÉE DES JARDINS (Viola tricolor, L.), souvent confondue avec la pensée sauvage, a, dit-on, les mêmes propriétés ; mais on lui préfère avec raison cette dernière.